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L'Attribut de Parole de Dieu (kalâmullâh)

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Tous ceux qui se réclament du Sunnisme affirment d'une part que Dieu a un Attribut qui est la Parole, et d'autre part que la Parole de Dieu est incréée.

Cependant, ensuite, au sein de l'ensemble des musulmans se réclamant du Sunnisme, une divergence apparaît quant à l'explication de cette croyance "La Parole de Dieu est incréée", entre ceux qui sont aujourd'hui nommés "Salafis (fi-l-'aqîda)" (cliquez ici) et ceux qui sont Ash'arites.

Le débat se cristallise sur deux points :
– qu'est-ce qu'une parole ("kalâm") : des idées ? les mots exprimant ces idées ? ou les deux ?
– peut-on dire ou non que Dieu parle par une Voix (bi Sawtin) ?

Par ailleurs, réapparaît ici la même question qui se pose à propos de toutes les sifât fi'liyya de Dieu... Dieu est de toute éternité (azalî), mais Ses Actions (af'âl) prennent place dans une création qui, est, elle créée (makhlûq) et se trouve à un moment donné (hâdith) ; c'est ce qui crée toute la problématique (cliquez ici). En effet, quand Dieu a révélé tel passage du Coran (par exemple les phrases innocentant Aïcha), ce passage a été révélé à un moment donné : avant cela le Prophète (sur lui soit la paix) n'avait pas reçu de révélation sur le sujet, puis il a reçu ces phrases de la part de Dieu. Dieu a-t-Il prononcé ces phrases à un moment donné, par Sa Voix, phrases que Gabriel a entendues et a été chargé de répéter au Prophète ? ou bien est-ce dans un lieu, à partir duquel Gabriel les a entendues, que Dieu a créé ces phrases exprimant exactement ce qu'Il veut dire ?

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A) "وَكَلَّمَ اللّهُ مُوسَى تَكْلِيمًا" : "Et Dieu a parlé à Moïse" (Coran 4/164). "فَلَمَّا أَتَاهَا نُودِي مِن شَاطِئِ الْوَادِي الْأَيْمَنِ فِي الْبُقْعَةِ الْمُبَارَكَةِ مِنَ الشَّجَرَةِ أَن يَا مُوسَى إِنِّي أَنَا اللَّهُ رَبُّ الْعَالَمِينَ" : "Lorsqu'il arriva à l'(arbre), il fut appelé du flanc droit de la vallée, dans le lieu béni, du (côté de) l'arbre : "O Moïse, Je suis Dieu, Seigneur des Mondes"" (Coran 28/30) :

– D'après certains commentateurs, Moïse (sur lui soit la paix) a entendu une voix que Dieu a créée, dans l'arbre, pour qu'elle exprime les mots exacts qu'Il a voulu lui dire.

– D'après d'autres, c'est la voix de Dieu même que Moïse a entendue ; mais Il l'a entendue "min jânib ish-shajara".

Al-Qurtubî a donné préférence à ce second avis (voir Tafsîr ul-Qurtubî, tome 6 p. 18, commentaire du verset 4/164 ; voir aussi tome 13 pp. 281-282).

Nous parlons ici de l'épisode où Dieu a parlé à Moïse après son départ de Madyan, lorsqu'Il lui a ordonné de se rendre auprès de Pharaon en Egypte (épisode mentionné en Coran 20/11-44, 28/29-35). Après l'Exode, Dieu lui a fixé un rendez-vous sur le Mont, et Il lui a alors aussi parlé (mentionné en Coran 7/143-144).

La wah'y que Dieu met dans le cœur d'un humain ou que Dieu communique à un humain par l'intermédiaire d'un ange-messager constitue bien "une parole divine", comme le prouve le verset : "Un être humain n'en était pas à ce que Dieu lui parle ; excepté par wah'y [faite dans le cœur de cet humain], ou derrière un voile, ou bien [par le fait qu']Il envoie un messager [ange] qui révèle par Sa permission ce qu'Il veut [à cet humain]" (Coran 42/51) (cliquez ici).
Parallèlement, la parole de Dieu qu'un prophète n'a pas reçue de Dieu dans son cœur et n'a pas non plus reçue de l'ange chargé de la lui retransmettre de la part de Dieu, mais qu'il a entendue directement de Dieu, cela aussi de la wah'y, comme le prouve le verset où Dieu, narrant l'épisode où Il parla à Moïse par nidâ', relate, parmi ce qu'Il lui dit alors : "Et, Moi, Je t'ai choisi. Ecoute donc ce qui va être révélé (mâ yûhâ). Je suis Dieu ; point de divinité à part Moi. Adore-Moi donc et accomplis la prière en souvenir de Moi. L'Heure va arriver, Je la cache à peine, afin que chaque âme soit rétribuée pour ce à quoi elle se sera efforcée. Que ne t'en détourne donc pas celui qui ne croit pas et suit son envie ; sinon tu périras" (Coran 20/13-15). Il s'agit ici d'une parole que Moïse entendit directement de Dieu, et pourtant Celui-ci lui dit qu'il s'agit de ce qu'Il lui révèle (mâ yûhâ).

Ce que nous venons de dire s'explique par le fait que, appréhendés dans leur sens général ('âmm), les termes "kalâmullâh" et "wah'y minallâh" sont synonymes (ils sont donc mutassâwî).

Cependant, quand ils sont appréhendés dans leur sens particulier (khâss), ces deux termes ont, chacun, un sens totalement distinct de celui de l'autre (ils sont donc mutabâyin) : ce qui est une parole de Dieu au sens particulier du terme ("parole que le prophète entend, par le biais de son ouïe, directement de Dieu") est distinct de ce qui est une révélation de Dieu au sens particulier du terme ("message que le prophète reçoit, de la part de Dieu, dans son cœur").

Dès lors, dans les versets 4/163-164, lorsque Dieu dit d'un côté qu'Il a "fait une révélation – wah'y – à" différents prophètes (qu'Il nomme), puis dit d'un autre côté : "Et Dieu a parlé à Moïse taklîman", ce n'est pas que la révélation faite aux autres prophètes ne constituerait pas des paroles de Dieu ; ce n'est pas non plus que la parole que Moïse a entendue directement de Dieu ne constituerait elle aussi une révélation. Ce qu'il y a c'est que dans ces versets 4/163-164, la mention d'une part que les autres prophètes ont reçu la révélation – wah'y – et d'autre part que Dieu a parlé à Moïse souligne que la révélation faite aux autres prophètes était de type général, et celle faite à Moïse était d'un type particulier (Bayân ul-qur'ân tome 10 p. 60) : il s'agit du fait que Moïse a entendu la Voix de Dieu même. Ibn Hajar relate : "Abdullâh, fils de Ahmad ibn Hanbal, a écrit dans Kitâb us-sunna : "J'ai questionné mon père au sujet de gens qui disent que lorsque Dieu a parlé à Moïse, Il n'a pas parlé par une Voix (Sawt)." Mon père m'a alors dit : "Au contraire, Il a parlé par une Voix""" (Fat'h ul-bârî 13/562).

Le Prophète lui-même a employé le terme "voix" ("sawt") à propos de Dieu ("عن عبد الله بن أنيس قال: سمعت النبي صلى الله عليه وسلم يقول: " يحشر الله العباد، فيناديهم بصوت يسمعه من بعد كما يسمعه من قرب: أنا الملك، أنا الديان" : cité par al-Bukhârî dans son Sahîh, et rapporté par lui dans son Khalqu af'âl il-'ibâd, n° 364) : Ibn Hajar a authentifié en FB 13/559 ce hadîth, ayant expriméun désaccord avec ce que al-Bayhaqî a écrit sur le sujet, bien qu'ayant lui-même dans un premier temps écrit quelque chose de comparable : FB 1/229) (voir aussi Mukhtasar as-Sawâ'ïq il-mursala, p. 632-638). Après avoir rapporté ce hadîth, al-Bukhâri écrit : "وفي هذا دليل أن صوت الله لا يشبه أصوات الخلق، لأن صوت الله جل ذكره يسمع من بعد كما يسمع من قرب، وأن الملائكة يصعقون من صوته، فإذا تنادى الملائكة لم يصعقوا. وقال عز وجل: {فلا تجعلوا لله أندادا}فليس لصفة الله ند، ولا مثل، ولا يوجد شيء من صفاته في المخلوقين" : "Et il y a en cela la preuve que la Voix de Dieu (sawt ullâh) ne ressemble pas aux voix des créatures" : Khalqu af'âl il-'ibâd, après la relation n° 364).

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B) Que signifie le mot "parole" au sens premier ?

B.a) Toute parole est-elle constituée de mots ?

Que désigne le terme "parole" (kalâm) :
– est-ce que, au sens propre ce terme désigne les mots, et que ce n'est qu'au sens figuré qu'il désigne les pensées que ces mots expriment ?
– est-ce que, tout au contraire, au sens propre ce terme désigne les pensées (que des mots, ensuite, peuvent exprimer), et que ce n'est qu'au sens figuré qu'il désigne les mots qui expriment ces pensées ?
– est-ce qu'il s'agit d'un mot polysémique, qui désigne tantôt les pensées, tantôt les mots qui expriment des pensées ?
– ou s'agit-il d'un mot qui désigne, au sens complet, le sens et les mots ; quant à l'utilisation du mot "parole" pour désigner seulement les pensées, ou les mots et non les pensées, c'est une utilisation de ce mot dans son sens partiel ?

Les Ash'arites pensent que c'est le second de ces quatre avis qui est correct.

Ibn Taymiyya et Ibn ul-Qayyim disent pour leur part que c'est le quatrième de ces avis qui est correct (MF 12/67 ; Mukhtasar as-Sawâ'ïq il-mursala, p. 683).

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B.b) Et est-ce que tout ce qui est parole – même celle qui, en son sens premier, désigne non pas seulement des idées mais aussi les mots qui les expriment – est toujours audible ?

Non. C'est pourquoi, même la révélation faite dans le cœur d'un prophète est aussi une parole de Dieu : "Un être humain n'en était pas à ce que Dieu lui parle, excepté par révélation (faite dans le cœur de cet humain), ou derrière un voile, ou bien [par le fait qu']Il envoie un messager [ange] qui révèle par Sa permission ce qu'Il veut [à cet humain]" (Coran 42/51).

Cette révélation insufflée dans le cœur d'un prophète peut être composée d'un sens seulement, mais parfois de mots mêmes ; et pourtant, même alors, étant insufflée dans le cœur d'un prophète, elle n'est pas audible.

Ibn ul-Qayyim pense que l'avis qui est pertinent (aqwâ) est qu'il peut y avoir des lettres sans voix (c'est-à-dire sans que ce soit audible) (Mukhtasar as-Sawâ'ïq il-mursala, p. 683).

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C) Le texte du Coran, que Dieu a révélé à Muhammad (que Dieu le bénisse et le salue) par l'intermédiaire de l'ange Gabriel, est aussi la Parole de Dieu. Mais cette parole que l'Ange a entendue et retransmise, était-elle exprimée par la Voix (Sawt) de Dieu ?

Une parole (kalâm) est composée de phrases (kalimât, au sens originel de ce terme dans la langue arabe : MF 12/103-104), qui sont constitués de mots (alfâz), eux-mêmes formés de lettres (hurûf il-hijâ'). Les lettres et mots qui constituent le Coran, que l'ange Gabriel (sur lui soit la paix) a apportés au Prophète de la part de Dieu en de multiples occasions, d'où Gabriel les a-t-il entendus ?

Ceux qui sont Ash'arites disent que Dieu ne prononce pas de parole, car cela implique une action se déroulant dans un temps ; par ailleurs cela implique une voix ; or, disent-ils, on ne peut pas dire que Dieu a une voix. Quand Dieu veut adresser à une créature une parole constituée de mots, Il crée ces mots dans un réceptacle (mahall makhlûq), et cette créature les entend de ce lieu : "Badâ hâdha-l-kalâmu min mahallin" ; cette parole, créée par Dieu, exprime néanmoins les mots que Dieu veut dire.

Ceux qui sont Salafî de croyance ("Salafî" au sens premier du terme, cliquez ici pour en savoir plus) disent que Dieu prononce bien des paroles (qui sont audibles) : "Badâ hâdha-l-kalâmu min-Allâh". Et Il le fait par une Voix ("bi sawtin") ; simplement : "Sawtuhû lâ yashbahu sawt al-makhlûqîn". (Le terme "badâ" ne veut pas dire ici que cette parole s'est séparée de Dieu pour aller en un autre lieu, mais que c'est Dieu qui a prononcé cette parole ; et quand, dans le même propos, il est dit que cette parole "retournera vers Dieu à la fin des temps" ("wa ilayhi ya'ûdu"), cela veut dire que la connaissance de cette parole retournera vers Lui et que personne ne la connaîtra alors plus : Al-Fatâwâ al-kubrâ, Ibn Taymiyya, 5/16 dans l'édition que je possède ; l'ange Gabriel a entendu cette parole prononcée par Dieu, l'a retenue et l'a apportée au prophète Muhammad.)

Ceux qui sont Ash'arites refusent de dire que Dieu a une voix et qu'Il prononce des lettres qui forment des mots. Ils disent de plus que les versets révélés à un moment donné sont hâdith, donc ils sont makhlûq (les deux étant liés, d'après eux). Pour les Ash'arites, la Parole est de deux types :
- ce que l'on prononce ;
- ce que l'on veut dire et qu'on pense donc en soi.
Le premier type est dit : "kalâm lafzî", le second : "kalâm nafsî".
Pour les Ash'arites, au sens premier, le terme "kalâm" désigne la "kalâm nafsî" (nous l'avons vu dans le point B), et c'est cette parole de Dieu qui est incréée.
Par contre, la kalâm lafzî de Dieu, Dieu l'a fait apparaître d'un lieu, pour que Sa Créature l'entende à partir de là. Les Ash'arites présentent à cela des preuves, parmi lesquelles le célèbre propos de Omar ibn ul-Khattâb : "Zawwartu fî nafsî kalâman", etc.
Ceci permet aux Ash'arites de dire que quand les Salafs ont dit que la kalâmullâh est incréée (ghayr makhlûq), ils voulaient parler de la kalâmullâh au sens de kalâm nafsî ; mais ils ne voulaient pas parler de la kalâm lafzî.
Et quand on utilise le nom "Coran", les Ash'arites disent :
– si on veut désigner par ce terme la Parole de Dieu (kalâmullâh), alors il s'agit de Son Attribut (Sifa), et cela constitue un seul ma'nâ, qui est qadîm ;
– par contre s'il s'agit du texte en arabe qui a été révélé au Prophète Muhammad, alors il est hâdith, et donc makhlûq (cf. MF 17//74).

Ceux qui sont Salafî dans la croyance répondent que Dieu a bien une Voix (voir, plus haut, le point A), et que même si cette parole que constituent ces versets sont hâdith, ils ne sont pas makhlûq, car le premier n'implique pas le second. La parole de Dieu qu'Il a prononcée à un moment donné est donc bien incréée.

Il faut ici souligner que tout ce que nous avons vu par rapport au terme "parole" se rapporte au mot "kalâm", qui désigne tantôt l'attribut de parole (sifat ul-kalâm), et tantôt la parole prononcée. Par contre, le terme "kalima" désigne la parole prononcée, et non l'attribut de parole.

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D) Et comment comprendre le verset où Dieu dit : "إِنَّا جَعَلْنَاهُ قُرْآنًا عَرَبِيًّا" : "Nous en avons fait un Coran arabe" (Coran 43/3) ?

Ceux qui sont Ash'arites disent que Dieu parle ici de la kalâm lafzî (voir point précédent), laquelle est quelque chose de créé, et c'est pourquoi Il dit qu'Il en a fait une lecture arabe.

Ceux qui sont Salafî fi-l-'aqîda disent que, dans ce verset, le verbe "faire" (ja'ala) ne signifie pas "créer". Oui, dans le verset "Il a fait les obscurités et la lumière" (Coran 6/1), le verbe "ja'ala" a un seul maf'ûl bih, et il a bien le sens de "khalaqa" (créer). Par contre, dans le verset 43/3, il a deux maf'ûl bih, et il a donc le sens de "sayyara" : c'est exactement comme dans le verset 16/91 : "Soyez fidèles au pacte de Dieu lorsque vous le contractez, et ne rompez pas vos serments après les avoir renforcés, et avoir fait de Dieu un garant de vous (wa qad ja'altum ullâha 'alaykum kafîlan)" : ici aussi le même verbe ja'ala a été employé avec deux maf'ûl bîh, dont l'un est le nom "Dieu" même : il n'a pas le sens de "khalaqa" mais de "sayyara". Pareillement, en 43/3, le sens de ce que Dieu dit est que c'est en langue arabe qu'Il a prononcé cette sienne parole qu'est le Coran ; Il aurait pu la prononcer en une autre langue, mais Il a choisi de prononcer cette sienne parole en arabe afin que, les Arabes, qui sont les destinataires premiers dans le temps du message islamique [cliquez ici et ici], puissent la comprendre.

De même, le Prophète a dit : "Récitez le Coran, il viendra, le jour du jugement, intercesseur pour ses gens" (Muslim 804). Dans ce hadîth il n'est pas question de la venue du Coran lui-même, lequel est Parole incréée de Dieu : c'est la récitation que l'homme faisait du Coran qui viendra intercéder (cf. Shar'h ul-'aqida at-tahâwiyya, p. 94 ; l'explication donnée dans MF 12/79 est légèrement différente, mais a en commun de montrer que ce n'est pas le Coran qui est parole incréée de Dieu qui viendra). L'action que constitue la récitation du Coran se matérialisera alors et "viendra", comme ce sera le cas de tant d'autres actions qui "viendront" alors (notamment le jeûne, etc.).

En fait, dans les textes des sources, le terme "Coran" (qur'ân) :
– désigne parfois : "la Parole de Dieu elle-même" ; c'est le cas dans ce verset : "Nous n'avons pas fait descendre sur toi ('alayka) le Coran pour que tu sois malheureux" (Coran 20/2), que nous citerons de nouveau plus bas, en G ;
– d'autres fois désigne : "la récitation qui est faite de cette parole de Dieu" : c'est le cas dans ce verset : "Le Coran de l'aube a des témoins" (Coran 17/78) : il est évident qu'il n'existe pas un Coran de l'aube et un Coran de la nuit ; "le Coran de l'aube" veut dire : "la récitation du Coran qui est faite à l'aube" (il s'agit plus précisément de la récitation du Coran qui est faite pendant la prière de l'aube).

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E) Lorsque quelqu'un récite le Coran, ce qu'on entend de lui est-il la Parole de Dieu elle-même, ou une parole qui indique la Parole de Dieu ?

Ceux qui sont Ash'arites disent qu'il s'agit d'une parole qui indique la Parole de Dieu.

Ceux qui sont Salafî fi-l-'aqîda disent qu'il s'agit de la Parole de Dieu elle-même. C'est ce qui explique que le Prophète (sur lui soit la paix), lorsqu'il cherchait un asile lors de la venue des Arabes en pèlerinage à la Mecque (cliquez ici), disait : "Y aurait-il quelqu'un qui me transporterait jusqu'aux siens ? Car les Quraysh m'ont empêché de transmettre la Parole de mon Seigneur" (at-Tirmidhî, 2925, Abû Dâoûd, 4734). Simplement, pour notre part nous entendons la Parole de Dieu par le biais de la voix de l'humain qui la récite, et non pas – comme cela a été le cas pour l'ange Gabriel – par la Voix incréée de Dieu Lui-même (MF 12/53), ni – comme cela a été le cas pour le Prophète – par la voix de l'Ange, ni – comme cela a été le cas pour des Compagnons du Prophète – par la voix du Prophète.

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F) Et si quelqu'un prononce une phrase qui se trouve dans le Coran, mais pas en tant que Coran, prononce-t-il alors aussi la parole de Dieu ?

Ainsi, quelqu'un, s'adressant à un homme portant le nom "Yahyâ" et voulant lui demander de prendre le livre qui se trouve près de lui, lui dit : "Yâ Yahyâ, kudh il-kitâb !" ; cette phrase se trouve dans le Coran, mais notre homme l'a prononcée sans avoir l'intention de répéter une parole de Dieu (MF 12/76-78). Est-ce aussi une parole de Dieu qu'on a entendue de lui ?

Non. Cette fois il s'agit d'une parole semblable à la Parole de Dieu, et non de la Parole de Dieu.

Ceci est comparable au fait qu'un homme en état d'impureté majeure (janâba) ne peut pas réciter le Coran (le hadîth est bien connu qui l'interdit) ; s'il prononce donc "Al-hamdu lillâhi rabb il-âlamîn" en pensant, au fond de lui, réciter alors une phrase du Coran, il fait quelque chose d'interdit ; mais s'il prononce la même phrase mais en ayant alors l'intention – réelle – de faire seulement les louanges de Dieu, alors cela est autorisé (MF 12/66).

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G) Et qu'en est-il des versets où Dieu dit qu'Il a fait descendre le Coran : "مَا أَنزَلْنَا عَلَيْكَ الْقُرْآنَ لِتَشْقَى" : "Nous n'avons pas fait descendre sur toi le Coran pour que tu sois malheureux" (Coran 20/2). "إِنَّا أَنزَلْنَاهُ قُرْآنًا عَرَبِيًّا" : "Nous l'avons fait descendre en tant que Coran arabe, afin que vous compreniez" (Coran 12/2) ?

Ceux qui sont Ash'arites disent que Dieu parle ici de la kalâm lafzî (voir point précédent), laquelle est quelque chose de créé, et c'est pourquoi Il dit qu'Il l'a fait descendre sur le Prophète.

Ceux qui sont Salafî fi-l-'aqîda disent que la Parole de Dieu ne descend pas sous une forme matérialisée. Simplement, la réalité ('ayn) d'une parole, ce sont les mots qui sont prononcés par X pour signifier un sens (voir le point B.a, plus haut). Ces mots sont entendus et mémorisés par Y, qui, lorsqu'il les répète, prononce la parole de X avec sa voix à lui, Y. Et s'il retransmet cette parole à Z, on dit qu'il a fait parvenir la parole de X jusqu'à Z.
C'est ce qui s'est passé pour le Coran : l'ange Gabriel est descendu en emmenant la Parole de Dieu qu'il a entendue de Dieu. C'est cela qui a été décrit par les termes "Le Coran est descendu".

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H) Le Coran est aussi Livre de Dieu : "إِنَّ الَّذِينَ يَتْلُونَ كِتَابَ اللَّهِ" : "Ceux qui récitent le Livre de Dieu..." (Coran 35/29). "وَاتْلُ مَا أُوحِيَ إِلَيْكَ مِن كِتَابِ رَبِّكَ" : "Et récite ce qui t'a été révélé, comme Livre de ton Seigneur" (Coran 18/27) :

Le texte coranique est également écrit, auprès de Dieu, dans le Livre originel ("umm ul-kitâb"), comme le prouvent les versets suivants...

- "Par le Livre clair ! Nous en avons fait un Coran arabe, afin que vous raisonniez. Et il est dans le Livre originel ("umm ul-kitâb") auprès de Nous, certes élevé, empli de sagesse" (Coran 43/2-4).

- "Mais c'est un Coran glorieux, [écrit] dans une Tablette protégée" (Coran 85/21-22).

- "Dieu efface ce qu'Il veut et garde ce qu'Il veut ; et auprès de Lui se trouve le Livre originel" (Coran 13/39) ; d'après un des commentaires relatés de Ibn Abbâs, ce verset signifie : "Dieu efface du texte coranique les versets qu'Il veut en en abrogeant (la récitation), et Il garde ce qu'Il veut en ne l'abrogeant pas ; et tout cela est écrit dans le Livre originel, auprès de Lui : y est écrit ce qui est abrogeant, ce qui est abrogé" (rapporté par Ibn Jarîr, Ibn ul-Mundhir, Ibn Abî Hâtim, al-Bayhaqî, cité dans Bayân ul-qur'ân, commentaire du verset 13/39 ; voir aussi Fath' ul-bârî 13/641).

Ce Livre originel aussi a été écrit à un moment donné, quand Dieu l'a voulu (cf. MF 12/127). Et il a été écrit au moyen de la plume servant à écrire la révélation (cf. Shar'h ul-'aqida at-tahâwiyya, pp. 345-346).

Un écrit constitue la parole de quelqu'un même s'il n'a jamais prononcé cette parole et s'est contenté de l'écrire (c'est pourquoi certains mujtahidûn sont d'avis que si quelqu'un a fait serment qu'il ne parlerait pas à Untel, puis, sans lui parler de vive voix :
– lui a envoyé un messager lui délivrant un message ;
– ou bien lui a adressé un écrit venant de lui ;
alors il aura rompu son serment (hanitha), car envoyer à quelqu'un un messager ou lui envoyer un courrier, c'est aussi parler à ce quelqu'un (Tafsîr ul-Qurtubî, tome 16 p. 54 ; Al-Fiqh ul-islâmî wa adillatuh p. 2507)). Cependant, dans le cas du Coran, on sait que Dieu ne l'a pas seulement écrit mais l'a aussi prononcé, conformément au célèbre propos déjà cité plus haut : "Badâ hâdha-l-kalâmu min-Allâh, wa ilayhi ya'ûdu."

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I) Et qu'en est-il des versets où Dieu dit qu'Il a fait descendre le Coran : "إِنَّا أَنزَلْنَا عَلَيْكَ الْكِتَابَ لِلنَّاسِ بِالْحَقِّ" : "Nous avons fait descendre sur toi le Livre" (Coran 39/41, etc.) ?

En fait, dans les textes des sources, le terme "Livre" (kitâb), utilisé à propos du Coran :
– désigne parfois le support sur lequel la Parole de Dieu a été transcrite ; c'est ainsi que se comprend les versets cités au point précédent, H, dont celui-ci : "Nous en avons fait un Coran arabe, afin que vous raisonniez. Et il est dans le Livre originel auprès de Nous, certes élevé, empli de sagesse" (Coran 43/3-4) ;
– d'autres fois désigne "la Parole de Dieu elle-même, qui est écrite / peut être écrite sur un support" ; c'est le cas dans le verset suscité : "Nous avons fait descendre sur toi ('alayka) le Livre" (Coran 39/41).

Dans ce verset 39/41, Dieu parle de Sa Parole qu'Il a fait descendre jusqu'au Prophète (voir G), et ce dans la mesure où cette parole est d'une part destinée à être transcrite, par des scribes du Prophète, sur un support, d'autre part étant déjà écrite auprès de Dieu sur le Support originel (umm ul-kitâb) (voir H).

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J) Citation d'un écrit de Ibn Taymiyya :

Ibn Taymiyya a écrit de nombreuses lignes sur le sujet, mais celles que nous allons reproduire synthétisent bien son propos : "Toute parole de Dieu est incréée" (MF 12/78) ; "La Parole de Dieu est parfois (celle constituant) le Coran, parfois n'est pas du Coran ; (mais) la prière rituelle (salât) n'est autorisée et n'est valide que (si on y lit la parole de Dieu constituant) le Coran" (MF 12/78). "Les Prédécesseurs ont dit : "Le Coran est Parole de Dieu, descendue, incréée". Et ils ont dit : "Dieu n'a pas cessé de parler quand Il l'a voulu". Ils ont donc exposé que la catégorie (jins) de la parole de Dieu est pré-éternelle. Aucun d'entre eux n'a dit que telle parole donnée (mu'ayyan) (de Dieu) est pré-éternelle ; aucun d'entre eux n'a non plus dit : "Le Coran est pré-éternel" ; mais ils ont dit : ""Le Coran est Parole de Dieu, descendue, incréée" (MF 12/54).

Le Coran est donc une partie de la Parole de Dieu ; c'est une Parole incréée ; mais Dieu l'a prononcée à un moment donné.

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K) Qu'en est-il des Tablettes de la Loi que Dieu a données à Moïse lorsqu'Il l'a appelé sur le Mont, et dont Il dit : "وَكَتَبْنَا لَهُ فِي الأَلْوَاحِ مِن كُلِّ شَيْءٍ مَّوْعِظَةً وَتَفْصِيلاً لِّكُلِّ شَيْءٍ" : "Nous écrivîmes pour lui dans les Tablettes" (voir Coran 7/145) : ce que Dieu y a écrit est-il également Parole de Dieu ?

Il ressort d'un hadîth c'est que par Sa Main même que Dieu a écrit cet écrit pour Moïse (rapporté par al-Bukhârî n° 6240, Muslim n° 2652 ; voir Mukhtassar as-Sawâ'iq il-mursala, p. 674).

Cet écrit constitue lui aussi une partie de la Parole de Dieu (cf. Shar'h ul-'aqida at-tahâwiyya, p. 190). Nous avions déjà dit plus haut (en H), qu'un écrit constitue la parole de quelqu'un même s'il ne prononce pas celle-ci (c'est pourquoi certains mujtahidûn sont d'avis que si quelqu'un a fait serment qu'il ne parlerait pas à Untel, puis, sans lui parler de vive voix :
– lui a envoyé un messager lui délivrant un message ;
– ou bien lui a adressé un écrit venant de lui ;
alors il aura rompu son serment (hanitha), car envoyer à quelqu'un un messager ou lui envoyer un courrier, c'est aussi parler à ce quelqu'un (Tafsîr ul-Qurtubî, tome 16 p. 54 ; Al-Fiqh ul-islâmî wa adillatuh p. 2507)).

Mais je ne sais pas (لا أدري) si cette parole écrite dans ces Tablettes données à Moïse, Dieu l'a prononcée avant de l'écrire, ou au moment de L'écrire, ou après l'avoir écrite ; ou bien s'Il n'a fait que l'écrire sur ces Tablettes sans les prononcer.

Ces Tablettes constituent-elles la même chose que la Torah ? Il y a des avis divergents sur le sujet ; l'un d'eux étant que cela constitue un écrit antérieur à la Torah (Tafsîr Ibn Kathîr, commentaire de ce verset).

En tous cas, la Torah originelle – dont Dieu dit qu'Il l'a fait descendre (Coran 3/3) – renferme elle aussi une partie de la Parole de Dieu. Cependant, différemment de ce qu'Il fit pour le Coran (Coran 15/9), Dieu ne prit pas la garantie de la préservation du texte de la Torah originelle, mais en chargea les savants des Fils d'Israël eux-mêmes (Coran 5/44). Et si le texte actuel dont disposent les Juifs contient toujours une partie du texte de la Parole originelle de Dieu, ce n'en est qu'une partie (d'après Al-Jawâb us-sahîh, Ibn Taymiyya, 1/320). En effet, une autre partie du texte originel a été perdue suite à différents événements de l'histoire mouvementée des Fils d'Israël ; et une autre partie encore du texte disponible actuellement est paroles humaines (cliquez ici pour en savoir plus).

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L) Et qu'en est-il de l'Evangile originel, dont Dieu dit qu'Il l'a fait lui aussi descendre : "نَزَّلَ عَلَيْكَ الْكِتَابَ بِالْحَقِّ مُصَدِّقاً لِّمَا بَيْنَ يَدَيْهِ وَأَنزَلَ التَّوْرَاةَ وَالإِنجِيلَ مِن قَبْلُ هُدًى لِّلنَّاسِ" : "Il a fait descendre sur toi le Livre [= le Coran] avec la vérité, confirmant ce qui est avant lui. Et auparavant, Il fit descendre la Torah et l'Evangile, en tant que guidance pour les gens (...)" (Coran 3/3-4) ?

L'Evangile renvoie explicitement au texte de la Torah pour ce qui est d'une partie notable du contenu de celle-ci.
C'est seulement par rapport à trois domaines que l'Evangile apporte quelque chose de nouveau par rapport au contenu de la Torah :
- il a abrogé certaines de ses règles ;
- il parle abondamment de ne pas donner au temporel une place importante dans son cœur et dans sa vie ;
- enfin il parle de développer des qualités telles que l'amour pour autrui, le pardon, etc. (cf. Al-Jawâb us-sahîh, 3/189).
Le texte de l'Evangile vient accomplir, c'est-à-dire compléter celui de la Torah tout en renvoyant à lui.

L'Evangile originel, que Dieu dit avoir fait descendre, est comparable à la Sunna du Prophète que Dieu a fait descendre (il s'agit d'une partie seulement de la Sunna du Prophète : il s'agit des cas 4.b.a et 4.b.b.a dans notre autre article) (cf. Al-Jawâb us-sahîh, 2/10). Tout comme le prophète Muhammad a reçu de Dieu cette partie de la Sunna et (contrairement à ce qui était en vigueur pour le texte coranique) avait l'autorisation de le transmettre avec ses mots à lui, Jésus a reçu de Dieu le message qui constitue le fonds de l'Evangile originel et avait l'autorisation de le transmettre avec ses mots à lui.

Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

 

http://www.maison-islam.com/articles/?p=534

 

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