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L’abstention, sa définition et ses catégories

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Qu’est-ce que l’abstention (at-tark) ?

L’abstention, dont la clarification fait l’objet de cette épître, désigne le fait que le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) s’abstienne d’une chose et ne l’accomplisse pas, ou que s’en abstiennent nos pieux prédécesseurs, en l’absence de tout hadith ou de toute narration faisant état de l’interdiction de la chose abandonnée et établissant son caractère illicite ou détestable. Plus d’un parmi les générations ultérieures l’ont avancée comme preuve du caractère illicite ou détestable de certaines choses. Nombre de hâbleurs fanatiques ont poussé cette position à l’extrême. Par ailleurs, Ibn Taymiyah s’en est servi et y a eu recours dans certaines questions que nous évoquerons en partie, par la Volonté de Dieu (Exalté).

Les différentes catégories d’abstention ?

Lorsque le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) s’abstient d’une chose, cela admet différentes significations hormis l’interdiction :

1. l’abstention par coutume

« On apporta au Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) du lézard grillé. Il tendit sa noble main pour en manger, lorsqu’on lui dit : "C’est du lézard." Alors il s’abstint. On lui demanda : "Est-ce illicite ?" Il répondit : "Non. Mais, comme il n’en existe pas dans la terre de mon peuple, je répugne à en manger." »
Ce hadith figure dans les deux Sahîh et prouve deux choses. Premièrement, le fait que le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) s’abstienne d’une chose, même après avoir entrepris de la faire, ne prouve pas qu’elle soit illicite. Deuxièmement, la répugnance à une chose ne signifie pas non plus qu’elle est illicite.

2.L’abstention par oubli

« Le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) fut distrait pendant la prière et en oublia une partie. On lui demanda : "La prière a-t-elle changé ?" Il répondit : "Je suis un être humain sujet à l’oubli comme vous. Si jamais j’oublie, rappelez-moi." »

3.L’abstention de peur que cela devienne une obligation pour sa communauté  

À l’instar de son abstention de la prière des tarâwîh lorsque les Compagnons se sont réunis pour l’accomplir avec lui.

4.L’abstention d’une chose parce qu’il n’y a pas songé et que cela ne lui est pas venu à l’esprit

Le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) donnait le sermon du vendredi depuis le tronc d’un palmier et n’a pas songé à la fabrication d’une chaise sur laquelle il s’installerait pendant le sermon. Lorsqu’on lui a proposé de fabriquer une chaire d’où il donnerait le sermon, il a accepté et a donné son approbation car cela porte la voix plus loin.
De même, les Compagnons lui ont proposé de bâtir un banc de glaise sur lequel il s’assierait pour mieux être reconnu par les visiteurs étrangers, il a approuvé alors qu’il n’y avait pas songé de lui-même.

5.L’abstention d’une chose comprise dans des versets ou hadiths généraux

Comme son abstention de la prière d’Ad-Duhâ et de toutes sortes d’actes recommandés car cela est compris dans la Parole de Dieu (Exalté soit-Il) : « Et accomplissez le bien afin que vous récoltiez le succès. » Il existe de nombreux exemples dans cette catégorie.

6.L’abstention pour éviter de heurter les sentiments des Compagnons, ou certains d’entre eux

Le Messager de Dieu (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) dit à `Â’ichah (Que Dieu soit satisfait d’elle) : « Si ton peuple n’avait pas fraîchement abandonné la mécréance, j’aurais démoli la Maison (Sacrée), puis je l’aurais reconstruite sur les fondations d’Abraham (Paix sur lui), car les Quraysh ont réduit ses dimensions. » Ce hadith figure dans les deux Sahîh. Ainsi le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) s’est-il abstenu de démolir et de reconstruire la Maison Sacrée pour préserver les sentiments de ses Compagnons mecquois ayant fraîchement embrassé l’Islam.

L’abstention du Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) admet d’autres interprétations que l’on peut déterminer par l’examen des livres de la Sunnah. Aucun hadith ni aucune narration ne stipule que lorsque le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) s’abstient d’une chose, alors celle-ci est illicite ou détestable.

L’abstention ne prouve pas la prohibition

Dans Ar-Radd Al-Muhkam Al-Matîn, j’ai consigné que l’abstention d’une chose ne prouve pas qu’elle est illicite. Voici ce que j’en disais :

« En l’absence de tout texte stipulant que la chose délaissée est prohibée, l’abstention ne prouve pas à elle seule son caractère illicite. Tout au plus, cela indique que l’abstention est licite. Mais on ne peut nullement déduire sur la base de l’abstention uniquement que la chose délaissée est prohibée car cela doit provenir d’une preuve explicite en ce sens. »

Puis, j’ai découvert que l’imâm Abû Sa`îd Ibn Lubb avait également mentionné cette règle. Il a en effet répondu à ceux qui détestent la formulation d’invocations après la prière :

« Ceux qui objectent aux invocations consécutives aux prières avancent tout au plus que le salaf ne s’imposait pas cette pratique ainsi décrite. À supposer que cela soit avéré, l’abstention ne permet guère de formuler un jugement à ce sujet, si ce n’est que l’abstention est permise sans la moindre gêne. Mais nul ne peut en déduire le caractère illicite ou détestable de la chose délaissée, et a fortiori lorsque la chose en question a un fondement général établi dans la sharî`ah comme les invocations. »

Ibn Hazm a rapporté, dans Al-Muhallâ (vol. 2, page 254), que les Malékites et les Hanafites déclarent détestable l’accomplissement de deux rak`ahs avant la prière du soir (Al-Maghrib) sur la base du rapport d’Ibrâhîm An-Nakha`î selon lequel Abû Bakr, `Umar et `Uthmân (Que Dieu soit satisfait d’eux) n’accomplissaient pas cette prière. Il a répondu à cela : « Si cela était avéré, cela ne prouverait rien, car ce témoignage ne dit pas que (ces Compagnons) -que Dieu les agrée- ont interdit l’accomplissement de ces deux raka‘ates. »

Il a rapporté aussi : « Ils ont également rapporté que Ibn `Umar a dit : "Je n’ai vu personne les accomplir." » Il a répondu à cela : « Si ce récit s’avérait authentique, il ne comporterait pas d’interdiction de les accomplir. Nous ne condamnons pas le délaissement des œuvres surérogatoires, à moins que cela ait fait l’objet d’une interdiction. »

De même, il a dit dans Al-Muhallâ (vol. 2, page 271) à propos de l’accomplissement de deux rak`ahs après la prière de l’après-midi (Al-`Asr) : « Quant au hadith de `Alî (Que Dieu soit satisfait de lui), cela ne prouve rien car il n’y dit rien d’autre que ce qu’il sait, à savoir qu’il n’a jamais vu le Messager de Dieu, (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui), les accomplir. Cela ne permet pas de se prononcer sur leur caractère interdit ou détestable. Ainsi, le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) n’a jamais jeûné un mois entier en dehors du Ramadan, mais cela n’implique pas qu’il soit détestable de jeûner un mois entier volontairement.»

Ces textes disent clairement que l’abstention ne permet pas de se prononcer sur le caractère détestable d’une chose, et encore moins son caractère illicite.

Certains hâbleurs ont rejeté cette règle et nié qu’elle fait partie de la Science des Fondements ; ce faisant ils ont manifesté une ignorance crasse et exhibé des cerveaux malades. Dans la suite, j’apporte les preuves soutenant cette règle.

Premièrement, trois choses prouvent qu’une chose est illicite :

1. L’interdiction comme « N’approchez pas la fornication » [S17/V32] et
« Ne dévorez pas à tort vos biens les uns des autres » [S4/V29].
2. Le champ lexical de l’interdiction comme « Vous est interdite la charogne » [S5/V3].
3. La critique d’un acte et la promesse de châtiment pour son accomplissement, comme « Quiconque triche n’est pas des nôtres. » [Muslim, Ahmad, Ibn Mâjah et Ad-Dârimî]

L’abstention ne fait pas partie de ces trois choses et n’implique pas le caractère illicite.

Deuxièmement, Dieu (Exalté soit-Il) dit : « Ce que le Messager vous a apporté prenez-le et ce qu’il vous a défendu abstenez-vous en. » [S59/V7] Il n’a pas dit : « ce dont il s’est abstenu abstenez-vous en » car l’abstention ne signifie pas l’interdiction.

Troisièmement, le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) a dit : « Ce que je vous ai ordonné, accomplissez-en ce que vous pouvez, et ce que je vous ai défendu, écartez-vous en. » [Al-Bukhârî, Muslim et Ahmad] Il n’a pas dit : « ce dont je m’abstiens, abstenez-vous en ». Comment l’abstention pourrait-elle donc indiquer l’interdiction ?

Quatrièmement, les savants des fondements ont défini la Sunna comme étant les paroles du Prophète, (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) ses actes et ses approbations. Ils n’ont pas ajouté « ses abstentions », car cela ne constitue pas une preuve.

Cinquièmement, nous avons vu précédemment que le règlement c’est le Discours de Dieu (Exalté). Les savants des fondements ont précisé que : sa preuve réside dans le Coran, la Sunna, l’unanimité et l’analogie. L’abstention n’en fait pas partie parce qu’elle ne constitue pas une preuve.

Sixièmement, l’abstention admet plusieurs interprétations, hormis l’interdiction. Or, il est une règle dans les fondements stipulant que « ce qui admet plusieurs interprétations n’a plus valeur d’argument ».

Septièmement, l’abstention est une absence d’acte. Or, le néant correspond à la normalité, alors que l’acte est accidentel. La normalité ne constitue pas une preuve, ni linguistiquement ni juridiquement. C’est pourquoi l’abstention n’implique pas la prohibition.

Des opinions non approfondies

Les propos d’Ibn As-Sam`ânî

Ibn As-Sam`ânî dit que lorsque le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) s’abstient d’une chose nous devons suivre son exemple. Il argua que lorsque les Compagnons virent le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) s’abstenir de manger du lézard, ils s’arrêtèrent et l’interrogèrent à ce sujet.

Je réponds que la réponse fournie par le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) indiquant que (le lézard) n’est pas illicite -comme nous l’avons vu précédemment- démontre que son abstention n’implique pas automatiquement que la chose en question est illicite. Ce hadîth ne confirme pas son opinion. Au contraire, il l’infirme.

De plus, nous avons vu que l’abstention admettait diverses lectures, comment serions-nous tenus de suivre son exemple vis-à-vis d’une chose susceptible d’être une coutume, ou un oubli, ou encore autre chose parmi les lectures possibles que nous avons vues précédemment ?

Les propos d’Ibn Taymiyah

On l’interrogea au sujet de celui qui visiterait les tombes et demanderait secours à leurs occupants, concernant une maladie dont il souffre lui-même ou dont souffrirait son cheval ou son chameau, et demanderait à en être débarrassé ou quelque chose de ce genre.

Il répondit très longuement et dit entre autres : « Nul ne le fit parmi les Compagnons ni les Successeurs et aucun imam ne l’ordonna », c’est-à-dire qu’ils ne demandèrent pas au Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) de prier en leur faveur après son décès comme ils avaient l’habitude de le faire de son vivant.

Je réponds à cela : Le lecteur sait parfaitement que cela n’est pas une preuve valide de ce qu’il affirme pour plusieurs raisons. D’abord, le fait que les Compagnons n’aient pas fait cela peut très bien être fortuit, c’est-à-dire qu’il se trouve qu’ils ne lui demandèrent pas de faire des invocations en leur faveur après son décès. Cela peut aussi signifier que cela n’est pas permis à leurs yeux. Il se peut aussi que cela soit permis mais qu’une meilleure alternative s’offrait à eux, alors ils optèrent pour ce qui était meilleur. D’autres hypothèses sont également possibles. Or la règle stipule que « ce qui admet plusieurs interprétations n’a plus valeur d’argument ». D’autre part, on peut avancer en appui du fait qu’ils ne s’en abstinrent pas considérant que cela n’était pas permis le fait que le Compagnon Bilâl Ibn Al-Hârith Al-Muzanî (Que Dieu soit satisfait de lui) se rendit près de la tombe du Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) l’année de la grande sécheresse (`Âm Ar-Ramâdah) et dit : « Ô Messager d’Allâh, demande la pluie pour ta communauté. » Alors il le vit en songe lui dire : « Va voir `Umar et informe-le que vous allez recevoir la pluie et dis lui : applique-toi, applique-toi. » Il en informa `Umar qui pleura et dit : « Ô Allâh, je ne suis point négligent, sauf que certaines choses dépassent ma capacité. » `Umar (Que Dieu soit satisfait de lui) ne le blâma aucunement pour son initiative. Or, si cela n’était pas permis aux yeux des Compagnons, `Umar n’aurait pas manqué de lui reprocher son acte. Ibn Kathîr jugea que ce hadith a une chaîne de transmission authentique.

Un hadîth authentique qui n’invalide pas notre propos

Al-Bukhârî inclut dans son Sahîh un chapitre intitulé « L’imitation des actes du Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui)» où il rapporta d’après Ibn `Umar (Que Dieu soit satisfait de lui) que : « Le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) porta une bague en or, alors les gens portèrent eux aussi des bagues en or. Puis, il dit : "J’ai porté une bague en or." Rejetant sa bague, il dit : "Je ne la porterai plus jamais." Alors les gens rejetèrent leurs bagues. » Le Hâfiz [Ibn Hajar Al-`Asqalânî] commenta ce hadîth en disant : « Il s’est contenté de ce hadith car il illustre le fait que les gens imitaient le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) dans ses actes et dans ses abstentions. »

Je dis : La phrase « dans ses abstentions » relève de l’abus de langage car le rejet est un acte. Dans ce récit, les gens imitèrent son acte, tandis que l’abstention en est une conséquence. De même, lorsqu’il ôta ses sandales pendant la prière, les gens suivirent son exemple et ôtèrent leurs sandales, ce qui correspond à un acte dont la conséquence est l’abstention. Or, ce n’est pas de ce cas de figure que nous traitons ici manifestement.

De plus, nous ne rejetons point le fait d’imiter les actes émanant du Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui). Au contraire, la réussite et le bonheur y résident, à notre avis. Mais nous ne disons pas que les choses qu’il n’a pas accomplies sont illicites, comme la célébration du mawlid (la date anniversaire de la naissance du Prophète –Paix sur lui-) ou la célébration de la nuit d’Al-Mi`râj (l’Ascension), car cela est un mensonge sur le compte d’Allâh (Exalté), étant donné que l’abstention n’implique pas la prohibition.

De même, lorsque les pieux prédécesseurs (le Salaf) s’abstiennent d’une chose — c’est-à-dire qu’ils ne la font pas —, cela ne signifie pas qu’elle est interdite. L’imâm Ach-Châfi`î dit : « Toute chose ayant un fondement dans la législation n’est pas une innovation, quand bien même le Salaf ne l’aurait pas faite. » Car le non accomplissement d’une chose peut tenir à une excuse valable à leur époque, ou au fait qu’ils optaient pour une meilleure alternative, ou parce que cette chose n’était pas connue de tous.

Implications de l’abstention

Nous avons montré précédemment que l’abstention n’implique pas la prohibition, mais plutôt la permissibilité (al jawâz) de la chose délaissée. C’est en effet dans ce sens que les savants l’inclurent dans les ouvrages du Hadîth. Par exemple, Abû Dâwûd et An-Nasâ’î rapportèrent que Jâbir (Qu’Allâh l’agrée) dit : « L’un des deux derniers commandements du Messager d’Allâh (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) fut l’abandon des ablutions au contact de ce qui est cuit dans le feu. » Ils classèrent ce hadith sous le titre « L’abandon des ablutions au contact de ce qui est touché par le feu » (Tark Al-Wudû’ Mimmâ Massat An-Nâr). Ce texte a clairement valeur de preuve dans cette thématique. Car si les ablutions étaient obligatoires suite à la consommation des objets cuits (la viande) dans le feu, le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) ne s’en serait pas abstenu. Le hadith faisant état de l’abstention prouve que les ablutions ne sont plus obligatoires (dans cette situation).

L’imâm Abû `Abd-Allâh At-Tilimsânî écrivit dans Miftâh Al-Wusûl : « L’abstention est assimilée à l’action du point de vue de la valeur juridique en ce sens que, tout comme les actes du Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) servent de preuve pour la non prohibition, ses abstentions servent de preuve pour la non obligation. Ainsi nos compagnons opinent-ils que les ablutions ne sont pas obligatoires suite au contact des objets cuits dans le feu. » On rapporta que le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) mangea une épaule de chèvre et ne renouvela pas ses ablutions. De même, ils opinèrent que la saignée (hijâmah) ne rompt pas les ablutions, se fondant sur le récit selon lequel le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) se saigna, ne renouvela pas ses ablutions puis accomplit la prière. [Miftâh Al-Wusûl, p. 93, aux éditions Maktabat Al-Khânjî.]

De ces considérations est née la règle juridique : « Ce dont il est permis de s’abstenir n’est pas obligatoire. » (Jâ’iz At-Tark Laysa bi-Wâjib)

Risque de confusion

Les savants classèrent les abstentions du Prophète — paix et bénédictions sur lui — en deux catégories :

1. Les choses n’ayant pas de motif du temps du Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui), dont le motif est apparu à une époque ultérieure. Ces choses rentrent dans le cadre de la licéité originelle.
2. Les choses dont le Prophète s’est abstenu en présence d’un motif de leur accomplissement à son époque. Ce type d’abstention implique l’interdiction de la chose délaissée, car si la chose en question revêtait un intérêt juridique, le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) l’aurait accomplie. Son abstention prouve alors que cela n’est pas permis.

Ibn Taymiyah illustra cela par l’adhân pour la prière des deux aïds, pratique introduite par certains princes. Il dit dans son analyse : « Le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) s’abstint de ce genre d’actes malgré l’existence vraisemblable d’un motif le justifiant que les innovateurs peuvent invoquer, comme le fait d’y voir une forme de dhikr, une manière de convier les gens à l’adoration d’Allâh, et l’analogie faite avec l’appel à la prière du vendredi. Étant donné que le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) commanda de faire l’adhân pour la prière du vendredi et qu’il accomplit la prière des deux Aïds sans adhân ni al iqâmah, son abstention signifie que l’abandon de l’adhân correspond à la Sunna. Il n’est donc point permis pour quiconque d’y ajouter quoi que ce soit etc. »

Cette opinion fut partagée par Ach-Châtibî, Ibn Hajar Al-Haythamî et d’autres. Ils confondirent cette question avec « le silence dans un contexte d’explication » (As-Sukût fî Maqâm Al-Bayân). Il est vrai que l’appel à la prière des deux aïds est une innovation religieuse non permise, non pas parce que le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui)s’en abstint, mais parce que le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) expliqua dans le hadith ce qu’il y avait à faire à cette occasion sans mentionner l’adhân, son silence prouve alors que l’adhân n’est pas permis.

La règle juridique stipule que : « Le silence dans un contexte d’explication dénote l’exhaustivité. » (As-Sukût fî Maqâm Al-Bayân Yufîd Al-Hasr) Cette règle est déduite des hadiths interdisant les demandes de clarification dans un contexte d’explication.

Al-Bazzâr rapporta selon Abû Ad-Dardâ’ que le Messager d’Allâh (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) dit : « Ce qu’Allâh rendit licite dans Son Livre est licite, ce qu’Il rendit illicite est illicite, et ce sur quoi Il ne Se prononça pas est une miséricorde. Acceptez donc la miséricorde d’Allâh car Il n’est point sujet à l’oubli. Puis il récita : "Ton Seigneur n’oublie rien." [S19/V64] » Al-Bazzâr jugea sa chaîne de garants valable (sâlih) tandis que Al-Hâkim la déclara authentique.

Ad-Dâraqutnî rapporta, selon Abû Tha`laba Al-Khuchanî que le Messager d’Allâh (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) dit : « Allâh dicta des prescriptions, ne les négligez pas. Il traça des limites, ne les outrepassez pas. Il interdit certaines choses, ne les transgressez pas. Il ne Se prononça pas sur certaines choses par miséricorde pour vous et non par oubli, ne vous en enquérez pas. »

Ces deux narrations constituent une indication claire de la règle susmentionnée, qui diffère de l’abstention que nous étudions dans cette épître. Leur confusion est une erreur dont il faut se garder. D’où la distinction opérée ici-même, afin que nul ne s’y méprenne, distinction que l’on ne trouve que dans cette épître, par la Grâce d’Allâh (Exalté).

Complément et exemples

Ibn Al-Mubârak dit : « Sallâm Ibn Abî Mutî`, rapporta selon Ibn Abî Dakhîlah que son père dit : "Alors que j’étais chez Ibn `Umar, celui-ci dit : "Le Messager d’Allâh (Paix et bénédictions sur lui et sur sa famille) a défendu que le raisin sec et les dattes soient mélangés." Un homme assis derrière moi me demanda : "Qu’a-t-il dit ?" Je répondis : "Le Messager d’Allâh (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) a prohibé le (mélange de) raisin sec et de dattes." `Abd Allâh Ibn `Umar s’exclama : "Tu as menti !" Je dis : "N’as-tu pas dit qu’il a défendu de mélanger le raisin sec et les dattes ? Alors, cela est illicite/prohibé." Il répondit : "Est-ce que tu attestes de cela ?" Sallâm commenta : "C’est comme s’il voulait dire que les choses que le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) a défendues relèvent de la bienséance." »

Je dis : Voyez Ibn `Umar, l’un des plus grands juristes parmi les Compagnons. Il reprit celui qui assimilait le vocable nahâ (défendre) au vocable harrama (rendre illicite). Bien que la défense signifie la prohibition, sans pour autant l’exprimer de manière explicite, elle peut aussi signifier le caractère détestable de la chose en question. C’est ce que Sallâm entendait en évoquant la bienséance.

La parole d’Ibn `Umar signifie qu’il ne sied pas au Musulman de se hasarder à déclarer qu’une chose est illicite en l’absence d’une preuve explicite émanant du Coran ou de la Sunna. Telle fut la pratique des Compagnons, des Successeurs, et des Imâms. Le Successeur Ibrâhîm An-Nakha`î dit : « (Nos prédécesseurs) détestaient certaines choses mais ne les déclaraient pas illicites. » Tels étaient Mâlik, Ach-Châfi`î et Ahmad. Ils évitaient de déclarer une chose illicite tant qu’ils n’étaient pas certains de son caractère illicite en raison d’un doute ou d’une divergence par exemple. Le cas échéant, ils diraient : « Je déteste cette chose. » sans en dire davantage. Parfois, l’Imâm Ach-Châfi`î disait : « Je crains que ce soit illicite. » sans affirmer le caractère illicite ; ces savants craignaient que l’affirmation du caractère illicite les fasse entrer dans la catégorie décrite par la parole du Très-Haut : « Et ne dites pas, conformément aux mensonges proférés par vos langues : "Ceci est licite, et cela est illicite", pour forger le mensonge contre Dieu. » [S16/V116]

Comment de nos jours les extrémistes peuvent-ils affirmer que certaines choses sont illicites et exagérer dans leur condamnation alors qu’ils ne possèdent aucune preuve, si ce n’est que le Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) ne les auraient pas accomplies, sachant que cela ne permet pas d’établir le caractère illicite ou détestable d’une chose ? Ces gens rentrent donc dans le cadre du verset susmentionné.

Exemples d’abstention

Voici quelques exemples de choses que le Prophète — paix et bénédictions sur lui — n’a pas faites :

1. Célébrer la naissance du Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui).
2. Célébrer la nuit de l’Ascension nocturne (Al-Mi`râj).
3. Veiller la nuit du 15 Cha`bân.
4. Accompagner le cortège funèbre par le dhikr.
5. Réciter le Coran sur la dépouille du défunt dans sa maison.
6. Réciter le Coran sur la dépouille du défunt avant et après son enterrement.
7. Accomplir plus de huit raka‘ates au titre de la prière des tarâwîh.

Quiconque déclare que l’une de ces choses est illicite, il faut lui réciter la Parole du Très-Haut : « Dis : "Est-ce Dieu qui vous l’a permis ? Ou bien forgez vous (des mensonges) contre Dieu ?" » [S10/V59]

Que nul ne dise que l’autorisation de ces choses rentre aussi dans le cadre de ce verset car à cela nous répondons : Il est préférable d’autoriser tout ce qui ne fait pas l’objet d’une injonction signifiant son caractère illicite ou détestable, en vertu de la parole du Prophète (Bénédiction et Salut de Dieu soient sur lui) : « Les choses au sujet desquelles Il S’est tu, relèves du pardon » c’est-à-dire que cela est permis.

En conclusion, nous avons fait toute la lumière sur la question de l’abstention et réfuté tous ceux qui s’en servent comme argument, en avançant des preuves qui ne laissent aucun terrain de contestation pour les interlocuteurs honnêtes, ni aucune échappatoire pour les hâbleurs qui cherchent la polémique.

Dieu dit la Vérité et guide vers le droit chemin. Louanges à Dieu le Seigneur des Univers.

(Traduction revue par Dr Hassan Amdouni)

http://www.fatawas.be/Articles/Fiqh/Abstention.html

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