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La religion musulmane reconnait-elle au peuple un droit envers l’Etat ?

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Quel le lien entre le peuple et l'état en Islam ? La religion musulmane reconnait-elle au peuple un droit envers l’Etat ?

L’islam et le noble coran estiment que le peuple constitue l’un des piliers fondamentaux de l’Etat. Dans le noble coran, nous lisons : « Nous avons effectivement envoyé Nos Messagers avec des preuves évidentes, et fait descendre avec eux le Livre et la balance, afin que les gens établissent la justice la justice ». 1[1] Par conséquent, l’Islam a des programmes pour l’instauration de la justice sociale. L’Islam confère la valeur de la justice à ce qu’elle soit appliquée et établie par les gens eux-mêmes, non pas par l’Etat et les gouvernants. S’agissant du rapport entre le peuple et l’Etat, on peut le résumer dans les axes suivants :
1. Choir le système de l’Etat islamique par le peuple :
Dans l’état islamique, le peuple choisit, avec conscience conscience, enthousiasme, effervescence, et intérêt, le système islamique et réclame l’application en bonne et due forme des lois divines. Au fond, l’Etat islamique n’a aucun moyen exécutif sans le choix et l’appui du peuple. C’est pour cette raison que l’Imam Ali (béni soit-il), en dépit du fait qu’il avait été désignée par Dieu pour assurer le leadership du peuple et prendre en main la direction de la société islamique, ne fit rien pour s’en charger avant que les gens ne lui prêtent allégeance, car les conditions de son leadership n’y étaient pas réunies. Mais, une fois ces conditions réunies, le vénéré Ali n’a pas refusé d’assumer la responsabilité pour s’en charger. A ce propos, le vénéré Ali dit : « Si le présent n’était pas présent, si la preuve n’était pas faite par la présence de partisans et si Dieu n’avait pas engagé les savants à ne pas taire l’iniquité des injustes et la souffrance des opprimés, j’aurai laissé aller les choses et vous aurai montré que votre monde-ci est moins intéressant pour moi qu’une crotte de chèvre ». 2[2], 3[3] Il ressort de ces propos du vénéré Imam Ali( béni soit-il) que même si la création d’un Etat, censé instaurer la justice et réhabiliter les droits des opprimés face aux oppresseurs est un devoir de quoi a chargé Dieu l’Imam, mais en raison du fait que l’accomplissement de ce devoir et de cette mission n’est possible qu’avec la présence, l’allégeance et l’appui du peuple, l’Imam infaillible( béni soit-il), n’a pas d’obligation en cette matière tant que le peuple ne répond pas présent pour la mise en place d’un gouvernement islamique, autrement dit l’Imam infaillible n’a pas de mission ni de devoir pour forcer les gens à lui obéir et à le suivre. La mission de l’Imam consiste à éclairer les gens pour rendre le terrain favorable à leur présence sur la scène. A propos de l’importance du serment d’allégeance du peuple, l’honorable Imam Khomeiny (que sa demeure soit au paradis), dit : « la prise en charge des affaires des Musulmans et la création de l’Etat sont liés aux suffrages des gens, tout comme cela a été mentionné dans la Constitution et qualifié, aux premiers temps de l’Islam, d’allégeance avec « Wali (dirigeant) des Musulmans ». 4 [4]
Les dirigeants de l’Ordre islamique sont là pour exécuter et appliquer les lois et les ordres de Dieu, et c’est exactement et uniquement dans ce droit fil que l’acceptation du serment d’allégeance se justice et prend un sens, une signification.
2. Election des responsables du gouvernement islamique par le peuple :
Dans l’Etat islamique, les responsables du pays (Guide, Président de la République, les députés du parlement, etc.), sont, tous, élus au suffrage universel direct et indirect. Le peuple choisit au suffrage universel direct, le Président de la République, les députés de l’Assemblée consultative islamique (le parlement), les élus des conseils municipaux dans les villes et les villages. Le Guide est élu par le peuple au suffrage indirect, autrement dit par (l’intermédiaire), de l’Assemblée des Experts. Le peuple joue, également, d’une manière indirecte, son rôle dans l’élection des Ministres et d’autres hauts responsables du pays, nommés et choisis par le Président de la République ou l’Assemblée consultative islamique(le Majlis islamique). L’élection des responsables du pays par le peuple, est une exigence, une priorité au sein de l’Etat islamique. A ce propos, le grand architecte de la révolution islamique, l’honorable Imam Khomeiny (que sa demeure soit au paradis), dit : « Il revient au peuple d’élire les gens qualifiés et fiables et leur confier la responsabilité de s’occuper des affaires du pays ». 5[5] A une autre occasion, il dit : « Nous disons que la personne qui veut gérer le pays, Celui à qui nous voulons confier nos affaires, doit être quelqu’un qui soit élu par le peuple, quelqu’un qui soit le choix du peuple ». 6 [6]
3. Les dirigeants de l’Etat islamique donnent des consultations aux gens :
Il est nécessaire que le souverain soit informé et averti des avis du peuple et d’en bénéficier, d’une meilleur manière possible, pour mieux gérer les affaires de la société. Mais, il lui revient de prendre la décision finale, c’est-à-dire, de trancher, à lui seul, ou de s’appuyer sur l’avis des autres. Là où il est question d’une chose prescrite par Dieu ou les Infaillibles (que la paix divine soit sur eux), le dirigeant de la société musulmane a obligation de l’appliquer, bien que cela soit opposé à l’avis du peuple. Les gens n’ont pas le droit d’objection et de protestation, car ils ont admis, eux-mêmes, que leur gouvernement repose sur des ordres divins et des lois et règles islamiques. A ce propos le vénéré Imam Ali (béni soit-il) dit : « Vous me reprochez le fait de ne pas vous consulter. Par Dieu, je ne désirais point le commandement, la gouvernance, mais vous m’avez invité et vous m’avez choisi. Je ne me suis pas opposé par crainte de voir l’Oumma être frappé par des divisions et des dissensions. Une fois élu, j’ai consulté le Livre de Dieu et la Sunna du Prophète au sujet de ce qui nous est prescrit et j’ai suivi la ligne qui nous est tracée. Je n’ai pas eu besoin pour le faire ni de vos avis ni des avis d’autres personnes. Si je m’étais trouvé face à une situation qui n’est pas qualifiée par le Livre de Dieu ou la Sunna de son Messager et au sujet de laquelle la consultation s’imposait, je vous aurais consultés ». 7 [7] Le vénéré Imam Ali (béni soit-il), réputé pour son rang scientifique très élevé, disait, à plusieurs occasions : « interrogez-moi avant que vous ne me perdiez ». 8[8] Il consultait, dans les cas qu’il jugeait nécessaire. Les leaders non-infaillibles ont, tout naturellement, besoin de mener des consultations avec les gens avertis et spécialisés, et ils en ont l’obligation d’agir ainsi, dans des questions naissantes, contemporaines. Le fait de mener des consultations et de suivre l’avis de la majorité des experts, est une nécessité qui est, actuellement, prévue et déterminée par la loi et les institutions. Les prises de décisions générales et importantes des pouvoirs exécutif et législatif se reposent sur l’avis de l’Assemblée consultative islamique et le fait de se soumettre à l’avis de la majorité est reconnu, à cette échelle. S’agissant du Guide, c’est le Conseil du discernement du bien de l’Ordre islamique et également les groupes de conseillers qui sont le bras puissant et efficace pour les prises de décisions générales par le Guide. Par Conséquent, le peuple dispose des moyens pour participera, par le biais de ses représentants, au processus des législations (dans les cas qui concernent les lois courantes du pays), ainsi qu’au processus des prises de décisions et des affaires courantes du pays.
4. Participation au processus des législations :
Le peuple assiste, par le biais de ses élus à l’Assemblée consultative islamique, qui est le pouvoir législatif du pays, à l’adoption des lois et des décisions exécutives du pays. A cela s’ajoute, également, le fait que la Constitution aussi, qui sert de base et de référence pour la gestion du pays, est l’expression de la volonté populaire, car cette loi constitutionnelle avait été soumise, à travers d’un référendum, au vote du peuple.
5. Surveillance du peuple sur les dirigeants :
Le peuple surveille, avec des yeux ouverts et des oreilles attentifs, tous les actes, les comportements et les paroles des dirigeants. Il bénéficie, depuis longtemps, du levier et de l’outil de surveillance sur la classe régnante pour jouer son rôle dans la souveraineté. En effet, les gens, en procédant à la critique et à l’analyse des actes et des programmes du gouvernement ; ils barrent la route aux déviations. Dans l’Etat islamique, le peuple veille, également, sur la bonne et juste application des lois divines, ainsi que sur le respect des rituels et mœurs islamiques, tels que le respect de l’équité et de la justice, l’élimination de la discrimination et de l’inégalité, la gestion et les capacités nécessaires fournies au peuple pour gouverner, le refus de l’orgueil et de l’égoïsme, le sens de la responsabilité vis-à-vis de Dieu et du peuple, procéder à l’auto-purification avant d’en avoir une telle exigence aux autres, l’honnêteté, la probité, l’intégrité, et bref, l’application des prescriptions du Coran et de la Sunna. Cette surveillance s’effectue par diverses méthodes qui sont ainsi de suite :
Le fait de recommander le bien et d’interdiction le mal : Les enseignements religieux exhortent, encouragent les gens à accomplir cette grande obligation, surtout, par rapport aux gouvernants. Le vénéré Imam Ali (béni soit-il), dit : « Toutes les œuvres de bienfaisance et le jihad dans le sentier de Dieu sont en comparaison avec le fait de recommander le bien et d’interdire le mal comme une goutte d’eau face à une mer immense et mouvementée. Le fait de recommander le bien et d’interdire le mal n’approche pas la mort et ne diminue pas la subsistance. Le plus important de tout cela est de dire la vérité devant le souverain tyrannique ». 9
[9]
l’importance du fait de dire la parole de justice et de vérité devant les souverains tyranniques s’explique par cette raison que les gens sont, généralement, soumis et subordonnés à leurs dirigeants, un acte qui peut conduire aux déviations, au sein de la société. Donc, le fait de rappeler à l’ordre les dirigeants de la société, en les exhortant à appliquer le bien et à blâmer le mal, est d’une valeur inestimable. Le vénéré Imam Baqer (béni soit-il) dit : « Quiconque se rend auprès d’un sultan tyrannique pour l’appeler à la piété et l’avertir contre l’issue de l’impiété, aura la même récompense que les Djinns et les Humains reçoivent pour leurs actes ». 10
[10]
Du point de vue de l’islam, l’importance du fait de recommander le bien et d’interdire le mal est si immense et telle que son abandon entraine le châtiment divin. A ce propos, le vénéré Imam Ali dit : « Dieu ne châtie jamais les masses populaires pour les péchés commis, secrètement, par les élites, mais si les élites (la classe régnante) commettent, publiquement et ouvertement, des péchés sans qu’ils reçoivent d’objection et de protestation de la part des gens, tous les deux groupes (les élites et les gens ordinaires), auront à subir à subir le châtiment divin ». 11
[11]

Donner des conseils aux dirigeants de la société
Pour définir les droits réciproques entre lui(en qualité d’Imam) et le peuple (l’Oumma), le vénéré Imam Ali dit : « Ô gens ! Vous et moi, nous avons des droits réciproques. Le droit que vous avez à mon égard est de rester fidèle à l’allégeance que vous m’avez prêtée et de me donner, ouvertement, des conseils (faire preuve de bienveillance). 12 [12]Ici le conseil veut dire la bienveillance vis-à-vis des Imams (bénis soient-ils), autrement dit les gens devront, dans un esprit de bienveillance, avoir une surveillance sur les affaires de la société, ainsi que sur les méthodes de gouvernance de leurs dirigeants. Et pour ce faire, ils ne devront pas ménager, dans le chemin de vérité, aucune entre-aide, ni coopération et collaboration à leurs dirigeants, et devront leur obéir, pleinement.
Surveillance du peuple sur les dirigeants dans la Constitution de la République islamique d’Iran
Surveillance directe
Dans le huitième principe du premier Chapitre de la constitution iranienne, il est précisé : « Dans la République Islamique d’Iran, inviter à la charité, au fait de recommander le bien et d’interdire le mal est un devoir général et réciproque des individus les uns envers les autres, du gouvernement envers le peuple et du peuple envers le gouvernement. Ses conditions, ses limites et sa nature sont déterminées par la Loi ». 13[13]
Surveillance indirecte :
En raison de l’étendue des sociétés et de la multiplication des activités et des obligations des responsables de l’Etat, la surveillance directe de l’ensemble du peuple sur l’ensemble des dirigeants et des responsables est diminuée, tandis que les moyens d’exercice d’une surveillance indirecte par le par le peuple sont réunis et favorisés. Le peuple élit ses représentants pour se charger des affaires liées à la souveraineté et confient à ses représentants, outre la responsabilité d’assurer leur mandat, la charge de procéder à la surveillance, tout en ne se privant pas, de cette mission (c’est-à-dire, le fait d’exercer, lui, cette surveillance). L’élection par le peuple de ses représentants pour se charger et s’occuper des affaires du pays, est mentionnée dans plusieurs principes de la Constitution de la République islamique d’Iran, dont :
L’élection des représentants de l’Assemblée consultative islamique qui, outre leur mission importante consistant à légiférer et à interpréter les lois ordinaires du pays, exercent, par divers moyens, leur rôle de surveillance. L’Assemblée consultative islamique a le droit d’enquête et d’investigation dans toutes les affaires du pays, ainsi que de faire des remarques, de poser des questions et de poser une motion de censure à l’endroit de chacun des Ministres et du Président de la République et d’examiner les plaintes contre le fonctionnement de divers organes du pays. 14
[14]
L’élection du Président de la République pour diriger le pouvoir exécutif, veiller sur l’application en bonne et due forme de la Constitution, contrôler et superviser les affaires exécutives du pays et les activités de chacun des Ministres. 15
[15]
L’élection des Représentants de l’Assemblée des Experts pour désigner le Guide ayant toutes les conditions requises, veiller sur son action et vérifier le maintien des conditions spéciales prévues pour le leadership de la société islamique. 16
[16]
Afin d'assurer des progrès rapides dans les programmes sociaux, économiques, d'aménagement, de la santé publique, culturels, éducatifs et d'autres activités d'intérêt général avec la coopération de la population, prenant en considération les particularités locales, la gestion des affaires de chaque village, district, ville, département ou province s'effectue sous la surveillance d'un conseil dénommé Conseil du village, du district, de la ville, du département ou de la province, dont les membres sont élus par la population locale. 17
[17]
Le peuple dispose d’autres moyens à sa disposition pour exercer son rôle de surveillance sur les dirigeants et les responsables du pays, qui sont entre autres :
Les partis et les groupes politiques et culturels. 18
[18]

La presse et les mass médias. 19
[19]
Les rassemblements et les manifestations. 20
[20]
6. Le rôle du peuple pour appuyer et accompagner le gouvernement
L’Etat islamique a, tout comme il besoin d’allégeance du peuple pour sa création, a besoin du soutien et de l’accompagnement du peuple pour sa pérennité et sa survie. L’accompagnement du peuple peut immuniser l’Etat face à tous les ennemis intérieurs et extérieurs. Dans une lettre adressée à Malek Ashtar, le vénéré Imam Ali (béni soit-il), lui recommande de s’appuyer, en toutes circonstances et pour toutes choses, sur les masses laborieuses, et d’éviter de prendre comme appui les riches et les fortunés égoïstes et exigeants, et de sonder, en constance, à satisfaire le premier groupe non pas le second. 21[21]
A ce propos, l’honorable Imam Khomeiny (que sa demeure soit au paradis), dit : « Le peuple doit être l’appui des gouvernements, un gouvernement qui n’a pas d’appui, échouera ». 22[22] Et à une autre occasion, il dit : « Nous avons besoin du peuple. Cela veut dire que la République islamique d’Iran a, jusqu’au bout, besoin du peuple, c’est le peule qui a porté là, cette République et c’est le peuple qui mènera cette République jusqu’au bout ». 23 [23]
7. Le gouvernement islamique au service du peuple :
Dans l’optique de l’Islam, l’Etat et le gouvernement islamiques sont un outil, un moyen pour appliquer les lois et les ordres divins et pour instaurer l’ordre, établir la sécurité intérieure et extérieure, assurer le bien-être et la prospérité au peuple, éliminer l’oppression et l’injustice, etc.
Du point de vue de l’Islam et des Infaillibles (bénis soient-ils), l’Etat islamique prend sa valeur, seul dans le cas où il est un moyen pour réhabiliter les droits bafoués des opprimés, servir les défavorisés et les nécessiteux, bref, contribuer à la croissance et à l’élévation et à la promotion, tant sur le matériel que spirituel, des créatures défavorisées du Tout-Puissant. Dans une lettre à l’adresse de Malek Ashtar, le vénéré Imam Ali (que la paix de Dieu soit sur lui), dit : « Sois tendre avec le peuple et comporte-toi en en tant qu’un ami, très gentiment, avec les gens. Ne te comporte jamais comme un animal féroce pour te permettre de les dévorer ; car les gens se divisent en deux catégories : Le premier groupe, ce sont tes frères en religion et le deuxième, ils t’apparentent en terme de création. ». 24 [24] Et l’honorable Imam Khomeiny ( que sa demeure soit au paradis), en suivant le chemin tracé par le vénéré Imam Ali( béni soit-il), décrit, en ces termes, le gouvernement islamique : « Dans l’Etat islamique, le gouvernement doit être au service du peuple et le peuple dispose, même , le droit de porter plainte contre le Premier ministre, s’il y a une oppression et de le traduire en justice et de le punir pour ses actes, s’il est reconnu coupable ». 25 [25]
Nous vous avons expliqué dans le présent texte, ne serait-ce qu’une partie des droits réciproques que l’Islam reconnait pour le peuple et le gouvernement, l’un envers l’autre. Pour plus d’information, nous vous recommandons de consulter les livres suivants :
1. Droits fondamentaux et institutions politiques, Abul Fazl, Qazi Shari’at Panahi.
2. Droits humains, A’likhani.
3. Surveillance et les institutions de surveillance, Mohsen, Malek Afzal Ardakani.
4. Droits essentiels dans la République islamique d’Iran, Seyyed Mohammad, Hashémi.
5. La Constitution de la République islamique d’Iran.
6. La place du peuple dans l’Etat islamique du point de vue de l’Imam Khomeiny, Institut de la Rédaction et la Publication des œuvres l’Imam Khomeiny (que sa demeure soit au paradis).
7. La revue de l’Etat islamique, Secrétariat de l’Assemblée des Experts, N° 4, p. 134 et de suite.

[1] Sourate 57, Le fer (Al-Hadid), verset 25
[2] « Voie de l’Eloquence », traduit par Mohammad Dashti.
[3] Idem.
[4] La place du peuple dans l’Etat islamique du point de vue de l’Imam Khomeiny, p. 9, Institut de la Rédaction et la Publication des œuvres l’Imam Khomeiny (que sa demeure soit au paradis),
[5] Idem, p. 10, publié par l’Institut de la Rédaction et la Publication des œuvres l’Imam Khomeiny (que sa demeure soit au paradis),

[6] Idem, p. 11.
[7] Cheikh Toussi, Al-Amali, p. 173 ( Narm Afzar( logiciel), Nour II).
[8] « Voie de l’Eloquence », sermons 5 à 189.
[9] « Voie de l’Eloquence », Sagesse 373.
[10] Wasa’el al-Chi’a, tome 12, chapitre 3, passages portant sur le fait de recommander le bien et d’interdire le mal, hadith 11.
[11] Idem, hadith 1.
[12] « Voie de l’Eloquence », sermon 34.
[13] Premier chapitre, le huitième principe.
[14] Les principes 62-76-79-88-90 de la Constitution de la République islamique d’Iran et l’article 9 du règlement intérieur de l’Assemblée consultative islamique.
[15] Le 134ème principe de la Constitution.
[16] Le 107ème principe.
[17] Le 100ème principe.
[18] Le 126ème principe.
[19] Le 124ème principe.
[20] Le 127ème principe.
[21] « Voie de l’Eloquence », lettre 53.
[22] La place du peuple dans l’Etat islamique du point de vue de l’Imam Khomeiny, p.162.
[23] Idem, p. 166.
[24] « Voie de l’Eloquence », lettre 2652
[25] La place du peuple dans l’Etat islamique du point de vue de l’Imam Khomeiny, p.50.
 

http://www.islamquest.net/fr/archive/question/fa111

 

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L'esplanade à Jérusalem : juive ou musulmane ?

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Les musulmans considèrent l'esplanade où se trouvent les mosquées al-Aqsa et du Dôme du Rocher comme étant un de leurs lieux sacrés, notamment parce qu'ils perçoivent non seulement Muhammad mais aussi Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, David, Salomon, et tous les autres prophètes bibliques comme des croyants en la même foi que celle qu'ils ont en Dieu. Le lieu de culte que certains de ces personnages ont bâti est donc sacré pour les musulmans parce que Muhammad est le successeur des prophètes bibliques. Mais les juifs, pour leur part, considèrent ces personnages bibliques comme étant juifs, ce qui fait qu'ils considèrent l'esplanade comme étant leur lieu sacré à eux. Ce que vous musulmans nommez "al-Aqsa", les juifs le nomment "Temple". Voilà le nœud du problème : deux communautés religieuses différentes, les musulmans et les juifs, considèrent le même lieu comme étant leur.
. Le débat prend sa source dans la question de savoir si la fonction du prophétat, avec mission de guider les hommes vers Dieu, ne peut prendre place, après Abraham, que dans sa descendance issue de son petit-fils Jacob, ou bien si ce prophétat peut venir ailleurs aussi (cliquez ici, ici et ici pour en savoir plus).

Ici je me contenterai de dire deux choses...

1) Quand, en 636 de l'ère chrétienne, Omar, Compagnon du Prophète et second calife, vient signer le traité concernant Jérusalem avec le patriarche Sophronius, il fait une prière sur l'esplanade. Les musulmans construiront un peu plus tard les deux édifices cultuels bien connus sur cette esplanade. [Les historiens musulmans relatent que le Patriarche Sophronius lui propose de faire une prière dans l'Eglise du Saint-Sépulcre, mais il refuse en disant : "Si je prie ici, des musulmans pourraient venir ensuite prier ici, puis revendiquer ce lieu et en chasser les chrétiens".] Or, quand Omar prie sur l'esplanade, ce que vous ne savez apparemment pas c'est qu'à ce moment-là, il ne s'y trouve plus aucun édifice religieux. En effet, c'est en l'an 70 de l'ère chrétienne que les Romains, conduits par Titus, ont incendié et détruit le lieu de culte monothéiste que nous musulmans appelons effectivement "al-masjid al-aqsâ". En 134, les Romains, sous la conduite cette fois de Hadrien, mâtent une révolte juive conduite par Bar Kosheba. En 135, les vestiges de ce lieu de culte sont rasés. Sur l'esplanade est dressée la statue de Hadrien. Jérusalem est interdite d'accès aux juifs. Le nom même de Jérusalem est changé en Aelia Capitolana, d'après le nom de Aelius Hadrien. [Au VIIème siècle encore, à l'époque du Prophète, les Arabes appelleront toujours Jérusalem "Aelia", comme en témoignent les récits présents dans les recueils de Sunna : Sahîh de al-Bukhârî, de Muslim, etc.]
C'est sous Constantin, empereur romain du IVème siècle converti au christianisme, que l'esplanade sera débarrassée des idoles qui y avaient été installées. En ce IVème siècle, une présence juive semble être attestée à Jérusalem. Plus tard, Julien l'Apostat propose aux juifs de reconstruire l'édifice religieux sur l'esplanade, mais devant l'apparition de boules de feu – apparemment des poches de gaz prisonnières des ruines et s'enflammant au contact de l'air – les travailleurs juifs abandonnent les travaux.
Au VIIème siècle, quand Chosroes, l'empereur perse, a conquis Jérusalem sur les Byzantins, il en chasse les juifs, devenus des alliés trop encombrants. Puis Héraclius reconquiert Jérusalem sur les Perses. Toujours en ce VIIème siècle, c'est en 636 que Omar entre à Jérusalem, comme nous l'avons dit. Et quand Omar vient prier sur l'esplanade, il ne s'y trouve depuis longtemps plus aucun édifice religieux, ni monothéiste ni païen. Jean Lartéguy écrit à propos de l'entrée de Omar sur l'esplanade : "Quand la petite troupe arrive par la porte sud-ouest, l'entrée est obstruée par les décombres : il lui faut se frayer un passage parmi les ordures qui y ont été déversées". (A part les deux passages relatés entre crochets, les autres éléments de ce paragraphe sont extraits de Mourir pour Jérusalem, par Jean Lartéguy.)

2) Il arrive aussi que certaines gens perçoivent les Palestiniens comme des conquérants ayant – lors de la conquête arabe ou même bien avant, des siècles avant le début de l'ère chrétienne –, pris par la force la région de la Palestine à ses habitants originels, les Hébreux. A ce sujet, voici ci-après un dialogue qui a eu lieu dans les années 20 du XXème siècle – donc pendant que la colonisation de la Palestine se poursuit, et bien avant la proclamation de l'Etat d'Israël – entre deux descendants des Fils d'Israël, Leopold Weiss et Chaïm Weizmann. Leopold Weiss relate :
"Je me souviens toujours d'une brève discussion que j'eus à ce sujet avec le Dr Chaïm Weizmann, leader incontesté du mouvement sioniste. Il était venu faire l'une de ses visites périodiques en Palestine (sa résidence permanente était, je crois, à Londres) et je le rencontrai dans la maison d'un ami juif. On ne pouvait manquer d'être impressionné par l'énergie sans bornes de cet homme, énergie qui se manifestait même dans les mouvements de son corps et dans ses longues et souples enjambées lorsqu'il arpentait la pièce de long en large, ainsi que par son pouvoir intellectuel que révélaient son large front et l'éclat pénétrant de ses yeux. Il parlait des difficultés financières auxquelles se heurtait la réalisation du rêve d'un foyer national juif et de l'aide insuffisante qu'il trouvait à l'étranger pour la réalisation de ce rêve. Et j'avais la désagréable impression que lui-même, comme la plupart des autres sionistes, avait tendance à transférer la responsabilité morale de tout ce qui se passait en Palestine sur le "monde extérieur". Cela me poussa à rompre le silence déférent dans lequel tous les autres assistants l'écoutaient et je lui demandai : "Et les Arabes ? Comment pouvez-vous espérer faire de la Palestine votre patrie face à l'opposition véhémente des Arabes qui, après tout, sont en majorité dans ce pays ?" Le leader sioniste haussa les épaules et répondit sèchement : "Nous escomptons qu'ils ne seront plus en majorité au bout de quelques années.
– Peut-être en sera-t-il ainsi. Vous vous occupez de ce problème depuis des années et devez connaître la situation mieux que moi. Mais outre les difficultés politiques que l'opposition des Arabes peut, ou ne peut pas, semer sur votre chemin, l'aspect moral de la question ne vous préoccupe-t-il pas ? N'estimez-vous pas injuste de supplanter des gens qui ont toujours vécu dans ce pays ?
– Mais c'est notre pays, répondit le Dr Weizmann en soulevant les sourcils. Nous ne faisons rien d'autre que de récupérer ce qui nous avait été injustement enlevé.
– Mas nos ancêtres n'ont pas dominé la Palestine pendant près de deux mille ans ! Auparavant, ils avaient dominé ce pays, et même seulement en partie, pendant cinq cents ans. Ne pensez-vous pas que les Arabes auraient autant de droit de revendiquer l'Espagne ? Car, après tout, ils y ont exercé le pouvoir pendant près de sept cents ans et ne l'ont tout à fait quitté que depuis cinq cents ans."
Le Dr Weizmann devenait impatient : "Non-sens. Les Arabes avaient seulement conquis l'Espagne qui ne fut jamais leur véritable patrie. Aussi ce ne fut que justice s'ils en furent finalement chassés par les Espagnols.
– Excusez-moi, répondis-je. Mais il me semble qu'il y a là une omission historique. Après tout les Hébreux étaient aussi des conquérants lorsqu'ils sont venus en Palestine. D'autres tribus sémitiques et non-sémitiques y étaient établies longtemps avant eux : Amorrites, Edomites, Philistins, Moabites, Hittites. Ces tribus ont continué à vivre là encore à l'époque des royaumes d'Israël et de Juda [qui succédèrent à l'unification réalisée par Saül, David et Salomon, et existèrent avant l'ère chrétienne du XIème siècle jusqu'au VIIIème siècle pour Israël et jusqu'au VIème siècle pour Juda]. Elles y vécurent toujours après que les Romains eurent chassé nos ancêtres [en 135 de l'ère chrétienne]. Et elles y vivent encore aujourd'hui. Les Arabes qui vinrent d'Arabie et s'installèrent en Syrie et en Palestine après les avoir conquises au VIIème siècle [de l'ère chrétienne] ne furent jamais qu'une petite minorité de la population. Les autres, que nous appelons aujourd'hui les "Arabes" palestiniens ou syriens, ne sont en réalité que les habitants originels du pays, qui furent arabisés. Certains d'entre eux devinrent musulmans au cours des siècles et d'autres restèrent chrétiens. Il y eut naturellement des mariages entre ces musulmans et leurs coreligionnaires d'Arabie. Mais pouvez-vous nier que la masse des habitants, musulmans ou chrétiens, de la Palestine, qui parlent arabe, sont les descendants en ligne directe des habitants originels, originels en ce sens qu'ils vivaient dans ce pays avant l'arrivée des Hébreux ?"
Le Dr Weizmann accueillit mes propos avec un sourire poli et parla d'autre chose" (D'après Le Chemin de La Mecque, Fayard, 1976, pp. 91-92, par Leopold Weiss (1900-1992), autrichien d'origine juive s'étant converti ensuite à l'islam et ayant pris le nom de Muhammad Asad).

Sans remonter aux origines des composants du peuple qu'on appelle "Palestinien", l'historien anglais Arnold Toynbee a émis le même avis que Leopold Weiss. Voici ce que Jean Lartéguy relate : "Pour l'historien anglais Arnold Toynbee, Jérusalem, capitale de la Palestine, ne pouvait être que palestinienne, c'est-à-dire musulmane et arabe. Il écrit : "Le temps qui s'est écoulé entre la guerre romaine [en l'an 135] et la création de l'actuel Etat d'Israël est si large que nous devons pencher sans hésiter en faveur des autochtones, les Palestiniens, vivant dans ce pays depuis mille trois cents ans" (Mourir pour Jérusalem, p. 16). Mille trois cents ans, c'est la période de l'histoire qui va de la fin de la présence romaine en Palestine (qui correspond au début de la présence arabe) au moment où il écrit ses propos. C'est sur cette donnée que Toynbee fonde son propos. Et quand on comprend qu'on ait refusé – à juste titre – l'invasion du Koweït par l'Irak, voulue par le dictateur de Bagdad sous prétexte qu'il s'agissait 40 ans auparavant d'une province de son pays, on ne peut que comprendre le propos de Toynbee.

L'écrivain britannique Arthur Koestler écrit pour sa part : "La déclaration Balfour constitue un des documents politiques les plus improbables de tous les temps. C'est un document par lequel une première nation promettait solennellement à une seconde nation le pays d'une troisième nation. Aucun plaidoyer ne saurait en rien diminuer l'originalité du procédé. Il est vrai que les Arabes vivaient en Palestine sous la domination turque, mais ils y vivaient depuis des siècles et il ne fait pas de doute que ce pays était le leur, au sens généralement admis du mot. Il est vrai que les Arabes disposaient d'immenses territoires mal peuplés et que les juifs n'en avaient aucun ; que les Arabes étaient un peuple arriéré [sur le plan matériel] et les juifs un peuple avancé [sur le même plan], et que ceux-ci prétendaient avoir reçu le pays en partage trois mille ans plus tôt, de la main même de Dieu, qui ne le leur avait retiré que temporairement. Mais jamais auparavant dans l'histoire, des arguments de cette nature n'avaient amené une grande puissance à une initiative aussi extravagante" (Analyse d'un miracle, Arthur Koestler, cité dans Mourir pour Jérusalem, André Larteguy, p. 366).

Malgré toutes ces vérités, malgré la colonisation de leur pays, les Palestiniens étaient prêts en 1947 à accorder la concitoyenneté à ceux dont la présence massive leur avait été imposée. Elias Sanbar, rédacteur en chef de la Revue d'études palestiniennes, écrivait en 1997 : "Les Palestiniens, dit-on aujourd'hui a posteriori, n'ont obtenu, après trois ans de négociations, que 2% de ce qui fut leur patrie, alors qu'en 1947 on leur en avait proposé 45% et qu'ils ont refusé. Regardez, leur dit-on, où vous a conduit votre intransigeance. Il faut dire trois choses à ce sujet : au moment de refuser les 45% de la Palestine qu'on leur propose, les Palestiniens ont une patrie entière. Ils sont 1 400 000 personnes face à une communauté juive de 600 000 personnes, composée à 95% d'immigrants venus d'Europe. Ils sont dans leur pays et ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient en abandonner plus de la moitié. Second point : lors des débats à l'ONU, les Palestiniens ne se cantonnent pas dans leur refus du plan de partage. Ils réclament l'indépendance et proposent la citoyenneté pour l'ensemble des habitants de la Palestine, y compris les 600 000 juifs" (Le Monde, Le partage de la Palestine, 30 novembre-1er décembre 1997, p. 14).

 

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Les rêves dans la culture musulmane

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Le rêve en tant que tel constitue une expérience fondatrice dans la conscience humaine. Il semble avoir bouleversé nos ancêtres dès les temps les plus anciens : alors que le corps repose en état d’immobilité, que toute vigilance a cessé, voici qu’un autre mode de conscience surgit. Le sujet voit, entend, ressent la joie ou la peur, sans que tout ceci ne laisse de traces dans le monde extérieur. N’y avait-t-il pas là pour eux le signe qu’existe en l’homme une âme, un principe immatériel autonome par rapport au corps physique
? Et ces expériences oniriques ne résultent-elles pas, de quelque manière d’une rencontre avec un monde sur-naturel
?

Dans les sociétés archaïques, le rêve est en tout cas le moyen privilégié d’entretenir des rapports avec la surnature : de connaître les événements cachés, présents ou à venir, de maintenir l’équilibre avec le monde des défunts etc. C’est ainsi que les rêves induits chez les chamanes et hommes de pouvoir constituent un des pivots de la vie sociale dans mainte société tribale. Certains anthropologues ont été jusqu’à suggérer que l’expérience du rêve aurait présidé à la naissance de l’art, et que les peintures rupestres préhistoriques que nous pouvons contempler aujourd’hui reproduiraient des visions de type chamanique (cf J.Clottes et D.Lewis-Williams, Les chamanes dans la préhistoire, Seuil, 1996).

Dans la culture musulmane classique, la question du rêve a été abordée avec gravité et prudence à la fois. Gravité, car le hadîth affirme sans ambiguïté que le rêve est une partie de la prophétie (juz’ min ajzâ’ al-nubuwwa) qui perdurera dans la Communauté après la mort de son Prophète, et jusqu’à la fin des temps historiques. Réserve, car il s’agissait de faire le départ entre rêves véridiques porteurs d’un message céleste et songes équivoques issus simplement des passions humaines voire de susurrements sataniques. Examinons ces deux termes de plus près.

Les données de la Tradition

Les rêves ont tenu une place de premier plan dans la vie publique et privée de Muhammad telle qu’elle nous a été rapportée dans la littérature du hadîth et de la biographie prophétique. Nous nous fondons ici surtout sur les principaux recueils de hadîths sunnites (cf la Bibliographie in fine) et sur les ouvrages de Sîra (Ibn Ishâq, Sîra ; Ibn Sa'd,

Mais les recueils de traditions mentionnent surtout ceux dont le poids historique voire politique est manifeste : la vertu d’Abû Bakr et surtout celle de 'Umar sont exprimées par des songes à peine codés. Plusieurs hadîths sahîh-s rapportent ainsi des rêves de Muhammad concernant la précellence de 'Umar. Ce dernier boit du lait (symbole de la science, explique Muhammad) des doigts mêmes du Prophète. Dans un autre songe où apparaissent plusieurs Compagnons, il est celui dont la chemise (interprétée ici comme désignant la religion) est de loin la plus longue. Parfois, le rêve de Muhammad prédit de façon à peine voilée les évènements politiques des trente années suivant sa mort, voire au-delà : la grande fitna, la mort de Husayn à Kerbéla, la révolte de 'Abdallâh ibn Zubayr...(notamment dans plusieurs traditions d’origine parfois incertaine répertoriées dans le Musnad d’Ibn
Hanbal).

Un rêve prémonitoire et d’un poids historique certain a même été mentionné dans le Texte sacré : le songe reçu par Muhammad à Médine de l’entrée des Musulmans à La Mecque en état de sacralisation, confirmé par le pélerinage de 629 (Coran XLVIII, 27). La victoire de Badr, la défaite du mont Uhud auraient elles aussi été prévues lors de plusieurs songes rapportés par le hadîth ; le Coran évoque même le rôle du message onirique qui serait intervenu peu avant la bataille de Badr (VIII, 43-44). Dans tous les cas, le rêve venait confirmer le dessein divin reposant sur un événement politique ou militaire, et donc lui donner sens.

Les récits du Voyage Nocturne et de l’Ascension Céleste peuvent également être mentionnés, pour autant que les savants se sont posé la question de sa nature : voyage de Muhammad dans son esprit ou dans son corps
? Si le consensus de la Communauté s’est fixé sur la première interprétation, celle d’un voyage corporel, plusieurs exégèses rapportent néanmoins aux événements du Isrâ’ le verset XVII, 60 mentionnant un songe du Prophète : ’Nous n’avons fait de la vision (ru’yâ) que nous t’avons montrée ainsi que de l’arbre maudit mentionné dans le Coran, qu’une tentation pour les hommes’. Enfin, la Tradition rapporte un certain nombre de rêves à portée eschatologique où Muhammad ou certains Compagnons (Ibn 'Umar) auraient reçu la vision des récompenses et des châtiments de l’au-delà.

Mais l’importance accordée par le hadîth aux rêves de Muhammad ne doit pas masquer une conviction plus centrale encore pour notre propos : celle que tous les croyants participent de quelque manière à cette suffusion du message divin dans la Communauté. La pratique même du Prophète l’illustrait : il réunissait le matin ses principaux Compagnons, et demandait si l’un d’entre eux avait rêvé. Parfois, ces récits de rêves ont pu exercer un effet sur la Loi ou la coutume religieuse. C’est suite aux songes convergents du Médinois 'Abd Allâh ibn Zayd et de 'Umar ibn al-Khattâb que fut institué le rite de l’âdhân. De même, la détermination de la position de la Nuit du Destin durant les sept derniers jours du mois de Ramadan a-t-elle été le résultat d’une série de rêves de Compagnons en ce sens, avalisée ensuite par le Prophète. Il arrivait que le songe du Prophète et celui d’un autre croyant fussent en concordance...

Bref, il existait comme une suffusion onirique collective dont Muhammad était en quelque sorte le pivot et le garant, mais non le seul acteur. D’ailleurs, cette manière d’inspiration collective par le rêve se confirma dès le décès du Prophète. Selon la Sîra, les Compagnons, perplexes et divisés quant au mode de lavage du corps de Muhammad après son décès inattendu, furent endormis ensemble et entendirent alors tous une voix leur donnant l’instruction précise. Passée la période fondatrice de la religion musulmane, les messages oniriques continuèrent de jouer un rôle dans la vie spirituelle des croyants, voir de toucher de façon discrète et incidente les élaborations juridiques ou théologiques (cf les récents travaux de Leah Kinberg cités en Bibliographie).

Le sommeil, nocturne en particulier, représente par conséquent un moment grave dans le quotidien des hommes. Il peut en effet devenir le moment de la visitation d’un ange, voire de Dieu Lui-même. C’est cette éventualité - jointe à la crainte a contrario d’une présence démoniaque à ce moment là - qui explique entre autres raisons la complexité des débats autour des gestes rituels précédant l’endormissement ou suivant le réveil : ablutions, récitations de versets coraniques et de prières propitiatoires, actes prophylactiques. Des gestes précis accomplis par le Prophète avant de s’endormir ont été rapportés par le hadîth en assez grand nombre. Il semble que Muhammad ait pu en adopter de différents suivant les jours et les circonstances ; enfin il est difficile d’évaluer dans quelle mesure il souhaitait que les autres croyants s’y conformassent. Ces pratiques sont bien sûr liées aux questions de pureté rituelle. Mais la nécessité d’une telle pureté renvoie à son tour au rapport du croyant avec les êtres du monde surnaturel, notamment avec les anges ; l’impureté attirant quant à elle la présence et le contact du démon. On peut même relever que, d’une certaine manière, le sommeil, la rencontre avec l’ange du rêve représente comme une préfiguration de la mort (cf Coran XXXIX 42), d’où la solennité des rituels intimes encadrant cette période nocturne décrits dans les recueils de hadîths. A tout le moins ces rituels ont-ils eu le bénéfice de prémunir certains croyants contre la terreur des cauchemars, selon des hadîths cités dans les mêmes chapitres.

Ceci dit, tous les rêves vécus durant le sommeil ne comportent pas la même charge symbolique ou religieuse. Le hadîth et à sa suite les docteurs de la Loi ont établi une classification entre les différentes formes de rêves, afin d’entourer de conditions précises celles dont le contenu pourrait se prévaloir d’une source surnaturelle. Cela commence par une spécification de certains termes. Le hulm désignera désormais le rêve d’origine passionnelle ou démoniaque, notamment mais non exclusivement d’ordre sexuel. Le rêve véridique, lui, correspondra à la ruy’â : ’La ru’yâ vient de Dieu, le hulm de Satan’, dit le hadîth à propos de cette distinction entre deux termes utilisés pourtant souvent comme synonymes en arabe ancien. Al-ru’yâ sera d’autre part distinguée de al-ru’yatu, vision à l’état de veille ; sauf quand l’exégèse l’exigera. Ainsi le terme ru’yâ advenant en Coran XVII 60 pour désigner sans doute le Voyage Nocturne est-il interprété comme une ru’yâ 'ayn, à l’état de veille, opposée à une ru’yâ manâm, songe à l’état de sommeil.

Trois catégories de rêves

Ensuite, les rêves seront classés globalement en trois catégories, suivant en cela un hadîth sahîh :

- 1) le discours inconscient que l’âme individuelle, renvoie à partir du vécu du jour précédent. Il n’est pas foncièrement nuisible, mais ne fournit pas de message utile non plus ;

- 2) les susurrements de Satan qui cherche à épouvanter ou attrister le dormeur, ou simplement à le perturber par des messages incohérents ;

- 3) Le rêve sain, envoyé par Dieu. Seul ce troisième type de songe - la ru’yâ au sens strict - intéresse la tradition religieuse.

Comment distinguer le rêve sain des images démoniaques ? C’est le rêveur qui, finalement, fait le départ ; s’il se réveille angoissé et mal à l’aise, le message vient de Satan. La vision d’origine céleste est quant à elle accompagnée de soulagement et de joie.

L’affirmation clé de l’onirologie musulmane se fonde sur une parole prophétique : ’Le rêve est la quarante-sixième partie de la prophétie’. Ce hadîth est rapporté avec de très nombreuses variantes. Certaines spécifient qu’il s’agit du rêve ’de l’homme pieux (sâlih)’ ou bien ’du croyant’, ou ’du Musulman’ pieux. Des fractions différentes sont mentionnées : il est la quarantième, la soixante-dixième partie de la prophétie (17 variantes !). D’autres hadîths également sahîh-s confortent la même idée. Muhammad aurait déclaré à son entourage qu’après sa mort, il ne resterait de la prophétie que les bonnes nouvelles apportées par les rêves vus par le croyant, ou vus pour lui par une autre personne.

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Une autre parole transmise sous de nombreuses variantes fait dire par ailleurs à Muhammad que celui qui le verra en rêve le verra vraiment, car Satan ne peut pas revêtir sa forme. Les cas de visions du Prophète durant le sommeil se sont multipliés après la mort de Muhammad, et perdurent jusqu’à nos jours. Enfin, un hadîth sahîh affirme qu’à la fin des temps, les rêves des Musulmans pieux deviendront à la fois beaucoup plus abondants et plus véridiques : comme si la Communauté se trouvait collectivement investie d’une inspiration divine, compensation de l’éloignement historique de la présence d’un prophète.

Alors, n’y aurait-il pas danger à voir se dessiner des phénomènes de ’prophéties’ incontrôlables, se réclamant de l’autorité même du hadîth ? Déjà les rêves véridiques avant l’Islam étaient reconnus comme valides - ne serait-ce que parce que certains d’entre eux auraient prévu l’avènement de l’Islam ; a fortiori devraient l’être ceux de Musulmans croyants. Dès les premiers siècles hégiriens, des hommes politiques et militaires ont usé et abusé de la publication de rêves annonçant leur victoire ou la justifiant après coup, et donnant souvent à l’événement le cachet prophétique ou providentiel qui manquait à l’évidence ; des illuminés ont proclamé leur divin
missionnement.

De ce fait, les traditionnistes et exégètes ont multiplié les interprétations limitant les risques de glissement. On trouvera des exemples éloquents et parfois sophistiqués de cet effort dans les commentaires des hadîths cités plus haut. Prenons par exemple la matière traditionnelle très ample réunie par Ibn Hajar al-'Asqalânî dans son Fath al-Bârî et par Qastallânî dans le Irshâd al-sârî. Selon certains avis, ’quarantième partie de la prophétie’ doit s’entendre au sens purement métaphorique, et : la partie d’une chose ne peut être identifiée à son tout, et : le hadîth ne concernait que les contemporains ou les proches de Muhammad, ou bien ne s’appliquerait en fait qu’aux prophètes...

Dans les interprétations les plus larges, les commentateurs admettent que ces messages oniriques puissent confirmer l’apport de la révélation (nubuwwa, non risâla) sans rien y ajouter de neuf toutefois. On conviendra qu’il est logique que des juristes généralement très réservés à l’égard de l’opinion indépendant (ra’y) à l’état de veille, se méfient de l’inspiration individuelle onirique. La vision du Prophète en rêve par des croyants est pareillement minimisée par les docteurs de la Loi, en sorte que celui qui aurait reçu une visite de Muhammad ne se sente pas investi d’une mission de type prophétique. Cette crainte de voir des illuminés ou des imposteurs abuser de l’argument du songe a conduit à valoriser un hadîth affirmant que ’celui qui mentira à propos de son rêve sera condamné au Jour de la Résurrection à nouer deux poils’, ce type de mensonge étant associé à celui de l’artisan fabriquant d’idoles. L’idole mentale créée par ce mensonge est en effet aussi pernicieuse qu’une divinité des polythéistes.

L’étude des textes coraniques relatifs aux manifestations oniriques sont bien sûr également riches d’enseignements, mais d’une façon plus indirecte car ne se rapportant pas aux rêves des simples croyants. Passons sur les mentions d’ordre polémique, les polythéistes mecquois qualifiant la révélation coranique de adghâth ahlâm (rêves chaotiques ; cf Coran XXI 5) ; elles ne concernent pas le rêve véridique, propos du présent article. Le Coran contient plusieurs passages évoquant la ru’yâ, mais il s’agit surtout des rêves de prophètes. Rien n’autorise a priori à y discerner des applications possibles aux expériences oniriques des croyants ordinaires. Mais, nous le verrons bientôt, les exégètes réagiront de façon assez diverses dans leur effort d’herméneutique. Par exemple à propos des passages suivants :

- les versets XXXVII 102-105 : Abraham se voit en rêve sacrifiant son fils. Il interprète cela comme un ordre, se prépare à l’exécuter avec l’assentiment dudit fils. La plupart des exégètes ne s’attardent pas sur la nature onirique de l’ordre divin - simple canal de révélation auquel d’autres modes de wahy auraient pu être substitués. Seul Fakhr al-dîn Râzî pose la question dans ses Mafâtîh al-ghayb : pourquoi certains messages ont-ils lieu par voie de rêve et non à l’état de veille ? N’y a-t-il pas là une modulation dans l’intensité ou l’intentionnalité du contenu révélé à ce moment ? Il note que certains rêves prophétiques sont envoyés ’en clair’ (p.ex. : Muhammad rêve qu’il rentre faire le pèlerinage à La Mecque, cf Coran XLVIII 27), d’autres représentent un événement qui ne se produira pas (le songe d’Abraham cité ici), d’autres enfin sont symboliques et demandent une interprétation (comme le rêve de Joseph voyant onze étoiles, le soleil et la lune se prosterner devant lui, cf Coran XII 4). Conclusion indirecte : les rêves de ces prophètes peuvent constituer mutatis mutandis un modèle pour ceux des croyants ordinaires, chez qui l’on retrouve également ces trois modalités de ru’yâ. La portée des considérations contenues dans le Mafâtîh al-ghayb est, on le constate, considérable pour la fondation de la science onirocritique en Islam.

- le récit de Joseph relaté dans la sourate XII 36 sq. Joseph interprète les rêves de ses deux compagnons de geôle, puis ceux de Pharaon - autant de personnages qui ne sont nullement des prophètes. Ces versets constituent un locus classicus des théoriciens de l’oniromancie. Là encore, c’est Râzî qui fournit les développements les plus circonstanciés sur la question de l’interprétation oniromantique de Joseph : est-elle d’origine divine, assimilable à une révélation ? Quelle est la valeur d’une oniromancie païenne, ou musulmane mais simplement inductive ? En quoi consiste précisément l’opération d’interprétation, de ta'bîr ? Pour lui, ces textes coraniques avalisent à l’évidence la science onirocritique, laquelle est également confirmée par l’effort d’élucidation intellectuelle. Ce qui n’entraîne pas l’idée que les onirocrites non prophètes disent le vrai dans chaque cas - loin de là.

- le rôle du verset XXXIX 42 est aussi à souligner : ’Dieu accueille les âmes au moment de leur mort ; il reçoit aussi celles qui dorment, sans être mortes. Il retient celles dont il a décrété la mort. Il renvoie les autres jusqu’à un terme fixé’. L’âme du dormeur, tout comme celle du défunt, est appelée à Dieu, mais elle est ensuite renvoyée dans le corps. Cette assertion justifie elle aussi que le sommeil permette le contact avec le monde surnaturel, car c’est au moment de cette assomption auprès de Dieu que, selon certaines traditions, des messages d’une vraie teneur spirituelle peuvent être confiés aux âmes. Et le réveil, note al-Baydâwî dans son commentaire coranique Anwâr al-tanzîl, ressemble par conséquent à une petite résurrection.

Synthèses doctrinales

On ne peut donc pas dire qu’une conception homogène du rôle des rêves se soit dégagée au cours des premiers siècles de l’Islam, mais plutôt que des visions plurielles aient été amenées à coexister sur une base dogmatique commune, alliant deux conceptions majoritairement acquises, car fondées sur plusieurs traditions prophétiques :

- l’âme (al-rûh) peut être attirée durant le sommeil vers le monde céleste, et là-bas recevoir communication de messages divins.

- l’âme, restant sur terre dans le corps du dormeur, peut recevoir un message par l’intermédiaire de l’ange du rêve qui descend des cieux.

Mais dans les deux cas, il est affirmé que c’est Dieu qui prend et garde l’initiative en instillant la foi dans le cœur du croyant ; en ce sens, remarque Ibn Hajar, l’état de sommeil ne se distingue pas de l’état de veille où c’est Dieu aussi qui accorde la foi et le jugement juste. Dans tous les cas, le degré d’obscurité du message onirique est dû à l’état de pureté du coeur du dormeur. Un pécheur, un mécréant ne pourront que rarement bénéficier d’un message vrai (cas de Pharaon), ils ne connaissent le plus souvent que des rêves incohérents et ténébreux. Parfois, c’est en effet à l’intervention de Satan qu’est imputé le brouillage de la vision et/ou de la parole reçue durant le sommeil. Généralement, le message véridique arrive au dormeur sous forme de parabole ou de symbole (mathal).

Comment l’ensemble de ces traditions ont-elles été intégrées dans les synthèses doctrinales les plus marquantes de l’Islam classique ? Parmi les auteurs principaux ayant traité de cette question spécifiquement, mentionnons :

- Abû Hâmid al-Ghazâlî, qui aborde la question du rêve dans le cadre de sa noétique et surtout de sa tentative de définir les rapports entre le corps et l’esprit (Ihyâ’ 'ulûm al-dîn IV ; Tahâfut al-falâsifa ; Madnûn) ainsi qu’à propos de sa doctrine mystique (Mishkât al-anwâr). Le miroir du cœur, poli par l’observance de la Loi et éventuellement par des pratiques soufies, peut entrer en contact avec les données inscrites dans la Table Gardée, durant le sommeil en particulier. A la différence de ce qu’affirment les falâsifa (ici, Avicenne) ce contact n’est pas induit nécessairement par l’état du coeur lui-même ; il dépend de l’intervention d’un ange missionné par Dieu, selon ce qu’enseigne la Tradition. Ce message surnaturel est ensuite traduit par l’imagination (khayâl) du dormeur. Mais cette imagination n’agit pas arbitrairement ; il existe une analogie générale entre le monde supérieur du Malakût et le monde terrestre, en sorte que les éléments sensibles (soleil, lune, arbres etc) peuvent exprimer sur un mode symbolique un contenu célestiel. Ghazâlî fonde ainsi indirectement les inductions des onirocrites. Le rêve est effectivement pour lui une partie de la prophétie, mais il ne peut se produire que dans le contexte d’une pratique rigoureuse et fervente de la foi dans la Tradition.

- Ibn Khaldoun a également exposé avec beaucoup de clarté la question du rêve, dans des termes qui se rapprochent finalement de la doctrine ghazâlienne (dans la Muqaddima, et dans le Shifâ al-sâ’il également). L’âme humaine, substance spirituelle, a potentiellement accès aux réalités universelles contenues dans les mondes célestes, mais bien sûr en fonction seulement de ce que le décret divin lui alloue. C’est ce qui se passe lors du sommeil, lorsque l’âme peut quitter l’enveloppe corporelle. Ces connaissances issues des universaux, al-kulliyyât (qui peuvent concerner le futur, d’où la possibilité de la divination) sont ensuite rendues à l’esprit du dormeur par l’imagination, en fonction des ’moules imaginatifs habituels’ (qawâlib ma'hûda) qui sont les siens. Ces ’moules’ varient en fonction de la réalité vécue du dormeur : un aveugle ne connaîtra pas les mêmes rêves qu’un voyant. Ibn Khaldoun s’attarde sur la question des connaissances supra-naturelles des devins, des saints et des prophètes, qui ont accès à ces universaux même à l’état de veille ; il trace plus généralement les fondements de l’oniromancie à qui il assigne des règles universelles, et qu’il classe parmi les sciences religieuses ('ulûm shar'iyya). Se fondant sur le hadîth et le témoignage de plusieurs Compagnons, il justifie l’apparentement du rêve véridique à la prophétie dans leur nature et leur processus mental, même si le degré perceptif du rêve reste très imparfait par comparaison.

- la tradition hanbalisante a elle aussi fourni plusieurs apports à la question des rêves. Elle a notamment abordé la question de l’apparition des défunts durant le sommeil. La manifestation de ce type de rêves est attestée pour des périodes fort anciennes (dès les premières générations de Musulmans, selon Ibn Sa'd ou Tabarî). Le hadîth en fait d’ailleurs déjà état : Muhammad n’aurait-il pas vu en rêve Waraqa ibn Nawfal, l’oncle chrétien de Khadîja, ou certains de ses contemporains, après leur décès
? Ce qui affirmait une manière de survie des défunts avant même la Résurrection générale. Ghazâlî a traité cette question dans un chapitre de son Ihyâ’ 'ulûm al-dîn, et a consacré à l’apparition onirique du prophète Muhammad en particulier un passage de son Madnûn.

Mais il existait bien avant lui une tradition moralisante et homélitique qui avait recueilli des récits de rêves en ce sens. Plusieurs auteurs de tendance hanbalite ont en particulier pris acte de ces témoignages. Il est très instructif d’analyser notamment le contenu du Kitâb al-Manâm d’Ibn Abî al-Dunyâ (m. en 894), accessible à présent grâce à l’excellente édition de L.Kinberg (E.J.Brill, 1994), qui regroupe 350 récits de rêves où apparaissent des personnes défuntes exposant au dormeur les conditions de leur survie dans l’au-delà et ce qui assure leur salut ou entraîne leur tourment. Ces récits, présentés tels des hadîths avec des chaînes de transmetteurs, présentent une portée morale, mais également théologique et politiques réelle. La piété et la vertu sont récompensées, comme la neutralité dans les combats entre Musulmans (les morts dans ces guerres n’ont pas statut de shuhadâ’ auprès de Dieu) et l’abstention dans les débats spéculatifs (condamnation des
Mu'tazilites notamment).

Dans une optique déjà plus doctrinale, la section du Kitâb al-rûh d’Ibn Qayyim al-Jawziyya (m. en 1350) consacré au rêve sain fournit une utile et claire synthèse des options de l’Islam traditionnel sur la question. Son optique est principalement eschatologique : il s’agit de montrer, en se fondant sur la Tradition et les témoignages oniriques, les rapports entre corps et esprit ; comment ils se séparent au moment du décès ; les modalités de survie des défunts pendant la période suivant immédiatement la mort physique ; les liens qu’ils gardent avec le monde qu’ils ont quitté, et notamment avec leurs proches.

Au total, on constate donc que, malgré de nombreuses divergences d’interprétation, un consensus s’est établi dans l’Islam sunnite s’agissant de l’importance de la vision onirique.

La plupart des docteurs admettent qu’il puisse exister des rêves suscités par des causes physiologiques, par des affleurements de données de la mémoire, par des excitations démoniaques des passions : mais tout cela n’entre pas dans la catégorie du rêve véridique, al-ru’yâ al-sâdiqa.

Il est professé que le rêve véridique est le vecteur d’une authentique inspiration surnaturelle, qu’il est ’une parole que ton Seigneur t’adresse durant le sommeil’ (hadîth) ; qu’il est possible de voir les défunts ordinaires, a fortiori les saints et les prophètes. Le prophète Muhammad peut apparaître en personne et réellement à des croyants lors de leur sommeil, mais l’explication de la nature de l’apparition varie selon les exégètes. Il est même confirmé que le croyant puisse voir Dieu, p.ex. dans l’éclat d’une lumière ou encore sous forme humaine (cf le hadîth al-ru’yâ ; le chapitre de la Risâla d’al-Qushayrî consacré au rêve ; et exemples dans la littérature soufie, comme le Kashf al-asrâr de Rûzbehân Baqlî, trad. et prés. par P.Ballanfat sous le titre Le dévoilement des secrets, Seuil, 1996).

L’onirocritique

A partir de tout ce qui précède se pose la question de l’interprétation des rêves. Car s’il arrive que Dieu envoie à un rêveur un message parfaitement clair, le fait reste rare voire exceptionnel. Dans la majorité des cas, le songe affleure à la conscience sous forme de symboles. Les interpréter, c’est effectuer l’opération de ta'bîr, de faire traverser le récit d’une rive à une autre : de la rive de l’image sensible, à celle du sens réel, de sa haqîqa.

Ici encore, c’est la littérature du hadîth qui fournit l’armature à cette discipline singulière qu’est l’onirocritique. Le Prophète a en effet joué souvent le rôle d’interprète de rêves, car les Musulmans venaient l’interroger sur leurs songes. La littérature du hadîth nous a laissé de nombreux exemples de ce genre de consultations. Parfois, Muhammad interprétait ses propres rêves : s’étant vu boire du lait en telle quantité qu’il en ruisselait de ses doigts et qu’il en offrit à boire à 'Umar, il expliqua à ses Compagnons qu’en l’occurrence, le lait désignait la science (al-'ilm). Il est hors de doute que le symbolisme coranique joua un rôle éminent à la fois dans le contenu des rêves et dans leurs interprétations.

A 'Abd Allâh ibn Salâm qui avait rêvé qu’il s’était accroché à une anse située au sommet d’une colonne dressée au milieu d’un jardin verdoyant, Muhammad répondit : ’'Abd Allâh mourra en tenant l’anse solide’. La référence coranique (verset II 256 ou XXXI 22) est ici tellement transparente que le hadîth ne l’explicite même pas. Une autre fois, 'Amr ibn al-'As, le futur conquérant de l’Égypte, lui aurait raconté qu’il s’était vu une nuit en train de sucer deux de ses doigts dont l’un était de graisse, et l’autre de miel. ’Tu lis les deux Livres, la Torah et le Coran’, lui aurait répondu Muhammad.

Les interprétations de rêves par Muhammad que nous a laissées la Tradition portent essentiellement sur des sujets religieux (l’au-delà), moraux, juridiques (état de pureté). Muhammad récusa comme étant des pièges ou des farces sataniques des rêves qui ne relevaient pas de ces registres : ainsi celui d’un Bédouin qui avait vu sa tête rouler devant lui, et qui l’avait reprise et remise à sa place. Muhammad refusa en l’occurrence d’en fournir une explication. Est-ce à dire que l’oniromancie musulmane devait se cantonner aux thèmes religieux essentiellement
? La réalité historique qui s’est dessinée par la suite au cours des siècles formateurs de la pensée musulmane a répondu à cette question de façon nuancée. Schématiquement, on peut distinguer :

- une onirocritique à portée essentiellement religieuse et morale, qui s’est diffusée dans les milieux piétistes. Elle est représentée de façon exemplaire dans le rôle joué par les rêves dans l’éducation spirituelle du novice soufi. Le murîd raconte à son maître les rêves importants qu’il a reçus, et le maître peut en fonction de ces messages donner des avis et directives précis. Les grands maîtres soufis ont eux-mêmes raconté des récits de visions parfois somptueuses et d’une vaste portée spirituelle : que l’on pense à ceux de Hakîm Tirmidhî (cf son autobiographie spirituelle Bad’ sha’n ... al-Hakîm al-Tirmidhî), de Rûzbehân Baqlî (cf son Kashf al-asrâr cité plus haut), d’Ibn 'Arabî (cf C.Addas, Ibn 'Arabî ou la quête du Soufre Rouge, Gallimard, nrf, 1989) ou de Najm al-dîn Kubrâ (cf ses Fawâ’ih al-jamâl, éd. et comm. par F.Meier, Akad. Wiss. Lit., Wiesbaden, 1957). Ces rêves s’apparentent souvent à des sortes de révélations de portée individuelle ; ils peuvent parfois annoncer en toute clarté le message dont ils sont porteurs, ou bien celui-ci peut être dévoilé plus tard par une vision ou un événement ultérieurs.

- une onirocritique plus populaire, et centrée autour de questions beaucoup plus profanes. Dès les premiers siècles après l’Hégire, l’activité des onirocrites aboutit à la constitution d’amples recueils constitués par regroupements thématiques. Nous ne pouvons ici que renvoyer aux travaux de Toufic Fahd à leur endroit (cf Bibliographie, infra). Particulièrement diffusés et consultés jusqu’à nos jours dans les pays de langue arabe sont par exemple Al-Qâdirî fî al-ta'bîr d’al-Dînawarî (m. vers 1009), Al-ishârât fî 'ilm al-'ibârât d’Ibn Shâhîn (m. en 1468), le Ta'tîr al-anâm, dictionnaire oniromantique dû à 'Abd al-Ghanî al-Nâbulsî (m. en 1731), et surtout le Tafsîr al-ahlâm al-kabîr (trad. fr. de Youssef Seddik Le Grand Livre de l’interprétation des rêves, Paris, Al-Bouraq, 1993). Attribué au Suivant Muhammad ibn Sîrîn (m. en 728) lui-même, ce dernier correspond en fait à une compilation assez tardive due sans doute à Abû 'Alî al-Dârî (15e siècle ?).

L’ensemble de ces textes tranchent nettement face aux interprétations mystiques des soufis par exemple. Les interprétations se rapportent le plus souvent à la vie quotidienne, au mariage et aux enfants, aux rapports avec les puissants... Est-ce à dire qu’ils n’auraient à occuper qu’une place marginale ou suspecte dans la cité musulmane
? La réponse est ici négative. Les onirocrites ont toujours su se prévaloir de sources scripturaires et occuper leur place dans l’espace social de l’Islam sunnite. Les rêves de ses compagnons de geôle interprétés par Joseph (Coran XII 36 sq) n’avaient-ils pas un contenu simplement profane
? Le prophète Muhammad n’a-t-il pas accepté d’interpréter des rêves de portée pratique, concernant une épidémie par exemple
?

Plus profondément : est-il possible d’isoler dans la vie personnelle du croyant ce qui relève de la piété pure, d’une sphère de vie uniquement profane
? Tous ces recueils contiennent du reste de nombreuses exégèses de portée morale ou religieuse, dès lors que le rêveur a vu des personnes (prophètes, Compagnons, saints) ou des symboles (rituels, lieux sacrés...) chargés en ce sens durant son sommeil.

La démarche interprétative des onirocrites

Quelques mots sur la démarche interprétative des onirocrites musulmans. Les symboles oniriques étant selon eux issus de la Table Gardée, donc homogènes entre eux et non arbitraires, il devait être possible de les répertorier, de fonder un savoir et une démarche herméneutique. Une première attitude aura été de chercher tout ce qui, dans la Tradition scripturaire ou dans l’usage des premiers Compagnons et Suivants, permettait de fournir des bases à la translation de sens : ainsi le lait renvoyant à la science, comme nous l’avons vu à propos du hadîth cité plus haut. Les données scripturaires constitueraient des bases (usûl) pour les développements (furû') de l’onirocritique, qui se construirait ainsi un peu à la manière du droit.

Mais la pratique a bien vite montré qu’un symbole onirique ne porte pas un sens unique et univoque ; il ne prend son sens que dans la relation aux autres éléments du rêve. Ainsi le lait, dans un autre contexte onirique, prendra-t-il des significations bien différentes, notamment celles de l’argent sous diverses formes ; il s’agira de savoir si c’est du lait de brebis, de chamelle, de bête sauvage etc qui a été vu. Les répertoires des grands onirocrites se sont gonflés de nouveaux matériaux au fur et à mesure que la pratique s’étoffait. Cela a-t-il entraîné rigidité et sclérose dans l’interprétation au fil des siècles ? La chose n’est pas sûre. D’abord, parce qu’il est peu probable que les véritables onirocrites se soient mis à appliquer ces livres comme des recueils de recettes : ces textes fournissaient des repères à l’interprétation, non des cadres immuables.

Le principe de base mis en valeur par les théologiens est bien, nous l’avons vu, que le message issu du monde céleste est reçu par le rêveur par l’intermédiaire de sa faculté imaginative (khayâl) ; celle-ci dépend de sa constitution, de son éducation, de la pureté morale de chaque sujet. Dès lors, chaque rêve revêtira forcément une forme originale, propre à la personne qui l’a vécu.

Sommes-nous pour autant autorisés à discerner dans cet effort d’interprétation des rêves comme une lointaine préfiguration de la démarche psychanalytique
? Dans son L’oniromancie d’après Ibn Sîrîn (Damas, 1958), A.Abdel Daïm avait proposé des développements suggestifs sur les parallèles entre l’approche freudienne et celle du grand Tafsîr al-ahlâm. Il notait ainsi chez Ibn Sîrîn la prise en compte de l’association de plusieurs images apparemment sans lien entre elles ; l’explication des images par assonance, jeu de mots, étymologie ; plus généralement l’importance donnée au désir - notamment sexuel - et aux craintes profondes du rêveur ; enfin l’usage d’un réseau de symboles parfois proches des images oniriques rencontrées par les psychanalystes (Jung est également cité) au cours de leur pratique clinique.

Il me semble hors de doute que les traités onirocritiques de langue arabe peuvent fournir un matériau d’une richesse immense à une réflexion analytique qui, dans le champ des civilisations orientales, en est encore à ses balbutiements.

Mais il n’en reste pas moins que le rêve, en psychanalyse freudienne en tout cas, traduit une expérience rigoureusement individuelle fondée sur le refoulement du désir, et son imagerie dépendra pour beaucoup de chaque parcours particulier. La tradition musulmane, elle, insistera beaucoup plus sur la transcendance de l’image onirique. A l’exemple du prophète Muhammad, elle aura tendance à éloigner ce qui semble trop personnel pour donner du sens socialement parlant (cf le rêve évoqué plus haut du Bédouin qui avait vu sa tête rouler devant lui, et qui fut attribué à l’influence de Satan). L’image onirique, dans les textes musulmans, est transpersonnelle tout en se modulant en fonction des différents cas individuels. On pourrait la comparer à la lettre d’un alphabet qui possède une forme stable (transcendante, non arbitraire) mais dontl’associationà d’autres lettres engendre des significations sans cesse renouvelées. Un arbre, un oiseau, une montagne entrent ainsi dans une morphologie et une syntaxe ’célestiels’ puisque rapportés aux rythmes du Malakût.

Et l’on comprend dès lors combien est ténue chez les prophètes, saints et visionnaires la frontière entre la conscience à l’état de veille et celle du rêveur. Najm al-dîn Kubrâ raconte que, lors d’une vision fulgurante, il perçut soudainement les constellations dans le ciel nocturne comme un vaste alphabet déroulant un message cosmique devant les yeux des hommes. Où se situent ici le rêve et son symbole, et où l’éveil et ses réalités ?

Pierre LORY (EPHE)

http://oumma.com/Les-reves-dans-la-culture

La sainteté des lieux dans le Coran et la tradition musulmane

Il est bon de rappeler que le discours coranique relatif au lieu sacré s’appuie sur quelques principes fondamentaux, tels que : la désacralisation du monde, l’évolution perpétuelle de l’univers et la suprématie de l’homme sur la nature.

D’un point de vue historique, le message coranique était d’abord en rupture avec le paganisme ambiant sur la perception du sacré. Toutes les idoles et divinités sont abolies en raison de l’unicité, et l’univers n’est plus sacralisé en tant que tel : « Dieu est Souverain Maître des cieux et de la terre, Il a créé tout à Sa guise » (1).

Le Coran, d’autre part, répond à un type d’agnosticisme dont les adeptes étaient connus en Arabie sous le nom de Mu‘aṭila. Leur croyance, très répandue parmi les riches commerçants mecquois du VIe siècle, percevait le monde dans un mouvement cyclique perpétuel et un retour éternel et gratuit. Dans un de ses versets, le Coran évoque cette conception : « Il n’y a pour nous, disent-ils, que la vie d’ici-bas. Nous mourons et vivons spontanément. Seul le temps qui passe nous fait périr » (2). Contre ceux-là, le Coran défendait, pour le salut de l’homme, une conception diamétralement opposée. L’unicité engendre une vision autre du monde, celle « des êtres peuplant les cieux et la terre et qui tous vers Lui feront retour » (3). L’univers n’est pas figé, puisque Dieu, qui « a pouvoir sur toute chose, ajoute à volonté à sa création » (4). Ce mouvement général, souligné à plusieurs reprises (« Lui est chaque jour à quelque œuvre qu’Il manifeste »), concerne la créature et l’homme au premier chef : « Ô toi, mortel ! tu ne cesseras d’œuvrer pour te rapprocher de ton Seigneur que tu rencontreras enfin » (5).

Les relations entre l’homme et la désacralisation d’un monde en mouvement débouchent sur un rapport objectif propice à une sorte d’universalité indifférente et passive des « choses ». Si bien que l’être humain finit par assurer sa suprématie sur la nature et les autres espèces. Le monde a une présence à la fois indépendante et apprivoisable.

À partir de ces principes, la Révélation acquiert une vision de l’Homme, désormais créature unique par sa nature et son statut dans un monde désacralisé. Cette créature est appelée à un nouveau destin selon lequel tout, même le Temple sacré, se voit revalorisé par la foi et l’action du croyant. « Orient et occident appartiennent en propre à Dieu, et vers quelque point que l’on se tourne, là est Sa Face » (6).

En considérant que Dieu est présent uniquement dans l’histoire et dans l’homme, la révélation coranique fonde une alliance qui réfléchit le nouveau destin de l’homme. C’est d’ailleurs en référence à cette alliance que quelques passages coraniques font état de la sacralité passagère d’un lieu (7).

Pour les Hadiths, la chose est sensiblement différente. Les « Hadiths » ou « dits », dont l’ensemble forme la Sunna, ou « manière de vivre du Prophète », constituent les propos attribués à Muhammad en dehors des instants de la Révélation, et sont la deuxième source de la théologie islamique. L’étude de cet immense corpus littéraire, aux objectifs éthiques et juridiques, visait à interpréter le Coran ou à compléter ses silences et ses non-dits. Or on trouve un certain nombre de Ḥadīth-s mentionnant des lieux qui revêtent une forme de sainteté. Parmi eux :

- des villes . À côté des villes saintes de l’islam, La Mecque et Médine, un nombre considérable de textes cite des cités privilégiées telles que Basra, Damas, Jeddah et ‘Abadān en Iran. À propos de ces deux dernières, deux textes attirent l’attention : « Monter la garde à Jedda est la meilleure des sentinelles », ou « ‘Abadān est une porte ouverte ici-bas sur le paradis ». Il va sans dire que l’authenticité de ce genre de hadith n’a pu être établie. Il n’en demeure pas moins que les textes concernant les mérites (faḍā’il) de La Mecque et Médine figurent dans les recueils canoniques qui font autorité. La première de ces villes est qualifiée, dans les textes fondateurs, de « Mère des cités » (Umm al-Qurā) et tire sa noblesse du fait qu’elle fut une « aire de la révélation » (Mahbat al-waḥī). Médine est sanctifiée pour la même raison. Ce sont deux lieux qui portent témoignage de la relation de l’homme à Dieu. Mais cet aspect circonstanciel est renforcé par une gaine symbolique et religieuse. La Mecque et Médine sont sanctifiées (muqaddasa), car ceux qui prennent la peine de s’y rendre sont en quête de pureté, signifiée par la racine Q-D-S. La sainteté du lieu conduit en fait à baliser la condition humaine et à valider les actions du croyant. Un hadith mentionne le passage de l’ « espace » à l’éthique, en précisant qu’ « aucun peuple ne sera sanctifié (lā quddisat ummatun) tant qu’il cautionne l’injustice ».

- Des sanctuaires . Trois mosquées sont considérées comme des lieux saints selon la Sunna. Il s’agit des mosquées des deux villes précitées, plus la mosquée d’al-Aqṣā à Jérusalem. Dans le fameux hadith « Ne sanglez vos montures que pour aller à trois mosquées : la mosquée sacrée, celle de l’Envoyé de Dieu et celle de Jérusalem » (lā tuchaddu al-riḥāl illā ilā ṯalāṯah), point d’explications sur la cause de la sanctification de ces trois enceintes chères aux croyants pèlerins, mais d’autres textes nous éclairent à ce propos. S’il se rend à l’un de ces trois lieux, le musulman reçoit la gratification de ses efforts. En s’acquittant de sa prière liturgique, il est récompensé par des bienfaits qui témoignent de la Grâce divine. Encore une fois, le lieu saint permet de rehausser la valeur des actes cultuels et, par-là même, de renforcer l’alliance qui donne sens à l’action et à la vie de l’homme. C’est dans cet esprit qu’on entend un autre hadith où le Prophète précise que la prière accomplie dans l’enceinte de sa mosquée à Médine est supérieure à mille prières dans toute autre mosquée, exception faite du temple mecquois, dans lequel une prière est préférable à cent mille autres accomplies ailleurs.

- La Ka‘bah. La vénération (ḥurmah) qui l’entoure est bien établie dans maint texte de la Sunna. Vers le Temple se tourne tout musulman au moment de sa prière et, autour de lui, le cortège religieux fait sa procession pendant le pèlerinage majeur (ḥāǧǧ) ou mineur (‘umra). Ni querelles ni paroles offensantes ni port d’armes ne sont tolérés dans ses alentours. Ce devoir de respect de la part des hommes s’étend aux animaux et aux plantes : les visiteurs de la Ka‘bah doivent s’abstenir d’y faire la chasse et de couper quelque arbre ou plante. Ainsi la Ka‘bah porte un message de paix au niveau universel. Elle permet de vivifier la relation à Dieu, en insistant sur le fait que les actes du croyant sont innervés de vie.

Cela dit, les ḥadīth-s comparent la vénération de la Ka‘bah (ḥurmat al-Bayt) à celle de l’homme, avec une supériorité de la seconde sur la première. Le compagnon du Prophète ‘Umar b. al-Khaṭṭāb s’exclama devant la Ka‘bah : « Ô que tu es majestueuse et que tu es vénérée ! Mais pour Dieu la considération de l’homme (croyant) est de loin la plus importante ». À un homme qui se cramponnait aux rideaux de la Ka‘bah, dans la véhémence de sa prière (« Mon Dieu, pardonne mes péchés par ce temple sacré »), le prophète Muhammad en personne fit ce reproche : « Il est plus juste de dire : Absous-moi au nom de ma dignité ».

Les textes de la Sunna consultés sur la sainteté des lieux sont un vivant commentaire des principes énoncés dans le Coran. Un lieu est considéré comme sacré quand il témoigne d’un moment spécifique où Dieu s’est manifesté à l’humanité. De ce fait, il symbolise et cristallise, dans un espace donné, la volonté immatérielle et divine d’une destinée nouvelle pour l’homme. En vénérant ces lieux, le croyant entame une quête en vue d’une paix et d’une sainteté internes, qui préparent autant les membres de la communauté que lui-même à leur salut futur. Cette quête d’un rapprochement avec Dieu ne peut être purement abstraite : elle doit s’exprimer dans le vécu en liaison avec l’espace, faute de quoi elle risque d’être vidée de toute substance. Le texte d’un hadith authentique concernant le temple de la Ka‘bah est révélateur à ce sujet. Muhammad affirme à Aïcha, son épouse, qu’il a « préconisé la démolition du Temple, puis sa reconstruction sous une forme différente ». Ce qui l’en a empêché, c’est la crainte d’être incompris par une communauté encore très attachée à ses traditions. Il fallait donc s’attaquer à l’essentiel : le temple restera sacré, non par sa forme, mais par le sens profond qu’il véhicule.

Dans cette conception, le monde et notamment les lieux sacrés deviennent un instrument au service d’une fin : l’homme, dont la vie et la mort revêtent alors un sens différent en ce qu’elles sont les étapes d’une ascension continuelle.


(1) Coran 42,49. (2) Coran 45,24. (3) Coran 3,83. (4) Coran 35,1 ; 16,8. (5) Coran 84,6. (6) Coran 12,76. (7) Cf. Coran 2,

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http://www.gric.asso.fr/gric-de-tunis/articles-21/espaces-sacres-lieux-de-violence/article/la-saintete-des-lieux-dans-le

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