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LA LUTTE CONTRE LE ROUKOUD EN ISLAM

asmae allah

 

Professeur Chems Eddine Chitour

« Plutôt que d´interroger, nous nous interrogeons sur l´avenir de l´homme en général et de l´Occident en particulier puisque c´est lui qui dominera le monde matériel. Cet Occident est malade de son intelligence. Il a beau être savant, il n´arrive pas à saisir une vérité essentielle tant il est vrai qu´il est assoiffé de conquête et de pouvoir, aveuglé par l´illusion de sa puissance, prônant l´argent pour Dieu.... (...)»

 

L'Emir Abd El Kader dans Kitâb al mawâkif

Depuis plus de huit siècles, l'Islam a progressivement laissé se perdre son référent cultuel, intellectuel, culturel pour la civilisation humaine au profit d'un mimétisme d'un monde occidental sûr de lui et se voulant le seul détenteur du sens prônant un «magister dixit», au besoin, par la force. Si les causes du déclin sont connues et en grande partie dues à l'instrumentalisation par le politique du sacré pour des stratégies de pouvoir, cette contribution a pour ambition de décrire et sans être exhaustif, l'apport indéniable de penseurs musulmans qui ont, chacun à sa façon, tenté de réagir contre cette nuit de l'intellect, en combattant aussi avec les armes de l'esprit un Occident qui fait de la civilisation matérielle le but ultime de son apport, reléguant l'homme à un «produit marchand» dans une société chrétienne largement sécularisée.

 

Le XXe siècle s´est, comme on le sait, clôturé sur de grandes interrogations. On peut dire que le XXIe s´est provisoirement clôturé le 11 septembre 2001. Nous voilà au troisième millénaire avec une mondialisation-laminoir dimensionnée pour les plus nantis, quelles que soient d´ailleurs leurs latitudes. En Occident, où le sécularisme a, pendant deux siècles, éloigné l´homme de sa dimension transcendantale, l´individu est en pleine errance spirituelle, il en est à se bricoler une spiritualité. En puisant dans le supermarché du «croire», ce qui correspond le plus à ses aspirations. Cette errance religieuse induite par le millénarisme, amène à une autre servitude qui attend l'individu-sujet. C´est l´asservissement au marché, au libéralisme sauvage. Pierre Bourdieu a bien raison de concevoir le libéralisme comme un programme de «destruction des structures collectives» et de promotion d´un nouvel ordre fondé sur le culte de «l´individu seul mais libre».(1).

 

Il est important de connaître l'apport de quelques penseurs musulmans. Nous avons choisi de parler de l'Emir Abdelkader, de Djamel Eddine El Afghani, de Mohamed Iqbal. Chacun à sa façon a tenté d'expliciter les causes du déclin, et les conditions d'une re-naissance de la civilisation islamique.

 

L'Emir Abd El Kader, l'Homme d'Etat et l'Homme de Dieu

 

Beaucoup d´écrits ont été rapportés pour décrire la personnalité de l´Emir, à la fois Homme d´Etat, et Homme de Dieu, humaniste avant l´heure. Le sacerdoce de l´Emir à la fois sur le plan patriotique et spirituel est pour nous une source inépuisable et un modèle applicable plus que jamais à la situation que nous vivons. Pour Jacques Berque: «Les écrits d'Abd El Kader nous incitent à poser une question sur l´histoire littéraire, sur la renaissance arabo-musulmane et répondre qu'Abd El Kader fut le précurseur de la Nahda, car il fut l´un de ceux qui ont contribué dès lors, au renouvellement de la pensée, c´est-à-dire l´un des promoteurs de la première Renaissance qui a dû servir dans le futur».(2)

 

L'Emir met ainsi en cause des principes fondamentaux de la nouvelle civilisation. Il estime que l'Occident, qui a acquis de puissants moyens de domination, n´a pas toute la sagesse (celle qui relève du spirituel) pour régenter le monde. Il ne mesure pas, nous dit-il, les conséquences de ses décisions qui pourraient bien se retourner contre lui et contre le reste de l´humanité: jugement prémonitoire s´il en fût!

 

Jacques Berque écrit: «En tant qu´écrivain, c´est dans El Maouakif que je vois les qualités de style, de lyrisme qui animent au sublime et le recours à des images d´une verdeur, qui n´est pas celle que l´on retrouve habituellement chez les écrivains mystiques. Il apporte, dans le domaine de la spéculation religieuse, une énergie, une couleur, un goût du concret extraordinaires. Et je dirais même, que si tout le monde parle de Nahda, de la Renaissance, je crois que la vraie Nahda est celle des personnages comme l'Emir.»(2) Dans ses écrits, l´Emir prend nettement ses distances avec la nouvelle vision «séculariste» du monde selon laquelle les affaires humaines relèvent du domaine exclusif de la raison. Cependant, l´Emir s´émerveille des progrès réalisés par les savants européens usant de leur «esprit d´application pratique». Il estime que l'Occident, qui a acquis de puissants moyens de domination, n´a pas toute la sagesse pour régenter le monde. Cette malnutrition spirituelle de l´homme ne lui permet pas d´exploiter rationnellement sa culture technique. Elle lui donne les pouvoirs d´un Géant pour satisfaire les besoins d´un nain pervers.(3)

 

Djamel Eddine Al Afghani

 

Sayyid Jamâl Al-Dîn al-Afghâni est né en octobre 1838 à Assadâbâd (Afghanistan), un district de la province de Kunar en Afghanistan dans une famille sunnite. Djamel Eddine Al Afghani est surtout connu en Occident par sa réponse élégante et sans concession au discours de Renan à la Sorbonne le 29 mars 1883. Ce dernier déniait à l'Islam tout apport à la civilisation universelle ajoutant que le fatalisme est l'une des causes d'une arriération du monde musulman. Dans sa réponse à Renan, Al Afghani commence par expliquer, que les religions sont une nécessité pour le genre humain, et qu'aucune nation à son origine n'est capable de se laisser guider par la raison pure. (...)Il est incontestable que la race arabe a marqué son passage dans le monde, non seulement par le feu et le sang, mais par des oeuvres brillantes et fécondes qui prouvent son goût pour la science, pour toutes les sciences, y compris la philosophie. Al Afghani a consacré le principal de sa réponse à démontrer par des exemples et des faits historiques, que les Arabes, l'Islam et la civilisation islamique sont un ensemble indivisible. Les Arabes tout ignorants et barbares qu'ils fussent à leur origine reprirent ce qui avait été abandonné par des nations civilisées, ranimèrent les sciences éteintes, les développèrent et leur donnèrent un éclat qu'elles n'avaient jamais eu. N'est-ce pas là l'indice et la preuve de leur amour naturel pour les sciences?

 

(...) Les Français, les Allemands et les Anglais, n'étaient pas aussi éloignés de Rome et de Byzance que les Arabes dont la capitale était Baghdad. Il leur était donc plus facile d'exploiter les trésors scientifiques qui étaient enfouis dans ces deux grandes villes. Ils n'ont tenté aucun effort dans ce sens jusqu'au jour où la civilisation arabe vint éclairer de ses reflets les sommets des Pyrénées et verser ses lumières et ses richesses sur l'Occident. (...) La science, si belle qu'elle soit, ne satisfait pas complètement l'humanité qui a soif d'idéal et qui aime planer dans des régions obscures et lointaines que les philosophes et les savants ne peuvent ni apercevoir ni explorer. L'humanité a aussi bien besoin des sciences que des religions. C'est la leçon, conclut l'universitaire tunisien Mohamed Hadad qu'a tiré Al Afghani de l'histoire. Il plaide pour une deuxième naissance (une renaissance) de la civilisation arabe en usant des mêmes moyens qui ont permis à ces ancêtres de bâtir cette grande civilisation, à savoir l'amour naturel des sciences et l'Islam.(4)

 

Dans une brillante contribution, Mohamed Tahar Bensaada nous décrit le sacerdoce de Djamel Eddine Al Afghani. Il écrit: «Djamel Eddine Al Afghani n'a pas hésité à bousculer les idées reçues et les tabous les mieux gardés. Les interprétations littéralistes des épigones des diverses écoles juridiques musulmanes furent déclassées par cet esprit exigeant et révolutionnaire. L'esclavage et la minorité de la femme furent réprouvés au nom d'une relecture révolutionnaire du Coran et de la Tradition. Contre l'envahisseur britannique, Al Afghani n'a pas seulement appelé à la résistance. (..) A cet égard, l'oeuvre de Djamel Eddine Al Afghani peut nous servir de modèle au sens où après abstraction du contenu historique dépassé, on se concentrera sur les principes méthodologiques qui lui ont permis de prendre en charge les problématiques de son temps. A titre d'exemple, il ne s'agit plus aujourd'hui de lutter contre le colonialisme mais contre un néo-colonialisme encore plus pernicieux (même une invasion comme l'invasion américaine de l'Irak ou la guerre de la coalition atlantique contre la Libye posent en fait des problèmes autrement plus complexes que les invasions coloniales du XIXe siècle, sans parler de la colonisation israélienne en Palestine qui pose également des problèmes inédits que le mouvement national palestinien a intérêt à prendre en compte en vue d'accélérer le processus de libération.» (5)

 

«Dans son oeuvre réformatrice et émancipatrice, poursuit Mohamed Tahar Bensaada, Al Afghani a tenté de faire la synthèse de deux mouvements très différents: le premier consiste dans une réappropriation critique du patrimoine musulman classique grâce, notamment à la mise en exergue de sa dimension rationnelle (d'où l'interprétation stupide des orientalistes qui ont vu dans cet effort un éloignement de la foi musulmane!). Le second mouvement consiste dans une intégration vigilante des acquis scientifiques et techniques de la civilisation européenne. En fait, cette posture intellectuelle continue d'être celle des courants réformistes qui cherchent à réconcilier un Islam plus ou moins rationalisé et une modernité saisie dans le seul registre matériel. Cette posture «conciliatrice» apparaît désormais, fort simpliste au regard des enjeux philosophiques et sociétaux contemporains. Il ne suffit plus aujourd'hui, d'appeler au mariage de la «spiritualité» musulmane avec la «civilisation» matérielle occidentale pour dégager une perspective islamique moderne. Pas plus qu'on ne peut réduire la civilisation capitaliste occidentale à sa technique, on ne saurait sérieusement réduire l'Islam à sa dimension spirituelle. L'effort intellectuel devrait aujourd'hui se pencher sur les ressorts anthropologiques aussi bien de l'homo oeconomicus du capitalisme que de l'homo islamicus de l'islam social-historique contemporain. Un travail réflexif gigantesque nous attend si on veut réellement atteindre l'objectif recherché de la réintégration authentique et critique de la subjectivité musulmane dans le monde.»(5)

 

 

Mohammed Iqbal

 

Mohammad Iqbal né le 9 novembre 1877 dans le Pendjab, en Inde britannique (Pakistan actuel) - décédé le 21 avril 1938). Mohammad Iqbal se distingue par son talent de poète. Iqbal profite de son expérience européenne pour rencontrer, notamment Bergson et Louis Massignon. Élu à l'Assemblée législative du Pendjab en 1927, Iqbal se fait le défenseur de l'idée d'un État musulman dans le nord-ouest du sous-continent indien. Il mourut le 21 avril 1938. Mohamed Iqbal a «reconstruit» la pensée religieuse dans une optique dynamique créatrice et heureuse. Son oeuvre maîtresse est sans aucun doute Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam. Cette oeuvre majeure, traduite en français par Eva de Vitray-Meyerovitch (1909-1999), fait un état des lieux de la pensée musulmane et de son apport à la pensée universelle. Pour Iqbal, le but principal du Coran est «d'éveiller en l'homme une conscience plus haute de ses multiples relations avec Dieu et l'univers. Cette philosophie originale trouve sa source dans le Coran et l'exemple du prophète Mahomet. Elle insiste sur l'idée que l'homme ne peut s'épanouir que dans un climat de liberté, car l'esclavage empêche toute possibilité de création. Elle appelle l'homme à trouver le juste milieu entre sa vie spirituelle et sa vie temporelle.»(6)

 

Le Livre de l'Eternité, (Djâvid-Nâma) traduit aussi par E. de Vitray-Meyerovitch est une autre oeuvre maîtresse de Muhammad Iqbal. Elle n'en demeure pas moins essentielle pour le dialogue entre l'Orient et l'Occident. «Pour Iqbal, l'imitation de l'Occident a eu pour effet que l'Orient s'est perdu lui-même; il faut maintenant que ses peuples apprennent à critiquer l'Occident! Le secret de la puissance occidentale n'est pas dans le luth ou la guitare, ni dans les charmes de ses belles au frais visage, ni dans les jambes nues, ni dans les cheveux coupés! Sa force ne provient pas de son irréligiosité, son progrès n'est pas dû non plus à l'écriture latine: la force de l'Occident vient de l'art et de la science, sa lampe est éclairée par cette seule flamme. La connaissance ne dépend pas de la mode de vos vêtements; un turban ne constitue pas un obstacle à l'art et à la science. Pour la science et l'art, ô jeune homme hardi! il faut un cerveau, non des vêtements européens. (..) Si tu as une pensée agile, cela suffit; si tu as un esprit perspicace, cela suffit! C'est au cours des veillées à la lumière de la lampe qu'on trouve la science, l'art et la sagesse. Nul n'a mis de frontières au royaume de la connaissance, mais on ne peut le parcourir sans une lutte continue. (...) La science est difficile: ils[les Turcs ndR] se contentent des amusements. Par paresse, ils cherchent la facilité, leur nature n'accepte que ce qui est facile. Mais chercher le facile, dans ce vieux monde, cela signifie que l'âme a quitté le corps!»(7)

 

« (...) Choisis mon maître Rûmî comme compagnon de route, afin que Dieu t'accorde le désir et la ferveur; car Rûmî distingue et connaît l'écorce et le noyau. Son pied se pose fermement sur la route qui mène à l'Ami. (..) Les hommes ont appris à danser, avec leur corps, en récitant ses paroles, mais leurs yeux ne se sont pas ouverts à la danse de l'âme! La danse du corps fait tourbillonner la poussière, la danse de l'âme bouleverse les cieux; la science et la sagesse proviennent de la danse de l'âme, la terre et le ciel proviennent eux aussi de cette danse. (...) O toi qui es la paix de mon âme impatiente, si tu prends part à la danse de l'âme, je te dirai, le secret de la religion de Mohammad; pour toi, jusque dans ma tombe, j'adresserai à Dieu des prières! »(7)

 

On le voit, on retrouve dans les écrits d'Iqbal la sagesse de la sourate de Loqman. En définitive, l'humanité domestiquée, régulée, communiant dans le culte du corps, conduit à un extraordinaire gâchis; l´homme y a perdu ses dimensions proprement humaines. Devenu un matricule anonyme, informatisé à outrance, ses possibilités intellectuelles, son génome, ses performances physiques sont les seuls paramètres que lui demande la Société cybernétisée. Son aptitude à la générosité, son amour du prochain, ses interrogations métaphysiques ou religieuses n´entrent pas en ligne de compte dans son classement social. L´homme saura-t-il, surmonter sa dimension matérialiste pour aller vers l´absolu? La question nous est posée.

 

1.P.Bourdieu: L´essence du libéralisme, Le Monde diplomatique mars 1998

 

2.J.Berque. El Moudjahid. L'Emir Abdelkader. 26 avril 1981

 

3.Chems Eddine Chitour http://www.alterinfo.net/L-Emir-Abdelkader-Un-homme-un-destin-un-message_a20230.html 29 ami 2008

 

4.Mohamed Hadad http://bassemkhlaf. space-blogs.com/blog-note/22697/le-debat-depasse-entre-renan-et-al-afghani.html 16 09 2007

 

5.Mohamed Tahar Bensaada http://oumma.com/Hommage-a-Jamal-Eddine-alAfghani?utm_source=Oumma +Media&utm_campaign=0dade681b1 RSS_EMAIL_ Campaign&utm_medium=email 22 juillet 2011)

 

6.Mohamed Iqbal:Encyclopédie Wikipédia

 

7.Mohammad Iqbal et son fils Djâvid, le destinataire du Livre de l'Éternité http://www.moncelon.com/iqbal3.htm

 

Professeur Chems Eddine Chitour

 

Ecole Polytechnique Alger enp-edu.dz

http://www.alterinfo.net/LA-LUTTE-CONTRE-LE-ROUKOUD-EN-ISLAM-L-apport-des-penseurs-musulmans_a62893.html

 

 

  • e6un7

 

islam LA LUTTE ROUKOUD

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