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La psychose de la force et la force du savoir

(Etude sur le conflit entre le terrorisme et la science)
Dr Kamal Amrane

 

 

La psychose du pouvoir est une expression que nous avons puisée dans le jargon médical. Elle renvoie à une maladie, au même titre que le rhume, la migraine et la myocardite. La psychose est un état maladif qui touche l'intellect et se manifeste par des symptômes de déséquilibre qui font que le malade perd les repères de modération et de juste milieu et penche soit vers la carence, soit vers l'excès. Dans le premier cas, le malade est réduit à l'état d'ignorance primitive. Dans le second cas, il a des réactions violentes et ne contrôle plus ses colères, et donc l'ignorance ici se traduit par la violence et la témérité. Le terrorisme, sur ce plan, est une forme de psychose, puisqu'il s'appuie, d'une part, sur l'immodération, qui se traduit par un penchant démesuré à semer la terreur sur terre et, d'autre part, sur l'ignorance, laquelle se traduit par une «sacralisation» de certaines interprétations erronées des enseignements du Coran et de la Tradition du Prophète.

1. Tentative de définition du terrorisme

Dans un article du philosophe français Jacques Derrida, le terrorisme a été défini comme suit :

. Le terrorisme est la référence à un crime contre la vie humaine en violation des lois nationales ou internationales ;

. Le terrorisme est un crime qui fait la distinction entre civils et militaire, les victimes du terrorisme étant principalement des civils ;

. Le terrorisme a une finalité politique (influencer ou changer la politique d'un pays en terrorisant sa population civile).

Dans cette définition du terrorisme, il convient cependant de distinguer entre le combat pour la liberté et celui qui prône l'utilisation gratuite de la violence, au mépris des lois et règles internationales. Mais il est un facteur dont il faut tenir compte, à savoir que la guerre, aussi sanguinaire qu'elle soit, comporte des principes et des fondements qui ont été énoncés par les Nations Unies et qui stipulent que tout dépassement de certaines normes fixées pour les actes belliqueux perpétrés en temps de guerre sera considéré comme un "crime de guerre". On peut ainsi distinguer entre le crime de guerre puni par la loi internationale et dénoncé vigoureusement par les Etats, et l'action terroriste que condamnent toutes les conventions mondiales, les organisations internationales et les valeurs morales. Une telle action est préjudiciable à la vie humaine qu'elle menace dans son essence. Une autre différence entre le crime de guerre et le terrorisme est que ce dernier passe pour un acte contraire à toutes les lois internationales.

Outre la définition de Jacques Derrida, il est une autre définition convenue par un certain nombre de personnalités mondiales proches du Secrétariat général des Nations Unies, selon lesquelles le terrorisme est :

«Toute action [.] qui a pour intention de causer la mort ou de graves blessures corporelles à des civils ou à des non-combattants, lorsque le but d'un tel acte est, de par sa nature ou son contexte, d'intimider une population ou de forcer un gouvernement ou une organisation internationale à prendre une quelconque mesure ou à s'en abstenir».

Il existe trois types de terrorisme :

1) Le terrorisme individuel, issu d'une action de rébellion ou d'insurrection ;

2) Le terrorisme organisé, produit d'idéologies qui expriment par la violence leu rejet des régimes en place ; et

3) Le terrorisme d'Etat, qui s'appuie sur la force militaire et non sur la démocratie et dont le principe est l'oppression et non pas le respect des droits humains.

Ce qui nous intéresse le plus ici est le terrorisme organisé, et plus particulièrement celui qui sévit à l'intérieur de l'espace géographique islamique. En effet, les déviations qui ont touché une certaine catégorie de populations musulmanes ont engendré certains comportements radicaux et fanatiques qui ont favorisé l'émergence de foyers du terrorisme. Or l'analyse démontre que ce phénomène est dû à l'ignorance que nous avons surnommée "psychose de la force".

2. Les raisons qui poussent au terrorisme

L'on serait tenté de croire que les disparités matérielles sont les principaux mobiles du terrorisme. Or bien que cette cause soit objective, elle n'en reste pas moins relative, car l'analyse du motif matériel infirme cette explication, et les diplômés des facultés scientifiques et littéraires qui ont rejoint les bancs des terroristes en sont une preuve indéniable. A notre avis, l'ignorance est le principal mobile qui pousse les adeptes du terrorisme à l'adopter, et ce, soit pour des raisons maladives liées à la psychologie, soit par méconnaissance de la réalité de la religion. Nous avons dressé, pour notre part, un certain nombre de facteurs, sachant qu'il y a d'autres facteurs non moins importants.

Premièrement :

- L'ignorance du saint Coran et des sciences y afférentes ;

- L'ignorance de la teneur du Coran et de l'effort d'interprétation qui doit être fourni pour en pénétrer le sens profond. A cet égard, il est indispensable de faire appel aux sciences avancées pour nous appréhender ces mystères ;

- L'absence d'une exégèse contemporaine du Coran qui ne soit pas l'ouvre d'un seul type de savants, mais plutôt celle d'une équipe de gens compétents et spécialisés dans différents domaines de savoir, tels que la philologie, la linguistique, les sciences exactes, la sociologie, la psychologie, l'anthropologie et la philosophie, etc., bref toutes les disciplines nécessaires pour pénétrer les secrets et les mystères du Saint Coran.

Deuxièmement :

- La méconnaissance et l'interprétation erronée de la Sunna et du Hadith.

- La méconnaissance de la bienveillance du Prophète (PSL) et de sa biographie.

- L'ignorance de la pertinence et du poids de la Sunna, qui complète le Saint Coran. Al-Qortobi a été jusqu'à dire que le Coran a plus besoin de la Sunna que la Sunna a besoin du Coran.

- La méconnaissance de l'élément historique qui fait que la loi islamique soit constante et immuable, alors que les choses de la vie courante changent selon l'époque.

Troisièmement :

- La méconnaissance du Fiqh qui est un ensemble de règles dont certaines sont positives et d'autres conjecturales.

- La méconnaissance du rôle que doit assumer l'effort d'interprétation dans les limites fixée par les théologiens.

- La méconnaissance de l'ouverture d'esprit dont se distinguaient les premiers législateurs.

- Le rejet de la différence qui est, en réalité, source de clémence et de tolérance en matière religieuse (droit des Gens du Livre de pratiquer leur culte) ainsi qu'en matière temporelle (tirer bénéfice des sciences et des connaissances produites par les autres cultures et qui ont enrichi la culture islamique).

Quatrièmement :

- Incapacité à appréhender la réalité de l'époque.

- Le refus -comble de l'ignorance- de «traiter» avec «l'Autre» qui devient, de facto, un ennemi.

- La méconnaissance de l'histoire des idées. D'abord empreinte d'ouverture et fondée sur le dialogue et l'argumentation à l'époque du Prophète (PSL) puis de ses Compagnons et leurs successeurs, la relation entre les musulmans et les autres communautés a changé par la suite, donnant naissance à deux clans antagonistes, les fidèles d'un côté et les mécréants de l'autre côté, ou les Gens du Croissant et les Gens du Crucifix. L'hostilité ici est évidente, et c'est elle qui nourrit le terrorisme et fait l'affaire des gens assoiffés de sang. Que dire alors lorsque l'islam est devenu un foyer de sous-développement et l'Europe celui de développement ? Un tel changement radical ne devrait-il pas inciter à la quête du savoir, du progrès et du développement plutôt qu'à la recherche de la confrontation avec le monde développé, quelles que soient ses intentions et ses positions vis-à-vis de l'Islam ? Ne serait-il pas plus judicieux pour nous d'emboiter le pas de nos ancêtres qui ont fait le choix de la science et de la connaissance alors qu'ils étaient en position de force, tandis que les musulmans aujourd'hui vivent dans un état de sous-développement scientifique et technologique très grave ?

Telles sont les grandes lignes d'un travail de recherche qui nous comptons aborder plus en détail ultérieurement. Quelle est donc la force du savoir par rapport à la psychose de la force de la force ?

A notre sens, le dialogue est le terme le plus approprié qui renvoie à la connaissance, tout comme la psychose est le terme global qui revoie au terrorisme. Mais pour commencer, il faudrait d'abord définir le dialogue.

3. Le dialogue

Le dialogue est passé par plusieurs étapes. Nous nous limiterons à en aborder deux.

Première étape : Il s'agit du dialogue fondé sur l'échange de connaissance et le profit que les civilisations tirent les unes des autres. Car en dépit de quelques conflits ponctuels, les communautés humaines ont fini par reconnaître, à différents étapes, l'avantage de la coopération et de l'argumentation dans la réalisation des objectifs humains. En somme, la tension et l'hostilité qui ont marqué les relations entre les communautés humaines à différentes époques n'ont jamais pu éclipser le besoin de communication entre les civilisations. A cet égard, les deux exemples édifiants suivants sont tirés de l'histoire de la civilisation arabo-islamique dans deux grandes capitales, Damas dans une première étape et Bagdad par la suite.

Les civilisations mitoyennes de la Péninsule arabique et de la civilisation arabe émergeante étaient différentes. Ainsi, la civilisation grecque était connue sur le plan de la philosophie et des sciences, tandis que la civilisation de l'Inde se distinguait par la sagesse, la civilisation perse par la politique, la civilisation romaine par sa puissance militaire, et la civilisation éthiopienne par son caractère théologique. Or toutes ces civilisations se sont retrouvées à Damas d'abord, puis à Bagdad, et ce brassage a conduit à ce que l'on peut appeler «interaction intellectuelle», qui a donné naissance à une véritable évolution sur le plan des connaissances et des sciences. Rappelons que c'est à la civilisation arabo-islamique que revient le mérite de la découverte du "zéro" et des logarithmes en mathématiques, grâce à Al-Khawarizmi, une invention qui a bouleversé radicalement les sciences mathématiques. Plutôt que d'en faire une propriété «privée», cette civilisation a choisi de diffuser et partager ces inventions, leur conférant ainsi une dimension humaine.

Kairouan, première capitale tunisienne, était, du point de vue de la culture arabo-islamique, un centre de rayonnement pour le Maghreb, l'Afrique subsaharienne et l'Espagne, en particulier l'Andalousie. Kairouan était le centre d'une grande civilisation qui a permis à l'Andalousie d'avancer dans les domaines de l'astronomie, de la médicine, des sciences vétérinaires, de l'algèbre, de la géométrie et de l'optique, tant et si bien que les Andalous sont devenus à leur tour des savants auxquels on doit la découverte de la circulation sanguine et des nouvelles techniques agricoles. L'Andalousie était le portail de la science et de la connaissance qui a favorisé la renaissance de l'Europe. Alors que l'Europe était encore au Moyen-âge, la Tunisie, avec sa capitale Kairouan, vivait un véritable essor scientifique qu'elle n'a pas tardé à propager, convaincue qu'elle est que le produit de la civilisation est un droit pour l'ensemble de l'humanité. C'est ce principe qui est à l'origine de l'évolution épistémologique, telle qu'elle est désignée par la renaissance moderne depuis que la civilisation est passée de l'Orient à l'Occident.

Dans la plupart des étapes anciennes, le dialogue se traduisait par des négociations et aboutissait à la conclusion d'accords entre antagonistes ou des transactions entre communautés servant les intérêts communs.

Deuxième étape : Cette étape est apparue avec l'évolution des mentalités sous l'influence des découvertes scientifiques et de leur impact économique et politique. Il n'était plus alors possible de se contenter d'un dialogue portant sur des intérêts ponctuels, le besoin se faisant désormais ressentir pour un dialogue portant sur des intérêts stratégiques. La signification et les fonctions du dialogue lui-même ont évolué en conséquence.

L'un des principaux facteurs qui ont contribué à l'évolution de la portée du dialogue est probablement l'évolution de la langue qui est devenue non seulement un moyen et un outil de communication, mais aussi un acte et une création. En effet, la linguistique et les disciplines connexes sont devenues une sorte de fenêtre de l'homme sur le monde. Ce bouleversement linguistique a créé un besoin pour une nouvelle forme de communication fondée sur la nécessité de traiter les relations intercivilisationnelles d'une façon scientifique et tirer profit de la "révolution" linguistique qui a libéré non seulement les langues, mais aussi les esprits.

La philosophie moderniste figure également parmi les facteurs ayant favorisé l'évolution du dialogue, en ce sens qu'elle est passée d'un mode de réflexion centré sur l'essence des choses à un autre mode axé sur la recherche de la relation entre les apparences conformément à la logique de la relativité et non aux paramètres constants et absolus. Le dialogue a tiré profit de ces nouvelles perspectives qui ont invalidé les concepts d'introversion, d'exclusion et de négation, conduisant ainsi à un changement au niveau des relations entre les individus, les communautés, les nations et les civilisations. Bien que les séquelles du passé, jonché de querelles et d'hégémonie, ressurgissent de temps à autre et que les signes de domination et d'imposition des idées et des méthodes sont encore apparents, ces toutes premières années du vingt-et-unième siècle sont encourageantes et incitent à l'optimisme pour toutes les personnes éprises de paix et de sécurité dans le monde. Elles sont également encourageantes pour les académiciens et les personnes assoiffées de science et de connaissances, de même qu'elles incitent les organisations et institutions internationales à exploiter cette opportunité pour enrichir le dialogue entre les civilisations.

Or, il est une approche, une forme ou une science appelée l'argumentation qui distingue entre les deux types de dialogue, celui de l'intérêt ponctuel et celui de l'intérêt stratégique, ou encore le dialogue des relations héritées du passé et les nouvelles relations.

L'argumentation, dans ce contexte, est à comprendre non pas dans le sens de la polémique et de la discussion contestataire, mais plutôt dans le sens d'une science objective en vertu de laquelle le dialogue entre les parties s'effectue sur des bases scientifiques, qui sont les plus adaptées à l'ère contemporaine.

Dans sa signification moderniste, le dialogue est fondé sur le principe qui veut que la vérité se trouve éparpillée dans différents endroits, qu'elle n'est pas l'apanage d'une seule civilisation et que la solidarité et la coopération sont les facteurs qui permettent d'en tirer le meilleur avantage.

Nous pouvons ainsi constater que, du fait que le concept de civilisation s'appuie sur l'assise épistémologique, que le concept de dialogue a acquis désormais une dimension scientifique et que la mise en lien entre ces deux concepts exige l'adoption d'une méthodologie correcte et appropriée.

L'on peut donc, dans cet esprit, tirer profit du dialogue des civilisations, étant donné que la plupart des gens préfèrent le dialogue à la collision, la paix à la guerre.

4. Le pari

Pour traiter le dialogue des civilisations, il faudra des motifs objectifs et autres méthodologiques.

Les motifs objectifs passent par la science et la connaissance. De fait, nous vivons aujourd'hui dans un village planétaire régis par des lois qui, au XIX° siècle, s'inspiraient de la chimie, puis de la physique au XX° siècle et de la biologie au XXI° siècle. Mais la chimie, la physique et la biologie ne sont-elles pas des sciences communes à l'ensemble de l'humanité, du moins sur le plan des résultats ? En effet, toutes les industries et technologies qui en sont issues sont partagées entre les êtres humains, chacun selon ses besoins et ses moyens, car elles sont indispensables pour se mettre à l'air du temps. Toutes les découvertes se propagent grâce à la communication et aux systèmes informatiques modernes. Les gens les plus intelligents - chose qui n'exige pratiquement pas des moyens matériels - sont ceux qui jouissent de la plus grande partie de ces découvertes et de leurs résultats. C'est aussi le cas de la connaissance qui est intrinsèque à tous les arts humains, naturels ou autres. Elle est à la disposition de tout individu capable de se l'approprier ou d'y veiller. C'est ce qui justifie précisément la discussion sur la société du savoir et la société de l'information. Ces deux moyens, la science et la connaissance, sont la voie vers l'édification du dialogue entre les civilisations. D'autre part, la science et la connaissance n'ont pas de nationalité, de géographie ou d'histoire unique, mais elles naissent et évoluent dans le cadre de la fusion entre ces différents éléments. Et quand bien même on aurait l'impression qu'une civilisation nommée porte à un moment donné le flambeau de la science et la connaissance, la logique veut que celles-ci soient le résultat du brassage des races et de la complémentarité de leurs efforts.

Il suffit d'observer le nouveau type de culture qui se répand, partout dans le monde, parmi les jeunes pour se convaincre du rôle que jouent désormais la science et la connaissance. Ces jeunes adoptent de plus en plus le mode virtuel issu de l'univers numérique et du cyberespace, produit de la technologie avancée et de l'Internet. Peut-on empêcher un enfant à travers le monde de naviguer dans cette culture ? Qu'il soit en Tunisie, en Corée du Sud ou ailleurs, l'enfant recherche le virtuel de façon quasi spontanée. Les enfants de la nouvelle génération diffèrent de leurs parents et grands-parents par le fait qu'ils jouissent d'une imagination anticipative et prospective, alors que la culture de ces derniers verse dans l'imaginaire, la relation entre eux et la réalité étant empreinte d'irréalité.

Certes, il existe une grande différence entre les sociétés sur le plan des moyens technologiques, mais le peu qui parvient aux nouvelles générations des catégories défavorisées est suffisant pour créer en eux la culture du virtuel.

La voie que nous préconisons ici pour le dialogue des civilisations n'est pas impossible, car elle s'appuie sur une base objective, à savoir la disponibilité de la science, de la connaissance et de la culture axée sur le virtuel, mais aussi sur une base psychique, à savoir l'ancrage de l'espoir dans l'esprit des jeunes.

La seconde raison est le passage du conflit des ethnies, avec tout ce qu'il a induit en termes de conflits d'intérêts et d'hégémonie nourris par le colonialisme, à un conflit ayant une dimension civilisationnelle. S'agit-il là du choc des civilisations annoncé par l'américain Huntington ou, au contraire, du dialogue des civilisations tel que souhaité par les intellectuels du monde entier et par toutes les personnes éprises de paix et de coopération ?

L'époque que nous vivons en ce début du vingt-et-unième siècle est celle des civilisations (occidentale, islamique ou extrême-orientale, telles que la civilisation chinoise ou coréenne). Toutes ces civilisations ont leurs propres spécificités culturelles évidentes. Ceci implique les deux observations suivantes :

La première observation concerne la mise à profit de la différence. En effet, la diversité culturelle comporte deux aspects. L'un concerne la différence fondée sur le chauvinisme, le fanatisme et le repli sur soi, éléments qui sont à l'origine des conflits, des luttes et du terrorisme. L'autre aspect concerne la différence fondée sur le principe de respect, celui-ci étant compris non pas dans le sens moral théorique, mais plutôt le respect dans sa dimension pratique. Il s'agit, en l'occurrence, de la nécessité de mettre à profit cette différence, dans la mesure où elle peut s'avérer un élément d'enrichissement et de soutien. Ainsi, a partir du moment où la différence devient une base pour le dialogue, elle cesse d'être un motif d'hostilité entre les civilisations, et par conséquent les points de différence deviennent des facteurs incitant à l'échange d'intérêts mutuels.

La deuxième observation concerne la distinction entre les spécificités et les généralités. Chaque civilisation a le droit de préserver ses spécificités, la conservation des cultures étant en soi une nécessité, à condition toutefois que les identités restent ouvertes. C'est la voie qui mène à l'universalité dans ce monde où les mutations avancent à pas de géant. Aussi, la spécificité construit-elle la citoyenneté dans le cadre de l'universalité, comme le préconise l'UNESCO.

A titre d'exemple, un musulman éclairé et attaché à son identité est le plus habilité à dialoguer avec les adeptes d'autres religions attachés, à leur tour, à leur identité, dès lors qu'ils sont tous ouverts au dialogue. Ensemble, ils sont en mesure, tant sur le plan individuel, communautaire et national que sur le plan de leur attachement civilisationnel, à construire avec succès un modèle de dialogue des civilisations. Ce modèle peut même devenir l'exemple à suivre par les autres. Nous avons besoin, en réalité, du modèle qui traduira les conséquences du dialogue des civilisations et des bénéfices matériels et moraux qui en découlent.

La troisième observation concerne les valeurs émergentes. A cet égard nous nous contenterons de celles qui se rapportent à l'environnement et à la pauvreté.

La solidarité est l'une des valeurs communes à toutes les civilisations. Car elle a une dimension universelle. Sur le plan local, une attitude culturelle à été développé dans ce sens en inculquant aux individus et aux groupes la culture de la solidarité, laquelle a débouché sur des résultats positifs qui ont permis de combattre et surmonter la pauvreté.

La valeur de solidarité est, d'autre part, liée à l'environnement et la pollution. A cet égard, la couche d'ozone représente un fléau dangereux dont les retombées négatives menacent l'humanité partout dans le monde. Aussi la solidarité entre tous les pays est-elle nécessaire pour juguler ce fléau et aboutir à des résultats susceptibles de préserver et de protéger l'humanité, tant il est vrai que la menace ne concerne pas société ou une civilisation données, mais plane sur l'humanité tout entière. Or si la valeur de la coopération ici est si importante, elle est donc, incontestablement, la voie objective vers le dialogue des civilisations.

Ne devrait-on pas, dès lors, privilégier les pistes, les points communs et les intérêts réciproques susceptibles de mener au dialogue, afin de pouvoir changer les équations et les relations ?

S'agissant des motifs méthodologiques, nous citerons notamment la nécessité de distinguer entre l'appartenance à une civilisation et la nécessité pour les civilisations de composer entre elles. Ceci implique une valeur à la fois morale, comportementale et méthodologique, à savoir le droit à la différence. Or le droit est le langage des lois, et les lois sont indispensables au dialogue des civilisations, car elles garantissent la connaissance et le respect des limites. D'autre part, la différence est une chose naturelle, car les gens sont nés différents, chaque individu étant différent de l'autre, et chaque communauté étant différente de l'autre, de même que chaque civilisation est différente d'une autre. Admettre le droit à la différence, c'est reconnaître les spécificités de l'autre, et ceci favorise un dialogue des civilisations centré sur les points communs et non les points de différence et de divergence.

Sur le plan de la planification, en matière de dialogue des civilisations, il faut également procéder par étapes et assurer la réalisation successive des objectifs tracés, de sorte que les objectifs atteints deviennent à leur tout le point de départ pour la réalisation de nouveaux résultats, et ainsi de suite.

La neutralité constitue une autre condition indispensable au succès du dialogue. Il s'agit ici de veiller à ne pas laisser des facteurs tels que l'appartenance idéologique, ethnique ou religieuse influer sur la relation avec l'autre. Nous avons appelé cet aspect la "neutralité", compte tenu de l'effort qu'il convient d'entreprendre pour la mise en place des facteurs menant au dialogue. En effet, la méthodologie du dialogue implique que nous éliminions les motifs d'hostilité et de défiance et les préjugés, pour ne retenir que les éléments susceptibles de favoriser la compréhension, la coopération et la complémentarité.

Comme nous avons tenté de l'analyser, le dialogue est le premier outil de connaissance à l'époque moderne qui rejette le terrorisme. Dans ce sens, le dialogue sort des sentiers battus et acquiert une dimension cognitive qui en fait la voie incontournable pour passer du stade des tensions menant au terrorisme au stade d'entente et de symbiose. Or la connaissance est l'outil par excellence qui permet d'atteindre cet objectif.

 


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