"L’amour pour la patrie fait partie de la Foi". Est-ce un récit authentique et qui l’a rapporté, le sens du hadith est-il bon ?.
Al ‘ajlouni dit dans le livre ‘’ Kachf Al Khafa ’’ : « houbou al watan mina al iman - L’amour pour la patrie fait partie de la Foi ». As-Saghani dit qu’il est inventé.
Il a dit dans « Al Qassa_id » : ‘’je n’en ai pas entendu parler’’, le sens du hadith est bon, ‘’Al Qari’’ réplique en disant (sur le propos – le sens du hadith est bon), que : ce n’est pas conciliable d’aimer sa patrie avec la Foi. Il ajoute aussi la parole d’Allah : « [04/66] Si Nous leur avions prescrit ceci : "Tuez-vous vous-mêmes", ou "Sortez de vos demeures",…» [Jusque la fin du verset] ce verset montre qu’ils aimaient leur patrie sans que la Foi pénètre [leur poitrine]… [leur] ici désigne les hypocrites.
Par contre, il (Al ‘ajlouni) a été confortée par d’autres sur le fait que dans ses paroles n’apparaît pas « n’aime sa patrie qu’un croyant » ; Il y est plutôt dit que « l’amour pour la patrie ne contredit pas la Foi ».
Ce qu’on peut mieux comprendre du sens de ce hadith, apparemment, si on suppose qu’il est authentique, que la patrie dans ce cas peut signifier le Paradis, [c'est-à-dire] que c’est la première résidence de notre père Adam ou bien alors la Mecque (Mekka), car c’est Oumm Al Qura et la Qibla pour le monde entier. Il se peut aussi que se soit [l’endroit où vivent les proches…]… […].
Al Albani (Qu'Allah lui fasse miséricorde) a dit dans le livre « Silsilat Al Ahadith Ad-Da’ifa » : « houbou al watan mina al iman - L’amour pour la patrie fait partie de la Foi » est un hadith inventé (mawdou’) , comme l’a dit As-Saghani et d’autres et le sens de ce hadith est incorrect car l’amour pour la patrie est identique à l’amour pour soi-même [nafs], pour l’argent et ce qui est semblable… [enfin]tout ce qui pousse la personne vers l’aversion. On ne peut pas dire de cela que c’est un bon [sentiment], ni même que cela fait parti des engagements de la Foi, ne voyez vous pas que tous les individus sont tous réunis dans cet amour et qu’il n’y aucune différence entre les croyants parmi eux et les mécréants d’entres eux. Et Allah sait mieux.
Source : www.al-islam.com
Fatawa de Sheikh ‘Abd Allah Ibn 'Abd Al ‘Aziz Ibn 'Uqayl (Qu'Allah le préserve)
Ministère des Affaires Islamiques, des Waqfs, de l’Appel et de l’Orientation
Traduction rapprochée : par AbuKhadidja Al Djazairy
L’intuition n’est pas un mystérieux sixième sens qui donnerait accès
à un savoir extralucide.
Elle couvre des processus mentaux, du coup d’œil de l’expert à l’intelligence émotionnelle :
des modes de connaissance incorporés, rapides et non conscients qui s’imposent comme des évidences.
On commence aujourd’hui à en décrypter les secrets
et à mieux comprendre
les raisons de
sa fiabilité relative.
◊ Qu’est-ce que
l’intuition ?
Benjamin Franklin est connu pour avoir inventé le paratonnerre, rédigé la Constitution des États-Unis et lancé la formule « time is money ». On sait moins que celui qui fut aussi éditeur et journaliste inventa aussi la méthode « pro and cons » qui est à la base de la plupart des méthodes de prise de décisions rationnelles. La démarche est simple : quand on hésite entre deux solutions, B. Franklin préconise d’écrire d’un côté la liste des arguments pour (« pro »), de l’autre contre (« cons »), puis d’attribuer à chaque argument une valeur (un, deux ou trois points). À la fin, il suffit de faire le solde pour obtenir la bonne décision (il faut tout de même laisser mûrir les choses deux ou trois jours, précise B. Franklin).
Le psychologue allemand Gerd Gigerenzer (Max Planck Institut, Berlin) raconte dans Le Génie de l’intuition (2009) qu’un de ses amis, Harry, qui hésitait entre deux jeunes femmes, eut l’idée d’employer la méthode de B. Franklin pour choisir. Le savant « calcul amoureux » fait pencher la balance pour l’une, mais Harry se sentait irrésistiblement attiré par… l’autre. Comme si une intuition plus forte que toute raison l’alertait : « Attention, tu ne fais pas le bon choix ! » L’histoire ne dit cependant pas s’il a eu raison.
Il y a quelques années, il m’est arrivé une histoire similaire lors du recrutement d’un collaborateur. Pour trancher entre les deux derniers candidats, la méthode franklinienne, qui permettait de prendre en compte les compétences, les motivations, les capacités relationnelles, la disponibilité, l’expérience, fit pencher la balance en faveur de A. Pourtant « quelque chose » me disait que B était le bon choix. La raison triompha et A fut embauché. Mais quelques mois plus tard, il ne s’était pas révélé à la hauteur. Une fois sa période d’essai terminée, on fit appel au second candidat… qui s’est finalement avéré le bon. L’intuition première était donc bonne… Elle avait battu le choix rationnel.
◊ Les scientifiques ont-ils recours à l’intuition ?
G. Gigerenzer fait partie de ceux qui ont réhabilité l’intuition comme un mode de décision fiable et efficace. Il définit celle-ci comme « ce qui jaillit dans la conscience, dont les raisons nous échappent en partie et est cependant suffisamment convaincant pour nous pousser à agir ». Cette définition est suffisamment large pour correspondre à une gamme de processus allant du calcul « pifométrique » à la soudaine révélation scientifique (« l’effet eurêka ») en passant par les « coups de génie du sportif » ou le « flair » du professionnel.
Si ces formes d’intuition peuvent être regroupées autour d’un même mot, c’est parce qu’elles présentent certains traits communs : s’émanciper de la raison, s’imposer comme une évidence impérieuse et souvent comporter une charge émotionnelle. Pour en analyser les forces et les limites, il importe de rentrer dans la boîte noire et de cerner les différentes formes de perception et de décision qui se cachent derrière ce mot.
Dans un portrait de la mathématicienne Sylvia Serfaty, brillante lauréate du prix Abel (1), l’un de ses collègues déclare que l’une de ses qualités est d’avoir du flair. Ce flair est présenté comme la capacité à détecter des pistes de recherche prometteuses. Il est curieux d’évoquer le flair dans un domaine comme les mathématiques, assimilées à la logique et au calcul. Pourtant, nombre de mathématiciens de renom lui ont accordé, de longue date, une place notable.
Le grand mathématicien Henri Poincaré écrivait déjà il y a un plus d’un siècle que l’intuition est nécessaire dans la découverte mathématique, au moment de forger des hypothèses : « La logique est l’instrument de la démonstration, l’intuition est l’instrument de l’invention (2). » H. Poincaré a raconté un jour comment il a eu l’intuition d’un résultat majeur (les fonctions fuschiennes) en montant dans l’autobus alors qu’il pensait à tout autre chose.
Le psychologue Stanislas Dehaene parle d’« intuition mathématique » dans un tout autre sens. En psychologie cognitive, l’intuition mathématique désigne la perception spontanée que les nourrissons ou certains animaux ont des nombres. Placés devant une collection d’objets ou de figures, ils savent spontanément les dénombrer sans les compter explicitement. Cette intuition permet de repérer le nombre d’éléments dans un ensemble quels que soient leur position ou leur mode de regroupement.
En mathématique, l’intuition peut désigner le flair (repérer les bonnes pistes à explorer), l’illumination soudaine de la découverte ou la perception spontanée des nombres et volumes. Il existe un courant de la philosophie des mathématiques qualifié d’« intuitioniste », forgé dans les années 1930 par le Néerlandais Luitzen Brouwer (1881-1966) par opposition au « formalisme », qui prétend que les mathématiques ne peuvent se construire que sur la logique déductive.
Nous voilà donc devant un paradoxe : la plupart des mathématiciens s’accordent à reconnaître l’importance de l’intuition dans leur discipline, mais aucun ne lui donne vraiment le même sens. Un spécialiste résume d’ailleurs ce constat de façon abrupte : « La notion d’intuition mathématique est notoirement obscure (3). » Autre façon de dire les choses : en mathématiques, on ne peut se passer de l’intuition bien que l’on ne sache pas vraiment de quoi il s’agit !
◊ Qu’est-ce que
le flair de l’expert ?
« Regarde, un épervier ! » Avec l’expérience, l’ornithologue sait identifier d’un coup d’œil un oiseau en vol. Si vous l’interrogez pour savoir comme il peut l’identifier aussi vite sans le confondre avec une buse, il ne saura pas forcément vous l’expliquer. À force d’observer et comparer, les experts finissent par voir les choses d’un premier regard. En ornithologie, cette capacité d’identification rapide s’appelle le « jizz », terme dont on connaît mal l’origine (4).
Le jizz peut s’appliquer à bien d’autres domaines d’expertise : celui de l’antiquaire à qui il suffit de quelques secondes pour reconnaître l’origine d’un objet, celui du médecin pour identifier une maladie…
Deux types d’explication s’opposent pour rendre compte de l’intuition de l’expert. Parfois, on lit qu’il s’agit d’une « vision globale » acquise au fil de l’expérience, parfois qu’il s’agit d’une capacité de voir des détails infimes. En réalité, les deux explications ne s’opposent pas.
Car reconnaître une forme globale est également ce qui permet de discerner rapidement le « détail qui cloche »… Nous faisons tous cette expérience dans le domaine courant : la reconnaissance des visages. Pour identifier mon collègue de bureau, une vision globale suffit. Mais si quelque chose cloche par rapport à d’habitude – le timbre de la voix qui changé, les yeux cernés, une nouvelle coupe de cheveux –, aussitôt votre regard est en alerte. Il arrive parfois que quelque chose ait changé sans qu’on le voie : de nouvelles lunettes par exemple.
On voit bien que dans le cas du coup d’œil de l’expert, perception globale et sens du détail ne sont pas deux facultés distinctes mais peut-être la même chose.
◊ L’intuition féminine est-elle un mythe ?
L’intuition féminine désigne la capacité à percevoir avec une certaine finesse, notamment la capacité psychologique de déceler les émotions ou les traits de caractères cachés d‘une personne. Les femmes seraient plus perspicaces dans ce domaine, dit-on. Vrai ou faux ? Les avis des chercheurs sont aussi partagés que l’opinion commune.
Pour le psychologue britannique Richard Wiseman, l’intuition féminine est un mythe. Ce chercheur a piloté une vaste enquête portant sur 15 000 hommes et femmes à qui l’on a présenté des photographies de visages : les uns souriant de façon authentique, les autres de façon forcée. Résultat : les femmes ont identifié un sourire « sincère » dans 71 % des cas ; les hommes ont fait un peu mieux : 72 % !
Le résultat de cette enquête est d’autant plus surprenant qu’il prend le complet contre-pied de très nombreuses enquêtes précédentes. En effet, depuis les années 1970, de nombreuses études ont conclu que les femmes sont bien meilleures dans le « mindreading » (lecture des intentions d’autrui) (5).
Il est donc bien difficile de départager honnêtement les deux positions. La question est d’autant plus difficile que, même confirmée, le constat d’une différence homme/femme ne signifierait pas qu’elle soit naturelle. Là encore, il existe une divergence sur le sujet. Pour les psychologues évolutionnistes, l’intuition féminine serait liée au fait que les femmes sont naturellement plus sociables, plus soucieuses des émotions d’autrui. En revanche, pour le psychologue social William Ickes, s’il admet bien une supériorité des femmes mesurée par de meilleurs scores aux épreuves de reconnaissance des émotions, cette différence n’est pas forcément spontanée. Elle est liée à une différence de rôles sociaux et d’éducation. En d’autres termes, l’intuition féminine, ça s’apprend (6).
◊ Les dirigeants
font-ils appel
à l’intuition ?
Diriger une entreprise, piloter un commando ou gérer une situation de crise avec son sixième sens, est-ce possible ?
C’est ce qu’a voulu savoir Gary Klein, l’un des spécialistes des études sur l’intuition et qui a opéré une véritable révolution dans le domaine. En 1998, il a publié une étude comparative sur la façon dont les chefs de pompiers prenaient leur décision sur le terrain. Son hypothèse de départ était simple : face à l’urgence, le chef des pompiers n’a que peu d’alternatives, il doit choisir entre deux ou trois options au plus et trancher rapidement. Il a donc suivi des dizaines d’opérations sur le terrain avant de découvrir ce fait étonnant : contrairement à son hypothèse initiale, le dirigeant ne tranche pas entre des alternatives possibles. Dans 127 des 156 cas étudiés, il n’envisage qu’une seule solution, pratiquement sans réfléchir. Mieux : plus le chef est expérimenté, moins il réfléchit et préfère se fier à son intuition première !
À partir de là, G. Klein a élaboré un modèle de décision, le RPD ou « recognition-primed decision » (que l’on peut traduire par « modèle de décision en première reconnaissance »). Selon le RPD, la reconnaissance immédiate d’une situation s’apparente au coup d’œil du médecin : son premier regard permet de repérer à partir de quelques indices une maladie connue. Cette maladie est un « pattern », c’est-à-dire un schéma connu qui permet aux professionnels de prendre des décisions éclairs en cas d’urgence.
Paradoxalement, ce modèle va à l’encontre des principes élémentaires de la gestion de crise qui voudraient qu’en cas d’urgence, il faille tout de même prendre le temps de s’arrêter pour réfléchir.
En fait, G. Klein ne prétend pas que la formule du RPD soit la meilleure, et encore moins qu’elle soit infaillible, mais que c’est ainsi que cela se passe dans les faits : d’où le nom « naturalitic decision-making » pour désigner cette approche. Ce modèle RPD a connu un certain succès dans le monde des pompiers anglo-saxons et est même enseigné dans les écoles militaires américaines. G. Klein a généralisé son modèle au monde du travail en général (7), où selon lui l’intuition est un mode courant de décision.
L’approche managériale de l’intuition semble prendre le contre-pied d’un demi-siècle de d’étude où l’approche rationnelle a eu le vent en poupe : une bonne décision était affaire de calcul d’une solution optimum parmi une multiplicité de choix.
Dès les années 1950, Herbert Simon (prix Nobel d’économie en 1978) avait remis en cause ce modèle rationaliste en soulignant que les agents économiques (entreprises ou consommateurs) n’étaient pas ces froids calculateurs que suppose la théorie : la plupart des gens investissent ou achètent en fonction d’une « rationalité limitée ». Ils ne connaissent pas toutes les données d’un problème, leurs calculs sont imparfaits et leurs jugements approximatifs. Comme le marin qui navigue « à l’estime », les gens prennent des décisions raisonnables plutôt que rationnelles en se fondant sur des heuristiques*, c’est-à-dire des solutions courantes, fiables plutôt que parfaites.
Le psychologue Daniel Kahneman, père de l’économie expérimentale et prix Nobel d’économie en 2002, a enfoncé le clou en critiquant l’irréalité des modèles de décision rationnelle et la toute-puissance des heuristiques courantes dans la décision.
C’est dans le sillage de ces travaux que se sont multipliées depuis quelque temps des recherches sur la « décision intuitive » dans les entreprises. Elles ont démontré l’omniprésence des décisions intuitives des managers, de la PME au grand groupe. Bob Lutz, lorsqu’il était à la direction de Chrysler, attribue à son intuition le choix stratégique de relancer la Dodge Viper. Dans une PME, nombre de décisions – recrutement, choix d’investissement – ne peuvent se faire selon le « best way ». La plupart du temps, les dirigeants tranchent entre quelques propositions sans prendre le temps de tout soupeser, de recueillir tous les avis. Le feeling – mixte d’expérience, de connaissance de son milieu, de conviction et de penchant personnel – compte autant que les calculs sophistiqués dans les décisions.
Cette dimension « experte » de la décision intuitive cohabite aussi avec des pratiques plus ésotériques. Profitant de la réhabilitation scientifique de l’intuition, certains consultants profitent du créneau porteur du « management intuitif » pour vanter les vertus de la voyance ou du tarot de Marseille dans les choix stratégiques ou le recrutement du personnel (8).
◊ L’intuition
est-elle fiable ?
L’intuition étant finalement une notion assez vague recoupant à peu près tout ce qui s’impose comme une évidence mais que l’on ne sait pas expliquer rationnellement, on comprend qu’il soit difficile de répondre simplement à cette question : peut-on s’y fier ?
En analysant de plus près la notion, on a découvert ses différentes composantes : les heuristiques spontanées (voir l’heuristique de l’ignorance de Gigerenzer), les « intimes convictions » et le flair liés à l’expérience de l’expert, l’intelligence émotionnelle* féminine et l’esprit de finesse ou encore les différentes formes d’inconscient cognitif*, ainsi que toutes les hybridations possibles entre ces formes de connaissance. Les philosophes du passé (Baruch Spinoza, Emmanuel Kant ou Blaise Pascal, encadré ci-dessous) avaient déjà dépisté ces divers types d’intuition.
Tous peuvent être considérés comme des formes de savoir et de compétence cristallisées au fil du temps. Certaines (comme l’intuition mathématique des enfants) relèvent, selon G. Gigerenzer, de ce que l’on nommait autrefois des « instincts » : des compétences spontanées issues de l’évolution d’un cerveau. Celui-ci a appris à détecter rapidement des informations subtiles qui lui permettent de rapidement faire un diagnostic et de réagir : c’est le cas pour la perception des visages et de leur expression par exemple.
D’autres sont des connaissances matérialisées par l’expérience individuelle – le flair ou le coup d’œil de l’expert. Cela relève aussi de processus mentaux acquis au fil d’une longue pratique intériorisée sous la forme de réactions quasi « réflexes ».
On comprend que ces formes d’intuition puissent avoir une pertinence sans avoir à évoquer un mystérieux « sixième sens » irrationnel. Comme toute autre compétence cognitive, l’intuition n’est donc ni infaillible ni systématiquement trompeuse.
http://www.scienceshumaines.com/peut-on-se-fier-a-ses-intuitions_fr_30798.html
Les hanafites soutiennent qu’il est permis de donner le sermon dans une autre langue que l’arabe que l’auditoire soit arabe ou non. Cependant, la majorité des juristes musulmans pensent qu’une des conditions requises pour le sermon du vendredi est qu’il soit donné en arabe.
Les malékites affirment que le sermon doit être donné en arabe, et qu’il n’est pas permis de le faire dans une autre langue, même si l’auditoire n’est pas arabophone.
Les hanbalites, quant à eux, disent que si le prédicateur est arabophone, alors le sermon doit être donné en arabe. Sinon, il lui est permis de le faire dans n’importe quelle autre langue qu’il maîtrise, que l’auditoire soit arabophone ou non. Dans tous les cas, les versets coraniques doivent être récités en arabe.
Les shaféites basent leur avis sur ce point, stipulant qu’une des conditions du sermon du vendredi est qu’il soit prononcé en arabe. Ceci s’applique lorsque l’auditoire est arabophone. Dans le cas contraire, l’imam n’est pas tenu de donner le sermon en arabe. Il peut parler dans sa propre langue mais les versets coraniques doivent être récités en arabe.
Sheikh Jâd Al-Haqq ajoute qu’étant donné que le but du sermon du vendredi est d’exhorter les gens, la priorité va à l’opinion d’Abû Hanifah autorisant l’usage d’une langue autre que l’arabe. Cela est plus en accord avec la nature et le but de l’assemblée.
Si toutefois on souhaite suivre l’opinion de la majorité des juristes, une autre alternative peut-être proposée. L’Imam peut donner les deux parties du sermon du vendredi en arabe, suivies d’une traduction pour chacune d’entre elles dans la langue de l’auditoire. De cette manière, comme l’a souligné Sheikh Jâd Al-Haqq, le message parvient à l’ensemble de l’auditoire sans aller à l’encontre des règles juridiques (de donner le sermon en arabe) et en réalisant l’objectif de guider les fidèles en prêchant dans leur langue maternelle.
Allah le Tout-puissant sait mieux.
P.-S.
Traduit de la Banque de Fatâwâ du site islamonline.net
http://www.islamophile.org/spip/Faire-le-sermon-du-vendredi-dans.html
– A) Il y a le fait de dire clairement à quelqu'un qui agit mal que ce qu'il fait est mal (inkâr) ; ou il y a le fait de ne rien lui dire mais de lui montrer par son comportement qu'il fait un mal.
– C) A l'extrême opposé, il y a le fait de dire à quelqu'un qui agit mal que ce mal qu'il fait est bien.
– B) Enfin, il y a le fait de ne pas dire à quelqu'un qui agit mal que ce qu'il fait est mal ; soit qu'on ne lui dise rien et qu'on se comporte bien avec lui, soit qu'on préfère même le féliciter pour un bien qu'il fait par ailleurs.
La façon C de faire est inadmissible, c'est clair.
Mais qu'en est-il du comportement B ?
De nombreux frères ne distinguent pas ce comportement B du C, et disent : "Si tu ne lui dis mot du mal qu'il fait, cela signifie que tu le cautionnes, car qui ne dit mot consent".
D'autres frères affirment que ce comportement B est de l'hypocrisie (au sens littéral et non i'tiqâdî du terme).
Qu'en est-il réellement ?
-
Un récit avec le Prophète (sur lui la paix) :
Un jour un homme demanda la permission d'entrer auprès du Prophète, dans celui de ses appartements où il se trouvait alors. A Aïcha qui était présente, le Prophète dit à propos de l'homme qui voulait entrer : "C'est un mauvais frère de groupe". Il lui donna la permission d'entrer, et, une fois qu'il fut à l'intérieur, le Prophète se montra aimable et courtois à son égard. Une fois qu'il fut reparti, Aïcha fit cette remarque : "Messager de Dieu, tu as dit à son sujet telle et telle chose, puis, quand il est entré, tu t'es montré aimable envers lui ? – Aïcha, m'as-tu déjà vu être grossier ? Un de ceux qui auront la pire place auprès de Dieu le jour de la résurrection sera celui que les hommes auront évité pour se préserver de son tort" (al-Bukhârî 5685 etc., Muslim 2591).
Il y a ici quelques points à relever...
– Si le Prophète a dit de l'homme qui venait qu'il avait tel et tel défaut, c'était parce qu'il est autorisé de médire celui qui fait ouvertement le mal, surtout si on veut mettre en garde les gens à son sujet (Fat'h ul-bârî 10/579).
– Le Prophète n'a pas fait preuve ici de ce qu'il a dénoncé ailleurs sous l'appellation de "double visage" ("dhu-l-wajhayn"). Le "double visage" est celui qui, à certaines personnes, dit une chose, et dit aux autres son exact contraire. Alors qu'il y a par exemple un litige entre deux personnes, à X il dit : "C'est toi qui a raison, lui a tort", et à Y il dit : "C'est toi qui es dans le juste, lui a tort". Or si le Prophète n'a pas dit à l'homme entré chez lui qu'il était quelqu'un de mauvais comportement – comme il l'a affirmé à Aïcha –, il ne lui a pas dit non plus qu'il était quelqu'un de bon comportement ; simplement il ne lui a rien dit de son défaut et a été courtois envers lui (Fat'h ul-bârî 10/558).
– Quand il justifia sa courtoisie à l'égard de l'homme en disant : "Un de ceux qui aura la pire place auprès de Dieu le jour de la résurrection sera celui que les hommes auront évité pour se préserver de son tort", soit le Prophète a voulu parler ici de l'homme en question, voulant dire : "Je ne lui ai rien dit car il fait partie de ceux que les hommes évitent afin de se préserver du tort dont ils sont capables" (Fat'h ul-bârî 10/559) ; soit il a voulu dire : "Je ne peux pas reprocher sans cesse aux gens un défaut qu'ils ont, sinon les hommes m'éviteront ; or un de ceux qui aura la pire place auprès de Dieu le jour de la résurrection sera celui que les hommes auront évité pour se préserver de son tort" (Mirqât ul-mafâtîh 9/144).
– Ce hadîth est une preuve de la licité du fait de ne rien dire à quelqu'un afin de se préserver du tort dont on le sait capable (Fat'h ul-bârî 10/559).
-
Plusieurs formes et plusieurs cas :
Al-Qarâfî écrit :
""Mudâhana" signifie : agir (et) parler avec les gens comme ils aiment. C'est en ce sens que se lit le verset coranique : "Ils aimeraient que tu fasses preuve de id'hân avec eux, en sorte qu'ils fassent preuve de id'hân avec toi" [Coran 68/8-9] ; c'est-à-dire : "Ils aimeraient que tu fasses les éloges de leur situation et de l'adoration qu'ils font, en sorte qu'ils disent la même chose à ton propos". Ceci est une mudâhana interdite. De même, toute personne qui fait l'éloge d'un homme pour l'injustice qu'il fait, ou d'un innovateur pour l'innovation qu'il pratique, ou d'un homme pour le faux qu'il commet, (commet) là une mudâhana interdite ("harâm"). Car cela sera le moyen d'augmenter cette injustice et ce faux de la part de cet homme.
Il est rapporté de [Abû-d-Dardâ'] qu'il disait : "Il arrive que nous sourions à des hommes alors que nos cœurs désapprouvent ce qu'ils font" [al-Bukhârî ta'lîqan, kitâb ul-adab, bâb n° 82, al-mudârâh ma'a-n-nâs] ; il parlait là des tyrans et mauvais, dont on se préserve du tort (en) leur souriant et en les remerciant par des propos véridiques ; car tout homme, fût-il parmi les plus mauvais, possède une qualité digne d'éloge ; on peut alors évoquer (devant le tyran) cette qualité qu'il a, avec l'intention de se préserver du tort qu'il fait. C'est là une mudâhana autorisée ("mubâh"). Elle peut même devenir nécessaire ("wâjib") si celui qui y a recours pourra ainsi repousser une injustice ou des actes interdits ne pouvant être repoussés que par un tel propos et que la situation nécessite cela. Et elle peut (également) être recommandée ("mandûb") si elle est conduit à une ou plusieurs choses recommandées.
Elle est, (enfin,) déconseillée ("mak'rûh") si elle provient d'une faiblesse, alors qu'il n'y a aucune nécessité à la faire, mais (qu'elle provient) d'une faiblesse dans le caractère ("khawr fi-t-tab'"), ou si elle conduit à quelque chose de déconseillé.
La mudâhana relève ainsi des cinq caractères légaux. Et la différence entre la mudâhana interdite et la mudâhana qui n'est pas interdite est devenue claire. Il est de notoriété parmi les gens de dire que la mudâhana est systématiquement interdite. Or ce n'est pas le cas, et la vérité est comme ce qui vient d'être relaté" (Al-Furûq, al-farq n° 246).
On voit que d'après les écrits de al-Qarâfî, il y a 3 critères qui entrent en jeu et qui doivent être considérés avant de dire si la mudâhana est permise ou non :
- 1) à quelle forme de mudâhana a-t-on recours ?
- 2) y a-t-il réellement une nécessité à pratiquer la mudâhana ?
- 3) à quoi cette mudâhana va-t-elle conduire ?
-
– 1) Quelle forme de mudâhana ?
Le fait de "ne pas dire à un homme qu'il fait le mal" peut revêtir plusieurs formes :
B.a) on lui dit quelque chose ou on fait quelque chose dont on sait pertinemment que cela lui fera croire que l'on pense que l'acte de mal qu'il fait est bien ;
B.b) si on ne lui dit ni fait quelque chose qui le laisserait croire que ce que l'on pense que ce qu'il fait est bien, on ne reste pas non plus à l'écart de lui, mais, au contraire, on le fréquente, on lui parle parfois ; mais on ne lui dit mot du mal qu'il fait ; par contre, on le félicite pour le bien qu'il fait par ailleurs ; en résumé : on observe le silence sur le mal qu'il fait mais on le félicite pour le bien qu'il fait par ailleurs ; relève du même cas de figure le fait d'être présent dans une assemblée où on fait le mal et de ne rien dire ni se lever mais de se contenter de penser en son for intérieur que ce qui est fait est mal (cliquez ici) ;
B.c) si on ne lui dit ni fait quelque chose qui le laisserait croire que l'on pense que ce qu'il fait est bien, on ne reste pas non plus à l'écart de lui : au contraire, on le fréquente, on lui parle parfois ; mais on ne lui dit mot ni du mal qu'il fait, ni du bien qu'il fait par ailleurs : on observe le silence sur tout ce qu'il fait ;
B.d) on ne lui dit pas que ce qu'il fait est mal, on ne le félicite pas, non plus, pour le bien qu'il fait par ailleurs, et, plus encore, on ne le fréquente tout simplement pas.
La forme B.a est systématiquement interdite, sans considération pour les critères 2 et 3 ; c'est ce que al-Qarâfî avait ainsi exprimé : "Toute personne qui fait l'éloge d'un homme pour l'injustice qu'il fait, ou d'un innovateur pour l'innovation qu'il pratique, ou d'un homme pour le faux qu'il commet, (commet) là une mudâhana interdite ("harâm"). Car cela sera le moyen d'augmenter cette injustice et ce faux de la part de cet homme."
De même, certains actes relèvent en soi – et même sans qu'une parole les accompagne – de la mudâhana interdite, sans considération pour les critères 2 et 3. Ainsi, les idolâtres de la Mecque avaient dit au Prophète de toucher leurs idoles et ils cesseraient de s'opposer à lui ; le Prophète ne prit pas la ferme décision de le faire mais évalua leur proposition en disant : "Il ne devrait pas y avoir de problème si je le faisais, Dieu sachant que je ne vénère pas les idoles (Wa mâ 'alayya law fa'altu wallâhu ya'lamu minnî khilâfahû)". Dieu lui en rappela le caractère interdit en révélant alors ceci : "Ils ont failli te détourner de ce que Nous t'avons révélé, dans l'espoir que tu inventes autre chose que ceci, et alors ils t'auraient pris pour ami intime. Si Nous ne t'avions pas raffermi tu aurais failli t'incliner quelque peu vers eux [= vers leur demande]. Dans ce cas Nous t'aurions fait goûter le double (châtiment) de (cette) vie et le double (châtiment) d'(après) la mort, puis tu n'aurais trouvé aucun secoureur contre Nous" [Coran 17/73-75] (cf. Lubâb un-nuqûl, as-Suyûtî, Asbâb un-nuzûl, al-Wâhidî).
Nous parlons ici de se préserver en aval d'un tort dont on sait la personne en question susceptible de le faire, et qui consiste au fait de lancer contre soi une campagne de dénigrement, ou au fait de faire régner contre les musulmans une ambiance où ils seront amenés à se sentir oppressés (je n'ai pas dit : "opprimés"), etc. Le cas de la contrainte par claire menace de mort ou de coups et blessures est différent : cliquez ici pour en savoir plus.
Quant à la forme B.d, elle revient à ne pas dissuader de quelque chose qui est interdit (nah'y 'an il-munkar) ; or dissuader d'un interdit est obligatoire, sauf certains cas (par exemple quand cela sera la cause d'un problème plus grand que celui que l'on veut régler, ou quand on est certain que le rappel n'aura aucun effet). Cliquez ici pour en savoir plus.
C'est en fait seulement à propos des formes B.b et B.c que la question de la mudâhana se pose véritablement ; et ces deux formes peuvent être soit nécessaires, soit recommandées, soit simplement autorisées, soit fortement déconseillées, selon la prise en compte des deux autres critères 2 et 3, comme nous allons le voir…
-
– 2) Y a-t-il une nécessité à pratiquer la mudâhana ?
Il faut qu'il y ait conviction (yaqîn) ou forte présomption (zann ghâlib) que, sans le recours à cette mudâhana, il y aura une mafsada (c'est-à-dire un problème qui touche à quelque chose qui est dharûrî ou hâjî) ou bien on tombera dans un acte interdit. Il faut donc d'une part qu'il y ait au moins forte présomption de la mafsada, et d'autre part forte présomption du fait que la mudâhana est le seul recours permettant de l'éviter. C'est ce que al-Qarâfî avait ainsi expliqué : "on peut alors évoquer (devant le tyran) cette qualité qu'il a, avec l'intention de se préserver du tort qu'il fait. C'est là une mudâhana autorisée ("mubâh"). Elle peut même devenir nécessaire ("wâjib") si celui qui y a recours pourra ainsi repousser une injustice ou des actes interdits ne pouvant être repoussés que par un tel propos et que la situation nécessite cela. Et elle peut (également) être recommandée ("mandûb") si elle est conduit à une ou plusieurs choses recommandées."
Par contre, comme nous l'avons vu sous la plume de al-Qarâfî, on ne peut avoir recours à la mudâhana sans qu'il y ait une nécessité reconnue comme telle ("lâ dharûrata tataqâdhâhu"). Comme il l'a écrit, la couardise ("khawr fi-t-tab'") n'est pas une cause valable.
-
– 3) Il ne faut pas que le recours à la mudâhana conduise à quelque chose de plus grave que ce qu'il s'agissait d'éviter :
Ce point n'apparaît pas explicitement dans ce que al-Qarâfî a écrit, mais c'est un principe bien connu dans l'application du principe de la ta'ârudh bayna hassanatayn aw sayyi'atayn.
De plus, cela ressort explicitement d'un récit... Un jour les idolâtres de la Mecque proposèrent au Prophète de cesser de dire que leurs divinités ne valent rien, et ils cesseraient alors de s'opposer à lui. Dieu révéla alors : "Ils aimeraient que tu fasses preuve de id'hân avec eux, en sorte qu'ils fassent preuve de id'hân avec toi" (Coran 68/8-9) (cf. Bayân ul-qur'ân). Le Prophète avait, en tant de messager de Dieu, pour mission entre autres choses de rendre la Kaaba (fondée par Abraham et Ismaël pour l'adoration de Dieu) au culte de l'Unique ; à la Mecque et au Hedjaz la pratique du polythéisme ne devait plus être acceptée. Le Prophète ne pouvait donc que dire ouvertement et très franchement à ses compatriotes que les divinités qu'ils adorent ne valent rien et ne peuvent rien. Et c'est pourquoi ses compatriotes étaient autant opposés à sa mission, car il les invitait de la sorte à enlever les idoles de la Kaaba, de même que, ce faisant, à bouleverser l'ordre social qu'ils avaient mis en place. Le Prophète était en butte à une opposition farouche, au point qu'il dut autoriser certains de ses Compagnons à émigrer en Abyssinie. Mais ce verset lui rappela qu'il ne pouvait, au motif de faire cesser cette opposition, cesser de dénoncer la présence d'idoles dans la Kaaba. Il alla jusqu'au bout de sa mission, avec l'émigration à Médine, puis la résistance armée, avec des victoires mais aussi des défaites, enfin la conquête de la Mecque en l'an 8 de l'hégire, l'annonce faite en l'an 9 que les idolâtres ne pourraient dorénavant plus entrer dans le périmètre de la Mosquée Sacrée et du Haram, puis qu'ils ne pourraient plus habiter le Hedjaz (d'après un des avis existant sur le sujet) (cliquez ici pour en savoir plus sur ce point).
-
Mudâhana ou mudârâh ?
Al-Qarâfî a écrit, nous l'avons vu plus haut : "La mudâhana relève ainsi des cinq caractères légaux. Et la différence entre la mudâhana interdite et la mudâhana qui n'est pas interdite est devenue claire. Il est de notoriété parmi les gens de dire que la mudâhana est systématiquement interdite. Or ce n'est pas le cas, et la vérité est comme ce qui vient d'être relaté."
Or les gens qui disent que la mudâhana est systématiquement interdite n'ont eux non plus pas tort. En fait leur propos ne contredit nullement celui de al-Qarâfî.
Pour lui, il y a une mudâhana qui est licite et une autre qui est interdite.
Chez eux, le terme "mudâhana" ne désigne que la "mudâhana interdite" ; quant à ce que al-Qarâfî nomme "mudâhana licite", ils ne la nomment pas "mudâhana" mais : "mudârâh". Il n'y a donc pas de divergence d'avis véritable, mais une simple différence de sens de nom ("ikhtilâf lafzî" / "sûrî").
Al-Bukhârî a pour sa part employé ce terme "mudârâh" : c'est ainsi qu'il a nommé le comportement du Prophète vis-à-vis de l'homme dont il avait dit que c'est "un mauvais frère de groupe" et dont nous avons vu le récit plus haut. Il a écrit : "La mudârâh avec les gens" (Sahîh ul-Bukhârî, kitâb ul-adab, bâb n° 82).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
Certains frères disent que, en tant que musulman, on ne doit en aucun cas avoir un engagement social et/ou politique dans le pays dans lequel nous vivons [la France], car un tel engagement contredit le tawhîd tout entier [asl ut-tawhîd], car les hommes qui nous entourent sont mushrik en accordant à des hommes la possibilité de faire les lois qu'ils veulent. Participer au fonctionnement de leur société revient donc à cautionner ce qu'ils disent là, et à faire perdurer leur système. Cela est donc strictement interdit.
Ces frères disent aussi que c'est pourquoi le prophète Muhammad (sall'Allahu 'alaihi wa sallam) n'a jamais participé aux affaires sociales des Mecquois, bien que ceux-ci le lui avaient proposé, et ne s'est jamais engagé pour des valeurs de bien (charité, humanisme) aux côté des Mecquois.
Est-ce vrai ?
Il faut déjà, pour être précis, distinguer 3 cas différents.
A) Le fait, pour un musulman, de s'engager d'une façon telle qu'il sera ensuite amené à promulguer une loi qui contredit formellement la loi qat'î de Dieu (par exemple qui déclarerait "licite" ce que Dieu a déclaré illicite, ou qui déclarerait "interdit" ce que Dieu a déclaré obligatoire) :
Cela est strictement interdit.
Ainsi en serait-il du musulman qui serait engagé dans un parti où, par solidarité avec les autres membres, il devrait lui aussi voter pour une loi déclarant le mariage homosexuel autorisé (ou autre chose du même genre).
-
B) Le fait pour un musulman de s'engager d'une façon telle qu'il sera ensuite amené à appliquer une loi que ce sont d'autres que lui qui l'ont faite mais qui contredit formellement la loi qat'î de Dieu (par exemple qui interdit ce que Dieu a rendu obligatoire) :
Cela est interdit également.
Ainsi en serait-il du musulman qui serait amené à appliquer une loi interdisant à la musulmane de porter un foulard... ou qui serait amené à sanctionner une musulmane qui porte un foulard...
Seul un cas de contrainte reconnue comme telle (ik'râh yu'tabaru shar'an) rendrait cela autorisé. Or nul n'est contraint à s'engager.
-
C) Nous ne parlerons donc ici que du fait, pour le musulman, de s'engager dans une mesure où il sait qu'il sera fatalement amené à garder le silence face à certaines lois qui contredisent celle que Dieu a faite, et que d'autres que lui votent, ou appliquent, mais que lui ne vote pas ni n'applique. Ce musulman apporterait sa contribution pour une société plus juste, ou encore pour soulager la souffrance d'autres humains, musulmans comme non-musulmans... Un tel engagement est-il autorisé, ou bien n'est-il pas autorisé, car consistant à cautionner les lois injustes qui ont cours dans le système ?
La réponse est qu'un tel engagement est autorisé.
Il y a ainsi la possibilité de s'engager en faveur de ce qui relève de l'universel (al-'aqlî), reconnu par tous, tel que soulager la misère de ceux qui sont matériellement démunis, s'engager contre l'alcoolisme, l'illettrisme, etc.
(Rappel : Le seul fait de ne pas appliquer la loi de Dieu ou de ne pas rendre un jugement (entre deux hommes ayant un litige) selon la Loi de Dieu, il s'agit en soi d'un acte interdit mais ne constituant pas du kufr akbar tant qu'on a la croyance voulue (cliquez ici, ici, ici, ici et ici pour en savoir plus).)
-
Certains coreligionnaires affirment ici :
"Si participer aux affaires d'une cité non-musulmane était autorisé, le prophète Muhammad (que Dieu le bénisse et le salue) aurait participé aux affaires de la cité de La Mecque dans une mesure modérée, puis, ayant fait régner la justice et s'étant fait aimer davantage encore qu'auparavant (quand il était déjà connu comme "l'homme honnête"), il en aurait profité pour présenter le monothéisme et changer les croyances religieuses polythéistes des Mecquois.
Or il ne l'a pas fait, et s'est contenté de présenter son message monothéiste aux Mecquois, bien que cette présentation les a amenés à ne plus l'aimer.
La raison est en que la société de La Mecque était une société qui n'adhérait alors pas au monothéisme, vu qu'elle croyait que des hommes ont le droit de légiférer sans tenir compte de ce que Dieu a fait de lois, Lui. Y participer aurait été participer, ou, au moins, assister, à des séances de shirk akbar.
Ce n'est donc pas la voie des prophètes que de participer aux affaires d'une société polythéiste pour y amener ce qu'ils peuvent de bien."
-
Mais la réponse à cela est :
Si l'engagement mesuré décrit en C constituait un acte de shirk akbar, alors le prophète Joseph (sur lui soit la paix) ne l'aurait pas fait au sein d'une société polythéiste. Car aucun prophète ne commet un acte de shirk akbar.
Ibn Taymiyya écrit ainsi : "وكذلك يوسف كان نائبًا لفرعون مصر وهو وقومه مشركون؛ وفعل من العدل والخير ما قدر عليه، ودعاهم إلى الإيمان بحسب الإمكان" : "De même, (le prophète) Joseph était vice-régent du pharaon* d'Egypte, alors que celui-ci et son peuple étaient polythéistes. En fait Joseph a fait, en matière de justice et de bien, ce dont il avait capacité, et les a invités à la foi selon ce qui était possible" (Majmû' ul-fatâwâ, tome 28 pp. 67-68 ; Al-Hisba fi-l-islâm, p. 13.) (* L'appellation "roi d'Egypte" serait plus correcte que celle de "pharaon".)
Par contre, c'est vrai, le prophète Muhammad (sur lui soit la paix), n'a, lui, pas participé aux affaires de la société mecquoise après être devenu prophète.
-
Comment expliquer cette différence entre le prophète Muhammad et le prophète Joseph (que Dieu les bénisse) ?
Cela s'explique par les 3 points suivants...
– Primo :
Si le prophète Muhammad avait d'abord participé aux affaires de la cité, puis, ayant acquis une notabilité, avait ensuite appelé à réformer les croyances, alors, vu que sa mission est (à la différence de celle du prophète Joseph), universelle, sa Umma aurait déduit de sa façon de faire qu'elle ne peut changer les choses qu'une fois ayant acquis la notabilité, voire le pouvoir.
Il aurait même peut-être laissé l'image d'un homme qui était avant tout un leader, et, accessoirement, un réformateur des croyances religieuses, de spiritualité et de comportement avec autrui. Or il était l'inverse : il était avant tout un réformateur de ces choses, et secondairement un chef politique, ayant dirigé l'Etat de Médine.
(Rappel : Si tous les prophètes ont prêché la réforme religieuse et la réforme des comportement sociaux, tous les prophètes que Dieu a envoyés à des hommes n'ont en revanche pas été chefs. Certes, Moïse l'était, de même que Josué, ou encore David et Salomon (ces deux derniers étant pour leur part des prophètes-rois, alors que les deux précédents étaient des prophètes-chefs sans être rois). Cependant, d'autres prophètes n'ont jamais été chefs, s'étant contentés de prêcher verbalement (bi-l-bayân) pour la réforme de la base. Ainsi furent les prophètes Samuel, Jérémie, Jean-Baptiste (Yahyâ), etc. (que la paix soit sur eux). En tous cas, ceux qui furent prophètes et chefs étaient prioritairement réformateurs de croyances, de spiritualité et de comportement, l'aspect "chef, leader investi de pouvoirs temporels" étant secondaire.)
– Secundo :
Vu que, à compter de l'an 3 du prophétat, le prophète Muhammad était, à la différence du prophète Joseph, engagé dans le jihâd bi-l-lissân iqdâmî contre le shirk, les Mecquois n'ont pas voulu qu'il apporte alors sa contribution aux affaires sociales de La Mecque. Oui, ils lui ont alors proposé, par le biais de 'Utba ibn Rabî'a, la souveraineté ou au moins la notabilité de concertation, mais c'était en échange de la cessation de sa prédication.
Le prophète Joseph, lui, était nabî mais aussi rassûl (pour les gens d'Egypte) (le terme "rassûl" a bien été employé à son sujet en Coran 40-34). Cependant, il n'avait pas la même mission universelle que le prophète Muhammad. Face à la famine qui s'annonçait, le prophète Joseph a demandé au roi d'avoir pour responsabilité de gérer les ressources du pays, parce qu'il a vu là l'opportunité de pouvoir soulager ainsi les difficultés que les hommes vivant dans le même pays que lui connaîtraient, et qu'il savait qu'il n'y avait alors nul autre que lui en Egypte qui aurait pu le faire avec les deux qualités qu'il a citées (l'honnêteté et le savoir-faire).
Mais, même alors, cela ne veut pas dire qu'il a été seulement engagé socialement. Au contraire, comme le dit le verset coranique 40/34 (qui sera cité plus bas) et comme nous l'avons vu plus haut sous la plume de Ibn Taymiyya, il a également, par ailleurs, invité les Egyptiens à la foi en Dieu l'Unique. Simplement, lui n'avait pas la même mission universelle que le prophète Muhammad, et c'est pourquoi, bien qu'étant lui aussi un réformateur spirituel avant tout, il s'est engagé pour le bien de la société, sous la direction d'un roi polythéiste, avant même d'avoir fait connaître la foi au maximum de gens (même s'il l'avait déjà présentée à des compagnons de prison).
Par ailleurs, comme nous l'avons vu, le prophète Muhammad n'a, après avoir reçu la révélation, pas fait ainsi, pour la raison évoquée en Primo. Par contre, avant d'avoir reçu la révélation, Muhammad (que Dieu le bénisse et le salue) s'était engagé dans sa jeunesse avec d'autres personnes mecquoises, pourtant polythéistes, pour la défense de l'opprimé. C'était le pacte dit : "hilf ul-fudhûl", ou encore : "hilf ul-mutayyibîn". Et, plus tard, après avoir reçu la révélation, il a dit à ce sujet : "شهدت حلف المطيبين مع عمومتي وأنا غلام؛ فما أُحِبُّ أنًَّ لي حمر النعم وأَنِّي أنكثه" : "J'ai assisté au pacte des mutayyibîn avec mes oncles alors que j'étais jeune. Je n'aimerais pas avoir [même] un chameau roux en échange de la rupture de ce (pacte)" (rapporté par Ahmad, 1655, 1656, et al-Hâkim - voir aussi Silsilat ul-ahâdîth is-sahîha, n° 1900). De ce hadîth il ne se dégage pas, tout au contraire, que l'engagement avec des polythéistes en faveur de valeurs du bien qui sont universelles soit systématiquement interdit.
– Tertio :
Le prophète Muhammad avait le devoir non pas seulement de faire connaître le message que Dieu lui avait révélé, mais aussi de rendre la Kaaba au culte de l'Unique : il fallait donc bien qu'il critique sans relâche le polythéisme de la majorité des membres de sa tribu, les Quraysh.
Or tout le monde ne se trouve pas en pareille situation. Les individus adhérant au message du prophète Muhammad peuvent ainsi, pour leur part, ne pas avoir systématiquement recours à la da'wa avec jihâd bi-l-lissân iqdâmî contre le système, ils peuvent, sur ce point précis, faire comme le prophète Joseph, ou encore comme le Négus d'Abyssinie à l'époque du prophète Muhammad (que Dieu salue tous les prophètes).
-
Ibn Taymiyya écrit :
"وكذلك الكفار: من بلغه دعوة النبي صلى الله عليه وسلم في دار الكفر وعلم أنه رسول الله فآمن به وآمن بما أنزل عليه؛ واتقى الله ما استطاع كما فعل النجاشي وغيره ولم تمكنه الهجرة إلى دار الإسلام ولا التزام جميع شرائع الإسلام؛ لكونه ممنوعا من الهجرة وممنوعا من إظهار دينه وليس عنده من يعلمه جميع شرائع الإسلام: فهذا مؤمن من أهل الجنة.
كما كان مؤمن آل فرعون مع قوم فرعون. وكما كانت امرأة فرعون.
بل وكما كان يوسف الصديق عليه السلام مع أهل مصر؛ فإنهم كانوا كفارا، ولم يمكنه أن يفعل معهم كل ما يعرفه من دين الإسلام؛ فإنه دعاهم إلى التوحيد والإيمان، فلم يجيبوه؛ قال تعالى عن مؤمن آل فرعون: {ولقد جاءكم يوسف من قبل بالبينات فما زلتم في شك مما جاءكم به حتى إذا هلك قلتم لن يبعث الله من بعده رسولا}.
وكذلك النجاشي هو وإن كان ملك النصارى فلم يطعه قومه في الدخول في الإسلام بل إنما دخل معه نفر منهم؛ ولهذا لما مات لم يكن هناك أحد يصلي عليه فصلى عليه النبي صلى الله عليه وسلم بالمدينة خرج بالمسلمين إلى المصلى فصفهم صفوفا وصلى عليه وأخبرهم بموته يوم مات وقال: إن أخا لكم صالحا من أهل الحبشة مات. وكثير من شرائع الإسلام أو أكثرها لم يكن دخل فيها لعجزه عن ذلك؛ فلم يهاجر ولم يجاهد ولا حج البيت بل قد روي أنه لم يصل الصلوات الخمس ولا يصوم شهر رمضان ولا يؤد الزكاة الشرعية؛ لأن ذلك كان يظهر عند قومه فينكرونه عليه وهو لا يمكنه مخالفتهم. ونحن نعلم قطعا أنه لم يكن يمكنه أن يحكم بينهم بحكم القرآن. والله قد فرض على نبيه بالمدينة أنه إذا جاءه أهل الكتاب لم يحكم بينهم إلا بما أنزل الله إليه وحذره أن يفتنوه عن بعض ما أنزل الله إليه. وهذا مثل الحكم في الزنا للمحصن بحد الرجم وفي الديات بالعدل؛ والتسوية في الدماء بين الشريف والوضيع النفس بالنفس والعين بالعين وغير ذلك. والنجاشي ما كان يمكنه أن يحكم بحكم القرآن؛ فإن قومه لا يقرونه على ذلك.
وكثيرا ما يتولى الرجل بين المسلمين والتتار قاضيا بل وإماما وفي نفسه أمور من العدل يريد أن يعمل بها، فلا يمكنه ذلك بل هناك من يمنعه ذلك؛ ولا يكلف الله نفسا إلا وسعها.
وعمر بن عبد العزيز عُوْدِيَ وأُوْذِيَ على بعض ما أقامه من العدل. وقيل: إنه سُمَّ على ذلك.
فالنجاشي وأمثاله سعداء في الجنة، وإن كانوا لم يلتزموا من شرائع الإسلام ما لا يقدرون على التزامه بل كانوا يحكمون بالأحكام التي يمكنهم الحكم بها. ولهذا جعل الله هؤلاء من أهل الكتاب قال الله تعالى: {وإن من أهل الكتاب لمن يؤمن بالله وما أنزل إليكم وما أنزل إليهم خاشعين لله لا يشترون بآيات الله ثمنا قليلا أولئك لهم أجرهم عند ربهم إن الله سريع الحساب}".
"[Par rapport au fait que Dieu ne charge une âme que de ce dont elle est capable, fait évoqué dans les lignes précédentes,] de même en est-il de celui des non-musulmans à qui le message du Prophète (que Dieu prie sur lui et le salue) parvient en terre non-musulmane (Dâr ul-kufr), qui sait qu'il est (vraiment) messager de Dieu, apporte alors foi en lui et apporte foi en ce qui a été descendu sur lui, adhère à la piété (taqwâ) autant qu'il le peut – comme l'ont fait le Négus et autre que lui –, ne peut émigrer en terre musulmane (Dâr ul-islâm) ni ne peut adhérer [concrètement] à toutes les prescriptions de l'islam – vu qu'il est empêché d'émigrer et empêché de montrer ouvertement son dîn –, et n'a pas auprès lui qui lui enseignerait toutes les prescriptions de l'islam : celui-là est un mu'min, faisant partie des gens du Paradis.
Ce fut le cas du croyant parmi la famille de Pharaon vis-à-vis du peuple de Pharaon. Ce fut le cas de la femme de Pharaon.
Ce fut même le cas de Joseph le véridique – sur lui soit la paix – avec les gens d'Egypte : ceux-ci étaient incroyants, et il ne lui était pas possible de faire vis-à-vis d'eux tout ce qu'il connaissait du dîn ul-islâm ; car il les avait invités au monothéisme et à la foi, et ils ne l'avaient pas suivi. Dieu Elevé relate ainsi du croyant de la famille de Pharaon [qu'il dit aux Egyptiens de l'époque de Moïse, soit bien après l'époque de Joseph] : "Et Joseph vous avait auparavant apporté les preuves évidentes. Vous n'aviez alors cessé d'être dans un doute au sujet de ce qu'il vous avait apporté. Jusqu'à ce que quand il mourut, vous dîtes : "Dieu n'enverra jamais plus après lui de Messager"" [Coran 40/34].
Souvent un musulman accède au poste de juge ou même de dirigeant, parmi les Musulmans et parmi les Tatars [= les Mongols, cliquez ici et ici], et en son âme se trouvent des choses de justice qu'il voudrait pratiquer [= appliquer], (mais) il ne le peut pas : il se trouve là-bas (des hommes) qui l'en empêche(nt). "Dieu ne charge une âme que de ce dont elle est capable".
De même en fut-il du Négus [Ashama] ; même s'il était le roi des chrétiens [d'Abyssinie], son peuple ne le suivit pas dans l'entrée en islam ; seul un petit groupe entra en islam avec lui. Et c'est pourquoi quand il mourut il n'y eut là-bas personne pour accomplir la prière funéraire sur lui ; le Prophète l'accomplit alors sur lui à Médine. (...) Le Négus, il ne lui était pas possible de juger d'après le hukm du Coran ; car son peuple ne l'aurait pas laissé faire cela.
Omar ibn 'Abd il-'Azîz fit face à de l'inimitié et à des torts pour certaines choses de justice qu'il établit ; on dit (même) qu'il fut empoisonné pour cela.
Le Négus et ses semblables seront heureux dans le Paradis, même s'ils n'ont pas adhéré [en actes], parmi les prescriptions de l'islam, à ce à quoi ils n'avaient pas la capacité d'adhérer [en actes] ; ils faisaient le hukm par les ahkâm dont il leur était possible de faire le hukm par elles."
(Majmû' ul-fatâwâ, tome 19 pp. 217-219.)
Le récit du prophète Joseph (Yûssuf) (sur lui soit la paix), nommé ministre par le Roi d'Egypte, tel que rapporté dans le Coran, montre bien que le poste que Joseph occupait ne lui conférait pas tous les pouvoirs et toutes les libertés. Pour reprendre les termes de Ibn Taymiyya cités ci-dessus : "il ne lui était pas possible de faire vis-à-vis des [gens de l'Egypte] tout ce qu'il connaissait du dîn ul-islâm". C'est bien pourquoi, alors que chez les enfants du prophète Jacob-Israël (que la paix soit sur lui), la loi était que le voleur demeure esclave de celui qu'il avait volé : "Ils dirent : "Quelle sera sa sanction si vous êtes menteurs ?" Ils (répon-)dirent : "Sa sanction est (comme suit) : "Celui dans les affaires de qui (l'objet volé) sera trouvé, lui-même en sera la sanction." Ainsi sanctionnons-nous les injustes !"" (Coran 12/74-75), le prophète Joseph dut agir dans le cadre des possibilités offertes par la loi du Roi d'Egypte pour pouvoir garder son petit frère Benjamin auprès de lui. Dieu dit ainsi : "Ainsi avons-Nous fait ce stratagème pour Joseph. Il ne pouvait pas prendre son frère d'après le dîn du roi. Sauf si Dieu le voulait" (Coran 12/76). A
Quant au Négus dont parle ici Ibn Taymiyya, il se prénomme Ashama / Sahama / Ella-Seham (fils de Abjar) et a régné de l'an 614 (date de la mort de son prédécesseur, Armah) jusqu'à l'an 630 (date de sa mort). Ce Négus a régné en Abyssinie à l'époque où le Prophète vivait en Arabie, et, suite à la rencontre avec ses Compagnons immigrés en Abyssinie, il a embrassé l'islam secrètement, tout en demeurant roi de son pays. Il n'a même pas pu se dire ouvertement musulman, et n'a évidemment pas pu non plus appliquer dans son pays les normes agréées par Dieu. Pour reprendre les termes de Ibn Taymiyya suscités : "son peuple ne le suivit pas dans l'entrée en islam ; seul un petit groupe entra en islam avec lui ; (...) il ne lui était pas possible de juger d'après le hukm du Coran ; car son peuple ne l'aurait pas laissé faire cela". Le Négus n'a pas abdiqué et émigré en Arabie. Le Prophète (sur lui la paix) n'a pas reproché cet état de fait mais a au contraire prié pour lui à Médine, à la nouvelle de sa mort (nous en avons parlé dans un autre article).
Nous avons également vu cette phrase de Ibn Taymiyya : "Le Négus et ses semblables (...) faisaient le hukm par les ahkâm dont il leur était possible de faire le hukm par elles."
-
D'autres écrits de Ibn Taymiyya, très différents, mais relatifs cette fois aux Mongols :
Très différentes des écrits de Ibn Taymiyya reproduits ci-dessus sont les fatwas du savant damascain relatives aux Mongols de son époque (qu'il nomme "Tatars"), héritiers de l'empire fondé par Gengis Khan. Même à l'égard de Mongols tels que Ghâzân et de gens dans son entourage qui s'étaient convertis à l'islam, Ibn Taymiyya fut très critique, les qualifiant de "tâ'ïfa mumtani'a". Il leur reprochait de façon très vive de, entre autres, ne pas appliquer la Loi de Dieu mais la Loi coutumière mongole, le Yassa (ou Yassaq).
Dans les fatwas qu'il rédigea après avoir été questionné à leur sujet explicitement, Ibn Taymiyya cita le principe général suivant : "كل طائفة خرجت عن شريعة من شرائع الإسلام الظاهرة المتواترة فإنه يجب قتالها باتفاق أئمة المسلمين، وإن تكلمت بالشهادتين" : "Tout groupe qui sort d'une prescription (sharî'atin) parmi les prescriptions (min sharâ'ï' il-islâm) qui sont apparentes et connues de tous (mutawâtir), il faut les combattre à l'unanimité des référents des musulmans, même s'ils prononcent les deux témoignages de foi" (MF 28/510). Il donna ensuite plusieurs cas constituant cela, parmi lesquels celui-ci : "وكذلك إن امتنعوا عن الحكم في الدماء والأموال والأعراض والأبضاع ونحوها بحكم الكتاب والسنة" : "De même : s'ils se retiennent de faire le hukm – à propos des vies, des biens, des honneurs, des relations intimes, et choses semblables – par le hukm du Coran et la Sunna" (MF 28/510).
Lorsque, sous la conduite de Ghâzân devenu musulman, les Mongols voulurent conquérir la terre gérée alors par le Sultanat Mamelouk, pour y faire régner, prétendaient-ils, la justice, Ibn Taymiyya écrivit que les musulmans du Sultanat avaient le devoir de s'opposer par les armes à leur conquête (lire notre article au sujet des tentatives d'invasion de la Syrie par le Mongol Ghazân). Mais plus encore, il écrivit que, parce que ces Mongols, bien qu'ayant embrassé l'islam, ont entre autres comme manquement qu'ils n'appliquent pas la Loi de Dieu, les musulmans du Sultanat Mamelouk auront ensuite le devoir, s'ils en ont la capacité, de reprendre les autres terres musulmanes que les Mongols occupent et qui constituent l'Il-khanat : l'Irak, le Khorassan, la Djézireh et l'Anatolie. Le principe en la matière est le suivant, écrit-il : "Si ceux-ci [= les gens constituant une tâ'ïfa mumtani'a] sont établis dans leur pays, avec la situation qui est la leur [de imtinâ' 'an ba'dhi wâjibât il-islâm az-zâhira al-mutawâtira], il est un devoir pour les musulmans de se diriger vers eux dans leur pays pour les combattre, jusqu'à ce que le dîn soit tout entier à Dieu" (MF 28/551). Dès lors, dans un écrit rédigé en l'an 699 de l'hégire et destiné à mobiliser les Syriens suite à la défaite de l'armée du Sultan Mamelouk et à l'avancée de l'armée tatare, Ibn Taymiyya affirma que tous les composants de l'armée de Ghâzân (parmi lesquels il a cité "ad-dâkhilûna fi-l-islâm min ghayri iltizâmin li sharâ'ï'ih" – soit la "tâ'ïfa mumtani'a") sont tels que, "à l'unanimité des musulmans il est nécessaire de les combattre, jusqu'à ce que (…)" ; et il précisa : "Cela lorsqu'ils sont établis dans leur terre. Que dire donc lorsqu'ils ont pris le dessus sur les terres d'Islam telles que l'Irak, le Khorassan, la Djézireh et l'Anatolie ? Et que dire alors lorsqu'ils se dirigent vers vous et vous attaquent par bagh'y et 'udwân" (MF 28/416). Il écrivit encore : "Et nous les combattrons inshâ Allâhu ta'âlâ, alors nous (re)conquerrons la terre d'Irak et autre qu'elle" (MF 28/466).
Ces écrits de Ibn Taymiyya où il est très critique vis-à-vis de ceux qui n'appliquent pas la Loi de Dieu traitent explicitement des Mongols de Ghâzân : il s'agissait de gens qui se disaient musulmans mais qui, malgré leur pleine capacité (ils n'étaient sous le joug de personne mais, tout au contraire, dominaient des terres et des peuples entiers), délaissaient volontairement les lois de Dieu (il s'agit de celles dont les conditions d'applicabilité étaient présentes) pour celles du Yassa (ou Yassaq). Ce qui correspond à leur situation est, d'après Ibn Taymiyya : "امتنعوا عن الحكم في الدماء والأموال والأعراض والأبضاع ونحوها بحكم الكتاب والسنة" : "ils se retiennent de faire le hukm – à propos des vies, des biens, des honneurs, des relations intimes, et choses semblables – par le hukm du Coran et la Sunna" (MF 28/510).
Différent est ce que Ibn Taymiyya a écrit à propos du prophète Joseph (sur lui soit la paix), du Négus Ashama (que Dieu l'agrée), et du musulman qui accède au poste de juge ou de responsable en pays administré par des Mongols : la situation de ces hommes-là, Ibn Taymiyya l'a exposée ainsi : "كانوا يحكمون بالأحكام التي يمكنهم الحكم بها" : "ils faisaient le hukm par les ahkâm dont il leur était possible de faire le hukm par elles" (MF 19/217-219). Et il a dit qu'eux étaient des musulmans se trouvant dans une situation où ils n'ont pas la capacité d'appliquer les lois de Dieu (nous parlons de celles dont les conditions d'applicabilité sont présentes mais qui requièrent, pour être concrètement appliquées, une certaine capacité, qud'ra). Ce qui leur est alors demandé est de faire ce qu'ils peuvent ; car "Dieu ne charge une âme que ce dont elle est capable".
Même les musulmans de la ville de Mardin, passée sous domination des Mongols et dont l'émir ne pouvait par conséquent pas appliquer toutes les lois de l'islam applicables à une cité musulmane, Ibn Taymiyya a écrit à leur sujet des choses très pondérées (lire notre commentaire de sa "Fatwa relative à Mardin").
Ne confondons donc pas, dans les fatwas de Ibn Taymiyya, ce qu'il a écrit à propos des Mongols eux-mêmes, et ce qu'il a écrit à propos des musulmans qui se trouvent sous l'autorité des Mongols : les premiers sont blâmables pour leur non-application des lois de l'islam malgré leur capacité à le faire, et constituent une ta'ïfa mumtani'a ; les seconds ne sont pas blâmables de ne faire que ce qu'ils peuvent, ils ont même le devoir de faire ce qu'ils peuvent.
Il s'agit, dans ces deux cas, de la seule action de ne pas appliquer les lois de l'islam. Les situations, et, donc, les motivations sont cependant différentes.
Par contre, considérer en soi autorisé de ne pas appliquer les lois de l'islam dont les conditions d'applicabilité sont pourtant toutes réunies, cela constitue une tout autre chose.
Celui qui n'applique pas les lois de l'islam parce qu'il se trouve dans une situation semblable à celle du prophète Joseph (sur lui soit la paix), du Négus ou du musulman nommé juge ou dirigeant parmi des Mongols ou des Musulmans injustes, et n'a en conséquent pas capacité à appliquer les lois de l'islam, celui-là doit donc garder à l'esprit qu'en soi cela est interdit, et ne devient autorisé que parce qu'il ne peut pas faire différemment.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
http://www.maison-islam.com/articles/?p=294
1. Par islamiates le 02/07/2024
Salam Les sourates sont données à titre d'exemple. Merci pour votre réactivité