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L'Islam et la vie sociale

"(L'islam) a substitué l'homme au moine. Il apporte l'espoir à l'esclave, la fraternité à l'humanité, et dévoile la quintessence de la nature humaine ".

Canon Taylor
Conférence au Church Congress de Wolverhampton, le 7 octobre 1887.
Texte cité par Arnold dans "The Preaching of Islam" pages 71,72.



"Une des plus belles aspirations de l'islam est la justice. En lisant le Coran, j'y rencontre une doctrine de vie dynamique, non pas des éthiques mystiques, mais une éthique pratique pour mener à bien une vie quotidienne, adaptable au monde entier".

Sarojini Naidu
Conférences sur "The Ideals of Islam" voir "Speeches and Writings of Sarojini Naidu", Madras, 1918, p. 167.



Fiqh des priorités dans les œuvres de charité

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Certes, le fiqh des priorités est la norme qui régit toutes les œuvres profanes et religieuses, financières et physiques, matérielles et morales. Il permet de distinguer les actions à traiter en premier, les actions à retarder selon des critères religieux corrects auxquels conduisent la lumière de la Révélation et celle de la raison. Allah, le Très-Haut, dit (sens du verset) : «Lumière sur lumière» (Coran 24/35)

Parmi les œuvres religieuses et les fondements islamiques qui exigent le recours au fiqh des priorités : la distribution de la Zakât et des aumônes à ses vrais ayants-droit sans exagération ni négligence. En effet, l'état des pauvres diffère : l'on trouve parmi eux celui qui est capable de gagner sa vie, celui qui est incapable de le faire, l'employé, le chômeur, celui qui est en bonne santé, le malade, le bien portant, l'infirme, l'orphelin et celui qui n'est pas orphelin.

Ensuite, tous ces gens ont eux-mêmes des besoins variables : certains sont pauvres, d'autres très pauvres, les uns sont nécessiteux, d'autres sont d'une plus grande indigence, les uns vivent dans le besoin, d'autres éprouvent un besoin plus urgent, certains manquent des choses essentielles, d'autres ne manquent que de ce qui est complémentaire, les besoins de certains sont fondamentaux et ceux des autres accessoires.

Pour que les associations caritatives assument leurs responsabilités et s'acquittent de leur mission d'une manière parfaite qui assure le progrès de la société et le développement de la communauté, elles doivent être parfaitement au courant du fiqh des priorités qui leur permet de mettre chaque chose à sa place sans négligence ni exagération.

Les priorités dans les œuvres de charité :

Premièrement : priorité d'employer les chômeurs capables de gagner leur vie

Certes, de nombreux bénéficiaires des comités de zakât  et des associations de charité sont capables de gagner leur vie. Si ceux-ci sont bien orientés vers un travail convenable et qu'ils exercent effectivement ces métiers, ce sera un bien pour ces travailleurs dans le bas monde et dans l'au-delà ainsi qu'un bien et une bénédiction pour la communauté islamique.

Celui qui examine la Sunna prophétique, verra que lorsqu’un homme bien portant demanda l'aumône au Prophète () le Prophète ne lui versa pas d'aumône et l'orienta vers un travail convenable lui apportant des bienfaits meilleurs et plus durables que la mendicité. D'après Anas, qu'Allah soit satisfait de lui :

« Un jour, un homme des Ansars demanda au Prophète () une aumône. Le Prophète () l’interrogea :
- N'as-tu rien chez toi ?
- Si, un tissu qui nous sert en partie pour nous habiller et en partie pour couvrir le sol et nous asseoir, ainsi qu'un récipient dans lequel nous buvons de l’eau!», répondit l'homme.
- Apporte-les-moi, dit le Prophète ()
L’homme les lui apporta et le Prophète () les prit dans sa main et dit : Qui veut acheter ces objets ? Quelqu’un proposa un dirham. Le Prophète () répéta à deux ou trois reprises :
- Qui renchérit?
- Je les achète pour deux dirhams, dit un autre. Le Prophète lui remit les objets et prit les deux dirhams qu’il donna à l’Ansari. Ensuite, il lui dit :
'Avec un dirham tu achèteras à manger pour ta famille et avec le dirham qui reste, tu achèteras une pioche et tu me l’apporteras '.
L’homme lui apporta la pioche et le Prophète () y attacha un manche en bois et lui dit : 'Va couper du bois, vends-le et reviens me voir dans deux semaines. L’homme alla donc couper du bois et le vendit. Ayant gagné dix dirhams, il acheta avec une partie de ceux-ci un vêtement et de la nourriture. Le Prophète () lui dit alors :

«Cela est mieux que la mendicité qui te vaudra une tache noire sur le visage le jour de la Résurrection. La mendicité n’est permise que pour trois genres de personnes : la personne très pauvre, l’homme qui a beaucoup de dettes et celui qui a du mal à payer le prix du sang à qui de droit » (al-Tirmidhî)

D'ailleurs, le placement des chômeurs capables de gagner leur vie exige à notre époque une campagne intensive par le biais des mosquées, des écoles, des instituts, des centres et des medias, qui leur expliqueront l'importance du travail, les y pousseront, feront valoir ses avantages, les mettront en garde contre le chômage ainsi que la mendicité et ses méfaits, dans le bas monde et dans l'au-delà.

Deuxièmement : priorité du savoir sur tout le reste

Il est incontestable que les premiers versets coraniques révélés et le premier appel du Noble Coran concernent la science (sens des versets) :

«Récite, au nom de ton Seigneur qui a créé, qui a créé l’homme d’une adhérence. Récite ! Ton Seigneur est le Très Noble, qui a enseigné par la plume [le calame], a enseigné à l’homme ce qu’il ne savait pas» (Coran 96/1-5)

Parmi les hadiths qui affirment que le mérite du savant dépasse celui de l'adorateur, car l’adoration profite exclusivement à l'adorateur, alors que la science profite à tout le monde, nous en citerons seulement deux : le Prophète () a dit :

• «Je préfère le mérite de la science à celui de l'adoration, et le meilleur rang dans la religion est celui de la piété » (al-Hâkim)

• «Le mérite du savant par rapport au dévot est analogue à mon mérite par rapport au plus méprisable d'entre vous» (al-Tirmidhî).

Dans son ouvrage Fiqh Al-Awlawiyyât, Dr. Yûssuf Al-Qaradhâwi dit : «Parmi les priorités les plus importantes reconnues par la Charia : la priorité du savoir sur l’action. En effet, le savoir devance l’action, l'oriente et la guide. Il a été rapporté de Mo'âdh : 'La science est un guide et l'action en dépend' (Ibn 'Abdul-Barr)»

La science a la priorité sur l'action, car c'est la science qui distingue la vérité de l’erreur dans les croyances, le correct du faux dans les opinions exprimées, la Sunna de la Bid'a dans les actes d'adoration, ce qui est juste de ce qui est corrompu dans les transactions, le licite de l'illicite dans les comportements, le vice de la vertu dans les mœurs, ce qui est accepté de ce qui est refusé dans les critères, ce qui est prépondérant de ce qui ne l’est pas dans les actes et les paroles» Fiqh al-Awlawiyyât, Dr. Yûsuf al-Qardhâwi

Plus loin, Dr. Yûsuf al-Qardhâwi dit : «Partant de là, les jurisconsultes ont établi que celui qui se consacre à l’adoration d’Allah n'a pas droit à la Zakât, contrairement à celui qui se consacre à la science, car le monachisme n'a été nullement prescrit dans l'Islam. En effet, l’activité exclusive de l'adorateur est dans son propre intérêt, alors que celle du savant est dans l'intérêt de la nation». Fiqh al-Awlawiyyât, Dr. Yûsuf al-Qardhâwi

Par conséquent, ceux qui étudient une science utile sont prioritaires par rapport à toute autre personne quand il s’agit de dépenser pour eux ; de même que les institutions scientifiques priment sur toute autre institution.

Troisièmement: Priorité des obligations par rapport aux sunna-s et aux actes surérogatoires :

Parmi les priorités importantes auxquelles on doit s’intéresser dans les œuvres de charité, figure le fait de donner à manger à ceux qui meurent de faim, d’aider ceux qui sont victimes de génocide et de liquidation physique, de fournir des médicaments aux malades, d'héberger les sans-abris, de parrainer les orphelins, de prendre soin des vieillards, des veuves, des infirmes, ainsi que de ceux qui sont victimes de campagnes d'évangélisation, et ne trouvent ni nourriture, ni boisson, ni vêtement, ni école, ni enseignant, ni maison de soins, ni infirmerie, ni centre de da'wa, ni école coranique. Toutes ces tâches ont la priorité par rapport à l'accomplissement répété des Hadjs et des 'Umras, aux dépenses faites pour ceux qui pratiquent la retraite spirituelle dans les mosquées, aux tables de charité au mois de Ramadan, à l'achat et à la distribution du siwâk, qui constituent des actes surérogatoires et des sunna-s.

Ibn Mas'ûd, qu'Allah soit satisfait de lui, a dit : « A la fin des temps, augmentera le nombre de ceux qui accomplissent fréquemment le pèlerinage sans raison. Le voyage sera facile pour eux et ils auront des moyens abondants pour cela. Mais ils retourneront privés de leurs biens et priver de la récompense divine. L'un d'eux parcourt de longues distances désertiques à dos de chameau, alors qu'il ne s'est même pas donné la peine (avant son départ) de réconforter son voisin lourdement éprouvé. » (al-Ghazâlî).

En outre, d'après Abû Nasr al-Tammâr, un homme se présenta à Bichr ibn al-Harith et lui dit : Je me suis déterminé à faire le pèlerinage, as-tu une chose à m’ordonner ?
-Combien as-tu préparé d’argent pour ce voyage?, lui demanda Bichr
-Deux mille dirhams
-Que désires-tu de ce voyage : le détachement des biens du bas monde ? As-tu besoin de voir la Ka'ba ? Ou recherches-tu l'agrément d'Allah, exalté soit-Il?
-Je recherche l'agrément d'Allah, répondit l'homme
-Mais si tu gagnais l'agrément d'Allah en restant chez toi, en dépensant les deux mille dirhams et en étant persuadé de l'agrément d'Allah, le ferais-tu ?
-Oui, répliqua l'homme
-Alors donne-les à dix personnes endettées pour rembourser leurs dettes, à un pauvre pour remédier à sa situation, à un père pour subvenir aux besoins de sa famille, au tuteur d’un orphelin pour réjouir ce dernier ; et si tu veux les donner à un seul d’entre eux, fais-le. En effet, le fait de rendre un musulman heureux, de secourir l'affligé, de supprimer un tort ou d'assister une personne faible, vaut mieux que cent pèlerinages accomplis après le pèlerinage de l'Islam (obligatoire). Vas-y et verse cette aumône comme je te l'ai recommandé ; sinon dis-moi le fond de ta pensée ?
-Ô Abû Nasr, répondit l'homme, le pèlerinage m'est plus agréable
-Si une personne, répondit Bichr en souriant, obtient de l’argent suite à une transaction douteuse, cela la mènera à obéir aux passions de son âme, et à rechercher l’agrément d’Allah par la satisfaction de cette passion, or Allah S'est engagé à n'accepter que l'œuvre des pieux.» (al-Ghazâlî).

Quatrièmement: Priorité du travail permanent par rapport au travail temporaire :

Parmi les priorités les plus importantes sur lesquelles il faut se focaliser dans les œuvres caritatives, l'on trouve l'intérêt pour le travail permanent qui rapporte un revenu quotidien, hebdomadaire ou mensuel aux pauvres et aux nécessiteux au lieu de leur verser des dons ou des sommes d'argent qui peuvent être réduites ou interrompues.

Les associations caritatives, à notre époque, sont aptes à construire des usines, des ateliers, des boulangeries, des restaurants, des imprimeries, des salles de célébration de mariage, etc. Ensuite, elles embaucheront les pauvres et les veuves qui sont capables de travailler en leur versant des salaires quotidiens ou mensuels, selon l’association.

Certes, un tel procédé est meilleur, moralement et matériellement, pour ceux qui reçoivent l'aumône et préférable pour les associations caritatives car ces travaux leur rapporteront des revenus qui leur permettront de développer d’autres activités. D'ailleurs, celui qui examine de près la Sunna prophétique trouvera des hadiths qui donnent la priorité aux œuvres qui sont accomplies de façon régulière, aussi modestes soient-elles, sur les œuvres irrégulières.

Cinquièmement: priorité de l'œuvre profitable à autrui sur l'œuvre qui ne profite qu’à son auteur :

Parmi les œuvres qui ont la priorité dans les œuvres de charité et qui priment sur toute autre œuvre du point de vue de la Charia, l'on trouve celles qui sont les plus bénéfiques à autrui. En effet, plus l'œuvre est profitable aux gens, plus la société se développe, et plus la nation se fortifie, devient plus cohérente et plus évoluée ; et un tel acte est rétribué et récompensé par Allah, le Très Haut.

A ce propos, le Prophète () a dit :

« Les personnes les plus aimées d’Allah sont les plus utiles aux autres. Et l’œuvre la plus aimée d’Allah, exalté soit-Il, est le fait de rendre un musulman heureux en dissipant sa peine, en remboursant sa dette ou en le rassasiant. Il vaut mieux aider un frère dans le besoin que d'effectuer une retraite spirituelle d'un mois dans cette mosquée» (al-Tabarânî).

Parmi les œuvres les plus utiles aux autres et qui doivent bénéficier d’un intérêt particulier : la da'wa à Allah, le Très Haut, en dépensant pour elle, pour ceux qui s’en chargent, ses institutions et ses méthodes. Le Prophète () a dit :

« Celui qui appellera à suivre une voie droite se verra attribuer, outre la récompense correspondante, l'équivalent de la récompense de tous ceux qui l'auront suivie sans que leurs récompenses ne soient diminuées» (Mouslim)

L'enseignement du Noble Coran : en subvenant aux besoins des Cheikhs, des étudiants, des écoles coraniques et des concours. Le Prophète () a dit : «Le meilleur d’entre vous est celui qui apprend le Coran et l’enseigne aux autres» (Boukhari).

Le remboursement de la dette de la personne endettée : Le Prophète () a dit :

«Celui qui désire qu'Allah, Exalté soit-Il, le place sous l’ombre de Son Trône le Jour de la Résurrection, qu'il accorde un délai ou une remise de dette à une personne insolvable» (Ibn Mâdjah)

Construction de logements pour les sans-abris qui passent leurs nuits dans la rue ou qui habitent dans les cimetières, enfants, femmes et vieillards.

Sixièmement : priorité des œuvres dont l’utilité est la plus durable

Au lieu d'accorder aux pauvres et aux nécessiteux des dons divers et coûteux sur les plans matériel et moral, ainsi que des aides financières, qui s'épuisent rapidement, il est préférable que les associations caritatives leur accordent des dons dont l’utilité est plus durable, ce qui pourra leur rapporter des revenus, grâce à Allah, le Très Haut, pendant de longues années. A ce propos, le Prophète () a dit :

«La meilleure aumône est l'ombre d'une tente pour la cause d'Allah, le don d'un serviteur pour la cause d'Allah, ou le don d'une chamelle adulte pour la cause d'Allah» (Ahmed et al-Tirmidhî).

Parmi les bons maximes à ce sujet, citons : «Au lieu de donner un poisson à manger à un pauvre, donnez-lui un filet pour le pêcher».

Parmi les œuvres dont l’utilité est la plus durable et que les associations peuvent accomplir pour les pauvres, citons la distribution de chameaux, d’ovins et de bovins à ces pauvres et à leur famille avec le lait qu’ils produisent ; ainsi que la distribution de volailles, de chevaux, de machines, de petites voitures modernes, d’équipements pour les restaurants, etc.

Certes, le bénéfice, pour les pauvres, de telles œuvres est meilleur pour eux et plus grand que le bénéfice qu’ils tireraient d’un don ou d’une aide matérielle provisoire.

Nous demandons à Allah le succès et l’acceptation de nos œuvres. Que la paix et la bénédiction d’Allah fasse soient sur notre maître Mohammad, ainsi que sur sa famille et de ses Compagnons.

http://www.islamweb.net/frh/index.php?page=articles&id=184597&fromPart=66

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Suicides, islam et politique

سبحانك اللهم و بحمدك أشهد أن لا إله إلا أنت أستغفرك و أتوب إليك 

Janvier 1969, un jeune homme s’avance sur la place Wenceslas. Il s’asperge d’essence et met le feu : geste de désespoir pour traduire l’absence d’issue qui a suivi les élans du « printemps de Prague », un an plus tôt. Pour une génération de jeunes Européens, de l’Est comme de l’Ouest, Jan Palach fut un symbole, tragique et héroïque tout à la fois : à leurs yeux, quoi de plus anthropologiquement décisif que de donner sa vie, que de mourir volontairement de mort non lente [1], en rompant avec une conception qui fait du suicide un scandale ? Ce faisant, le jeune étudiant tchécoslovaque reproduisait l’acte d’un bonze, Tich Quang Duc, s’immolant à Saïgon en 1963 pour protester contre le régime de Ngo Dinh Diem dépendant des États-Unis déjà engagés dans une lutte contre le Nord Viêt-Nam et ses alliés du Sud [2]. Fin 2010, un geste analogue est effectué par un marchand de fruits et légumes tunisien. Dans le cas de Muhammad Al-Bû‘azîzî, au désespoir d’une condition de déshérité méprisé, partagé par nombre de ses compatriotes, s’ajoute l’humiliation personnelle d’avoir été frappé par une femme, représentante de l’ordre établi. Mais là n’est pas l’essentiel puisque, en un mois, une trentaine de personnes ont réitéré l’acte d’immolation en Tunisie, en Algérie, au Maroc, en Mauritanie, en Égypte, en Arabie Saoudite, au Soudan et au Yémen. L’événement est têtu, il frappe par une violence d’autant plus évidente qu’il est la partie émergée d’un phénomène prenant numériquement de l’ampleur : la rupture avec une vie traditionnellement considérée comme ne dépendant pas d’abord de soi.

La norme au défi du réel

Le chercheur sait que le « réel » n’est pas la « norme » ; celui qui est spécialisé dans l’étude du fait religieux a, parmi les tâches à assumer, celle de mesurer les écarts entre le « prescrit » et le « vécu » [3]. Le suicide existe dans les sociétés du monde majoritairement musulman, comme ailleurs, il touche les femmes (davantage de tentatives) et les hommes (davantage de décès), frappant en priorité les chômeurs et la génération des 18-30 ans [4]. Au milieu des années 2000, El Watan titrait « Chaque jour, un Algérien se suicide… » : « En finir avec la vie pour fuir une réalité trop dure à supporter, telle est la situation qui a emporté l’année écoulée 177 âmes algériennes recensées par les services de police à l’heure où de son côté la Gendarmerie nationale a enregistré le triste record de 128 cas. Y a-t-il lieu de s’alarmer ? La réponse est sans doute oui, car la courbe est ascendante et le nombre des suicidés enregistre une hausse, même si elle est légère » [5]. Les premiers chiffres officiels datent de 1993, ils émanent des services de sécurité qui ont constaté une progression plaçant, selon eux, l’Algérie dans la moyenne des pays arabes : de 0,94 pour 100 000 en 1999 à 2,25 pour 100 000 en 2003 [6]. Ces statistiques sont en dessous de la réalité, ajoutent les journalistes. Pas ou peu d’immolation alors, les moyens sont les barbituriques, les chutes volontaires, la pendaison, le gaz, le recours aux armes et les produits chimiques. On attente à sa vie en consommant de l’ « esprit de sel », euphémisme pour désigner ces produits servant à déboucher les conduites d’eau. Et, comme du malheur à l’humour il n’y a parfois qu’un pas [7], une histoire court alors : Un monsieur rentre dans une boutique de quartier. – Le marchand : « Qu’est-ce que tu veux, Monsieur ? » - Le client : « Une bouteille d’‘esprit de sel’ s’il vous plaît. » - Le marchand : « A consommer sur place ou à emporter ? » [8]

Sujet longtemps tabou que celui du suicide. Il en va de même pour nombre de pratiques touchant aux mœurs concernant, par exemple, la sexualité vécue et non celle qui est idéalisée dans une projection confessionnelle normée (rapports charnels avant le mariage, homosexualité). Par crainte de l’opprobre jetée sur la famille du défunt suicidé, la cause de la mort a tendance à être tue. Dans les conditions actuelles, il n’est donc pas possible d’appuyer l’analyse sur des statistiques fiables. La publicité donnée aux immolations de 2010-2011 a délié les langues, mais sans assurance concernant les chiffres. Ainsi, le site syrien DPress affirme qu’on ne compte plus ceux qui se sont immolés en suivant le chemin emprunté par Al-Bû‘azîzî [9]. Selon certaines sources, la moyenne des suicides en Tunisie dépasserait celle du reste des pays arabes. Les psychothérapeutes (psychanalystes, psychologues, psychiatres) sont mis à contribution et les acteurs de la société civile créent des instances de réponses. Ainsi, en Algérie, SOS Suicide Phénix ou SOS amitié. Quant aux imams responsables de la prédication du vendredi, ils relaient sans discontinuer les messages d’interdiction [10].

Les maux du monde arabe majoritairement musulman sont souvent traduits en termes géopolitiques : le regard porté sur les deux siècles écoulés, traversés par la colonisation et la création d’États nations, dont celui d’Israël, véhicule l’image d’une humiliation récurrente et de rapports de domination à l’échelle internationale. Les événements récents conduisent à prendre davantage en compte les causes internes et leur prégnance plus ou moins grande. Même si elles sont promptes à voir dans le suicide le geste de déséquilibrés mentaux, les autorités religieuses ne nient pas que des hommes sont prêts à donner leur vie pour de l’immanent – acheter du pain et des denrées de première nécessité à bon marché, dénoncer une injustice sociale (refus de logement, perte d’emploi, divorce et marginalisation pour cause d’infertilité), combattre une dictature et s’exprimer librement. Il est possible d’y voir un indice de sécularisation. Contrairement au contexte sud-asiatique – ou européen dans les milieux sécularisés –, et sans qu’une volonté de disqualifier le référent religieux soit jamais explicite, le geste de l’immolation et plus largement du suicide rompt avec un interdit. Celui-ci est enraciné dans des traditions pluriséculaires, ancrées sur la conviction que le feu est l’instrument propre de la punition divine et renforcées par une qualification juridique.

La parole éclatée des « hommes de religion »

La récente vague d’immolations provoque un trouble profond parmi les « hommes de religion » [rijâl al-dîn], au point de susciter des désaccords. Deux questions sont posées : 1/ « Quel est le jugement de la loi islamique [hukm al-sharî‘a al-islâmiyya] au sujet de ces hommes [suicidés] ? » ; 2/ « Serait-il licite de les considérer comme des martyrs [shuhada’] ? » La principale ligne de tension du milieu sunnite passe entre l’Union des savants musulmans d’un côté, les autorités religieuses liées aux États arabes (principaux concernés) de l’autre. Longtemps, les savants et autres juristes qui représentent l’instance magistérielle, se sont gardés d’intervenir haut et fort, pour ne pas donner de publicité à ce qui est qualifié de « péché » [11]. Au cours du dernier quart de siècle, le seul type de suicide parfois justifié –« légal » [mashru‘a]- a été le « martyre » du musulman menant jihâd armé contre l’ennemi parce qu’il défend « sa religion, sa patrie, sa umma  » pour une « grande mission ». Telle est la position du cheikh Yussûf al-Qardhawi au sujet des Palestiniens ayant commis des attentats-suicides contre des Israéliens [12]. Président de l’Union mondiale des savants musulmans et animateur de l’émission, « La Sharî‘a et la vie » sur la chaîne de télévision qatariote Al-Jazîra, sa parole est écoutée par des dizaines de millions de téléspectateurs.

Le cheikh Qardhawi a soutenu la « révolution du peuple tunisien » et inscrit le geste de Muhammad Al-Bû‘azîzî dans la perspective d’un jihâd contre l’injustice et la corruption. Après la fuite de Ben Ali, il a engagé à prolonger l’effort contre tous les « symboles » de la dictature, à « faire tomber le reste des idoles familières, Alât et al-‘Uzâ [13], et la suite des serviteurs affiliés au régime qui a fait souffrir les Tunisiens des années durant » [14]. Ces propos ont suscité des réactions vigoureuses conduisant l’intéressé à expliquer qu’il n’avait jamais promulgué de fatwâ mais s’était contenté d’un commentaire, explicité en ce sens : « J’implore Dieu le Très-Haut et je le supplie de pardonner à ce jeune, de l’absoudre, de passer outre à son acte qui l’a mis en porte à faux avec la droit [shar‘] qui interdit que l’on mette fin à ses jours ». Dans le même mouvement, il a ajouté que ceux qui devaient être brûlés, « ce sont les tyrans injustes » [15]. S’il justifie l’utilisation de « moyens de résistance contre l’injustice et la tyrannie », cela n’inclut donc pas le recours à ce qui relève de l’ « interdit » [harâm] à savoir le fait de se suicider et de « mettre le feu à notre corps » [16].

La position du mufti de Tunis présente des différences remarquables avec la précédente. ‘Uthmân Batîkh a réagi en condamnant sans réserve l’immolation : « Le suicide comme la tentative de suicide est un des plus grands crimes. Il n’y a aucune différence légale entre tenter de se tuer soi-même ou [de tuer] un autre que soit ». Les moyens importent peu, précisait-il dans al-Sabâh, qu’il s’agisse d’immolation, d’empoisonnement, de noyade, de pendaison ou de quoi que ce soit d’autre, c’est un acte « abominable » qui relève d’un « crime » interdit par le « droit » [shar‘] ayant pour conséquence le rejet hors de la communauté musulmane et le blâme : « le mécréant ne doit pas être lavé, il ne faut pas prier pour lui ni l’enterrer dans le cimetière des musulmans » [17].

La position du Mufti de Tunis a été confortée par la déclaration du Comité de la Fatwâ d’al-Azhar, formulée par son président, le cheikh ‘Abd al-Hamîd al-Atrash : « Il ne peut être licite, quelles que soient les circonstances, qu’un homme s’engage vers le suicide, et ce quel que soit le moyen auquel il a recouru, le feu, la noyade ou la strangulation. Le suicide est subordonné à la miséricorde de Dieu, et seule la communauté des mécréants désespère de la miséricorde de Dieu » [18]. Le cheikh al-Atrash a précisé que le suicide n’était justifiable en aucun cas et, par voie de conséquence, qu’il était impossible de nommer « martyr » celui qui se donne la mort : il appartiendra à Dieu seul de pardonner à cet homme s’il proclame la shahâda. La référence coranique citée est le verset 195 de la sourate Al-Baqara (La Vache) : « Et dépensez dans le sentier d’Allâh. Et ne vous jetez pas par vos propres mains dans la destruction. Et faites le bien. Car Allâh aime les bienfaisants » [19]. Citant un hadith dans lequel Muhammad est placé dans une situation d’opposition à ses Compagnons au sujet du partage d’un butin, le cheikh al-Atrash a insisté sur le fait que « le pauvre ne doit pas être le plus craintif » pour ce qui concerne la récompense ultime. Cette réplique renvoie au cœur de l’argumentaire visant à respecter toute autorité établie. Elle justifie, sans consensus, les deux termes d’une unique alternative présentée au croyant musulman : rendre grâce si celui qui guide [imâm] la communauté musulmane est juste ; faire preuve de patience s’il ne l’est pas.

Suicide et jihâd

Selon les témoignages recueillis des rescapés du feu, ou des proches des victimes, s’il y a effectivement conscience d’une transgression de type confessionnelle, ce n’est pas pour cela que l’on cherche à se donner la mort mais en dépit de cela. Quel que soit le motif, cependant, la signature indique que l’interdit n’opère pas comme une barrière ultime, absolue. Et c’est en ce sens qu’il est possible de parler d’indice de sécularisation. Les sociétés majoritairement musulmanes ne sont pas – et n’ont jamais été – hermétiques : pratiques et valeurs, normes et comportements sont, ici comme ailleurs, le fruit d’un mouvement très complexe de synthèse entre un « propre » et un « apport » qui ne cesse de se modifier au fil des siècles. Ouvertes à des vents moins contrôlés aujourd’hui qu’hier par le fait de la circulation plus grande des hommes (tourisme, affaires, migrations) et de l’usage en croissance asymptotique des nouveaux moyens de communication, ces sociétés n’ont plus l’homogénéité qui les structurait plus fortement au moment des indépendances.

En milieu chiite, la contestation de l’autorité qualifiée d’ « injuste » est plus active qu’en milieu sunnite. Fidèle à un double combat « anti-impérialiste » contre Israël et en faveur des « déshérités » du monde entier [20], le Hezbollah a applaudi l’action révolutionnaire contre le régime tunisien corrompu, mais sans commenter le fait de l’immolation [21]. Et pour cause, la dénonciation sourde d’une vieille tradition mazdéenne de l’immolation par le feu qui aurait été introduite dans l’espace arabe majoritairement sunnite par le biais des chiites (même si « chez les crypto-chiites maghrébins, on préfère l’aspect sacrificiel par le sang, humain ou animal ») n’est pas anodine [22]. Entre 1998 et 2003, une centaine de personnes auraient tenté de se suicider par le feu dans le nord-ouest de l’Iran [23]. Aux yeux des responsables chiites, il ne faut donc pas prêter le flanc à la critique dans un contexte de tension interconfessionnelle accrue : situation de persécutions au Pakistan ; guerre de 2003 en Irak et attentats à répétition ; soubresauts des clivages intra-libanais (2005, 2008 et 2011) faisant craindre une nouvelle guerre civile ; rivalité irano-saoudienne trouvant sa traduction dans le dossier nucléaire comme dans ceux du conflit israélo-palestinien ou du Liban ; revendications politiques des chiites dans les États de la péninsule arabique et des sunnites en Syrie… Les bureaux des trois principales références religieuses chiites ont été interrogés sur le sujet (écoles de Khomeiny, de Sistani et de Fadlallah). Seul le premier a répondu à la question de la qualification de l’acte : « le fait de se tuer soi-même pour un but important ou un intérêt majeur n’est pas un suicide, c’est un jihad » [24].

Par ce qu’ils révèlent de l’état des sociétés du monde majoritairement musulman, les événements de Tunisie, suivis de ceux d’Égypte, constituent un bouleversement dont l’ampleur s’apparente à celui de la révolution iranienne de 1979. Débordées par les initiatives venues du peuple visant à contester l’ « injustice », les autorités religieuses – sunnites comme chiites – laissent entendre des dissonances. Le malaise est d’autant plus grand que, depuis la fin du XVIIIe siècle, les élites de ces sociétés, avec plus ou moins de contraintes selon les régimes d’autorité imposés par l’extérieur ou de l’intérieur, ont vainement cherché à s’accorder sur la configuration de la cité souhaitée [25].

par Dominique Avon [01-02-2011]

Pour citer cet article :

Dominique Avon, « Suicides, islam et politique. Retour sur les événements de Tunisie », La Vie des idées, 1er février 2011. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Suicides-islam-et-politique.html

Notes

[1] Voir, a contrario, la lettre de Vaclav HAVEL à Gustav Husak (1975), en particulier le passage relatif à la « paix des cimetières », citée dans Essais politiques, Paris, Calmann-Lévy, « Points », 1990, p. 31 sq.

[2] François JOYAUX, La nouvelle question d’Extrême-Orient. L’ère du conflit sino-soviétique 1959-1978, Paris, Payot, 1988, p. 104-105.

[3] L’auteur assume la pleine responsabilité de ces lignes, y compris les traductions de l’arabe vers le français. Il tient cependant à remercier vivement Anaïs-Trissa Khatchadourian, Mouna Mohamed Cherif, Samah Mohammed, Samia al-Mechat, Nahed Caracalla, Amin Elias et Augustin Jomier pour les échanges de sources et de vues sans lesquels cet article n’aurait jamais vu le jour.

[4] D’après le Jeune Indépendant. Synthèse de Mourad.

[5] [[Nadjia BOUARICHA, « Chaque jour, un Algérien se suicide… », El Watan, 27 mars 2008.

[6] « Suicide en Algérie. L’une des principales causes de mortalité », Le Soir d’Algérie, 18 octobre 2005.

[7] Voir la caricature de Hic parue sur le site du quotidien El Watan : « Vent de révolte au Maghreb. Les Tunisiens passent le Flambeau » : un homme en flammes touche la main d’un autre qui le précède en courant.

[8] Propos rapporté par Mouna Mohammad Cherif, 18 janvier 2011.

[9] DPress, 17 janvier 2011. Il s’agit d’un site d’information syrien.

[10] Le mufti général d’Arabie saoudite a condamné l’immolation dans sa prédication du 21 janvier.

[11] Voir Abdellatif IDRISSI, « La notion de péché, de la période préislamique au début de l’islam, entre récit biblique et représentation locale » dans Dominique AVON et Karam RIZK (dir.), De la faute et du salut dans l’histoire des monothéismes, Paris, Karthala, « Signes des Temps », 2010, p. 21-37.

[12] Voir la justification dans [« Le caractère légal des opérations martyres »], 31 mai 2004, avec la référence à sa fatwa signée, selon le shaykh al-Qardhawi, par 300 savants au cours des vingt années qui ont précédé, . Pour une référence en langue française relative au Hamas : Olivier DANINO, Le Hamas et l’édification de l’Etat palestinien, Paris, Karthala, « Les terrains du siècle », 2009, p. 100-109.

[13] Référence aux divinités mecquoises antéislamiques, évoquées dans les versets dits « sataniques ».

[14] Propos du shaykh Yussûf AL-QARDHAWI, 16 janvier 2011, sur al-Jazîra.

[15] Information d’al-Jazîra, reprise dans al-Watan (Koweit).

[16] Propos du shaykh Yussûf AL-QARDHAWI, 19 janvier 2011, al-Jazîra.

[17] « Le Mufti de Tunis invite à ne pas prier pour les ‘suicidés par le feu’ », al-Yawm al-Sâba‘, 21 janvier 2011.

[18] Déclaration reprise sur le site hibapress 18 janvier 2011.

[19] Cor 2, 195. L’extrait de ce verset est d’ailleurs repris à l’envi, par exemple dans une fatwâ du shaykh saoudien Nâsir ibn Sulayman AL-‘UMAR.

[20] Dominique AVON et Anaïs-Trissa KHATCHADOURIAN, Le Hezbollah. De la doctrine à l’action, une histoire du « parti de Dieu », Paris, Seuil, 2010, 384 p.

[21] Voir le silence entretenu sur le site http://www.moqawama.org/

[22] Chawki AMARI et alii, « Immolation : Je brûle, donc je suis », El Watan, 21 janvier 2011.

[23] D’après Michaël AYARI interrogé par Perrine MOUTERDE : « L’immolation, un geste de désespoir à forte charge politique », France 24, 19 janvier 2011.

[24] Réponse envoyée le 28 janvier 2011 par un représentant de la Ghurfa al-islâm al-’asîl fî ghurfa al-bâltûq (contact : ahkam@islamasil.com ou ahkam@irib.ir).

[25] Dominique AVON et Amin ELIAS, « Laïcité : Navigation d’un concept autour de la Méditerranée », parution le 3 janvier 2011 dans la revue électronique Droits de cité.

 

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La protection des biens et des personnes en Islam

L’Islam œuvre activement et inlassablement pour la création d’une société saine et prospère et pour ce faire, il institue un cadre réunissant tous les éléments nécessaires pour assurer aux hommes la jouissance complète de tous leurs droits afin qu’ils y vivent dans une atmosphère de paix, quiétude et liberté, sans être asservis à leurs semblables. Le Prophète r dit : « Certes, votre sang, vos richesses et votre honneur sont choses sacrées comme ce jour-ci, dans ce mois-ci et dans ce pays-ci »[1].

L’Islam entend donc instaurer une société possédant les caractéristiques suivantes :

1) La sécurité sous toutes ses formes

La sécurité des biens : Allah I dit : ( Ô les croyants ! Que les uns d’entre vous ne mangent pas les biens des autres illégalement. Mais qu’il y ait du négoce (légal) entre vous, par consentement mutuel )[2].

La préservation de l’honneur : Allah I dit : ( Et ceux qui lancent des accusations contre des femmes chastes sans produire par la suite quatre témoins, fouettez-les de quatre-vingts coups de fouet, et n’acceptez plus jamais leur témoignage. Et ceux-là sont les pervers. )[3].

La sécurité de la vie des personnes : Allah I dit : ( Dis : « Venez, je vais réciter ce que votre Seigneur vous a interdit : ne Lui associez rien et soyez bienfaisants envers vos pères et mères. Ne tuez pas vos enfants par crainte de la pauvreté, car c’est Nous qui vous nourrissons tout comme eux. N’approchez pas les turpitudes, ouvertement ou en cachette. Et ne tuez pas la vie qu’Allah a rendue sacrée, si ce n’est de plein droit. Voilà ce qu’Allah vous a recommandé de faire ; peut-être comprendrez-vous. )[4].

La préservation de la raison : Le Prophète r dit : « Tout ce qui enivre est une boisson alcoolique et toute boisson alcoolique est interdite. »[5]

Il n’est donc pas permis d’effrayer les gens ni de les terroriser par des menaces verbales ou physiques. Le Prophète r dit à cet effet : « Qu’aucun de vous ne fasse le geste de brandir une arme contre son frère, car il ne sait pas si Satan ne fera pas échapper l’arme de ses mains et alors, il tomberait dans un des gouffres de l’Enfer. »[6].

Il dit encore : « Celui qui effraye un croyant, il est du droit d’Allah de ne pas le mettre à l’abri des effrois du Jour de la Résurrection»[7]

L’Islam veut créer une société paisible dans laquelle l’homme peut se déplacer et gagner sa vie par le travail et l’exploitation de la terre d’Allah. C’est pourquoi les peines criminelles (Hudud) ont été prescrites pour entraver l’action de toute personne qui veut porter atteinte à la sécurité et la stabilité de la société islamique. Citons, parmi ces peines dissuasives, la peine réservée aux voleurs et autres malfaiteurs.

Allah dit : ( La récompense de ceux qui font la guerre contre Allah et Son messager, et qui s’efforcent de semer la corruption sur la terre est qu’ils soient tués, ou crucifiés, ou que soient coupées leur main et leur jambe opposées, ou qu’ils soient expulsés du pays. Ce sera pour eux l’ignominie ici-bas ; et dans l’au-delà, il y aura pour eux un énorme châtiment. ) [8]

2) La satisfaction des besoins vitaux de ses membres

Pour parvenir à cet objectif, l’État islamique met en œuvre les moyens suivants :

— La création d’emplois pour ceux qui sont capables de travailler afin de gagner leur subsistance.

— La prise en charge par le trésor public islamique de tous ceux qui ne peuvent pas travailler pour cause d’incapacité, de vieillesse ou de maladie, et de ceux qui ont perdu leur soutien. Le Prophète r dit : « Quiconque laisse un bien (en mourant), il est pour sa famille, mais celui qui laisse une dette ou une famille et des enfants pauvres, ils sont à ma charge, je suis le tuteur des croyants. »[9]

— Les aumônes obligatoires destinées aux pauvres et aux indigents dans la société musulmane. Ils ont un droit sur la Zakât prescrite aux riches musulmans et qui représente le principe de la solidarité sociale de l’Islam. Elle est prélevée sur les biens des riches et reversée aux pauvres. Le Prophète r dit : « Fais-leur savoir qu’Allah leur a prescrit une aumône prélevée sur les biens de leurs riches, reversée à leurs pauvres »[10].

— L’aumône facultative faite de bon gré par le musulman pour subvenir aux besoins de ses frères, par observance de l’ordre d’Allah et recherchant son agrément. Le Prophète r dit : « Tout musulman qui procure un habit à un musulman nu, Allah le vêtira des habits du Paradis. Tout musulman qui donne à manger à un autre musulman, Allah le nourrira des fruits du Paradis. Tout musulman qui donne à boire à un autre musulman assoiffé, Allah l’abreuvera de nectar pur cacheté »[11].

— La menace sévère à l’encontre du musulman qui se désintéresse de la situation de ses frères. Le Prophète r dit : « Celui qui s’éveille le matin ayant pour principale préoccupation la vie présente contredit la religion d’Allah, celui qui ne craint pas Allah contredit la religion d’Allah et celui qui ne s’occupe pas des affaires des musulmans n’est pas des leurs »[12].

Il dit aussi : « Les gens d’une agglomération dans laquelle un individu s’éveille le matin affamé n’ont plus droit à la protection d’Allah »[13].

3) L’instruction

Allah I dit : ( Allah élèvera en degrés ceux d’entre vous qui auront cru et ceux qui auront reçu le savoir. )[14].

L’instruction dans la société islamique n’est pas seulement un droit pour ses membres, mais une obligation incombant à tout individu. Il est du devoir de chacun d’acquérir le savoir grâce auquel il gérera ses affaires religieuses et mondaines. Il incombe à l’État islamique de fournir à ses membres tous les moyens qui favorisent l’acquisition du savoir. Le Prophète r dit : « La recherche du savoir est un devoir pour tout musulman »[15].

Mieux encore, l’Islam considère l’effort consenti dans la recherche du savoir, son acquisition et sa transmission comme l’une des voies qui conduisent au Paradis. Le Prophète r dit : « Quiconque s’engage dans une voie pour y rechercher un savoir, Allah lui facilitera par cela, le chemin vers le Paradis »[16].

En outre, l’Islam considère la dissimulation du savoir comme un acte interdit et met sévèrement en garde celui qui empêche la diffusion d’un savoir profitable. Le Prophète r a dit : « Quiconque cache un savoir, Allah lui mettra un mors de feu le Jour de la Résurrection »[17].

L’Islam accorde tellement d’importance au savoir qu’il a prescrit une sanction contre celui qui s’abstient d’apprendre ou d’enseigner. Le Prophète r dit : « Les gens doivent apprendre chez leurs voisins et ils doivent aussi instruire leurs voisins ou alors je précipiterai la punition sur eux ».

4) La préservation de la santé

Les mesures mises en place dans ce domaine sont :

— L’interdiction de tout ce qui est nocif pour la santé de l’homme comme la consommation des boissons enivrantes et des drogues. Allah Idit : ( Ô les croyants ! Le vin, le jeu de hasard, les pierres dressées, les flèches de divination ne sont qu’une abomination, œuvre du Diable. Écartez-vous-en, afin que vous réussissiez )[18].

— L’interdiction de la consommation de la chair de la bête morte, du sang et de la chair de porc, Allah I dit : ( Vous sont interdits la bête trouvée morte, le sang, la chair de porc, la bête sacrifiée pour un autre que Dieu, la bête étouffée, la bête morte suite à un coup, une chute ou un coup de corne, et celle qu’une bête féroce a dévorée – sauf si vous l’égorgez avant qu’elle ne meure –, la bête immolée sur les autels polythéistes, ainsi que de consulter les augures. Tout ceci est de la perversité )[19].

— L’interdiction des pratiques infâmes telles que la pédérastie, la fornication et le lesbianisme. Allah I dit : ( Et n’approchez point la fornication. En vérité, c’est une turpitude et quel mauvais chemin ! )[20].

— Une politique sanitaire vigilante, qui inclut la mise en quarantaine lorsque les risques de contagion se manifestent. Le Prophète r dit : « Lorsque vous apprenez que la peste existe dans un une région, n’y allez pas ; mais, si elle éclate dans la région où vous êtes, ne quittez pas cette région »[21].

Ce souci de l’hygiène passe aussi par des mesures de prévention à l’échelle individuelle. Le Prophète r dit : « Que celui qui a des chameaux malades ne les abreuve pas avec celui qui a des chameaux sains »[22].

Comme le dit le Prophète r dans un hadith, les grands points que nous avons évoqués (sécurité, subsistance, santé) résument l’essentiel des aspirations de l’homme : « Quiconque s’éveille le matin en sécurité, en bonne santé physique et ayant sa ration journalière, c’est comme s’il possédait le monde entier »[23].

Relu et adapté pour islamhouse par :

Gilles KERVENN

Chawâl 1429 (octobre 2008)

Publié par le bureau de prêche de Rabwah (Riyadh)

www.islamhouse.com

L’islam à la portée de tous !



[1] Al-Bukhârî – Fathu-l-Bârî (10/568), hadith nº 6043.

[2] Sourate 4, verset 29.

[3] Sourate 24, verset 4.

[4] Sourate 6, verset 151.

[5] Muslim (3/1588), hadith nº 2003.

[6] Al-Bukhârî (3/1588), hadith nº 6661.

[7] At-Tabarânî dans At-targhîb wa-t-tarhîb.

[8] Sourate 5, verset 33.

[9] Ibn Khuzaïma (3/143), hadith nº 1785.

[10] Al-Bukhârî (2/505), hadith nº 1331.

[11] Abû Dâwûd (2/130), hadith nº 1682.

[12] Al-Mustadrak (4/352), hadith nº 7889.

[13] Musnad Al Imam Ahmad (2/33), hadith nº 4880.

[14] Sourate 58, verset 11.

[15] Ibn Mâjah’ (1/81), hadith nº 224.

[16] Muslim (4/2074), hadith nº 2699.

[17] Ibn Hibbân (1/298), hadith nº 96.

[18] Sourate 5, verset 90.

[19] Sourate 5, verset 3.

[20] Sourate 17, verset 32.

[21] Al-Bukhârî (5/2163), hadith nº 5396.

[22] Al-Bukhârî (5/2177), hadith nº 5437.

[23] At-Tirmidhi (4/573), hadith nº 2346.

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L'Islam et la loi de talion

La loi de Talion pour meurtre

Dieu Exalté a dit :

«Dis: ‹Venez, je vais réciter ce que votre Seigneur vous a interdit: ne Lui associez rien; et soyez bienfaisants envers vos père et mère. Ne tuez pas vos enfants pour cause de pauvreté. Nous vous nourrissons tout comme eux. N'approchez pas des turpitudes ouvertement, ou en cachette. Ne tuez qu'en toute justice la vie qu'Allah a fait sacrée. Voilà ce qu'[Allah] vous a recommandé de faire; peut-être comprendrez-vous. Et ne vous approchez des biens de l'orphelin que de la plus belle manière, jusqu'à ce qu'il ait atteint sa majorité. Et donnez la juste mesure et le bon poids, en toute justice. Nous n'imposons à une âme que selon sa capacité. Et quand vous parlez, soyez équitables même s'il s'agit d'un proche parent. Et remplissez votre engagement envers Allah. Voilà ce qu'Il vous enjoint. Peut-être vous rappellerez-vous. ‹Et voilà Mon chemin dans toute sa rectitude, suivez-le donc; et ne suivez pas les sentiers qui vous écartent de Sa voie.› Voilà ce qu'Il vous enjoint. Ainsi atteindrez-vous la piété »

(Sourate 6 (Les Bestiaux), versets 151 à 153).

Allah Exalté a dit :

«Quiconque tue intentionnellement un croyant, Sa rétribution alors sera l'Enfer, pour y demeurer éternellement. Allah l'a frappé de Sa colère, l'a maudit et lui a préparé un énorme châtiment»

(Sourate 4 (Les Femmes), verset 93).

Allah Exalté a dit aussi :

«C'est pourquoi Nous avons prescrit pour les Enfants d'Israël que quiconque tuerait une personne non coupable d'un meurtre ou d'une corruption sur la terre, c'est comme s'il avait tué tous les hommes. Et quiconque lui fait don de la vie, c'est comme s'il faisait don de la vie à tous les hommes»

(Sourate 5 (Al Ma-idah), verset 32).

Le Prophète (Saluts et Bénédictions d'Allah sur lui) a dit, dans les deux Sahih : « Le jour du jugement dernier, Dieu demandera d'abord compte aux hommes du sang qu'ils auront versé.

On distingue trois genres de meurtres.

- Les meurtres de la première catégorie sont les «meurtres volontaires» (‘amd).

On entend, par meurtre volontaire, le meurtre commis par un homme qui attaque un autre homme sans en avoir le droit et d'une façon qui donne ordinairement la mort. L'arme utilisée peut être un instrument tranchant comme le sabre, ou contondant, comme une enclume, un pilon de dégraisseur. D'autres procédés peuvent être aussi utilisés : on peut brûler un homme, le noyer, le précipiter du haut d'un lieu élevé, l'étrangler, lui écraser les testicules jusqu'à ce que mort s'ensuive, l'asphyxier ou l'emprisonner, etc.

Quiconque aura ainsi tué subira la peine du talion (qawad). Le talion consiste à remettre le meurtrier entre les mains des héritiers de sa victime. Ceux-ci peuvent le faire mettre à mort, lui pardonner, ou exiger le prix du sang (diya) ; Ils ne sont autorisés à tuer que le meurtrier. Dieu Exalté a dit :

«Et; sauf en droit, ne tuez point la vie qu'Allah a rendu sacrée. Quiconque est tué injustement, alors Nous avons donné pouvoir à son proche [parent]. Que celui-ci ne commette pas d'excès dans le meurtre, car il est déjà assisté (par la loi)»

(Sourate 17 (Le Voyage Nocturne), verset 33).

On explique ce verset en disant que seul le meurtrier sera tué.

D'après Abu Suraih al-Huzaî (qu'Allah soit satisfait de lui), le Prophète (Saluts et Bénédictions d'Allah sur lui) a dit : « Celui qui a eu un parent tué, ou qui a lui-même été blessé, a le choix entre trois choses, mais interdisez-lui en toute autre : tuer le meurtrier, lui pardonner, ou exiger le prix du sang. Si, après avoir opté pour l'une de ces trois choses, il veut continuer à se venger, il ira en enfer et y séjournera à tout jamais. » On trouve ce hadith dans les Sunan ; Tirmidhi le considère comme bon et authentique.

Celui qui, après avoir pardonné ou touché le prix du sang, tue, commet un crime plus grave que celui qui a commencé ; certains jurisconsultes soutiennent qu'on doit lui infliger la peine (hadd) de mort et qu'on ne doit pas le remettre aux héritiers de sa victime.

Dieu Exalté a dit

« O les croyants! On vous a prescrit le talion au sujet des tués : homme libre pour homme libre, esclave pour esclave, femme pour femme. Mais celui à qui son frère aura pardonné en quelque façon doit faire face à une requête convenable et doit payer des dommages de bonne grâce. Ceci est un allégement de la part de votre Seigneur et une miséricorde. Donc, quiconque après cela transgresse, aura un châtiment douloureux. C'est dans le talion que vous aurez la préservation de la vie, ٍ vous doués d'intelligence, ainsi atteindrez-vous la piété»

(Sourate II (An Nissa), 178-179).

 

Les parents de la victime, comme le font remarquer les jurisconsultes, bouillonnent d'une telle colère qu'ils vont parfois jusqu'à tuer le meurtrier et les siens ; souvent même, ils ne se contentent pas de tuer ces derniers, mais massacrent encore beaucoup des amis du meurtrier, le chef de sa tribu ou de sa communauté. Si le meurtrier est coupable d'avoir commencé, les autres le sont d'avoir dépassé les bornes dans leur vengeance. C'est ainsi qu'agissaient les gens au temps du paganisme, et qu'agissent encore, de nos jours, ceux qui échappent aux lois de l'Islam, tant bédouins que sédentaires (et aujourd’hui les dirigeants des pays musulmans et aussi les dirigeants de certains pays occidentaux). On trouve cependant parfois qu'il est trop grave de tuer le meurtrier, en raison de son importance sociale ou de quelque supériorité qui l'élève par trop au-dessus de la condition de sa victime. Les parents de la victime tuent alors tous les parents du meurtrier dont ils parviennent à s'emparer ; souvent même ils s'allient à des étrangers dont ils sollicitent l'appui, tandis que les autres en font autant de leur côté ; il en résulte des troubles et des inimitiés terribles. La cause de ces désordres provient de ce fait que l'on n'a pas observé les lois de la justice divine, c'est-à-dire que l'on a négligé d'appliquer le talion.

Allah Exalté nous a donc prescrit la loi du talion (qisas) ; ce talion consiste dans la parfaite égalité et équivalence du meurtrier et de sa victime. Il nous a dit aussi que ce talion était pour nous source de vie ; le talion, en effet, interdit de tuer, en dehors du meurtrier, aucun de ses parents et aucun des parents de la victime ; un homme qui songe à commettre un meurtre, d'autre part, sachant qu'il sera tué, peut renoncer à son dessein.

Alî Ibn Abi Talib (qu'Allah soit satisfait de lui) et ‘Amr Ibn Sua’ib (ce dernier la tenait de son père, qui lui-même la tenait de son grand-père), rapportent ce hadith : « Les croyants sont égaux en matière de sang ; ils forment un seul bloc en face des autres hommes. Le plus humble d'entre eux répondra de leur parole. On ne devra pas tuer un Musulman qui a tué un infidèle ; quiconque bénéficie d'un pacte n'est inviolable que dans les limites de ce pacte. » On trouve ce hadith chez Ahmad Ibn Hanbal, Abu Dawoud et d'autres traditionnistes.

Le Prophète (Saluts et Bénédictions d'Allah sur lui) a donc établi l'entière égalité des Musulmans par le sang. On ne mettra pas un Arabe avant un non-arabe, un qoraichite ou un Hachimite avant une autre tribu, un homme de condition libre avant un client affranchi, un savant ou un émir avant un illettré, ou un homme du peuple. Tous les Musulmans sont d'accord sur ce point.

II en était autrement chez les gens du paganisme et chez les Juifs. Il y avait, à côté de Médine, deux tribus juives: les Bani Quraiza et les Bani Nadir. Les Banu Nadir se considéraient comme supérieurs aux Bani Quraiza par le sang. Ils vinrent trouver le Prophète (Saluts et Bénédictions d'Allah sur lui) pour lui demander son avis sur ce point, ainsi que sur la peine prévue pour la fornication. Ils avaient, en effet, modifié la peine édictée pour la fornication, et, au lieu de lapider le coupable, ils lui barbouillaient la figure de noir. « Si votre Prophète nous juge selon ces principes, dirent-ils aux Musulmans, ce sera là un argument en votre faveur. Dans le cas contraire, c'est vous qui aurez abandonné la loi de la Thawrat ».

Allah Exalté et Loué révéla alors ce verset :

« O Messager! Que ne t'affligent point ceux qui concourent en mécréance; parmi ceux qui ont dit: ‹Nous avons cru› avec leurs bouches sans que leurs coeurs aient jamais cru et parmi les Juifs qui aiment bien écouter le mensonge et écouter d'autres gens qui ne sont jamais venus à toi et qui déforment le sens des mots une fois bien établi. Ils disent: ‹Si vous avez reçu ceci, acceptez-le et si vous ne l'avez pas reçu, soyez méfiants›. Celui qu'Allah veut éprouver, tu n'as pour lui aucune protection contre Allah. Voilà ceux dont Allah n'a point voulu purifier les coeurs. A eux, seront réservés, une ignominie ici-bas et un énorme châtiment dans l'au-delà. Ils sont attentifs au mensonge et voraces de gains illicites. S'ils viennent à toi, sois juge entre eux ou détourne toi d'eux. Et si tu te détournes d'eux, jamais ils ne pourront te faire aucun mal. Et si tu juges, alors juge entre eux en équité. Car Allah aime ceux qui jugent équitablement. Mais comment te demanderaient-ils d'être leur juge quand ils ont avec eux la Thora dans laquelle se trouve le jugement d'Allah? Et puis, après cela, ils rejettent ton jugement. Ces gens-là ne sont nullement les croyants. Nous avons fait descendre le Thora dans laquelle il y a guide et lumière. C'est sur sa base que les prophètes qui se sont soumis à Allah, ainsi que les rabbins et les docteurs jugent les affaires des Juifs. Car on leur a confié la garde du Livre d'Allah, et ils en sont les témoins. Ne craignez donc pas les gens, mais craignez Moi. Et ne vendez pas Mes enseignements à vil prix. Et ceux qui ne jugent pas d'après ce qu'Allah a fait descendre, les voilà les mécréants. Et Nous y avons prescrit pour eux vie pour vie, oeil pour oeil, nez pour nez, oreille pour oreille, dent pour dent. Les blessures tombent sous la loi du talion»

(Sourate V (Al Ma-idah), 41 à 45).

Dieu Exalté a donc fait comprendre aux Juifs, par cette révélation, qu'il les mettait tous sur un pied d'égalité et qu'il ne reconnaissait pas plus de valeur à l'un qu'à l'autre, contrairement à ce qu'eux-mêmes faisaient. Allah Exalté a dit encore :

«Et sur toi (Muhammad) Nous avons fait descendre le Livre avec la vérité, pour confirmer le Livre qui était là avant lui et pour prévaloir sur lui. Juge donc parmi eux d'après ce qu'Allah a fait descendre. Ne suis pas leurs passions, loin de la vérité qui t'est venue. A chacun de vous Nous avons assigné une législation et un plan à suivre ».

(Sourate V (Al Ma-idah), verset 48).

Allah Exalté a dit aussi, plus loin :

«Est-ce donc le jugement du temps de l'Ignorance qu'ils cherchent? Qu'y a-t-il de meilleur qu'Allah, en matière de jugement pour des gens qui ont une foi ferme?»

(Sourate V (Al Ma-idah), verset 50).

Allah Exalté a donc décrété que les Musulmans sont égaux par le sang, contrairement aux lois de la Jahiliya (période préislamique). Les conflits qui dressent les hommes les uns contre les autres, aussi bien parmi les Bédouins que parmi les sédentaires, ont, le plus souvent, pour cause, la convoitise et le mépris de la justice. Il arrive souvent en effet que l'un des deux partis cause un dommage à l'autre, tuant l'un des siens, lui enlevant des biens, lui imposant une autorité tyrannique, mais que l'autre, à son tour, dans sa vengeance, dépasse les limites permises. Le Livre de Dieu impose le devoir de juger les hommes, en matière de sang, de biens, etc., conformément aux lois de la justice divine et d'abolir celles de la jahiliya. Quand quelque arbitre s'interpose pour réconcilier les deux partis en conflit, il doit le faire en pleine justice.

Dieu Exalté a dit :

«Et si deux groupes de croyants se combattent, faites la conciliation entre eux. Si l'un d'eux se rebelle contre l'autre, combattez le groupe qui se rebelle, jusqu'à ce qu'il se conforme à l'ordre d'Allah. Puis, s'il s'y conforme, réconciliez-les avec justice et soyez équitables car Allah aime les équitables. Les croyants ne sont que des frères. Etablissez la concorde entre vos frères, et craignez Allah, afin qu'on vous fasse miséricorde »

(Sourate 49 (Les Appartements), versets 9, 10).

II convient de demander aux héritiers de la victime de pardonner, car le pardon est meilleur pour eux. Dieu Exalté a dit :

«Les blessures tombent sous la loi du talion. Après, quiconque y renonce par charité, cela lui vaudra une expiation ».

(Sourate V (Al Ma-idah), 45).

Muslim rapporte dans son Sahih, d'après Abu Huraira : « Quiconque, a dit le Prophète (Saluts et Bénédictions d'Allah sur lui), renonce à l'un de ses droits sur l'aumône légale et quiconque pardonne sera grandi aux yeux de Dieu. Quiconque se fait humble devant Dieu sera élevé par lui. »

L'égalité de sang dont nous venons de parler existe entre un Musulman de condition libre et un autre Musulman également libre. Quand au « protégé indigène » (dimmi), les jurisconsultes, pour la plupart, pensent qu'on ne saurait le considérer comme l'égal d'un Musulman. De même, le « protégé étranger » (musta’min) qui vient d'un pays d'infidèles, en qualité d'ambassadeur, de commerçant, etc., n'est pas l'égal du Musulman par le sang, ainsi qu'on l'admet communément. On retrouve ces mêmes discussions lorsqu'il s'agit de savoir si l'on peut mettre à mort un homme de condition libre pour le meurtre d'un esclave.

- Les meurtres de la deuxième catégorie sont les meurtres « involontaires qui ressemblent aux volontaires».

Le Prophète (Saluts et Bénédictions d'Allah sur lui) a dit : «Un crime involontaire qui semble volontaire est celui où le meurtrier s'est servi d'un fouet ou d'un bâton. Le meurtrier paiera cent chameaux, dont quarante seront des chamelles pleines». Le Prophète (Saluts et Bénédictions d'Allah sur lui) a appelé ce meurtre un « meurtre involontaire qui ressemble à un meurtre volontaire », parce que le meurtrier voulait donner à sa victime un coup, mais que ce coup, généralement, n'entraîne pas la mort : il a voulu frapper sa victime, mais non la tuer.

- Les meurtres de la troisième catégorie sont les meurtres «commis par erreur» (khata-), ou dans des circonstances analogues.

Ainsi, un homme qui, à la chasse ou dans un tir, touche un autre homme, sans le savoir ni le vouloir. Le meurtrier, dans ce cas, n'est pas passible de la peine du talion (qawad). Il paiera le prix du sang (diya), et sera astreint à une compensation expiatoire (kaffara).

Le talion pour coups et blessures

La peine du talion est également prévue pour coups et blessures, sous condition d'égalité, par le Livre, la Sunna et l’ijma’ (le consensus). L'homme à qui l'on a, par exemple, coupé la main droite à la hauteur du poignet, a le droit d'exiger que le même traitement soit infligé à son offenseur. Lui a-t-on arraché une dent, il a le droit d'en faire arracher une à son offenseur ; lui inflige-t-on, au crâne ou au visage, une blessure mettant l'os à nu, il a le droit d'exiger que la même blessure soit infligée à son offenseur.

Quand il est impossible, par contre, d'obtenir une exacte égalité entre la blessure rendue et la blessure reçue, par exemple quand un os profond est cassé, ou quand la blessure ne met pas un os à nu, l'offenseur est tenu de verser à l'offensé une compensation pécuniaire qui porte le nom de ars.

Quand le coup a été donné avec la main, un bâton ou un fouet, mais n'occasionne pas de blessure, certains jurisconsultes soutiennent que l'offenseur n'est pas passible du talion, mais d'une peine correctionnelle laissée à la discrétion du chef de l'Etat, car il est impossible d'obtenir une égalité parfaite.

Mais, selon les traditions qui remontent aux quatre grands califes, aux Compagnons et à leurs successeurs, la peine du talion est applicable même dans le cas de coups n'entraînant pas de blessures. Cette doctrine est soutenue par Ahmad Ibn Hanbal et certains autres jurisconsultes ; elle est conforme à la Sunnah du Prophète (Saluts et Bénédictions d'Allah sur lui) et elle est juste.

Abu Firas rapporte ‘Umar Ibn Al Khattab (qu'Allah soit satisfait de lui), au cours d'un discours, cita le hadith suivant : « Par Dieu, je ne vous envoie pas mes agents pour qu'ils fassent disparaître vos traditions (si bien sur elles sont conformes à l’islam), ou qu'ils prennent vos biens, mais je vous les envoie pour qu'ils vous enseignent votre religion et votre Sunnah. Quiconque ne sera pas traité conformément à ces prescriptions devra venir s'en plaindre à moi. Par celui qui a ma vie en sa main, j'infligerai au coupable la peine du talion. ‘Amr Ibn Al ‘As (qu'Allah soit satisfait de lui) sursauta : O émir des croyants, dit-il, à un Musulman, pour avoir infligé à ses sujets une peine, tu appliquerais la loi du talion ? — Oui, répondit ‘Umar, par celui qui a l'âme de Muhammad (qu'Allah soit satisfait de lui) en sa main, je lui ferai subir la loi du talion ; oui, je lui ferai subir la loi du talion. J'ai vu le Prophète (Saluts et Bénédictions d'Allah sur lui) s'appliquer lui-même la loi du talion. Ne voyez-vous pas qu'en frappant les Musulmans, vous les humiliez, qu'en les frustrant de leurs droits, vous en faites des infidèles ? » On trouve cette tradition chez Ahmad Ibn Hanbal et d'autres auteurs. Il faut comprendre : quand un gouverneur frappe indûment ses sujets. Quand il agit conformément à la loi, il n'est pas passible du talion, ainsi que tous les jurisconsultes le reconnaissent : il a commis une action obligatoire, recommandée ou licite.

Le talion pour atteinte à l'honneur

La loi a aussi institué le talion en matière d'honneur. Ainsi, quand un homme maudit son prochain ou invoque Dieu contre lui, la personne offensée est autorisée à lui infliger la même peine. Il en est de même quand « l'insulte ne contient pas de mensonge ». Mais il vaut mieux pardonner. Dieu Exalté a dit :

«et qui, atteints par l'injustice, ripostent. La sanction d'une mauvaise action est une mauvaise action [une peine] identique. Mais quiconque pardonne et réforme, son salaire incombe à Allah. Il n'aime point les injustes! Quant à ceux qui ripostent après avoir été lésés,...ceux-là pas de voie (recours légal) contre eux »

(Sourate 42 (La Consultation), 39 à 41).

Le Prophète (Saluts et Bénédictions d'Allah sur lui) a dit : « Quand deux hommes s'insultent, celui qui a commencé est responsable, tant que l'offensé n'a pas exagéré ». Il y a en effet, dans ce cas, simple réparation.

L'insulte «qui ne comporte pas de mensonge» consiste à s'en prendre aux vices de son prochain, ou à le traiter de chien, d'âne, etc.

Quand l’insulteur invente de toutes pièces des mensonges, la personne insultée n'a pas le droit de répondre par le même procédé ; un Musulman qui a été traité injustement d'infidèle (kafir) ou de pécheur (fasiq) n'est pas autorisé à retourner injustement ces mêmes insultes à l'offenseur. De même un homme dont le père, la tribu, les compatriotes ont été insultés n'a pas le droit de s'en prendre à son tour au père, à la tribu ou aux compatriotes de son insulteur, car tous ces gens ne lui ont fait aucun tort. Dieu Exalté a dit :

« O les croyants! Soyez stricts (dans vos devoirs) envers Allah et (soyez) des témoins équitables. Et que la haine pour un peuple ne vous incite pas à être injuste. Pratiquez l'équité: cela est plus proche de la piété»

(Sourate V (Al Ma-idah, verset 8).

Dieu donc a ordonné aux Musulmans de ne pas se laisser entraîner par leur haine : « Pratiquez l'équité: cela est plus proche de la piété ».

La loi du talion est applicable quand l'insulte est interdite en vertu du droit des gens, en raison du préjudice qu'elle cause à l'insulté ; un homme qui invoque Dieu contre un autre homme doit subir le même traitement.

La loi du talion, par contre, ne s'applique pas quand l'insulte est interdite en vertu du droit de Dieu, par exemple quand elle implique un mensonge. Les jurisconsultes soutiennent, pour la plupart, cette doctrine. Ainsi, un homme qui a tué un autre homme en le brûlant, en le noyant ou en l'étranglant, est mis à mort par un procédé identique, à moins que ce procédé ne soit lui-même l'objet d'une interdiction légale, par exemple s'il a consisté à faire périr la victime en la forçant à boire du vin ou en la violant. Bien que certains jurisconsultes soutiennent que toute exécution capitale, en application de la loi du talion, doive se faire au sabre, la doctrine que nous venons d'exposer nous paraît plus conforme au Livre, à la Sunnah et à la justice.

Toute insulte calomnieuse qui ne relève pas de la loi du talion est passible d'un châtiment (‘uquba). On peut faire entrer, dans cette rubrique, la peine (hadd) que le Livre, la Sunnah et l’Ijma’ infligent à l'homme coupable d'une accusation calomnieuse de fornication ou de sodomie. Dieu Exalté a dit :

«Et ceux qui lancent des accusations contre des femmes chastes sans produire par la suite quatre témoins, fouettez-les de quatre-vingts coups de fouet, et n'acceptez plus jamais leur témoignage. Et ceux-là sont les pervers, à l'exception de ceux qui, après cela, se repentent et se réforment, car Allah est Pardonneur et Miséricordieux».

(Sourate 24 (La Lumière), versets, 4-5).

Tout homme de condition libre qui accuse injustement de fornication ou de sodomie une personne dite muhsan recevra la peine prévue par le Livre, soit quatre-vingts coups de fouet. S'il l'accuse d'une faute moins grave, il appartiendra au chef de l'Etat de fixer la peine encourue.

Cette peine constitue un droit appartenant à la personne offensée ; ce droit n'est appliqué, selon tous les juristes, qu'à la demande de l'offensé ; il tombe si l'offensé pardonne à l'offenseur ; il fait en effet partie du droit des gens, et peut être comparé au droit d'exiger le talion ou à un droit que l'on peut faire valoir sur des biens.²²²²²²²²²²²²²²²

Certains jurisconsultes cependant soutiennent que ce droit est inaliénable ; ils estiment en effet qu'il doit être rangé dans la catégorie des droits de Dieu, étant donné que la condition de l'exacte équivalence [entre l'offense et la peine] ne peut être obtenue, et ils considèrent qu'il implique l'application d'une peine légale (hadd).

 

Pour que la peine édictée par la loi puisse être appliquée, il faut que l'offense soit faite à un Musulman de condition libre et connu pour ses bonnes mœurs. L'homme coupable d'une imputation calomnieuse de fornication ou de sodomie, à rencontre d'un Musulman dont la mauvaise conduite est notoire, n'est pas passible de la peine édictée par la loi ; de même, l'homme coupable d'une imputation similaire à rencontre d'un infidèle ou d'un esclave ; ils sont, par contre, passibles d'une peine correctionnelle laissée à la discrétion du chef de l'Etat.

 

Quand sa femme est devenue enceinte après un adultère et a donné naissance à un enfant, le mari a le devoir de l'accuser de fornication et d'exiler l'enfant, afin que ce dernier ne lui soit pas attribué. La femme, ainsi accusée de fornication, doit ou bien avouer, ou bien maudire publiquement son mari, ainsi que le prescrivent le Livre et la Sunnah.

 

Quand le diffamateur est de condition servile, sa peine, comme dans la fornication et l'ivresse, est la moitié de celle de l'homme libre. Dieu Exalté a dit au sujet des esclaves femmes :

 

«Si, une fois engagées dans le mariage, elles commettent l'adultère, elles reçoivent la moitié du châtiment qui revient aux femmes libres (non esclaves) mariées.»

(Sourate IV (An Nissa), verset 25).

 

Mais quand l'esclave est passible d'une peine de mort ou de mutilation, cette réduction de peine ne joue pas.

http://baladislam.over-blog.com/article-la-loi-du-talion-106637169.html

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