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L'Islam et la vie sociale

"(L'islam) a substitué l'homme au moine. Il apporte l'espoir à l'esclave, la fraternité à l'humanité, et dévoile la quintessence de la nature humaine ".

Canon Taylor
Conférence au Church Congress de Wolverhampton, le 7 octobre 1887.
Texte cité par Arnold dans "The Preaching of Islam" pages 71,72.



"Une des plus belles aspirations de l'islam est la justice. En lisant le Coran, j'y rencontre une doctrine de vie dynamique, non pas des éthiques mystiques, mais une éthique pratique pour mener à bien une vie quotidienne, adaptable au monde entier".

Sarojini Naidu
Conférences sur "The Ideals of Islam" voir "Speeches and Writings of Sarojini Naidu", Madras, 1918, p. 167.



Est-il autorisé d'avoir recours à la chirurgie esthétique en Islam ?

 

  Est-il permis, selon l'islam de se faire enlever les rides au menton par des injections de collagènes. Est ce un acte blâmable, si une femme le fait pour son mari ?

L'islam permet et, et même exhorte chaque époux à s'embellir pour l'autre. Cet embellissement ne doit cependant se faire que dans le cadre éthique voulu, comme le Prophète l'avait spécifié à une femme venue lui poser la question de savoir si elle pouvait rallonger les cheveux de sa fille dans le but d'embellir celle-ci pour son mari (rapporté par al-Bukhârî, n° 5591). Car l'islam offre un cadre éthique pour l'embellissement du corps : tout embellissement exagéré est ainsi interdit (cf. Hujjat ullâh il-bâligha 2/512, 517, 518, et aussi Al-Halâl wa-l-harâm, al-Qardhâwî, p. 80).

Qu'est-ce qui est modéré et qu'est-ce qui est exagéré, les sources musulmanes nous ont donné à ce sujet des éléments, afin que nous ne tombions pas dans le "tout relatif" (lire à ce sujet Pourquoi nous avons besoin d'une révélation). Et, de ces éléments, les juristes musulmans ont extrait des règles.

La question générale qui se pose ici par rapport aux deux questions posées est : Que peut-on apporter comme modifications dans ce corps, par rapport à son apparence et à son être tels qu'ils sont de façon naturelle (qu'il s'agisse de modifications temporaires, durables ou irréversibles) ?

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Voici quelques Hadîths concernant ce point :

Le Prophète Muhammad (sur lui la paix) a dit : "Que Dieu éloigne de Sa Miséricorde celles qui tatouent, celles qui se font tatouer, celles qui épilent, celles qui se font épiler, celles qui font écarter leurs dents par recherche de la beauté, qui changent ainsi la forme que Dieu a donnée" ("taghyîru khalqillâh") (rapporté par al-Bukhârî et Muslim) Le Prophète (sur lui la paix) a également dit qu'étaient éloignées de la miséricorde divine les femmes qui rallongent les cheveux des autres et celles qui se font rallonger les cheveux (rapporté par al-Bukhârî et Muslim).

Il a également dit : "N'arrachez pas vos [cheveux et poils] blancs…" (rapporté par Abû Dâoûd et at-Tirmidhî).

Le Prophète (sur lui la paix) a ordonné (avec le sens d'une recommandation) de se teindre les cheveux et la barbe blancs (rapporté par al-Bukhârî). Il a cependant dit à propos de la teinte à utiliser alors : "… Et préservez-vous de la couleur noire" (rapporté par Muslim).

Il a aussi dit : "Cinq choses font parties de ce que l'homme fait naturellement : la circoncision, le fait de se raser la pilosité [présente sur le pubis], de se tailler les moustaches, de se tailler les ongles et de s'épiler la pilosité présente sous les aisselles" (rapporté par al-Bukhârî et Muslim).

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Des ulémas ont, à partir de ces hadîths, fait apparaître les quatre catégories suivantes :

1) Il y a une "modification" de l'apparence première du corps qui est à éviter (certains des points suivants sont interdits, d'autres fortement déconseillés) :
- se faire écarter les dents (chez les Arabes à l'époque du Prophète, cela était un attribut de beauté),
- faire paraître ses cheveux plus longs en utilisant des mèches de cheveux,
- s'épiler les sourcils (ou le visage, d'après d'autres savants),
- se teindre les cheveux blancs en la même couleur qu'ils avaient au temps de leur jeunesse,
- s'arracher les cheveux blancs.

2) Il y a une "modification" de l'apparence première du corps qui est recommandée :
- se teindre les cheveux blancs en une couleur différente de celle qu'ils avaient au temps de leur jeunesse.

3) Il y a une "modification" de l'apparence première du corps qui est à faire (certains des éléments suivants sont obligatoires, d'autres fortement recommandés) :
- se faire circoncire (pour un homme),
- se débarrasser régulièrement de la pilosité qui se trouve sur le pubis,
- se couper les ongles,
- se débarrasser régulièrement de la pilosité qui se trouve sous les aisselles,
- et se tailler les moustaches (pour un homme) afin qu'elles ne dépassent pas le bord supérieur de la lèvre supérieure.
Il s'agit bien de cinq légères "modifications" de l'apparence qu'a l'être humain, et pourtant elles ont été décrites par le Prophète (sur lui la paix) comme faisant partie de ce que l'être humain fait naturellement ("al-fit'ra") (voir le hadîth cité plus haut).

4) Enfin, il y a une "modification " de l'apparence première du corps qui est simplement autorisée (d'après certains ulémas) :
- pour une femme s'épiler la pilosité qui apparaîtrait sur les joues et qui ressemblerait à de la barbe (d'après certains ulémas),
- pour une femme, et ce d'après certains savants, s'épiler le visage pour les parties autres que les sourcils (car en ce qui concerne les sourcils cela est interdit, comme nous venons de le voir).

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Par rapport aux modifications physiques autres que celles qui sont obligatoires ou recommandées, des ulémas ont émis les avis suivants :
A) Exactement comme on ne doit pas arracher ses cheveux blancs, on ne peut pas avoir recours à la chirurgie pour faire disparaître ce qui apparaît naturellement avec le temps, tels que les rides, les cernes, etc. On peut retarder l'apparition de ceci en utilisant régulièrement de l'huile ou une crème enrichissante (exactement comme le fait de se huiler le chevelure régulièrement retarde l'apparition de cheveux blancs). Mais une fois apparus, il faut faire avec. Cette règle s'applique par exemple pour les implants de silicone pour les seins : on ne doit pas se faire redessiner ceux-ci parce qu'ils ont subi les aléas du temps. Par contre, une gymnastique quotidienne appropriée en retarde le vieillissement.

B) De même, exactement comme on ne devait pas se faire écarter les dents pour que celles-ci soient plus conformes à la norme de beauté arabe d'il y a quatorze siècles, on ne doit pas non plus avoir recours à la chirurgie pour rendre une partie de son apparence physique plus conforme à la norme de beauté contemporaine. On ne peut, ainsi, se faire redessiner le nez parce qu'on préferrait une courbure de celui-ci différente de ce qu'elle est comme Dieu nous l'a donnée. Une femme ne peut, non, plus, avoir recours à des implants pour donner plus de volume à sa poitrine pour qu'elle corresponde plus aux canons de beauté actuels, et ce même si c'est pour son mari seulement.

C) Par contre, pour ce qui constitue réellement une anomalie ("'ayb shâddh") et cause réellement du tort à son porteur, on peut avoir recours à la chirurgie (dans le cadre de l'utilisation de ce qui est déjà, en soi, permis) pour le faire disparaître (il faut cependant qu'il s'agisse d'un tort réel, et non d'une gêne parce que cela ne correspond pas à ce qu'on souhaite). Des juristes des siècles précédents citaient ainsi le cas d'une dent anormalement grande apparue chez quelqu'un et qui le gêne réellement. Ils citaient encore le cas d'un sixième doigt qui gêne celui qui le possède.

D) De même, en cas d'accident, on peut avoir recours à la chirurgie pour réparer les dommages physiques conséquents qui sont apparus à cause de l'accident. Le Prophète avait autorisé 'Arfaja, dont le nez avait été sectionné lors d'une bataille d'avant l'islam, à porter une sorte de prothèse en argent ; celle-ci s'étant révélée nocive, il l'autorisa à porter une prothèse en or (rapporté par at-Tirmidhî, n° 1770, Abû Dâoûd, an-Nassâ'ï).

Voir Halâl wa harâm, Chaykh Khâlid Saïfullâh, pp. 214-217, et Al-Halâl wa-l-harâm, al-Qardhâwî, pp. 80-81. Voir aussi Fat'h ul-bârî, Ibn Hajar.

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http://www.maison-islam.com/articles/?p=134

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Les fondements islamiques de l'éducation internationale


TARIQ RAMADAN - Les fondements de l'éducation... par al-azhar-fr

 

La conception islamique de l'éducation internationale s'appuie sur un ensemble de fondements qui se présentent comme suit :

L'unité de la race humaine

L'humanité a une seule et même origine; elle est issue d’Adam. Dieu a dit dans ce sens : “Ô vous les hommes ! craignez votre Seigneur qui vous a créés d’un seul être, puis, de celui-ci, il a créé son épouse et il a fait naître de ce couple un grand nombre d’hommes et de femmes. Craignez Dieu ! -vous vous interrogez à son sujet- et respectez les entrailles qui vous ont portés- Dieu vous observe"(44).

Le sens de cette parole divine, est que l'homme est partout le même et que seul le degré de piété autorise une distinction et une hiérarchisation entre les humains. Cette unité d'origine impose la coopération et la complémentarité entre les hommes. Dieu a dit : "Ô vous les hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, Nous vous avons constitués en peuples et en tribus pour que vous vous connaissiez entre vous. Le plus noble d’entre vous auprès de Dieu, est le plus pieux d’entre-vous"(45).

La diversité des peuples ne doit pas être source de conflits et de guerres mais plutôt un aiguillon pour l'harmonie et l'entraide sur la base de la piété et de la bonne action.

Il est certain que les climats et les ressources varient et changent comme les hommes : "Parmi ses signes : la création des cieux et de la terre ; la diversité de vos idiomes et de vos couleurs"(46). Mais cette diversité est d'abord un indice de l’omnipotence divine et un facteur qui pousse les hommes à s'entre-aider et à se compléter, car sans la différence il ne peut y avoir de complémentarité.

La figure n°(1) précise que le point de départ c'est la foi, puis viennent dans l'ordre, les rapports sociaux et l'ordre mondial. Ainsi dans un ordre croissant la pureté du coeur, nous mène vers la "paix au sein de la famille" et ensuite “vers la paix de la société” et enfin vers la paix de l'humanité toute entière. Ainsi l'islam considère “l'humanité comme un tout indivisible, la religion comme une religion unique, et les croyants comme une seule communauté et l'islam comme la dernière et ultime forme de cette religion universelle”(47).

Une telle affirmation ne veut nullement dire que les musulmans ont pour mission d'obliger les autres à se converitr par la force à leur religion, "Pas de contrainte en religion ! la voie droite se distingue de l’erreur"(48) dit le Coran. Le musulman a le droit d'inviter les autres peuples à embrasser sa religion mais sans violence ni contrainte.

A partir du principe de l'unité de l’espèce humaine, il devient impératif pour le musulman de s'écarter du dogmatisme, du chauvinisme et du mépris des autres. "Il n’est pas des nôtres quiconque se fait le héraut du chauvinisme ni celui qui combat au nom de l’esprit de clan”, dit le Prophète(49).

Toutefois, ceci n'implique pas qu'il faut éliminer les nationalités et se fondre dans le creuset d’une mondialisation trompeuse. Un jour, on a demandé au Prophète si l'amour des siens relevait du chauvinisme. A ceci le Prophète (que la paix soit sur lui) a répondu : "non, mais le chauvinisme, c’est de prendre le parti des siens même s'ils ont tort"(50).

Dans un autre hadith le Prophète a dit : “Dieu aide l'homme tant que celui ci oeuvre pour le bien de son frère”(51). Ici le mot frère dépasse le cadre de la région et de la religion ; la fraternité est ici une fraternité entre les hommes.

Si l'on tient toujours compte du principe de l'unité de humanité, la fraternité entre les hommes devient un devoir à assumer sans relâche. C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre l'appel de l'islam à bien traiter tous ceux qui ne s'attaquent pas aux musulmans, Dieu a dit à ce propos. "Dieu ne vous interdit pas d’être bons et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus à cause de votre foi et qui ne vous ont pas expulsés de vos demeures. Dieu aime ceux qui sont équitables(52). Cette règle de conduite doit prévaloir en tout temps, que ce soit en temps de guerre ou en temps de paix. Le Prophète nous a donné un bel exemple, pendant la trêve de "Al hudaybiya" conclue entre les musulmans et Qoreich, en envoyant 500 dinars à Abou Sofyane pour les distribuer aux gens de sa tribu en proie à la disette.

Et c'est par respect de ce principe que l'islam a interdit de combattre l'ennemi en le laissant mourir de soif ou de maltraiter les prisonniers de guerre. Ainsi l'islam donne un bon exemple de tolérance et de respect pour les hommes dans le but de gagner leurs amitiés et d’éliminer les racines de la haine.

C’est dans le même esprit que Ali Ibn Abu Taleb, le quatrième Calife éclairé (Rachidoun), a conseillé à Malik Al Achtar, son gouverneur sur l'Egypte, de gouverner avec bonté en ces termes : "remplis ton coeur de mésicorde pour tes sujets, donne-leur bonté et amour, car ils sont soit tes frères en religion, soit tes semblables en humanité”.

L'égalité entre les hommes

L'unité de l'humanité implique dans la pensée islamique l’égalité des humains. Ceci est confirmé à plusieurs reprises par le Prophète (que la paix soit sur lui) qui a dit : "ô gens, votre Dieu est un, votre père est un. Sachez que rien ne donne à un Arabe l’avantage sur un non Arabe, ni à un non Arabe sur un Arabe, ni à un Rouge sur un Noir ni à un Noir sur un Rouge, si ce n’est le mérite de la piété”(53).

La même idée revient dans ce hadith "Je vous exhorte à la crainte révérentielle de Dieu, à la fidélité et à l’obéissance (à votre chef), fût-il un esclave éthiopien”(54). Ainsi si la hiérarchie existe entre les humains elle ne doit pas trouver son fondement dans la couleur ou le sang, mais doit être liée au mérite personnel, à l'effort et à la persévérance. Et si les savants et les ignorants existent, il ne faut pas que celà puisse donner lieu à l'hégémonie du clerc sur les autres. Dans ce sens, Ali a dit : "Il faut d'abord reprocher au savant de ne pas avoir enseigné avant de reprocher à l'ignorant de ne pas être instruit”(55).

Il ressort de ce qui précède que le principe d’égalité entre les hommes est un principe garanti par la charia pour tous les hommes et qu'il ne souffre aucune restriction ou exception.

La raison en est que ce principe s'appuie sur l'unité de l'humanité qui trouve sa source dans le Coran et la Tradition du Prophète.

Quant à la question de la piété qui revient souvent dans les textes religieux, “elle n'a aucune incidence sur l'égalité des hommes sur terre, car l'avantage qu'elle peut donner concerne l'au-delà et non la vie ici-bas ; c'est devant Dieu qu'elle permet de distinguer les hommes les uns des autres”(56).

Ainsi, la seule appartenance au genre humain confère à l'homme le droit à la protection et à la dignité. C’est un droit que nul ne peut nier ou aliéner parce que en islam l’homme est sacré ; il est entouré d’une protection inviolable tant qu’il ne commet pas de crime condamnable. En proclamant la dignité de l’homme, l’islam protège ses ennemis comme ses adeptes et ses alliés. C'est cette dignité conférée par Dieu à l'humanité qui est la base de tous les rapports entres les hommes”(57).

Les manifestations de l’égalité entre les hommes dans cette vie sont nombreuses. Nous en citons quelques-unes dans ce qui suit :

- l'égalité devant la loi indépendamment du rang social, de la profession ou du pouvoir économique et politique des individus ;

- l'égalité des droits et des devoirs ;

- l'égalité dans les chances d'accès aux emplois et aux fonctions et le respect du principe du mérite personnel ;

- l'égalité devant la justice ;

- l'égalité des chances.

Par conséquent, les seules différences "légitimes" sont celles qui sont le fruit d'un savoir ou d'un labeur. Le Prophète a dit : "Celui que son travail retarde, ni son origine ni son sang ne l’avanceront”. Donc les seuls critières qui comptent c'est l'effort personnel et non l'appartenance sociale ou raciale. Par ailleurs, l'égalité entre les musulmans apparaît dans l'esprit et la lettre de plusieurs textes, parmi lesquels nous citons le hadith suivant : D'après Ahmad, Abu Daoud, Nassae et Ibn Majah, le Prophète a dit :

"Les musulmans sont égaux devant le justice. Le plus modeste d'entre eux peut se porter garant des autres ; et ils forment un seul bloc contre leurs ennemis”(58).

En définitive, il est établi qu'en islam, l'égalité constitue un principe général qui "consacre la dignité des hommes, et qui s'applique aux droits, aux devoirs et aux chances. Toutefois l'égalité suppose que soient réunies un ensemble d'aptitudes. Ainsi si les aptitudes en viennent à manquer, l'égalité se trouve conditionnée. De fait, parmi les conditions qui peuvent donner lieu à des différences, il faut noter la piété, le savoir, et l'effort dans la recherche de moyens de subsistance”(59). La seule restriction au principe d’égalité est donc tributaire du degré de piété, de savoir ou de travail productif.

Le respect des droits de l'homme

La charia a garanti les droits de l'individu et a préservé sa dignité sans aucune discrimination sur la base de la race ou du sexe, des croyance ou de la richesse. Mais la liberté individuelle est organisée par la loi de façon à ce qu'elle ne porte pas préjudice à la liberté des autres.

La XIXème session de la Conférence des Ministres des Affaires étrangères des Etats islamiques, réunie au Caire en 1990, a adopté la décision n°19/49C concernant une déclaration, dite du Caire, relative au droit de l'homme en islam. Cette dernière comprend vingt cinq articles qu'on peut résumer comme suit :

* L'humanité constitue une seule famille, réunie autour de la soumission à Dieu, et issue d’un même père, Adam. Les hommes  sont égaux quelque soient leur race, leur couleur, leur idiome, leur sexe, leur confession, leur appartenance politique ou leur statut social.

* La vie est un don de Dieu. Elle est garantie pour tous les hommes. Les individus, les sociétés et les états sont tenus de la préserver contre toute atteinte et ont l’obligation religieuse de la protéger ;

* Dans les cas d'un conflit armé, il est interdit de tuer ceux qui n'y participent pas, de couper les arbres, de saccager les cultures et le bétail ou de détruire les constructions civiles de l'ennemi ;

* La vie privée des individus est inviolable et ce, même après leur mort ;

* La famille est le noyau de la société, le mariage en étant le fondement. Toute personne, homme ou femme, a le droit de le contracter sans restrictions pour cause raciale, de couleur ou de nationalité.

* La femme est l'égal de l'homme en dignité. Elle jouit de la personnalité civile et de l’autonomie financière. Toutefois, c'est l'homme qui est légalement responsable de sa famille et doit subvenir à ses besoins(60).

* La quête du savoir est une obligation. La société et l'Etat doivent garantir à chacun l'accès à l'enseignement. Chacun a le droit de bénéficier de l'éducation et de l'orientation qui lui assurent l'équilibre et renforcent sa foi et son respect des devoirs et des droits.

* L'islam est une religion conforme à la nature innée de l’homme et qui interdit l'utilisation de la force ou toute autre forme de pression pour pousser les autres à renier leur religion ou à devenir athées.

* Les hommes naissent libres, aucun n'a le droit de les asservir, de les humilier ou de les exploiter. Dans ce sens, le colonialisme sous toutes ses formes est interdit. Tous les peuples qui en souffrent ont le droit légitime d'aspirer à la liberté et à l'autodétermination. Tous les pays et les Etats ont le devoir moral de les y aider.

* La liberté de mouvement est un droit garanti dans le cadre de la charia. Tout homme a le droit de choisir le lieu de sa résidence à l'intérieur de son pays d'origine ou dans un autre pays, comme il a le droit de l'exil, sauf s'il est poursuivi pour des motifs criminels ;

* L'Etat doit garantir le travail à toutes les personnes aptes, comme il doit leur assurer la liberté du choix du métier qui leur convient. Il doit par ailleurs, garantir tous les droits sociaux, sans distinction entre l'homme et la femme et oeuvrer pour que les individus ne soient pas exploités ou sous-payés. En cas de conflit entre le patronat et les ouvriers, l'état doit intervenir pour préserver les droits des deux parties ;

* Tout homme a le droit d'accéder, dans le respect de la légalité, à la propriété. Seul l'intérêt public peut justifier l'expropriation qui dans ce cas doit s'accompagner d'une indemnisation. Les biens ne peuvent être confisqués sans respect des procédures et règles légales ;

* Tout homme a le droit de profiter des fruits de son travail licite et de les défendre ;

* Tout homme a le droit de vivre dans un environnement moral sain ;

* Tout homme a le droit de vivre dans la paix. Sa vie, ses croyances, son honneur, sa famille et ses biens son inviolables ;

* Les hommes sont égaux devant la loi. Le droit de bénéficier de la justice est garanti pour tous. La responsabilité est individuelle et aucune peine ou emprisonnement ne sont permis que dans le cadre des lois en vigueur ;

* Tout homme à le droit d'exprimer ses opinions tant que ces dernières ne vont pas à l'encontre des principes de la charia. Toute personne peut exercer le droit de conseil et de persuasion selon les règles des la charia. Il est aussi interdit d'inciter à la haine raciale ou confessionnelle sous toutes leurs formes;

* La pouvoir est un dépôt sacré confié aux hommes et il ne doit en aucun cas se transformer en tyrannie. Ainsi chaque individu a le droit de participer à la gestion des affaires publiques d'une manière directe ou indirecte, comme il a la possibilité d’accéder aux postes de responsabilité, et ce dans le cadre des lois de la charia.

* Tous les droits et devoirs énoncés dans cette Déclaration sont applicables sous réserve des dispositions de la charia qui en constitue la base et la référence unique d'interprétation(61).

Il est patent que les différents articles de la Déclaration de 1990 s'articulent autour des quatres axes des droits de l'homme en islam à savoir : la liberté, la justice, l'égalité et la morale islamique(62) tels qu'ils ont été définis par les textes islamiques anciens et modernes. Ces quatres principes ont été résumés par "la Déclaration internationale des droits de l'homme en Islam" dans les droits suivants :

- le droit à la vie ;

- la liberté ;

- l'égalité ;

- la justice ;

- le droit à un jugement équitable ;

- la protection contre le despotisme du pouvoir ;

- l'interdiction de la torture ;

- la protection de l'honneur et de la réputation des individus ;

- le droit d'asile ;

- la protection des droits des minorités ;

- le droit de participer à la vie publique ;

- la liberté d'opinion et de conscience ;

- la liberté d'expression ;

- la liberté confessionnelle ;

- la liberté d’ordonner le bien et d’interdire le mal ;

- les libertés économiques ;

- le droit de propriété ;

- le droit au travail ;

- le droit pour tout individu d'oeuvrer pour subvenir à ses besoins, et de fonder un foyer ;

- les droits de l'épouse sont garantis  ;

- le droit à l'éducation ;

- la protection des spécifités culturelles ;

- le droit de déplacement et de résidence(63).

Il est certain que l'ensemble de ces droits trouve ses fondements dans la liberté. Dans ce sens, il est opportun de citer une fatwa de Ibn Abidine : un jour deux hommes se sont disputés la parternité d'un enfant, l'un d’eux étant musulman, l'autre professant l’une des religions du livre. Le musulman a prétendu que l'enfant en question était son esclave et de ce fait lui appartenait. De son côté, l'autre homme a affirmé qu’il s’agissait bien de son enfant. A l'issue du jugement qui était en faveur du second homme, le juge Ibn Abidine expliqua qu'il était préférable pour l'enfant de grandir libre et non musulman que l'inverse, car la liberté est intrinsèque à son humanité et c'est pour cela qu’elle prévaut sur son appartenance religieuse”(64).

Ainsi apparaît la place privilégiée que réserve l'islam à la liberté puisqu'il la place bien avant les autres droits et exigences.

Lors du colloque tenu à Paris en mai 1998 sur le thème "les droits de l'homme en islam", avec la participation de plusieurs spécialistes, musulmans et non musulmans, il est apparu que parmi les points de divergences les plus importants ayant opposé les participants, il y a ceci :

Tout d'abord, les chercheurs français ont insisté sur le fait que les droits de l'homme trouvent leur légitimité dans la volonté de l'homme tandis que les chercheurs musulmans ont défendu l'idée que ces mêmes droits émanent de Dieu qui confère à l'homme sa dignité. Par ailleurs, les chercheurs français ont situé l’origine des droits de l'homme dans la Révolution française.

Par contre, les deux parties s’accordent pour dire que les points de rencontre sont plus importants que les points de divergence. Et elles ont pu convenir de conjuguer les efforts pour construire un avenir meilleur où les catastrophes humanitaires, les guerres et les persécutions n'auront plus de place.

La liberté de croyance, une chose légitime

L'islam respecte les religions du Livre qui l'ont précédé et incite le musulman à croire en elles. Par ailleurs, il n'établit aucune distinction ou hiérarchie entre les différents prophètes : "Nous ne faisons pas de difference entre ces prophètes"(65).

Il est intéressant de noter par ailleurs que le Coran ne contient aucune occurrence du mot religion sous sa forme plurielle. Pour l'islam donc il s'agit d'une même religion qui s’est manifestée sous différentes révélations. Et le message révélé au dernier des prophètes correspond dans son essence au message reçu par les prophètes qui l'ont précédé. Dans ce sens, le Prophète a dit: “Les prophètes sont comme les femmes d'un même homme, leurs mères sont différentes et leur Dieu est unique”(66). Ce hadith semble mettre sur le même plan l'unité de la religion et l'unité de la paternité et a comparé la diversité des messages à la diversité des mères.

La démarche de l'islam dans la transmission de son message suit le cheminement évoqué dans le Coran : "Ô gens du livre! venez à une parole commune entre nous et vous: nous n’adorons que Dieu; nous ne lui associons rien ; nul parmi nous ne se donne de Seigneur en dehors de Dieu. S’ils se détournent ; dites-leur : “Attestez que nous sommes vraiment soumis"(67).

Le sens de ces paroles est que l'islam n'use point de la force pour convertir les gens. La vraie foi donc, est celle qui est le fruit de la raison, de la conviction et de l'acceptation. “Ainsi le message de l'islam vise à convaincre et non à contraindre”(68).

La personne humaine, qu'elle soit physique ou morale (comme c'est le cas des organismes ou des états) ne se réalise donc que dans le cadre du respect de la liberté de pensée, de circulation, de résidence, de croyance et de la garantie du droit de travail.

Toutefois, ces libertés ne peuvent être traduites dans les faits que si les esprits sont libérées et les passions et les désirs maîtrisés. En d'autres termes, en tout temps, il faut que l'homme soit guidé par la raison, la pondération et les lumières de l'esprit.

Le Prophète a dit à ce propos : "la force d'un homme se mesure à sa capacité de se maîtriser et non à l'ampleur de sa colère"(69).

La liberté de confession, en islam, implique le rejet de la force et de tout autre moyen d'aliénation comme la séduction. Dieu a dit : “Pas de contrainte en religion"(70) “Si ton Seigneur l’avait voulu, tous les habitants de la terre auraient cru. Est-ce à toi de contraindre les hommes à être croyants”(71). Ainsi est garantie en terre d'islam, la liberté de culte pour toute personne non musulmane ainsi que la pratique de sa religion sans entrave aucune. C’est dans ce sens que les docteurs musulmans ont établi la règle selon laquelle "Le musulman est tenu de laisser les non musulmans pratiquer leur religion en toute liberté" et c'est d'ailleurs grâce à l'application de cette règle par tous les juges et docteurs de loi musulmans que la liberté de confession a été scrupuleusement respectée(72).

Bien plus, cette attitude à atteint chez certains docteurs un degré tel qu'ils ont traité cette question avec beaucoup de précaution. L’Imam Chafiî par exemple a interdit aux musulmans mariés avec des femmes d'une autre religion monothéiste d’essayer de les convertir, de peur que cela soit source de pression ou d'influence sur ces dernières. Les Hanafites, eux, ont autorisé une telle démarche.

La démocratie ou "le système de la choura"

Les droits de l'homme en islam ne concerne pas seulement les droits et libertés individuels. L'islam garantit à l'individu le droit de participer à la vie publique et lie ce droit à celui de profiter des richesses et biens de la société et ce grâce à un système de sécurité sociale qui impose l'entraide et la "choura".

Ainsi, il est clair que dans la logique de l'islam, les droits de l'homme sont un tout qui ne peut se réaliser en dehors du cadre de la choura (système consultatif en islam). Les recommandations divines dans ce sens sont très claires : "Ceux qui délibèrent entre eux"(73).

Ce verset coranique a été interprété par certains comme une recommandation globale qui concerne les affaires de toute la société et qui s'adresse aux hommes et aux femmes, aux musulmans et aux non musulmans.

Par ailleurs, le grand nombre des occurrences du mot choura, comme dans l'ordre divin adressé à son Prophète "Consulte-les en toute chose"(74), fait d'elle la troisième source législative après le Coran et la sunna.

C'est en empruntant le chemin de la démocratie ou de la choura, que les hommes peuvent prendre les décisions les plus sages qui respectent les voeux de la majorité et qui garantissent une participation plus accrue des membres de la société. La seule contrainte que l'islam impose à ce mode de régulation, c'est le respect de la loi et de la légalité, le Prophète a dit : "les musulmans doivent obéissance à leurs responsables en toute chose sauf lorsqu'ils sont appelés à commettre des actes illicites"(75).

Un tel système renforce la justice et la stabilité et réduit l'injustice. En effet, l'islam exhorte l'individu à se soulever contre les injustices et à les combattre. Le Prophète a dit dans ce sens : "Le jour où ma nation craindra le despote et n'osera l'affronter, ce jour-là, elle risque de disparaître”(76).

La question de l'Etat en islam a fait l'objet de plusieurs écrits et analyses ; nous citons ci-après quelques-unes de ses caractéristiques les plus importantes d'après l'une de ces études.

- Le pouvoir appartient à la Umma, elle seule est habilitée à choisir son chef. Elle a par ailleurs, le droit de le conseiller, de le remettre sur le droit chemin chaque fois qu'il s'en écarte. Elle peut même le destituer en cas de nécessité.

- La société est responsable selon le principe de l’exhortation au bien et d’interdiction du mal que nous avons analysé plus haut. Ainsi tout individu a sa part de responsabilité dans la défense de la Umma, de son bien-être et de sa bonne conduite.

- La liberté est un droit universel, comme nous l'avons souligné dans la partie réservée à la première spécificité de l'éducation islamique. L'homme en excerçant sa liberté fait acte de foi en l'unicité de Dieu. En attestant que Dieu est unique et que Mohammad est son Prophète, il accepte de se soumettre à Dieu et refuse le joug des hommes et des pouvoirs.

- L'égalité entre les hommes est le fondement premier de l'éducation internationale. Selon ce principe, les hommes proviennent tous d'une même origine et doivent bénéficier de ce fait des mêmes droits à la dignité, quelque soit leur religion ou leur race.

- Les droits de l'autre sont garantis.

 - Nul n’est au dessus de la loi ; étant d’inspiration divine, celle-ci doit s'appliquer à tous, gouvernants et gouvernés(77).

Toutefois, les caractéristiques précitées ne peuvent être réalisées en l'absence de la choura et de la participation de tous. Elles favorisent l'échange de vues, la négociation, l'acceptation et le refus, l'opposition et la censure. Il y a néanmoins une nuance entre le concept de consultation et le concept de "choura". En effet "la consultation, c'est le fait de demander un avis ou un conseil à une personne ou à un ensemble de personnes dignes de confiance ; de ce fait, seul l'individu demandeur du conseil est apte à prendre la décision. En revanche, la choura, c'est le moyen collectif et légal dont use la communauté pour prendre les décisions relatives aux affaires la concernant. Dans ce sens, la consultation est facultative et n'entraîne aucune obligation, contrairement à la choura qui est obligatoire”(78).

Cette distinction entre les deux termes règle beaucoup de questions. La choura est une théorie générale qui comporte les principes qui sous-tendent les libertés individuelles et les droits des peuples et qui encouragent la cohésion sociale à tous les niveaux : social, politique économique, financier...etc. En outre, elle élargit les droits de l'individu à la participation aux affaires publiques.

Le respect des droits des minorités

La règle juridique qui détermine la place des non musulmans résidant dans les pays islamiques est la suivante : "Ils ont les mêmes droits et obligations que nous (musulmans).

Les applications de cette règle sont nombreuses et elles concernent à titre d'exemple :

- L'inviolabilité de la personne, de l'honneur et des biens.

- La liberté d'agir selon les croyances de sa propre religion.

- Le droit de travailler, de tenir commerce et de bénéficier de la sécurité sociale.

- Le droit d'accéder à différents postes dans la fonction publique, même les plus élevés tels les postes de gouverneurs, de ministre, l'armée, la Justice.... D’ailleurs, l'ensemble des docteurs de la loi en islam autorisent le musulman à léguer une partie de ses biens à un juif ou à un chrétien(79).

En effet, il est historiquement attesté que tant les minorités n'oeuvraient pas contre les intérêts des musulmans et ne s'alliaient pas à leurs ennemis, elles étaient traitées avec équité et respect. Leurs intérêts et leurs lieux de culte étaient inviolables.

En plus, le musulman n'avait aucun droit de demander des comptes aux non musulmans, fussent-ils des mécréants, parce que cela fait partie des prérogatives divines : "Le musulman n'a pas à reprocher aux mécréants leur absence de foi, ou à punir ceux qui s'écartent du droit chemin. Car ceci ne peut avoir lieu ici bas. Dieu les jugera le jour du jugement dernier”(80) et ce en accord avec la parole divine : "S’ils discutent avec toi, dis : Dieu sait parfaitement ce que vous faites. Dieu jugera entre vous le Jour de la Résurrection et il tranchera vos différends”(81).

Lors de la conquête d’Aelia (Jérusalem) par les musulmans, le calife Omar Ibn Al Khattab a envoyé un pacte aux habitants de la ville dont voici l'essentiel :

"Ceci est l’acte établi par le serviteur de Dieu, Emir des croyants, comme garantie de sécurité aux habitants de Jérusalem. Ils n'ont rien à craindre pour leurs vies, leurs biens, leurs églises et leurs croix. Tous les habitants, malades et bien portants seront protégés ainsi que tous les membres de leur confession. Leurs lieux de culte ne seront ni habités ni détruits ni pillés. Ils ne seront pas contraints de changer de religion et aucun juif n'habitera dans leur ville”. Dans d'autres circonstances, un jour une femme est venue se plaindre à Omar Ibn Al Khattab du fait que ces gouverneurs en Egypte ont détruit sa maison pour construire une mosquée. Et lorsque le Califa demanda des explications à ce sujet, on lui répondit que c'était pour agrandir la mosquée en question et que cette femme a été indemnisée. Alors, Omar a dit qu'ils n'avaient pas le droit d'exproprier cette femme contre son gré et a ordonné de reconstruire la maison aux frais du trésor public”(82).

En plus de ces exemples historiques éloquents, l'islam va jusqu'à interdire aux musulmans d'insulter les adeptes des autres religions ou de les maltraiter comme le précise le hadith du Prophète : "Celui qui a commis une injustice contre un chrétien ou un juif, ou l'a humilié, ou lui a imposé de faire des choses qui sont au dessus de ses capacités ou l'a obligé à faire des choses contre son gré, je témoignerai contre lui le jour du jugement dernier"(83). L'islam a par ailleurs assuré, du moins pendant une époque, l'aide aux non musulmans ; il est ainsi attesté que Omar, le second Calife, a aperçu un jour un vieil aveugle juif en train de mendier et il lui a donné un peu d'argent. Le Calife a écrit ensuite à tous ces gouverneurs ce qui suit : "tout homme de la religion du Livre qui n'a plus les moyens de subvenir à ses besoins sera pris en charge lui et ses enfants tant qu'il restera en terre d'islam”.

L'exemple du Prophète nous confirme cette idée puisqu'il est établi qu'il avait des relations privilégiées avec les Chrétiens et les Juifs en ce sens qu’il participait à leurs fêtes et les consolait dans leurs malheurs. Il allait jusqu'à leur emprunter de l'argent ou déposer des objets en gage chez eux. La raison d'un tel comportement n'est pas liée à la faiblesse des musulmans, mais elle s’inscrit dans la droite ligne des préceptes de l'islam qui a toujours encouragé l'établissement de bonnes relations avec les autres religions.

Nous faisons nôtre la conclusion à laquelle a abouti un chercheur  contemporain selon lequel : la garantie des droits et libertés des minorités ne doit pas procéder d’un acte de charité consenti par la majorité au profit d’une minorité, mais doit découler des principes clairement énoncés dans le Coran et la Tradition du Prophète. Et toute atteinte à ces droits constitue un écart par rapport aux préceptes de l'islam et un préjudice qui ne touche pas seulement la minorité mais touche aussi le texte sacré. Aussi, dans le cadre de cette conception, le fait de qualifier les rapports du musulman avec l'autre de tolérance est-il une aberration, car de quel droit peut-on mettre l’obligation du croyant de respect des droits préconisés par la loi sur le compte de la tolérance(84).

On retrouve la même idée chez un autre chercheur qui pense que l'islam considère les adeptes des religions du Livre comme des citoyens et non comme des sujets de second rang.

Il n'y a aucune discrimination entre les deux communautés tant que les musulmans ne sont pas menacées et que la confiance règne(85).

La coexistence pacifique

Les relations internationales qui lient les musulmans aux autres pays, en temps de paix, sont fondées sur trois principes :

- L'égalité entre les musulmans et les non musulmans et la consolidation des relations de coopération.

- La non agression contre des pays non musulmans.

- La garantie des droits et libertés des minorités qui résident en terre d'islam, notamment la liberté de croyance.

S’agissant des relations internationales en temps de guerre, force est de rappeler que l’islam est tout naturellement hostile à la guerre en raison des victimes des ravages et des destructions qu’elle provoque. C’est dans ce sens que le Coran affirme : “Le combat vous est prescrit et vous l’avez en aversion”(86).

Le hadith suivant abonde dans le même sens :

"Ne désirez jamais la rencontre de votre ennemi sur un champ de bataille, et priez Dieu de vous préserver de tout mal, mais si jamais vous l'affrontez, soyez endurants car le Paradis est sous l'ombre des épées"(87); il est de même recommandé au musulman de repousser les attaques ennemies et de ne pas mener des guerres d'expansion ou de colonisation.

Par ailleurs, il y a un verset dans la Sourate II du Coran qui énonce explicitement. “Ô vous qui croyez ! entrez tous dans la paix et ne suivez pas les traces du démon : il est votre ennemi déclaré”(88).

Sur le plan argumentatif, ce verset contient quatre étapes :

- Appel adressé à tous les croyants,

- l'ordre d'entrer en paix comme on entre dans une citadelle protectrice.

- L'explication des désordres que peut entraîner le fait d'emprunter le chemin de Satan ;

- La justification de cette défense en insistant sur le fait que Satan est le pire ennemi de l'homme.

Sur un autre plan, il faut souligner que la coexistence pacifique ne doit pas se limiter aux relations interétatiques, mais doit trouver sa base dans les rapports individuels, dans les relations entre classes sociales et entre le souverain et ses sujets. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre l'interdiction de thésaurisation des biens et de la prodigalité en tant que deux extrêmes nuisibles et blâmables. L'islam prêche le juste milieu et encourage la circulation des richesses : “Afin qu’elles ne soient pas attribuées à ceux d’entre vous qui sont riches”, dit le Coran(89). Ceci a pour effet d'atténuer les conflits sociaux et de réduire les inégalités comme l'a bien dit le Prophète dans le hadith suivant : “l’injustice ne tardera pas à apparaître après moi, et à la mesure qu’elle progressera, la justice reculera dans les mêmes proportions, si bien que les générations qui naîtront alors n’auront rien connu d’autre que l’iniquité. Ensuite, Dieu -Exalté soit-Il- fera revenir la justice qui se répandra alors, faisant régresser proportionnellement l’injutice, si bien que les générations qui viendront alors au monde n’auront rien connu d’autre que l’équité” (rapporté par Ahmad, Musnad Al-Basriyyine N° 19421.) Ainsi, puisque la justice est une qualité divine, l'homme en tant que “lieutenant” de Dieu sur terre doit s'y conformer dans la gestion de ses affaires et celles de ses semblables..

L'islam, par ailleurs, a interdit de mener des guerres à des fins de rapines et a incité les musulmans à signer des accords de paix durable avec les non musulmans tant que ces derniers ne se liguent pas contre eux ou intentent à leur intérêts vitaux. On lit dans le Coran : “Dieu ne vous interdit pas d’être bons et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus à cause de votre foi et qui ne vous ont pas expulsés de vos maisons, Dieu aime ceux qui sont équitables. Dieu vous interdit seulement de prendre pour patrons ceux qui vous combattent à cause de votre foi, ceux qui vous expulsent de vos maisons et ceux qui participent à votre explusion. Ceux qui les prennent pour patrons, voilà ceux qui sont injustes”(90).

D'une manière générale, l'islam fait pencher toujours le balance du côté de la paix :“S’ils inclinent à la paix, fais de même ; confie-toi à Dieu car Il est celui qui entend et qui sait”(91).

Cette vocation foncière de l'islam nous éloigne de certaines cultures et civilisations qui se sont construites sur des principes belliqueux et hégémoniques, où les attaques surprises, la destruction et l'extermination occupent une place de choix. En effet, la prépondérance du facteur moral dans les relations internationales en islam en temps de paix comme en temps de guerre impose aux musulmans de tenir leurs promesses et engagements : "Tenez vos engagements car les hommes seront interrogés sur leurs engagements"(92) ; elle les oblige également à s'interdire le non respect des accords au nom des intérêts de l'état ou en rapport avec les équilibres de force ou tout autres alibis : “Soyez fidèles à l’alliance de Dieu après l’avoir contractée; ne violez pas les serments après les avoir solennellement prêtés et avoir pris Dieu comme garant contre vous. Dieu sait parfaitement ce que vous faites. N’imitez pas celle qui défaisait le fil de son fuseau après l’avoir solidement tordu. Ne considérez pas vos serments comme un sujet d’intrigue entre vous, en estimant que telle communauté l’emportera sur telle autre”(93).

"Les valeurs véhiculées par un tel message se définissent dans le refus de la ruse et de la trahison et la promotion des principes de l'honneur, de la force et du courage. Le seul cas où l'islam permet d’user la ruse est celui de la guerre proprement dite, puisque "la guerre est ruse". L'histoire de l'islam nous offre à cet égard plusieurs exemples ; nous nous contenterons ici de citer l'exemple de la conquête de Homs.

Le compagnon du Prophète Abu Ubayda Ibn Al Jarrah, chef de l'armée musulmane lors de la campage de Homs avait conclu un accord avec les habitants de cette ville en vertu duquel il devrait les protéger contre les Romains, en échange de l’argent qu’il avait reçu d’eux. Mais la peste s'est déclarée parmi ses hommes. Alors Abu Ubayda a restitué l'argent à ses propriétaires puisqu'il ne pouvait plus honorer son engagement de les défendre. Et pour le récompenser pour sa loyauté, les habitants de la ville se sont engagés à ses côtés pour repousser les Romains.

Globalement, nous pouvons résumer les manifestations de la loyauté des musulmans en temps de guerre dans les pratiques suivantes :

- La vie des émissaires et messagers en temps de guerre est préservée et ce pour deux raisons; d'abord le respect d'un engagement moral et ensuite le message dont l'émissaire est porteur peut aider parfois à éviter l'affrontement ou à l'ajourner.

- La protection des exilés politiques et des réfugiés et ce en application de la recommandation divine : "Si un polythéiste cherche asile auprès de toi, accuille-le pour lui permettre d’entendre la parole de Dieu, fais-le ensuite parvenir dans son lieu sûr"(94).

En conclusion, il faut souligner que le principe de coexistence pacifique entre les états en islma, s'appuie sur une base de coopération et d'entre-aide selon les préceptes de l'islam : "Encouragez-vous mutuellement à la piété et à la crainte révérentielle de Dieu. Ne vous encouragez pas mutuellement au crime et à la haine"(95). Il trouve aussi une justification dans l'unité de l'humanité telle que nous l'avons longuement expliquée plus haut et qui trouve sa pleine signification dans la protection des civils et de leurs biens et même dans le maintien des relations commerciales avec l'ennemi, comme l'a autorisé Al Imam Abu Hanifa dans ces termes : Il est permis d'entrenir des relations de commerce avec le pays ennemi en tout, sauf le fer ou les armes. Imam Chafi'i de son côté a exclu le commerce des armes et du fer avec l’ennemi pour l’empêcher de se fortifier et de continuer ainsi ses agressions contre les musulmans.

En outre, le postulat de l'unité de l'humanité apparaît dans l'interdiction par islam, de détruire, de torturer ou de mener des actions de vengeance contre les populations civiles. En effet, en temps de guerre l'islam interdit à ses armées de tuer les femmes, les enfants, les ouvriers et les serviteurs, et les gens de religion et les moines, pour la simple raison qu'ils n'ont pas participé à la guerre et qu'ils constituent des musulmans potentiels ou plus précisément ils sont susceptibles d'entrer en islam. Il a aussi interdit, en temps de guerre, de maltraiter les prisonniers et de les affamer, ou encore de mutiler les cadavres et de les exhiber.

Par ailleurs, le guerrier musulman n’est pas autorisé à commettre les actes suivants :

- Couper les forêts et les arbres ;

- Boucher et détruire les puits et les sources d'eau. C’est que précise la recommandation adressée par le premier Calife Abu Bakr à Yazid Ibn Abi Soufiâne lors de sa campagne en Syrie : “Je te recommande dix choses : ne tue pas de femme, ni d’enfant, ni de vieillard ; garde-toi d’abattre et de brûler un arbre fruitier, ou un palmier dattier, de ravager un lieu habité, de tuer une brebis ou un chameau, sauf pour en manger ; ne détruit pas de ruches d’abeilles par le feu ou l’eau ; ne dérobe pas frauduleusement une partie du butin et ne perd jamais le courage”(96).

Il s'avère ainsi que la notion de coexistence pacifique en islam s'appuie sur quatre piliers qui sont : l'amour et le respect, la complémentarité, la responsabilisation de l'individu, et enfin la liberté.

Quant au statut des minorités chrétiennes ou juives en terre d'islam, il est déterminé par les cinq clauses suivantes :

Les pauvres privilégiés dans l'Au-delà ?...

La question de savoir qui, d'entre le pauvre qui fait preuve de patience ("Al Faqîr ous Sâbir") et la personne fortunée qui est reconnaissante ("Al Ghaniy ouch châkir"), est le plus méritant aux yeux d'Allah a, depuis toujours, alimenté d'interminables discussions entre les savants (et ce, depuis les premières générations de musulmans, les "Aslâf ous Sâlihine", comme le rappelle An Nawawi r.a. dans son commentaire du Sahîh Mouslim- Hadith N°936)... Ibné Hadjar r.a. a évoqué assez longuement cette question dans son "Fath oul Bâriy" (Voir commentaires du Hadith N°71 du Sahîh Boukhâri, ainsi que Volume 11, pages 274 à 277) :

- Certains savants soutiennent que le riche qui est reconnaissant envers Allah, et qui s'acquitte de tous ses devoirs et responsabilités, a plus de mérite. (Selon Ibné Hadjar r.a., cet avis est celui qui a été adopté par beaucoup de savants châféites)

 

- D'autres savants soutiennent que c'est le pauvre qui fait preuve de "Sabr" (patience), et qui ne manque pas non plus à ses devoirs et responsabilités, qui est plus méritant... (Cet avis est celui qui a, notamment, la préférence de la majorité de ceux qui accordent une attention particulière au "Tazkiyat oun Nafs" / "Tasawwouf" (soufisme), comme le souligne Ibné Daqîq oul Îde r.a. (ses propos sont cités par Ibné Hadjar r.a.))

 

Chaque groupe de savants avance différents arguments (versets du Qour'aane, Hadiths, Sîrah du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) et des Compagnons (radhia Allâhou anhoum)) pour appuyer leur point de vue. Il existe en effet des références qui vont dans les deux sens:

- D'après certains Hadiths (comme celui que vous avez cité), c'est surtout le mérite du pauvre (qui ne manque pas à ses devoirs, bien entendu) qui est mis en valeur...

- D'autres Hadiths mettent l'emphase sur le mérite de celui qui est riche (là encore, il s'agit de celui qui agit en bien et ne manque pas à ses devoirs). C'est le cas par exemple de cette Tradition authentique rapportée par Abou Houraïra (radhia Allâhou anhou) et qui relate que les pauvres d'entre les Emigrés (Mouhâdjiroûn) allèrent trouver le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) et lui dirent: "Les gens opulents, grâce à leur fortune, accapareront les degrés les plus élevés du Paradis et ses félicités éternelles". - "Comment cela ?", répliqua le Prophète (sallallâhou alayhi wa sallam). - "Ils prient et jeûnent comme nous et, en plus, ils ont l'apanage de faire l'aumône et d'affranchir les esclaves". - "Eh bien !, répondit le Prophète (sallallâhou alayhi wa sallam), ne vous enseignerai-je pas une chose qui, si vous la pratiquez, vous permettra de rejoindre ceux qui semblent avoir pris de l'avance sur vous et de dépasser (en mérite) ceux qui viendront après vous. Personne ne sera alors meilleur que vous, hormis ceux qui feront comme vous". - "Si, Ô Envoyé d'Allah", dirent-ils - "A l'issue de chaque prière, glorifiez Allah ("soubhânallâh"), célébrez Sa grandeur ("allâhou akbar") et faites Sa louange ("al hamdoulillâh") trente-trois fois". (Abou Sâlih r.a., qui rapporte le Hadith de Abou Houraïra (radhia Allâhou anhou) ajoute:) Les Mouhâdjiroûn revinrent auprès du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) (quelques temps plus tard) et dirent: "Nos frères fortunés ont appris ce que nous faisons et ils ont commencé à agir de même". Le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) leur répondit: "C'est là la grâce d'Allah, qu'il attribue à qui Il veut." (Boukhâri et Mouslim) - Dans cette Tradition, le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) qualifie la richesse de certains Compagnons (radhia Allâhou anhoum) comme étant un "Fadhl", une faveur et une grâce venant d'Allah, qu'Il accorde à qui Il veut. En effet, celui qui a obtenu des richesses de la part d'Allah peut utiliser ses biens pour se rapprocher de Son Créateur, en s'acquittant par exemple de la Zakâh, en faisant des aumônes, en venant en aide aux nécessiteux etc...

 

C'est justement en raison de ces deux types de références qu'il n'a jamais été possible de trancher définitivement cette question dans un sens ou dans l'autre...

En tous les cas, une chose est sûre: Allah ne lésera personne le Jour Final. L'essentiel, à notre niveau, n'est pas vraiment de savoir qui, d'entre le pauvre qui fait preuve de patience et le riche qui est reconnaissant, est le plus méritant… Ce qui importe réellement, c'est de bien comprendre la nature de notre responsabilité, qui est relativement simple et claire:

- Si Allah nous a donné des biens, faisons preuve de reconnaissance et utilisons ces richesses de la façon qu'il nous a été (re-)commandé de le faire...

- Et si Allah a décidé que nous vivions dans de modestes conditions matérielles, gardons à l'esprit que cela est certainement meilleur pour nous (dans la pratique, la richesse se révèle en effet, très souvent, être une épreuve ("Fitnah") difficile à surmonter, éloignant d'Allah et poussant à l'oubli...), soyons toujours reconnaissant en gardant un œil sur ceux qui ont été encore moins favorisés que nous, faisons preuve de "Sabr" (patience), plaçons en Allah notre confiance et adressons-Lui toutes nos requêtes...

 

 

En ce qui concerne la raison pour laquelle les pauvres entreront bien avant les riches au Paradis, Moufti Taqi Ousmâni écrit, dans un de ses ouvrages, que cela s'explique par le fait que les riches seront retenus en arrière par leur Jugement qui sera plus long que celui des pauvres, qui ne possédaient pas autant de biens qu'eux (n'oublions pas que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a dit en substance dans un Hadith, en commentant le dernier verset de la Sourate At Takâthour, qu'Allah demandera des comptes pour toute chose, même pour le verre d'eau fraîche qui nous aura été donné dans ce monde...).

 

Enfin, par rapport au second Hadith que vous citez et qui évoque le fait que la majorité des gens au Paradis seront des "Masâkîn", ce qu'il convient de bien cerner, c'est justement le sens de ce terme employé par le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam)... Il est vrai que, généralement, le mot arabe "Masâkîn" (pluriel de "Miskîne") est traduit par "pauvre". Mais, comme le rappelle Moufti Taqui Ousmâni toujours, ce n'est pas le seul sens qu'il possède... "Miskîne" désigne aussi celui qui est humble. Et Moufti Taqui avance qu'il est fort possible que le terme "Miskîne" dans ce Hadith soit pris avec ce deuxième sens également; ce qui fait que ces propos du Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) indiquaient alors que la majorité des gens du Paradis seront ceux qui étaient pauvres et humbles dans ce monde, mais également ceux qui, tout en étant riches, n'ont jamais fait preuve d'orgueil: Au contraire, leur richesse ne les a pas empêché de rester humbles et proches des plus démunis (Réf: "Islâhi Khoutoubât" - Volume 2 / Page 210).

http://www.muslimfr.com/modules.php?file=article&name=News&sid=294

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L'Homme:"lieutenant de Dieu" sur la terre

 

 

Dr. Mohammad 'Amâra

En arabe, le verbe "istakhlafa", qui a donné le nom d'action "istikhlâf", signifie désigner un successeur, un représentant ou un lieutenant.

 

Dieu -Exalté soit Son nom-, lorsqu'il a décidé de créer Adam, il fit savoir aux Anges qu'il ferait de lui son "khalifa", c-à-d, son "lieutenant" sur la terre, qu'il lui confierait, en guise de "dépôt", la science, la responsabilité et la liberté de choix, afin qu'il puisse remplir sa mission qui consiste à "peupler" la terre et mettre en valeur ses richesses. Le Très-Haut, en s'adressant aux Anges, dit : "Je vais établir un lieutenant sur la terre", ils dirent : "vas-Tu y établir quelqu'un qui fera le mal et qui répandra le sang, tandis que nous célébrons Tes louanges en Te glorifiant et que nous proclamons Ta sainteté ?" (Coran, II, 30).

 

Cette "lieutenance" reçue de Dieu, témoigne du rang élevé de l'homme, et de sa prééminence dans cet univers où il est appelé à remplir sa mission, conformément aux Hautes Directives divines. Car en le désignant comme Son Lieutenant sur la terre, Dieu a délimité pour l'homme le champ d'action, déterminé les responsabilités et fixés les lignes de conduite à suivre. De la sorte, cet "homme-lieutenant de Dieu" occupe une place médiane : il ne s'élève pas au rang de Celui qui l'a désigné comme Son "lieutenant"; mais il ne s'abaisse pas non plus au niveau des êtres qui n'ont reçu aucune charge de "représentant", de "mandataire" ou de "lieutenant".

 

C'est donc ce rôle de "lieutenant de Dieu" qui, du point de vue islamique, détermine la place de l'homme dans l'univers; cet homme, qui a reçu la charge de "peupler" la terre et de mettre en valeur ses richesses, est un être tout à fait libre et pleinement responsable -responsabilité et liberté étant un préalable à la réalisation de sa mission? Mais sa liberté est conditionnée par le respect des obligations découlant de son statut de lieutenant de Dieu; autrement dit, il doit se conformer, dans l'exercice de ses fonctions, aux normes et prescriptions édictées par la loi divine.

 

Cette conception islamique qui fait de l'homme le lieutenant de Dieu dans ce monde, et lui assigne, ce faisant, une place éminente dans l'univers, est diamétralement opposée aux philosophies matérialistes. Celles-ci se sont en effet fourvoyées, en considérant des héros comme des dieux, (déifiant ainsi l'homme) et en humanisant Dieu (qui se serait unifié à l'homme ou incarné en lui). Ainsi, dans l'Antiquité, les Grecs prenaient leurs héros pour des divinités (c'est ce qu'on appelle la déification de l'homme). Plus tard, les Romains, après avoir embrassé le Christianisme, ont substitué à l'unicité absolue de Dieu et à sa transcendance, cette notion païenne de l'homme-dieu, lorsqu'ils ont proclamé l'union intime, en Jésus Christ, de la nature divine avec la nature humaine. Or, la divinisation de l'homme, tout comme son pendant, l'humanisation de Dieu, sont toutes les deux aux antipodes de la conception islamique selon laquelle l'homme est lieutenant de Dieu sur la terre, mais non pas le maître de l'univers !

 

Cette déviation par rapport au "statut de lieutenant de Dieu" confié à l'homme par l'Islam, fait que les civilisations matérialistes - depuis le paganisme grec de l'Antiquité jusqu'au laïcisme occidental des temps modernes - ont lâché la bride à l'homme dont les actes échappent ainsi à tout contrôle et à toutes les restrictions et normes édictées par la Loi divine. De fait, peut-on imaginer des règles de conduite, des normes et des "garde-fous" à l'action de l'homme en dehors du Pacte de l'"Istikhlâf" (en vertu duquel l'homme est consacré lieutenant de Dieu)?. Voilà pourquoi, dans la conception occidentale, la liberté de l'homme et, partant, la démocratie, font fi des interdits religieux qui délimitent le champ d'action de l'homme.

 

Prenant le contre-pied des théories matérialistes (qui divinisent l'homme), certaines doctrines religieuses forgées par l'homme (comme le Nirvana) et certaines tendances mystiques et gnostiques ont dénié à l'homme toute liberté et tout pouvoir. Elles ne voient en lui, en effet, qu'un être faible et périssable qui n'a d'autres voies de salut et de délivrance que de s'en remettre à la "fatalité", de se consumer dans l'Absolu ou de s'anéantir dans la "Vérité-dieu". Cette tendance extrémiste qui asservit l'homme, le marginalise et le prive de toute liberté, s'inscrit également en faux contre la vision islamique du "juste milieu". Celle-ci considère l'homme, en fait, comme le lieutenant de Dieu qui a reçu la charge de "peupler" le monde, en mettant à profit les pouvoirs et les marges de liberté qui lui sont concédées dans le cadre de sa mission de "vicaire", de "représentant" ou de "mandataire" (de Dieu). Car, dans l'optique islamique, l'homme n'est pas le maître de l'univers; il n'est pas non plus un être méprisable et insignifiant, anéanti dans une réalité transcendante, dépourvu de liberté de choix et de tout pouvoir.

 

La conception islamique de l'"homme-lieutenant de Dieu" s'inscrit à mi-chemin entre ces tendances extrémistes : le matérialisme et le gnosticisme. Elle considère en effet l'homme à la fois comme la plus noble des créatures divines et comme un simple "serviteur" et "vicaire" de Dieu - Exalté soit Son nom. Par conséquent, ses pouvoirs et ses libertés sont conditionnées par le respect des obligations liées à son statut de lieutenant de Dieu sur la terre, obligations fixées par la Loi divine.

 

L'Imam Mohammad 'Abu (1849-1905) résume merveilleusement bien l'idée de la prééminence de l'homme dans l'univers, lorsqu'il dit : "Il est le serviteur de Dieu seul, mais maître de tout ce qui est en dehors de Lui". Voilà bien une définition concise du rôle de l'homme dans le monde.

 

Le concept islamique de l'"Istikhlâf" (l'homme désigné comme lieutenant de Dieu) implique des restrictions à la liberté de l'homme à disposer des biens et richesses de la terre : celui-ci agit uniquement en tant que "dépositaire" et "intendant" en vertu du pacte de l'"Istikhlâf". Le Maître réel (à Qui appartient la propriété effective des objets et des êtres) de toutes les richesses et de tous les biens, c'est Celui-même qui en est le Créateur et le Dispensateur; c'est Dieu - Exalté soit-il- qui a mis les dons de la nature, ses trésors et ses forces mêmes au service de l'homme qui doit s'en servir - mais non pas les asservir - en vue de remplir sa mission ici-bas, à savoir "peupler" la terre en la rendant plus belle et plus prospère.

 

L'homme n'a donc qu'un droit de jouissance sur ces biens dont il n'est pas le vrai propriétaire. Ce droit de jouissance a une fonction purement sociale : l'homme est libre de disposer de ses biens, de les mettre en valeur, de les développer et de s'en servir, à condition de respecter les obligations découlant de son statut de "mustakhlaf", c-à-d, "intendant " et "dépositaire" de ces biens, lesquels appartiennent en réalité à Dieu. Mais le fait que l'homme, en vertu du principe de "l'Istikhlâf", n'est que le "dépositaire" des biens et des richesses dont il jouit, ne signifie pas - dans la conception islamique du Juste milieu - qu'il est privé de tout droit de propriété; cela n'implique pas non plus qu'il puisse disposer de ses biens à sa guise et sans réserve aucune. Au contraire, il peut jouir des biens en question uniquement en tant que "khalifat", c-à-d, "intendant" et "dépositaire" dont la liberté de gestion est soumise à la volonté et aux directives du Propriétaire réel, à savoir Dieu.

 

Le concept de l'"istikhlâf", au sens de "lieutenance" sur les biens de la terre confiée à l'homme, est mis en évidence dans le verset coranique suivant où il est question d'un "droit" à prélever sur les biens des riches au profit des pauvres : "... et sur les biens desquels, il y a un droit bien déterminé pour le mendiant et le déshérité" (LXX, 24-25). Voici un autre verset qui illustre le rôle de l'homme en tant que "lieutenant" ou "préposé" à la gestion des biens à lui confiés : "Croyez en Dieu et en son Prophète et dépensez de ce en quoi il vous a donné la lieutenance. Ceux d'entre vous qui croient et dépensent (pour la cause de Dieu) auront une grande récompense "(LVII, 7).

 

Autre fait significatif : le terme "mâl"(bien) dans le Coran est utilisé au pluriel dans 47 versets, alors qu'il n'est cité au singulier que dans 7 versets. Cela veut dire que l'homme, préposé à l'"intendance" des biens de la terre (mustakhlaf) ne doit pas user à titre exclusif de ses derniers et s'enrichir au détriment de ses semblables. L'homme, avons-nous déjà dit, n'est pas privé du droit de propriété et de jouissance des biens à lui confiés, à condition de ne pas outre-passer les restrictions imposées par son statut de "mustakhlaf". Dans cette perspective, le bien d'un individu est en même temps le bien de la collectivité; ou, pour reprendre une expression de Mohammad 'Abdu : "le bien de chacun d'entre vous est le bien de votre communauté à tous, en vertu du principe de la solidarité sociale..". Zamakhcharî (1075-1144), dans son "Kachchaf" (commentaire du Coran) commente ainsi le verset précité : "Dépensez de ce en quoi il vous a donné la lieutenance..." : Dieu, par ces versets, veut dire aux hommes ceci : les biens qui sont entre vos mains appartiennent en réalité à Dieu, qui les a crées et constitués. Et Il les a mis à votre disposition pour que vous en jouissiez; Il vous a permis d'en disposer non pas en tant que propriétaire réel, mais en tant que "dépositaire" ou "mandataire" (du maître réel)". Tel est donc le sens de "lieutenance" donnée sur les biens et les richesses. Mais, de ce sens, se sont écartées les philosophies matérialistes et les civilisations qui s'en réclament. Ainsi, ont-elles élevé l'homme au rang du maître de l'univers, et lui ont fait croire qu'il peut jouir et disposer de ses biens comme bon lui semble (en tant qu'individu dans le capitalisme; classe politique - ou son parti - dans le totalitarisme communiste). L'autre extrême consiste dans les déviations gnostiques qui emprisonnent l'homme dans le fatalisme et le poussent à se détacher complètement des biens terrestres. Et, entre ces deux extrêmes, se situe la conception islamique du "juste milieu", telle qu'elle se manifeste dans la doctrine de l'"istikhlâf".

 

Cette philosophie de "lieutenance" détermine également, en Islam, le rapport entre "religion" et "pouvoir temporel" (l'État). L'homme, en tant que lieutenant de Dieu, voit sa liberté conditionnée par le respect des obligations liées à son statut. De la même façon, l'État et ses institutions, qui sont l'oeuvre de l'homme, sont soumis, dans la conception islamique, aux Commandements divins, à la Charia. Ainsi, le procédé "humain" de la consultation (chourâ) donne naissance à un État régi par la loi divine. Le pouvoir subordonné (à la loi divine) de la nation cohabite ainsi et s'allie avec la Souveraineté divine (source de législation). Dans un tel État, les docteurs de la loi s'attachent à déterminer les cas d'application de la loi divine, et à déduire, par un effort d'interprétation (ijtihâd), les règles légales à partir des sources de la législation. De la sorte, le modèle de l'État islamique se distingue du régime théocratique - où le gouvernement est censé être de droit divin - qui assimile l'État à une "religion pure", en le sacralisant et en le tenant pour immuable (comme une vérité d'essence divine). Le modèle islamique de gouvernement se démarque aussi de l'Etat laïc qui, prenant le contre-pied du modèle théocratique, sépare la religion et le pouvoir temporel et ne reconnaît à la loi divine aucun rôle dans l'organisation des affaires de ce monde.

 

Ce modèle islamique de gouvernement, fondé sur la doctrine de l'"Istikhlâf", est un régime "califale" (Khilâfat) où l'État est présidé par un "calife" qui n'est pas représentant de Dieu - à l'instar du Pape - mais un chef délégué par la Oumma qui, elle, est représentante de Dieu. C'est celle-ci qui élit le calife, lui prête serment d'allégeance, lui délègue ses pouvoirs, le contrôle et lui demande des comptes. Ainsi, le calife n'a rien d'un chef théocratique que l'on tient pour infaillible parce que il représenterait le Ciel.

 

Cette doctrine de l'"Istikhlâf", qui sous-tend le califat islamique et le distingue de tous les régimes étatiques connus dans d'autres religions et d'autres civilisations, est illustrée par un hadith, rapporté par Abou Hourayrat selon lequel le Prophète a dit : "Les Enfants d'Israël étaient gouvernées par des Prophètes qui se succèdent les uns aux autres. Mais, à moi, aucun Prophète ne succèdera; il y aura par contre des califes (lieutenants)" (Hadith cité par Al-Boukhâri, Ibn Majah et Al-Imâm Ahmad). C'est donc la conception exprimée dans cette tradition qui inspire le "califat" islamique.

 

Ignorant la doctrine de l'"istkhlâf", les philosophies matérialistes, parmi lesquelles la civilisation occidentale, ont réduit les sources de la connaissance humaine, et ne reconnaissent comme voies d'accès à celle-ci que la raison et l'expérience étayée par des réalités tangibles. Ce faisant, elles privent l'homme des autres moyens d'acquisition du savoir qui lui permettent d'aller bien au-delà de ses propres facultés sensorielles et du monde sensible en général. C'est que ces civilisations élèvent l'homme au rang du maître de l'univers, au lieu de le considérer comme le lieutenant d'un Dieu Très-Haut et Parfait qui transcende tous les êtres crées par Lui.

 

La conception islamique des voies de la Connaissance, fondée sur le principe de "l'homme-lieutenant de Dieu"(Istikhlâf), ne sous-estime pas le rôle de la "raison" et des "sens" dans le processus cognitif, tant s'en faut. Mais à ces moyens, elle ajoute, pour les éclairer et les contrôler, la "révélation", telle qu'elle s'incarne dans le "Message coranique", et dans les saintes Traditions du Prophète qui en sont "l'Explicitation". Cette Révélation constitue pour l'homme une orientation (sur la bonne voie) émanant de Celui dont la science embrasse toute chose; elle lui apporte des connaissances relevant du Mystère Insondable (Ghayb) et le dote d'un Canon et de règles de conduites que la raison, à elle seule, ne pourrait concevoir, parce qu'ils relèvent d'un ordre supérieur qui ne tombe pas sous les sens et qui - sans le relais de la Révélation - resterait inaccessible à l'entendement humain. Car, comme toutes les facultés humaines, la raison et les sens ont leurs limites.

 

La conception cognitive islamique fait également une part importante à la conscience et à l'intuition (wijdân) comme moyens de connaissance et d'orientation (sur le droit chemin). Il s'agit là, en effet, d'une voie qui permet de recueillir, comme une lueur dans le coeur, une connaissance intime que ni la raison ni les sens ne peuvent percevoir; cette connaissance, qui procède d'un ordre spirituel sublime, est le fruit d'une "inspiration" et d'une illumination qui irradie dans le coeur.

 

Une théorie originale de la connaissance s'est ainsi élaborée, faisant fond sur la doctrine islamique de l'"Istikhlâf" qui assigne à l'homme le rôle de lieutenant de Dieu sur la terre. Investi d'une charge si noble, l'homme voit s'élargir devant lui le champ des connaissances : non seulement celles accessibles aux sens et à la raison, mais également d'autres qu'il peut atteindre grâce aux dons et facultés extraordinaires dont Dieu - son Créateur - l'a dotés, afin qu'il puisse, conformément à la Volonté divine, "peupler" le monde et en mettre en valeur les richesses.

 

Ainsi, la doctrine de l'"Istikhlâf" (l'homme-lieutenant de Dieu), qui assigne à l'homme une place éminente dans la hiérarchie des êtres, se reflète dans tous les domaines de la vie : le mode de gouvernement, la gestion des biens et richesses, les moyens d'acquisition de la connaissance...

 

L'homme-lieutenant de Dieu, pour être digne de cette noble charge, doit remplir les obligations découlant de son statut privilégié, autrement dit, se conformer à la loi divine en lui subordonnant son pouvoir de décision et sa liberté d'action; il lui faut donc adopter la philosophie de l'"Istikhlâf" dans les domaines de la vie; car, c'est grâce à cette philosophie que la pensée islamique se distingue de tous les autres systèmes de pensées, et que la civilisation islamique - celle marquée par le sceau de l'Islam - la remporte sur les civilisations matérialistes qui ont dévié de la voie de Dieu, et violé la Nature originellement bonne (Fitrat) de l'homme.

 

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« Point de contrainte en religion »

سبحانك اللهم و بحمدك أشهد أن لا إله إلا أنت أستغفرك و أتوب إليك

 

 

« Point de contrainte en religion »face à l’évidence du Texte il nous suffit d’écouter la raison de notre cœur. Et que le Coran nous parle, il nous suffirait de l’écouter, inutile de tant chercher. Mais, que nous dit le Coran ? Est-ce lui qui s’exprime, ou est-ce nous ? Est-ce vraiment lui que nous nous entendons, ou l’écho de notre pensée ? Est-ce lui que nous lisons ou le reflet, ou l’ombre, de nos raisons ?

ÉTUDE LEXICALE ET TEXTUELLE

Ikrâha :

De la racine verbale kariha l’on obtient la forme IV akraha, verbe signifiant très précisément forcer quelqu’un à faire une chose qu’il a en aversion  ; Le mot ikrâha en est le nom d’action.

En S24.V33, le verbe akraha est utilisé à deux reprises et le mot ikrâha une fois. Ce verset est parfaitement représentatif du champ sémantique de la racine kariha : « …par esprit de lucre ne contraignez pas [lâ tukrihû] vos jeunes esclaves à la prostitution alors qu’elles désirent être chastes. Celles qui, malgré tout, y auront été contraintes [yukrihhunna], Dieu, certes, leur sera après cette contrainte [ikrâha] Pardonneur, Tout de miséricorde. »

En français, le verbe contraindre, comme ses quasi synonymes obliger, forcer, exprime le fait de vouloir contraindre quelqu’un à agir contre son gré. Par extension, contraindre est aussi faire entrave à la liberté d’action. Mais, en arabe, le mot ikrâha signifie uniquement action exercée contre une opposition ou une aversion. Notons alors que les divers sens donnés à la formule « Point de contrainte en religion » sont préférentiellement établis en fonction du deuxième sens français du verbe contraindre : « entrave à la liberté individuelle ou collective », sans que nous puissions en ce cas affirmer que ikrâha est aussi une telle acceptation.[1]

Fî :

Normalement, tant le verbe kariha que la forme IV akraha et le nom d’action ikrâha entraînent l’usage de la préposition ‘alâ. L’on dit par exemple : lâ yukrihuhum ‘alâ d-dîn  : il ne les contraint pas à la religion.

Ainsi, en « lâ ikrâha fî-d-dîn », « point de contrainte en religion », l’emploi particulier de la préposition (principalement : dans, sur, au sujet de, en, par rapport) est significatif et doit modifier notre compréhension de l’énoncé.[2] Le sens premier et principal perçu est alors : « le dîn ne peut être en rapport avec une notion de contrainte  ».

Ceci étant, nous comprenons, quelle que soit l’idée que nous ayons du mot dîn, que la notion plus générale de « liberté de conscience » ne serait être imposée à ce texte coranique. 

Ad-dîn :

Un des mots-concept coraniques par excellence ! Mentionné quatre vingt fois dans le Coran, signifiant communément rétribution en la Fâtiha et, ailleurs, compris grosso modo comme correspondant au terme français « religion ». Cependant, dîn possède plus d’une vingtaine de significations en arabe et plus d’une dizaine en sont retrouvées dans le Coran. Nous ne pourrons en discuter ici, mais nous sommes loin du monolithique dîn = religion.[3]

Citons comme usage coranique pour dîn : rétribution, attribution, solde, coutume, désobéissance, religion, foi, croyance, confession, rite, culte. Présentement, nanti de l’article, et selon le contexte, ne sont candidats théoriques que les termes suivants : religion, culte, rite, foi. En fonction de la signification précise de ikrâha et de la valeur de la préposition nous ne pouvons ici retenir pour dîn les sens de culte ou rite.

En effet, toute pratique, rite, culte, procède d’une contrainte a minima. Le verbe arabe ‘abada que nous traduisons par adorer signifie à l’origine fouler du pied. La forme II ‘abbada est mettre en esclavage. Par suite, l’on obtint le sens : être au service de, et, s’agissant d’une divinité, lui rendre un culte. S’agissant de Dieu après la révélation coranique : se faire le Serviteur du Seigneur. [4]

Ainsi, « ad-dîn » désigne-t-il en notre verset soit la religion soit la foi. La présence de l’article « al/ad » a fait dire aux anciens commentateurs qu’il s’agissait de la religion, c’est-à-dire, pour eux, l’Islam. Or, si nous considérons que la détermination par l’article qualifie bien la religion islam, alors le sens du verset en fonction de ce que nous avons jusqu’à présent mis en évidence littéralement est le suivant : « il n’ y a pas de contrainte dans la religion islâm ». Si nous donnons à la détermination « la religion » un sens général, ce qui est grammaticalement tout aussi possible, l’on comprend alors : « Il n’y a pas de contrainte en la religion ». Dans les deux cas, ces énoncés ne peuvent être retenus puisqu’il n’y a pas de religion sans contrainte.[5]

Ayant procédé systématiquement par élimination, le sens à retenir en ce verset pour ad-dîn ne peut être que : la foi.[6]

Littéralement, il sera donc exact de traduire ainsi :

« pas de contrainte en la foi. »

Une telle formulation est à vrai dire assez indéterminée mais, en cela même, elle est fidèle à l’original. Jusque à présent, selon les lignes classiques ou modernes, il nous semblait possible de lire là comme l’interdiction d’un comportement : il n’y aurait pas de contrainte à exercer en matière de religion et ou en matière de foi.

La proposition coranique, tout comme sa traduction, est nominale ; et cette absence de verbe, outre qu’elle génère une certaine indistinction, amène de fait à rechercher quel est le lien ou le rapport exact établi entre le principe de contrainte et celui de foi. Il ne s’agit donc plus de l’énoncé d’une interdiction mais de celui d’une affirmation stipulant que la foi et la contrainte sont pour ainsi dire incompatibles, deux états qui ne peuvent coexister, ou deux cas qui ne peuvent se produirent concomitamment. Ceci est bien évidemment confirmé par le sens premier de ikrâha et l’usage particulier de comme précédemment étudié et nous pourrions donc expliciter la formulation coranique ainsi :

« la foi ne peut être en rapport avec une notion de contrainte.  »

L’approche littérale aura donc permis d’écarter nos systèmes usuels de représentation, notre paradigmatique comme disent certains. Il nous apparaît alors que cet énoncé coranique : «  pas de contrainte en la foi  », nous indique autre chose ; la “contrainte” signifiée n’est plus ici un phénomène extérieur mais interne, puisque l’une a le pouvoir de s’opposer à l’autre. La “contrainte” semblant ainsi relever du même domaine ontologique que la foi. Avant que de nous en expliquer, nous devons toutefois rechercher confirmation de cette nouvelle piste de signification en examinant le contexte.

ÉTUDE CONTEXTUELLE

Etape essentielle de l’analyse littérale, souvent longue et laborieuse de nature, nous ne signalerons en résumé que les points essentiels suivants :

- Le chapitre en question est axé sur l’affirmation : « Si Dieu l’avait voulu ils ne se seraient pas combattus [au sujet du message des prophètes]…mais ils divergèrent ; certains crurent et d’autres dénièrent leur foi. » S2.V253.

- Le verset central en est bien sûr « âyat al kursî », V255, dont l’objet unique est la transcendance et l’absoluité de Dieu, Seul détenteur de la Vérité et de toute Science ; en conséquence de quoi notre perception intellectuelle du monde est marquée du sceau de la relativité et de l’imperfection.

- Le V256 de S2, d’où est extrait notre péricope « pas de contrainte en la foi. », s’inscrit donc en un chapitre consacré à une réflexion sur les relations des hommes envers la vérité divine, nature et reconnaissance de la foi.

Quoique succinct, ce « cadrage » confirme que dîn doive signifier ici foi et non pas religion. Plus encore, un tel contexte impose quasiment que sa conclusion : « pas de contrainte en la foi  » ait une porté conceptuelle. Le sens classique apparaît donc quant à lui dicté, en réalité, par « les circonstances de révélation » dont la lecture appliquée a déplacé le sens conceptuel du verset vers un champ plus concret, la tolérance en matière de religion.[7] Plus exactement encore, la portée du verset est réduite par ces « circonstances » au fait de ne pas pouvoir convertir de force à l’islam. 

ÉTUDE ANALYTIQUE

Ainsi, « pas de contrainte en la foi » prend-t-il sens en fonction de : « Si Dieu l’avait voulu ils ne se seraient pas combattus…mais ils divergèrent ; certains crurent et d’autres dénièrent leur foi  » et de « Il n’y a point d’autre Dieu que Lui…de Sa Science ils ne saisissent rien qui ne soit par Sa permission… » S2.V253& 255.

Le Coran par le Coran : un autre passage coranique nous parait éclairer aisément ces données. Nous y retrouvons la notion de foi [îmân ;amana], le verbe contraindre [akraha], l’énoncé explicite d’un principe fondamental, et une de ses applications essentielles : “ Si ton Seigneur l’avait voulu, auraient cru [amana] tous ceux qui sont sur Terre sans exception. Est-ce donc toi qui pourrais contraindre les hommes jusqu’à ce qu’ils deviennent croyants ! ” S10.V99. Signalons que ce verset et le suivant s’inscrivent logiquement, comme il doit être de règle, en un contexte général similaire à celui de « pas de contrainte en la foi  ».

- Ceci confirme, à contextes équivalents, que le propos est bien à la détermination de la foi, ou à la détermination de son absence, selon le Décret de Dieu. 

- La notion de ikrâha, contrainte, est commune à nos deux passages coraniques, ce qui renforce la valeur clef de cette notion.

Il est donc dit : « Si ton Seigneur l’avait voulu, auraient cru tous ceux qui sont sur Terre », la foi, al îmân, ne dépend que de Sa volonté. Il y a sur Terre des croyants et des incroyants et nul ne changera cette réalité par Dieu voulue. Cette absolue détermination, qui reste à expliciter, est immédiatement confirmée au verset faisant suite : « Aucune âme ne peut croire sans que cela ne soit par la permission de Dieu…  »V100. La foi relève donc de la seule prérogative de Dieu. En cette perspective, comprendre qu’il n’y a pas de contrainte en la foi impose de résoudre un problème théologique fondamental ainsi posé :

1- D’une part, Dieu a « disposé » en tous les êtres la « Foi ». Ceci est coraniquement exprimé par le verset dit du “Pacte primordial” où Dieu se présente à l’humanité et lui dit : « Ne suis-Je point votre Seigneur ! » Ce à quoi les descendants des « fils d’Adam »[8] ne purent alors que répondre : «  Certes, et nous en témoignons. » S7.V172.[9]

Conséquemment, réside en les êtres humains une capacité innée[10] à croire en Dieu, tous sont ainsi par définition et a priori “Croyants”[11]...c’est-à-dire dépositaires de la “Foi innée” que nous distinguerons d’une majuscule : la Foi.

Ce postulat coranique est fort logique ; Dieu n’étant pas « de principe », c’est-à-dire par essence, perceptible par les organes des sens par lesquels la raison de l’homme appréhende la réalité, il fallait donc que la foi repose sur une « condition » différente, la Foi innée, sans quoi aucun être n’aurait pu croire en Dieu.[12]

2- D’autre part, tous les êtres ne sont pas en apparence croyants, comme le stipulent de nombreux versets et l’observation de la réalité. Il nous est dit en apparence que cet état émane d’une volonté de Dieu et ne peut être modifié par les hommes : “ Quant à ceux qui dénient, il est égal que tu les avertisses ou non, ils ne croiront pas.” S2.V6, ce qui se justifie du verset déjà cité : “ Si ton Seigneur l’avait voulu, auraient cru tous ceux qui sont sur Terre sans exception…” S10.V99.

Selon ces termes essentiels il y aurait donc contradiction apparente entre l’existence de la capacité innée à reconnaître Dieu, la Foi, et la réalité tangible de la non-foi. Plus encore, il y aurait opposition entre la Foi comme émanant de la Volonté de Dieu et l’ordre de ne pas croire émanant aussi de Dieu.

Résoudre cette difficulté suppose de distinguer la foi, celle dont nous témoignons, de la Foi, en tant qu’entité primordiale, donné ontologique. Cette foi que nous percevons entre notre « coeur » est de fait mise en forme en et par notre esprit, elle n’est qu’une image de la Foi. La non-foi suppose qu’entre l’esprit de l’homme et le siège de la Foi innée quelque “chose” s’interpose afin qu’il ne perçoive pas la Foi. Ceci se trouve explicité dès les premiers versets du Coran ci-dessus partiellement cité : “…ils ne croiront pas. Dieu a apposé Son sceau sur leurs cœurs. Sur leurs ouïes et leurs regards est un voile…” S2.V6-7.

Deux images ici se décryptent :

1- « Dieu a apposé Son Sceau sur leurs cœurs », le coeur en sémite est la raison et non pas le siège des sentiments. Il est donc stipulé que Dieu accrédite (Il appose Son Sceau a posteriori) le fait que ces gens ne croiront pas. Il n’est point dit qu’Il scellerait Lui-même les « cœurs », leurs esprits, afin que les gens ne croient pas comme le laissent comprendre les traductions et commentaires classiques par : « Dieu a scellé leurs cœurs ».

2- « Sur leurs ouïes et leur regards est un voile », notre lecture ne suit pas le découpage traditionnellement proposé de cet énoncé coranique. Il apparaît ainsi que les organes de perception (c’est-à-dire ce par quoi la raison est) du non-croyant seront opacifiés par un voile. C’est de cette opacification que naîtra pour la raison, le « cœur », l’incapacité à percevoir la Foi innée qui réside en l’être.

Ce n’est donc point Dieu qui oblitère le cœur-esprit des hommes afin qu’ils ne croient pas alors même qu’Il a voulu fondamentalement qu’ils soient tous intrinsèquement porteur de la Foi. Cela signifie aussi que ce « voile » ne s’interpose pas systématiquement entre l’esprit et la Foi de tous les êtres. Nous en verrons en infra la justification.

Puisque tous les individus naissent ‘alâ-l-fitra, c’est-à-dire en particulier porteur de la Foi innée, et mourront soit croyants soit dénégateurs de la Foi, et que ce « voile » qui s’interpose entre la fitra et l’esprit apparaît chez tous les individus, nous pouvons en déduire qu’il représente l’Acquis, et vérifier a posteriori la solidité de cette hypothèse. Nous distinguons de la sorte un donné de Foi et un Acquis, notre vécu. Se définit ainsi l’ensemble des acquis qui s’opposeront à la manifestation de cette Foi, à sa perception par l’esprit, la raison. Lors de notre développement, notre apprentissage, certains éléments de nos éducations, de nos expériences, de nos vécus intellectuels ou sentimentaux, vont se constituer en autant d’interpositions, d’aversions, d’oppositions, imposant une “contrainte ”, un ikrâha, à la manifestation de la Foi, tels sont les « voiles ».

Un hadîth bien connu le confirmerait :

« Tout être naît porteur de l’innéité de la Foi [‘alâ-l-fitra]. Ses parents feront de lui un Juif, un Chrétien ou un Zoroastre. Avez-vous déjà vu naître une bête porteuse des marques que l’homme fait au bétail. »[13] 

 « Avez-vous déjà vu naître une bête porteuse des marques que l’homme fait au bétail » indique bien que l’Acquis, les « marques », est socioculturel, sociocultuel, conditionnement intellectuel, psychologique, et social. Cela vaut pour tous les êtres. Tous naissent porteurs de la Foi innée, ‘alâ-l-fitra, puis leurs vécus spécifiques, leurs Acquis personnels, vont s’interposer entre eux et la Foi innée. Selon la nature des voiles tissés ils percevront la Lumière de la Foi en fonction d’un prisme qui leur sera propre. Il en est de même pour un Juif, un Chrétien, un Musulman. Tous reçoivent alors de l’unique Lumière de la Foi innée une lumière diffusée et diaphragmée en fonction des “voiles de la contrainte” de l’Acquis qui leur est spécifique. Communauté de Foi et différence de foi donc. 

Plus généralement encore, l’Acquis se présente donc comme une “contrainte”, ikrâha, s’exerçant obligatoirement contre la Foi innée. En fonction de l’éducation, du vécu des uns et des autres, cette “contrainte” sera d’intensité différente. La “contrainte” est ainsi représentée par des « voiles » s’interposant entre la raison et la Foi innée.

Tout être est ontologiquement Croyant : « Lorsque ton Seigneur a extrait des Banî Adam, de leurs reins, leur descendance, il les fit témoigner contre eux-mêmes : Ne suis-Je point votre Seigneur ? Ils répondirent : Certes oui, et nous en témoignons. » Mais, en notre réalité, pour que l’homme puisse croire, c’est-à-dire témoigner de la Foi par sa foi, il faudra donc nécessairement que la “contrainte” de l’Acquis, d’une manière ou d’une autre, peu ou prou, soit levée, « pas de contrainte en la foi  ». Cette résolution de l’Acquis sera opérée de par la Volonté de Dieu : « aucune âme ne peut croire sans que cela ne soit par la permission de Dieu… »

Nous comprenons alors qu’il y a “contrainte” à ne pas croire. Le concept même de Foi innée ou de fitra prouve qu’en réalité il n’y a pas de conditionnement à croire[14] mais seulement à ne pas croire.

Ainsi, tout homme ayant été créé porteur de la Foi, et celle-ci lui ayant été obligatoirement occultée par l’Acquis, l’Equité divine veut que Dieu permette à un temps donné que soit retirée la “contrainte”, certains « voiles » occultants. Il permet alors à l’homme de percevoir ou pressentir la Lumière de la Foi. Si tous les « voiles » sont par Dieu retirés, l’être est alors pleinement illuminé, irradié, brûlé par la Foi. Le retrait est donc d’ordinaire partiel et ou progressif. Nous comprenons à présent la signification de : « aucune âme ne peut croire sans que cela ne soit par la permission de Dieu… » S10.V100  : tout homme est doué de raison, or cette raison provient de l’Acquis, lequel est constituant de la “contrainte” s’exerçant envers la Foi. C’est donc dire que, de fait, aucun homme ne saurait pouvoir retrouver cette Foi de par lui-même, c’est-à-dire de par son intellect. Seul Dieu a le pouvoir de lever cette “contrainte”, les hommes ne peuvent réellement et pleinement croire que de par Sa permission.

L’aparté du V99 « Est-ce donc toi qui pourrais contraindre les hommes jusqu’à ce qu’ils deviennent croyants !  » s’entend à ce niveau là : « quelle illusion que de prétendre vouloir amener par la force, douce ou dure, le hommes à croire alors même que seul Dieu possède la Science et la Puissance permettant de lever la “contrainte” qui s’exerce sur chacun contre la Foi innée, l’origine même de la foi. »

Mais alors, puisque de part le Vouloir de Dieu il sera retiré la “contrainte ” qui pesait sur la Foi de tous les hommes, tous devraient être croyants. Or, l’observation confirme l’énoncé coranique, nous l’avions mentionné : « Si ton Seigneur l’avait voulu, auraient cru tous ceux qui sont sur Terre sans exception. » et « …il est égal que tu les avertisses ou non, ils ne croiront pas », tous les hommes ne croient pas et tous ne croiront pas.

Il nous faut donc concevoir que lors de ces « dévoilements » voulus par Dieu, s’interpose à nouveau quelque chose en l’homme et sa perception de la Foi. La raison, et obligatoirement encore elle, du fait même de sa nature discursive conditionnée et conditionnante est alors appelée à valider ou s’opposer à cette perception, elle seule est en mesure de le faire. Chacun être ainsi se repositionne et élabore à nouveau une suite de « voiles ». Selon leur nombre, leur textures et tessitures, ce en fonction d’acquis culturels et de vécus variables, l’être se qualifie alors selon des natures et degrés différents de foi.

En ces conditions, le non-croyant que le Coran nomme dénégateur, kâfir, est celui qui maintiendra un « voile » totalement opaque, une “contrainte” telle qu’il déniera ce qu’il a su et sait être vrai, la Foi. Ainsi, au verset clef déjà cité, le sens de : « ils ne croiront pas…Sur leurs ouïes et leurs regards est un voile…  » s’éclaire ; nous notons que les organes des sens, ceux qui permettent la constitution de la raison, le coeur en sémite, sont au pluriel et que ce pluriel concerne un collectif, alors que le terme « voile » est au singulier, tout comme l’est al ikrâha, la “contrainte”. Ce « voile » est donc considéré comme unique et équivalent pour tous les êtres pensants, il est le « voile du déni », celui qui recouvre, kafara, la Foi innée du fait de l’homme dit alors kâfir.[15] Il s’agit pour être exact d’un « revoilement ». Ce « Voile » qu’il convient de distinguer par une majuscule, n’est donc pas du fait de Dieu mais de l’homme.

Plus avant encore, l’on aura compris que le dénégateur de la Foi n’est pas un “incroyant”. Le statut ontologique de l’incroyant n’existe pas. Il y a ainsi en chaque dénégateur un “Croyant”[16] qui s’ignore, comme il y a d’ailleurs en chaque croyant un “dénégateur” qui s’ignore.

En synthèse, comme en illustration, prenant garde à la traduction et à l’emploi des majuscules, nous pouvons lire le verset suivant où chaque terme est un concept :

فَأَقِمْ وَجْهَكَ لِلدِّينِ حَنِيفاً فِطْرَةَ اللَّهِ الَّتِي فَطَرَ النَّاسَ عَلَيْهَا لَا تَبْدِيلَ لِخَلْقِ اللَّهِ ذَلِكَ الدِّينُ الْقَيِّمُ وَلَكِنَّ أَكْثَرَ النَّاسِ لَا يَعْلَمُونَ

“ Oriente donc ton “être” [wajh] vers la Foi [ad-dîn], en t’écartant de la déviation [hanîfan], Foi de l’innéité [fitra] que Dieu a voulu inhérente à la nature humaine. Cet ordre de chose ne saurait être modifié. Telle est la foi [ad-dîn] droite [qayyîm], mais la plupart des gens n’en ont pas connaissance.” S30.V30.

CONCLUSION

Nous aurions dû, pour être complet, donner l’analyse du verset et de son complément en sa totalité, nous y aurions trouvé confirmation et cohérence en fonction de notre conceptualisation de la Foi et de la foi et des rapports qui leur donnent sens. Il y aurait eu à dire sur la signification que l’on a bien voulu donner à la droiture, rushd, confondu avec l’Islam ; la déviance, ghay, assimilée au rejet de l’Islam ! Il y aurait eu à s’interroger sur la signification du mot Tâghût, du fait de les dénier, kafara, du rapport de ces termes avec le « Voile » que nous tissons par notre propre Ego entre notre raison et la Foi innée. Nous y aurons retrouvé les mécanismes de l’apparition de la foi, les passages alternes de la Lumière à l’obscurité. Bien des choses aussi quant à la walayya de Dieu ou celle des Tâghût, etc. Pas un mot qui ne soit un concept, pas une construction qui ne soit signifiante. En cette présentation condensée des causes ontologiques de la foi de l’homme et de la Foi en l’homme il ne nous sera évidement pas possible d’aborder cet océan. Nous laissons à chacun, s’il le souhaite, poursuivre sa lecture en les perspectives ouvertes à partir de notre analyse littérale par la modification de perception du syntagme « Point de contrainte en la foi  » ; en explorer les berges ou tenter une immersion…

Ensuite, nous concevons que les résultats proposés pour ce verset, et à partir de ce verset, puissent surprendre. Il nous semble tout aussi légitime que l’on veuille démontrer qu’il n’en est pas ainsi et que le seul sens vrai est celui auquel nous sommes habitués depuis mille ans, amplement validé, adoubé, par le “Consensus”. Mieux encore, qu’il pourrait en être un autre. Il faudrait donc que les musulmans sachent abandonner l’anathémisation et puissent s’accoutumer à une telle déontologie. On peut ne pas être d’accord, on le devrait même, ce à quoi pré-tend réellement notre méthodologie est précisément de pouvoir être théoriquement infirmée par les arguments même qu’elle s’oblige à fournir, ou par d’autres de nature équivalente. Elle s’inscrit par là en un process scientifique visant à établir un cadre objectivable nous permettant de controverser sainement, avec l’espoir, comme en science, de tendre, asymptotiquement, étape vers étape, vers une vérité, ici celle du Message révélé. Pas d’autres prétentions, c’est-à-dire pas de prétentions ; nul ne peut être l’interprète de Dieu, l’oracle de Delphes par lequel Dieu parle et s’exprime à la foule. Tout au plus, essayons nous de donner des éléments tangibles déduits selon une méthodologie d’analyse dont les critères épistémologiques, probants comme réfutables, la rendent à même de faire avancer le débat, l’examen et le réexamen du Coran. En d’autres termes, il se peut que la solution que nous proposons pour et par « point de contrainte en la foi » soit solide, comme il se peut aussi qu’elle comporte des failles ou des erreurs. Le résultat de ma recherche est ainsi soumis au jugement de chacun qui, à son tour, sera à charge d’y exercer le sien. Au final, notre responsabilité est engagée.

Enfin, est-ce à dire que nous devrions considérer que tous les idéaux, les douze significations proposées pour et par « Point de contrainte en la religion », ne pouvaient être déduits de l’énoncé « Point de contrainte en la foi »  ?

Non, bien évidemment, mais il nous faudra alors comprendre que ces différents discours ou commentaires ne prennent réellement sens qu’à partir de ces réalités ontologiques relatives à la nature de la foi, de ses liens avec la Foi ; d’autres fondements, puis d’autres horizons plus intimes et plus profonds de tolérance et de respect. Par l’analyse littérale, objective et rigoureuse, nous avons pu accéder à ce signifié. Nous aurons ainsi montré que « point de contrainte en la religion » se lisait « point de contrainte en la foi  » et nous aurons ainsi approché le cœur même de la problématique. La compréhension des mécanismes présidant à l’expression et la nature de la “foi”, la théologie de la “Foi”, permet en fait de fonder avec beaucoup plus de solidité et réalité les idéaux de tolérance religieuse, de respect vrai, et d’élever plus haut encore ces principes.

Ces douze énoncés peuvent être validés, non pas tant comme significations directes de l’énoncé « point de contrainte en la foi », mais bien en tant que commentaires appliqués cohérents de la signification fondamentale : la Foi, donné inné, ne s’exprime en l’homme en termes de foi que dès lors que l’obstacle de “contrainte” acquis a été retiré de par la Volonté de Dieu.

Une fois compris le cœur du message nous pouvons développer sans fausses notes et sans rupture avec l’original en fonction de notre contemporanéité par exemple. Il s’agit alors très clairement de commentaires et non pas d’interprétation. Face au Coran, au Texte, il est essentiel que nous sachions faire et maintenir le distinguo entre recherche du sens, interprétations, commentaires.[17]

Ainsi, l’analyse littérale aura-t-elle permis de mettre à jour, à l’affleur de la strate mère, un niveau de signification occulté par l’interprétation première et les différentes sédimentations successives. Une indication structurelle quant à la foi en tant que phénomène : relations, actions, interactions, réactions, au sein de tout être. Une perspective éclairant notre compréhension de l’autre et de nous-mêmes, un discernement de la foi, la mienne, la sienne, celle de celui qui prétend ne pas en avoir. Une approche théologique de l’homme, support de la connaissance de Dieu.



[1] Nous avions effectivement donné douze significations, onze en réalité, la douzième étant l’énoncé lui-même censé toutes les contenir potentiellement : « Point de contrainte en religion ». 1- « L’on ne peut imposer l’Islam par la contrainte ». 2- « L’Islam n’est pas en soi une religion contraignante ». 3- « Aucune religion ne peut être imposée par la contrainte ». 4- « L’on ne peut contraindre à croire ». 5- « La religion n’est pas un principe de contrainte ». 6- « Nul ne peut être contraint à pratiquer ». De ces sens directs et principaux découlent les sens appliqués suivants : 7- « Nul ne peut être contraint à modifier sa pratique ». 8- « Nul ne peut subir de contrainte ou de discrimination du fait de sa religion ». 9- « Tout individu est libre de choisir sa religion ou d’en changer ». 10- « L’on ne peut exercer de contrainte sur un apostat ». 11- « Pour toute religion, libre exercice du culte ». Voir volet I & II.

[2]  La traduction française « pas de contrainte en religion  » est ainsi fort avantageuse par son manque même de précision, le « en » ayant ici des sens relevant conjointement des prépositions ‘alâ et . Nous aurions pu oser : « pas de contrainte à la foi » qui eût été bien plus précis comme nous le verrons.

[3]  Naturellement, cela ne signifie en aucune manière que nous validions le propos simpliste de ceux qui, du fait que dîn ne corresponde pas au mot religion en langues occidentales, se refusent donc à le traduire. Pire encore ceux qui, alors, nous produisent d’un affreux sabir : « le dîne ».

[4]  Nous avons par ailleurs montré que l’énoncé : « …Dieu veut pour vous la facilité, Il ne veut pas la difficulté… » S2.V185 ne signifiait pas que la religion soit en elle-même une facilité mais qu’elle comportait une philosophie et des aménagements qui facilitaient ce rapport particulier de l’homme à son Seigneur.

[5] A l’intérieur de la contrainte issue de la pratique en Islam, comme en tout système religieux, le principe voulu est d’en faciliter la mise en oeuvre par la souplesse, l’aménagement, la compensation. Ceci n’indique pas que la pratique ne soit que facilité et n’exclut pas fondamentalement le fait que, de principe, toute pratique imposée relève par définition d’une contrainte, n’en déplaise à certains apôtres saint pauliniens de « l’islam selfiste ». Bien évidemment, l’on ne confondra pas ici, par inadvertance radicale et radiculaire « selfiste » et « salafiste » !

[6]  Signalons que Muhammad Asad en sa traduction explicative du Coran en anglais a lui aussi traduit en ce verset dîn par foi.

[7]  En « Comprendre le Coran ; Historicité, littéralisme & littéralité ; partie 4 : Application exégétique des “circonstances de révélation” : intérêts et limites. » ainsi qu’en : « Point de contrainte en religion ; partie 1 : Abrogationnisme et abrogationnistes », nous avons mentionné les dites “circonstances de la révélation”. Si l’on veut bien y prêter attention, ces « circonstances » réduisent de facto le sens et la portée de l’énoncé « point de contrainte en la religion » à un vague cas particulier de conversion vers l’Islam, elles occultent ainsi totalement l’aspect conceptuel élargi de cet énoncé. Il sera donc ici légitime de s’interroger sur la valeur du hadîth authentifié rapportant ces « circonstances de révélation ». L’événement a peut être existé, quoique le fait que l’on dénombre une dizaine de versions et d’histoires différentes laisse songeur, mais, au mieux, doit-on dire que le lien entre la révélation de ce verset et ces évènements « historiques » reste totalement à l’appréciation du narrateur initial.

[8]  L’on pourrait observer qu’à la traduction infra l’expression « fils d’Adam » a été laissée en arabe « banî âdama ». Ce n’est pas tout à fait exact, car le double emploi de majuscules « Banî Adam » et la francisation du nom « âdam » indiquent que nous avons compris l’original arabe comme constituant une appellation générique, banî pouvant signifier « fils » mais l’annexion indique ici un usage patronymique : la tribu (banî) en tant que descendant d’un ancêtre patronymique plus ou moins mythique. Nonobstant, nous ferons observer que contrairement aux commentaires courants et au propos des hadîth, y compris ceux qui ont été authentifiés, que l’humanité n’est pas en ces versets dite extraite des « reins d’Adam » mais des « reins des fils d’Adam ». Détail non sans conséquence du point de vue de l’histoire coranique de la conception de l’homme, y compris pour ceux qui auraient été atteint de fièvre concordiste évolutionniste, et qui, très concrètement, interpelle sur la validité d’une partie du corpus des hadîths dès lors que l’on prétend que le Prophète aurait lu le Coran à tort…

[9]  Voici la traduction intégrale du Passage : “ Lorsque ton Seigneur a extrait des Banî Adam, de leurs reins, leur descendance, il les fit témoigner contre eux-mêmes : Ne suis-Je point votre Seigneur ? Ils répondirent : Certes oui, et nous en témoignons. Ceci afin que nous ne disiez point au Jour de la Résurrection : En vérité cela nous ignorions ! Ou bien que vous alléguiez : Nos ancêtres avant nous avaient été “polythéistes” et nous n’étions que rejetons à leur suite. Voudrais-tu notre perte du fait de ce que firent ces insouciants ! Ainsi explicitons-Nous les Versets afin qu’ils puissent revenir.” S7.V172-174.  

[10]  Inné est ici à rapprocher de son sens en philosophie : antérieur à toute expérience, inhérent à l’homme. 

[11]  Plus justement, il convient de dire que tous les hommes sont disposés et aptes à la foi du fait de la Foi innée. L’appellation « Croyant » doit ici porter et conserver une majuscule : « le Croyant de par la Foi innée » le distinguant du « croyant » témoignant de sa foi

[12]  Sous un autre aspect, nous retrouvons-là le fondement coranique au « questionnement philosophique ». Conséquemment, l’on en déduit que la foi ne relève donc pas d’un mécanisme rationnel. Tout comme l’on ne peut démontrer rationnellement l’inexistence de Dieu. Tout comme le rêve philosophique de l’accession par la raison à cette Vérité n’est qu’illusion. 

[13]  Hadîth rapporté entre autres par Al Bukhârî en explication de S30.V30. Ce verset est mentionné en conclusion de notre analyse.

[14]  Il y a cependant des formes de foi conditionnées ; un « croyant de naissance » sera Juif, Chrétien, Musulman ou autre, en fonction d’un conditionnement à croire selon telle ou telle forme de manifestation religieuse. Il correspond au cas de celui dont l’Acquis éducationnel aura institué des « voiles » laissant passer une partie de la Lumière de la Foi innée mais en la diaphragmant en fonction de tel ou tel contexte sociocultuel. Le conditionnement est donc ici relatif.

[15]  Ici, le fait que kâfir soit une forme active indique que l’homme ainsi qualifié maintienne en constance ce « Voile de déni ».

[16]  La majuscule à « Croyant » indique ici qu’il s’agit du dépositaire de la Foi innée. Voir note 11.

[17]  Il y aurait beaucoup à dire sur le sens des mots « interprétation », « exégèse », « herméneutique », dont l’emploi inconsidéré est source de bien des confusions et distorsions.