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Blog de Islamiates

Le veuvage:comparaison entre le Christianisme et l'Islam

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La vision chrétienne 

Dans l’Antiquité juive, la veuve est socialement marginalisée car elle est signe de malheur par excellence. Elle n’a plus aucune richesse, rien qui lui appartienne en propre. Au contraire, elle devient propriété de sa belle famille, tandis que sa propre famille n’a aucune obligation de l’aider. Bien souvent, pour assurer sa subsistance et celle de ses enfants, elle n’a comme seule issue que d’accepter le remariage avec un frère de son mari. C’était la loi du Lévirat.
Mais Dieu se préoccupe d’améliorer peu à peu son sort tout au long de l’histoire biblique, si bien que dans l’Eglise primitive la veuve bénéficie peu à peu d’une place privilégiée. La veuve est le symbole du pauvre sans défense, qui persévère dans la confiance en Dieu. Elle reçoit ainsi la mission d’être, d’une part témoin de l’amour de Dieu et ensuite témoin de l’espérance qu’on doit placer en Dieu.

Témoin de la bonté et de l’amour de Dieu :

Dans l’Ancien Testament :
Comme l’orphelin et l’étranger, la veuve fait l’objet d’une protection spéciale de Dieu :
« C’est Dieu qui rend justice à la veuve et à l’orphelin et Il aime l’étranger » (Dt. 10,18)

La veuve bénéficie aussi de la protection de la loi donnée par Dieu à son peuple, pour marcher selon son esprit d’amour.
Il est le Père de l’orphelin et défenseur des veuves : « vous ne maltraiterez aucune veuve ni aucun orphelin. Si tu le maltraites et qu’il crie vers moi, j’écouterai son cri. » (Ex.22,21-22)
Dieu écoute et entend la plainte de la veuve : «Dieu ne néglige pas la supplication de l’orphelin, il est son défenseur et son vengeur » (Siracide 35.14).
Dieu se fait son défenseur et son vengeur. Il menace ceux qui abusent de la faiblesse de la veuve « maudit celui qui fait dévier le droit de la veuve et l’orphelin » (DT. 27,19)

Ainsi la veuve trouve en Dieu sa vraie sécurité et son assurance, elle vit dans sa vie cette mission d’être témoin que l’on peut toujours espérer en la bonté de Dieu et en la fidélité de son amour. A l’exemple de la veuve, tout le peuple se trouve donc appelé à vivre la béatitude de la pauvreté et à devenir bon comme Dieu est bon.

Dans le Nouveau-Testament :

Dieu lui-même en la personne de Jésus son fils, manifeste sa sollicitude à l’égard de la veuve.
Jésus redonne vie au fils unique de la veuve de Naïm, et la rencontre de Jésus avec la veuve devient une visitation de Dieu au pauvre « Tous furent saisis de crainte, et ils rendaient gloire à Dieu en disant : un grand prophète s’est levé parmi nous et Dieu a visité son peuple ». (Lc 7, 11-16)
Il confie à Jean sa mère Marie devenue veuve car elle n’a plus de protection humaine
(Jn 19,26)

Cette attention de Dieu pour les veuves entraîne l’Eglise à être solidaires des veuves et à se préoccuper de subvenir à leurs besoins : « La manière pure et irréprochable de pratiquer la religion, c’est de venir en aide aux veuves et aux orphelins dans leur malheur ». (Jc 1,17)
Pensons à la sollicitude de Pierre qui ressuscite la veuve Tabitha de Joppé (Ac 9,36).
Dans les Actes des Apôtres 6,1-7, nous voyons la naissance des diacres, car les Apôtres ne pouvaient plus faire face et ils leur confient la mission de s’occuper des veuves de toutes origines.

La veuve est le modèle du pauvre qui met toute sa confiance en Dieu qui sauve et ressuscite, le modèle par excellence du peuple des « anawins », ce petit noyau des pauvres de Dieu fidèles à l’Alliance.
Elle est ce pauvre qui crie vers Dieu, lui fait confiance en attendant tout de Dieu et de sa Loi. Elle illustre ainsi l’attitude filiale qui doit être celle de tout le peuple à l’égard de son Père.

. Certes, le veuvage est une réalité. Le fait d’avoir perdu son mari place la veuve dans une situation inconfortable. Elle a besoin d’un accompagnement psychologique, matériel et spirituel, qui lui permet de faire effectivement le deuil, de le traverser et d’en sortir. Le décès de son conjoint le diminue. Toute action auprès d’elle doit consister à l’aider à retrouver son humanité, sa dignité, sa liberté et ses droits. Elle a le droit de dire non aux rites de veuvage si elle se sent consolée, édifiée et rassurée dans sa foi. Les chrétiens et les Eglises interviennent alors à ce niveau pour l’aider et la sécuriser par leur présence et leurs conseils. Leurs actions deviennent le prolongement de celle du Christ. Celui-ci est venu libérer les hommes et les femmes de toutes formes d’esclavage, de peur et d’aliénation, y compris les rites de veuvage, quand ceux-ci violent les droits et la dignité de la veuve. 

La vision islamique 

Le veuvage est l’état d’une personne qui a perdu son conjoint. En Islam, le veuvage ou Idda est le terme donné au délai durant lequel la femme attend et s’abstient de se remarier après la mort de son époux ou après le divorce. Le délai de viduité ou de veuvage est fixé par le verset coranique suivant : 

« Ceux des vôtres que la mort frappe et qui laissent des épouses : celles-ci doivent observer une période d’attente de quatre mois et dix jours. Passé ce délai, on ne vous reprochera pas de la façon dont elles disposeront d’elles-mêmes d’une manière convenable. Allah est parfaitement connaisseur de ce que vous faites ». 

La raison de ces délais particuliers n’est pas que la veuve doive cultiver sa peine d’une manière exagérée ; le but consiste à permettre que s’écoule le délai de viduité afin de s’assurer ainsi qu’elle ne porte pas un enfant de son défunt mari, ou, le cas échéant, d’attendre qu’elle ait mis au monde l’enfant qu’elle portait lors du décès.

On remarque ici que, lorsque la veuve est enceinte de son défunt mari, le deuil pour elle cesse au moment de la naissance de son enfant. A ce propos, Um Salama, consultée sur ce sujet par Ibn ،Abbâs, a rapporté que : « Le mari de Sabay،a fut tué alors qu’elle était enceinte. Elle accoucha 40 jours après la mort de son mari. A ce moment, elle fut demandée en mariage et le Prophète la maria aussitôt ».

Durant cette période de deuil, il est recommandé que la veuve habite dans la maison de son défunt mari et ne sorte que par nécessité, pour aller travailler par exemple.

A l’expiration de la période de deuil, la veuve peut quitter le domicile conjugal. L’imam Mâlik précise, dans Al-Muwatta’, que la sœur de Abû Sa،id al Khudrî, lorsqu’elle devint veuve, interrogea le Prophète qui lui ordonna : « Reste chez toi jusqu’à l’expiration de la période de viduité »

Pendant cette période, la femme veuve doit éviter de porter des vêtements voyants, excentriques ou de couleurs vives, sans pour autant porter des vêtements de couleur noire, ce qui n’est pas, pour le musulman, une couleur de deuil.

Selon Um Salam, le Prophète a recommandé : « Celle dont le mari est mort ne doit pas porter de vêtement teints en jaune ou en rouge, ni de parure. Elle ne doit pas se teindre els cheveux ni s’enduire les yeux de khôl ».

Dans tous les autres cas, la période de deuil est de 3 jours, délai au terme duquel la vie doit reprendre, autant que possible, son cours normal. Les membres de la famille du défunt doivent donc renouer avec leurs activités habituelles.

Sources:http://www.cipcre.org/ecovox/ecovox44/hermeneutique_des_rites_de_veuvage.html

http://www.paradise-islam.fr.gd/Dur-e2-e-du-deuil.htm

http://www.veuves-chretiennes.cef.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=62&Itemid=72

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La responsabilité en Islam


La Résponsabilité en Islam - Cheikh Mohamed Al... par Al-Qiyama

Les critères de la responsabilité

La personne responsable selon la Loi de l'Islam, c'est la personne pubère, saine d'esprit et à qui est parvenu l'appel à l'Islam.

Le Messager de Allah a dit  : « La responsabilité est levée pour trois personnes : celui qui dort jusqu'à ce qu'il se réveille, l'enfant jusqu'à ce qu'il devienne pubère et le fou jusqu'à ce qu'il recouvre la raison. » Rapporté par Abou Dawoud.

La puberté

La puberté peut avoir lieu lorsque la personne atteint 15 ans lunaires ou autrement. On comprend donc de cela que le jeune enfant, tant qu'il n'a pas atteint la puberté, n'a aucune responsabilité dans l'au-delà.

Etre sain d’esprit

La personne saine d'esprit, c'est celle qui n'a pas perdu sa raison. Le fou n'est pas responsable.

Avoir entendu l’appel à l’Islam

Il est une condition que l'appel à l'Islam lui soit parvenu : cela signifie que si la personne est pubère et saine d'esprit, elle devient responsable par le simple fait que la base de l'appel à l'Islam lui est parvenue. La base de l'appel à l'Islam, ce sont les deux témoignages, c'est-à-dire qu'il n'est de dieu que Dieu (Allah) et que Mouhammad est le Messager de Dieu (Allah). On comprend donc de cela que celui qui a vécu en étant pubère mais à qui l'appel de l'Islam n'est pas parvenu, n'a aucune responsabilité dans l'au-delà.

Allah di : « ... Nous ne châtions qu'après avoir envoyé un Messager » [Al-'Isra' / 15].

Pendant la période du pèlerinage, les associateurs parmi les arabes se rassemblaient, venant de tous horizons, à la Ka^bah par imitation de leurs ancêtres musulmans, le Messager de Allah les appelait à l'Islam. Il leur faisait alors entendre les deux témoignages :

أَشهَدُ أَنْ لاَ إِلهَ إِلاَّ اللّهُ وَأَشْهَدُ أَنَّ مُحَمَّداً رَسُولُ اللَّه

 c'est-à-dire : je témoigne qu'il n'est de dieu que Allah et je témoigne que Mouhammad est le Messager de Allah.

Ce qu'implique la responsabilité

Le fait d’être responsable signifie que la personne fait partie de ceux qui auront des comptes à rendre au jour du jugement. Il est donc obligatoire sur la personne responsable d'entrer en Islam, d'œuvrer en conformité avec la Loi de l'Islam, de s'acquitter de toutes les obligations et de se garder de tous les interdits.

Ibn 'Umar a rapporté que le Messager de Dieu a dit :

« Vous êtes des bergers et vous êtes responsables de l’objet de votre garde.
Le chef de l’Etat est berger et responsable de ses administrés.
L'homme est berger dans sa famille et responsable de l’objet de sa garde.
La femme est bergère dans la maison de son mari et responsable de l’objet de sa garde.
Le serviteur est berger dans les biens de son maître et responsable de l’objet de sa garde.
L'homme est berger dans les biens de son père et responsable de l’objet de sa garde.
Vous êtes tous bergers et vous êtes responsables de l’objet de votre garde. »

Ce noble hadith renvoie chaque musulman à ses responsabilités ; ainsi, personne ne peut prétendre n'être concerné que par ses propres affaires et nullement par celles des autres. L’on est responsable d'autrui et l’on doit assumer tout manquement à ce sujet. L'homme, légalement responsable (Mukallaf), lorsqu'il a conscience de sa responsabilité non seulement envers lui-même, mais aussi à l'égard de ceux dépendant de lui, il doit s'employer à protéger et à préserver ces derniers comme il le fait pour sa propre personne. Cela favorise ainsi l'émergence d'une société saine et avancée dont les membres veillent à assurer l'essor de leurs administrés et à s'entraider pour l'intérêt et le bonheur communs.

Est mise en évidence dans ce hadith la responsabilité qu'a l'homme, devant Allah , de tout ce qui est sous sa garde ; les responsabilités sont diverses ; ainsi, nous dit le Messager de Dieu , « Le chef de l’Etat est berger et responsable de ses administrés » et devra, le Jour de la Résurrection, répondre de cette responsabilité : a-t-il été juste ? Les pauvres et les nécessiteux étaient-ils, sous son autorité, assurés quant à leur subsistance et à leur protection ? Gérait-il convenablement les deniers de l'Etat de manière à éviter tout gaspillage ? Avait-il confié les affaires administratives et judiciaires à des gens intègres et compétents ? A-t-il développé les ressources de la communauté, assuré à ses administrés une instruction efficiente ou bien a-t-il laissé ces derniers en proie à l'ignorance et au sous-développement ? Le gouverneur sera comptable de tout cela. C'est ce qui se dégage du hadith suivant :

« Dieu interdira le Paradis à tout gouverneur qui aura trompé les sujets que Dieu lui aura confiés »
[ Rapporté par Al-Bukhârî et Muslim ]

Quant à la responsabilité de l'homme dans sa famille - « L'Homme est Berger dans sa famille et responsable de l'objet de sa garde » - elle consiste, d'abord, à lui assurer sa subsistance et à la mettre à l'abri de l'indigence. Il en sera, le Jour de la Résurrection, comptable; d'où la nécessité pour lui de recourir aux moyens les meilleurs et les plus droits et de garantir aux siens une vie honorable.

Un autre devoir qui lui incombe également est celui de diriger sa famille dans le sens de l'obéissance à Allah et de l'initier par rapport aux dogmes et aux règles de politesse de l'Islam ; cela la mettra à l'abri du châtiment du Feu dans la vie ultime.

Allah exalté dit :

O vous qui avez cru ! Mettez-vous, vous et les vôtres, à l'abri d'un feu
ayant pour combustible les Humains et la pierraille.
Il est régi par des Anges rudes et sévères ne désobéissant
à aucun ordre de Dieu et faisant tout ce qu'on leur ordonne
[ Sourate 66 – Verset 6 ]

II est attendu des parents d'abord de se prémunir contre le châtiment de Dieu, cela revient à observer Ses prescriptions, et ensuite de protéger leurs familles. Les parents doivent être un modèle pour leurs enfants en matière de religiosité et de bon comportement, observant un comportement droit, exempt d'inconvenance dans les propos ou de désobéissance aux ordres divins. Les enfants auront ainsi dans le foyer musulman une bonne éducation imprégnée des principes religieux, et seront, sous la direction et l'orientation de leurs parents, à l'image du bon musulman.

Il est cependant malheureux de relever que certains musulmans n'incarnent pas, dans leurs foyers, la morale musulmane ; détachés des orientations sublimes de l'Islam, leurs enfants ne seront pas influencés par la morale prônée par l'Islam, et deviendront, une fois adultes, de mauvais éléments dans la société qui est la leur.

Tout homme se doit de savoir qu'il sera interrogé par Dieu sur son épouse : a-t-il fait preuve de gentillesse à son égard ? Il sera également interrogé sur le comportement qu'il a eu avec les proches qui sont à sa charge : Que leur a-t-il offert ? Et comment les a-t-il réconfortés dans les moments où ils en avaient besoin ?

La femme est également responsable devant Allah ; « La femme est bergère dans la maison de son mari et responsable de sa garde ». L'ordre du foyer lui incombe et elle est le soutien de l'homme dans la vie. Aussi se doit-elle d'être sage dans la direction des affaires domestiques, économe dans les dépenses, de préserver l'équilibre entre les revenus de son mari et les besoins essentiels de la maison ; elle ne doit pas exiger de son époux ce qui est au-dessus de ses moyens, observant le juste milieu dans sa vie, ses habits et sa parure, ne pas gaspiller l'argent dans le seul but d'exhiber des vêtements chers et des meubles raffinés ; cela allant à l'encontre des recommandations du Coran :

{ Ne sois pas prodigue. Les prodigues sont les frères des démons, et le démon est ingrat envers son Seigneur }
[ Sourate 17 – Versets 26-27 ]

De son côté, le Messager de Dieu a dit : « Dieu déteste pour vous les bavardages inutiles, l’excès de questions et la perte de votre argent dans les domaines futiles» [ Rapporté par Al-Bukhârî ]

La femme ne doit jamais perdre de vue que les instants d'aisance ne durent pas indéfiniment, d'où la nécessité, pour elle, de faire des économies pour surmonter la difficulté. Mais le devoir le plus important consiste à éduquer ses enfants, à leur prodiguer des conseils utiles, et à bien les orienter. La femme est plus à même, que l'époux, de diriger et de marquer les enfants parce qu'elle les voit plus souvent, notamment les filles qui sont l'incarnation de la morale et des orientations de leur mère, laquelle doit servir à ses enfants de bon modèle, et être une bonne éducatrice et un excellent guide.

Concernant la responsabilité du domestique, le Messager de Dieu a dit : « Le serviteur est berger dans les biens de son maître et responsable de l’objet de sa garde. » Celui-ci doit être intègre, au-dessus de tout soupçon, préserver les biens de son maître, ne pas emprunter les voies illégales aux fins de tirer profit des biens de son maître, prodiguer à celui-ci des conseils qui vont dans le sens de ses intérêts, et se parer d'intégrité et de sincérité dans les paroles et les actes.

L'homme est également responsable des biens de son père : « L'homme est berger dans les biens de son père et responsable de l’objet de sa garde. » II doit les préserver, les investir, les fructifier et prendre garde à ne pas les dilapider, car ils sont aussi les siens. En les préservant, il le fait à sa propre faveur. Qu'il évite la mauvaise fréquentation ! Celle-ci peut l'amener à la prodigalité et à la dilapidation des biens de son géniteur, condamnant ainsi son propre avenir et s'exposant à la pauvreté et à l'indigence. D'autant que Dieu - pureté à Lui - interrogera les enfants sur l'usage fait des biens de leurs pères. Qu'il les préserve, car c'est pour lui un viatique lui garantissant une vie stable.

Le détail des responsabilités des différentes personnes fait, le Messager de Dieu use d'un langage global qui assigne à chacun, dans la communauté, une tâche procédant de ses fonctions : « Vous êtes tous bergers et vous êtes responsables de l’objet de votre garde. » Le fonctionnaire, le député, le médecin, l'enseignant, l'ouvrier, etc. seront interrogés pour savoir s'ils ont agi en toute sincérité : si c'est le cas ils auront, pour avoir excellé dans le bien, une récompense excellente. S'ils ont menti, fraudé, trompé et gagner des biens par des voies illicites, ils auront, pour avoir fait le mal, une bien mauvaise récompense.

L'impression que l’on garde de la lecture réfléchie de ce hadith illustre et global, est que l'Islam ne se réduit pas à des actes cultuels, il embrasse les affaires aussi bien religieuses que temporelles (Dunyawiyya).

http://www.apbif.org/introduction-a-islam/les-principaux-devoirs/la-responsabilite.html

http://www.sajidine.com/prophete/sa-parole/ahadiths/responsabilite.htm

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Grande Discorde (al-fitna al-kubrâ) 655-661

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Par Tatiana Pignon

Les affrontements qui ont lieu dans les tous premiers temps de l’islam se concentrent pour la plupart autour de la question du califat, c’est-à-dire de la succession du Prophète, problématique en raison de l’absence d’indications laissées par Mahomet lui-même. Les rivalités pour le pouvoir, qui divisent l’élite médinoise, finissent par engendrer une véritable guerre civile en 655, lorsque le gendre du Prophète, ‘Alî, est désigné comme calife : cette guerre, appelée la Grande Discorde (al-fitna al-kubrâ en arabe) met en jeu non seulement l’avenir politique de l’islam, mais aussi la définition même du califat et donc de l’autorité religieuse en islam. Le transfert qui s’opère alors, du politique au religieux, provoque la sécession de plusieurs groupes qui développeront désormais leur propre conception de l’islam : c’est la naissance du chiisme, notamment, mais aussi du mouvement kharidjite par exemple.

La succession du Prophète

La mort de Mohamed, en 632 (an 10 de l’hégire), laisse vide la place de chef suprême de la communauté musulmane (Umma). En l’absence d’indications données par le Prophète sur la manière d’organiser sa succession, les élites médinoises – formées en majorité de la famille, au sens large, de Mahomet, c’est-à-dire des membres de la tribu des Quraysh – se rassemblent pour désigner un nouveau chef sur le principe du consensus. Abû Bakr, beau-père de Mahomet et converti de la première heure (on dit même qu’il serait le premier à devenir officiellement musulman), est choisi comme calife (khalîfa), c’est-à-dire « successeur [1] » du Prophète. Les critères auxquels doit répondre le calife sont dès lors établis, de fait : il s’agit de l’appartenance à la Maison du Prophète, de l’ancienneté de la conversion et de la respectabilité et de l’obéissance à la loi islamique. Sur ce même modèle sont désignés les deux califes suivants, ‘Umar et ‘Uthmân, toujours en se fondant sur le consensus médinois, c’est-à-dire sur l’accord entre tous les chefs de l’Umma. Mais nombreux sont ceux qui répondent à ces critères et qui peuvent revendiquer l’accession au califat. La politique uthmanienne est très critiquée : ce membre du clan des Umayyades – rival de celui de Mahomet au sein de la tribu des Quraysh – favorise largement sa famille, lui réservant par exemple la plupart des postes de gouverneur, et est accusé d’établir un pouvoir aristocratique dévoyant le message de Mahomet. Une révolte finit par éclater en Égypte en 655, et ‘Uthmân est assassiné en juin 656 – évènement qui déclenche une véritable panique. C’est dans ce contexte troublé que le gendre du Prophète, ‘Alî ibn Abî Tâlib, est nommé calife [2]. Converti très tôt lui aussi, il appartient comme son cousin Mahomet au clan hashîmite de la tribu des Quraysh, et avait épousé sa fille Fâtima, morte en 632.

Affrontements politiques et dissensions religieuses

Le combat est d’abord politique. ‘Alî est immédiatement confronté à une opposition forte, qui vient d’abord d’Aïcha, la femme préférée de Mahomet, et de deux autres proches parents du Prophète, Talha et al-Zubayr. Ceux-ci, considérant qu’ils ont autant de droits que lui au califat, lui retirent leur allégeance et quittent Médine pour aller constituer une armée à Basra. Ils affrontent ‘Alî à l’été 656 dans la plaine qui s’étend à l’embouchure du Tigre et de l’Euphrate, lors d’une bataille restée dans l’histoire sous le nom de « bataille du Chameau », du nom de l’animal sur lequel était juchée Aïcha pour exhorter les troupes ; on dit que c’est au moment où les jarrets du chameau furent coupés que ‘Alî remporta la victoire. Talha et al-Zubayr y sont tués, mais une nouvelle opposition apparaît contre ‘Alî : celle des Umayyades, menés par Mu‘âwiya qui craint de perdre le gouvernorat de Syrie que lui avait donné ‘Uthmân. Mu‘âwiya prend prétexte de la nécessité de venger le meurtre de ‘Uthmân, son cousin, pour refuser de prêter allégeance à ‘Alî, qui s’installe entre-temps à Kûfa, en Irak. Les deux troupes s’affrontent à Siffîn à l’été 657, pendant plusieurs mois, sans victoire décisive de l’un ou l’autre côté. Mais le risque de l’enlisement du combat fait planer la menace d’une disparition mutuelle, qui priverait l’Umma de ses chefs et mettrait en péril l’empire de l’Islam. On décide donc de s’en remettre à l’arbitrage, moyen de règlement des différends préconisé par le Coran. Lorsque l’arbitre représentant ‘Alî propose une solution de compromis consistant à trouver un autre calife, par exemple le descendant du calife ‘Umar, celui qui représente Mu‘âwiya refuse, mais prend cette proposition comme un accord sur le fait de démettre ‘Alî de ses fonctions. À cette nouvelle, une partie des combattants du camp alide, refusant l’arbitrage, fait sécession et se retourne contre ‘Alî : il s’agit des khârijites, écrasés l’année suivante à Nahrawân, ce qui achève de discréditer le calife en titre. Mu‘âwiya apparaît alors, aux yeux des élites médinoises, comme le seul à même de ramener l’ordre et de sauver l’empire : il est nommé calife en 660, et l’assassinat de son rival en 661 achève de consacrer sa victoire.

Mais le conflit entre ‘Alî et Mu‘âwiya va au-delà de l’ordre politique. Le gendre du Prophète est considéré par ses partisans comme son successeur légitime, qui aurait été désigné par le prophète lui-même. Ce « parti de ‘Alî », shî‘at ‘Alî en arabe, est l’origine directe du courant chiite (ou shi‘ite), pour qui le califat ne peut être détenu que par les alides, c’est-à-dire par les descendants directs de Mahomet par Fâtima et ‘Alî. Au contraire, le sunnisme permet à tout musulman d’ascendance qurayshite [3] choisi par son prédécesseur d’accéder au califat ; il tire son nom de la sunna, la norme de conduite fondée sur le comportement du Prophète et éventuellement des premiers califes. Cette distinction, à l’origine politique et partisane, fonde donc la plus grande dissension religieuse qui existe au sein de l’islam ; elle s’accompagne, dans l’idéologie qui s’est constituée au fil du temps, de différences dans la conception de l’islam lui-même, dans la célébration des fêtes et dans les références.

Mu‘âwiya et la mise en place du pouvoir umayyade

La Grande Discorde a des conséquences très importantes en matière purement politique, puisqu’elle amène au pouvoir Mu‘âwiya et avec lui, le clan umayyade. Jusque-là, la structure politique était celle de l’État médinois, centré sur la ville du Prophète et gouverné de manière plus ou moins collégiale par les chefs de l’Umma sous l’autorité du calife. C’est Mu‘âwiya qui donne à la position califale sa fonction de chef politique suprême et une autorité réelle. Il déplace tout d’abord le centre du pouvoir en Syrie, à Damas, où il restera pendant tout le règne des Umayyades – c’est-à-dire jusqu’en 750. L’image du calife-souverain est diffusée, notamment par le moyen d’inscriptions à travers tout l’Empire ; de plus, en nommant son fils Yazîd pour lui succéder, Mu‘âwiya impose le principe de succession dynastique. Les auteurs musulmans traditionnels considèrent que son arrivée au pouvoir coïncide avec le retour du mulk, cette forme de pouvoir monarchique qui avait été bannie par le prophète. On assiste de fait à une personnalisation du pouvoir autour de la figure califale, mais Mu‘âwiya agit davantage en chef de confédération tribale qu’en souverain absolu : il ne cherche pas à centraliser l’administration ni l’impôt, ménage les tribus et ne remet pas en cause l’autonomie des provinces. De plus, sa succession sera remise en cause par un Médinois descendant d’al-Zubayr, qui aspirera lui aussi au califat, mettant en évidence que le pouvoir établi par Mu‘âwiya, bien que stable pendant son règne, n’est pas encore solidement installé dans la durée. C’est Marwân, l’un de ses cousins éloignés, qui rétablit pour de bon la dynastie umayyade au poste de calife à l’issue de la guerre civile qui dure jusqu’en 684.

La Grande Discorde est donc bien un moment de transition essentiel dans le développement de l’Islam, sur les plans politique et religieux : en effet, c’est autour de questions politiques que se cristallisent des questionnements religieux touchant à la question de la légitimité califale, questionnements qui fondent les deux grands mouvements de l’islam, le chiisme et le sunnisme. C’est aussi à l’issue de cette guerre civile que la dynastie umayyade prend possession du califat, et qu’une certaine conception du pouvoir commence à se développer, autour de la figure du calife qui prend une place de plus en plus importante.

Bibliographie
- Hichem Djaït, La grande discorde. Religion et politique dans l’Islam des origines, Paris, Gallimard, 1989, 420 pages.
- Albert Hourani, Histoire des peuples arabes, Paris, collection Points Seuil, 1993, 732 pages.
- Eric Vallet, « Cours d’initiation à l’histoire de l’Islam médiéval », ENS Ulm, 2011-2012.

[1] Abû Bakr succède à Mahomet dans l’exercice de ses charges administratives, militaires et politiques ; mais la mort du « Sceau des Prophètes » met fin à l’ambition prophétique, et le calife n’est pas, en théorie, un représentant de Dieu ni du Prophète lui-même.

[2] Ces quatre califes, Abû Bakr as-Siddîq (632-634), ‘Umar ibn al-Khattâb (634-644), ‘Uthmân ibn Affân (644-656) et ‘Alî ibn Abî Tâlib (656-661), les premiers califes de l’islam, sont désignés dans la tradition musulmane sous le nom de « califes rashidûn », c’est-à-dire « bien-guidés ».

[3] C’est-à-dire appartenant à la tribu du Prophète ; mais l’extension des tribus était telle que cela laisse beaucoup plus de possibilités que la conception chiite du califat.

http://www.lesclesdumoyenorient.fr/Grande-Discorde-al-fitna-al-kubra.html

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La fin du monde: le retour de Jésus

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  L’islam et le christianisme attendent tous deux le retour de Jésus, à la fin des temps, et prévoient tous deux l’apparition de nombreuses épreuves et tribulations durant cette période.  Les deux religions s’entendent sur la nature de plusieurs de ces épreuves, mais leurs détails diffèrent grandement.  Les deux religions s’attendent à ce que le peuple des croyants soit victorieux; mais selon les chrétiens, ces croyants victorieux seront ceux qui auront cru en l’Évangile du Nouveau Testament et en Jésus en tant que « sauveur » et « incarnation » de Dieu, alors que selon les musulmans, ce seront ceux qui auront cru au pur monothéisme et qui l’auront mis en pratique, c’est-à-dire qui se seront totalement soumis au seul et unique Dieu.

Les deux religions croient que le retour de Jésus sera précédé de divers signes, mais ces derniers diffèrent d’une religion à l’autre.  Elles enseignent toutes deux qu’avant le retour de Jésus viendra un puissant personnage qui portera en lui le mensonge, la tromperie et la tentation; les musulmans l’appellent Massih ad-Dajjal (faux messie), tandis que les chrétiens l’appellent l’antéchrist.  Avant son arrivée, toutefois, d’autres signes sur lesquels s’entendent les deux religions seront déjà apparus : augmentation générale de l’immoralité et de la fornication, des meurtres et des crimes de toutes sortes, une anarchie et une débauche généralisées, de même qu’un nombre grandissant de gens se détournant de la religion et du véritable savoir.  Simultanément, de nombreuses guerres intestines[1]auront lieu et des désastres naturels se succéderont rapidement.  Les détails de ces événements et le moment où ils doivent se produire ne font pas l’unanimité entre les religions, et même au sein d’une même religion.  Chez les chrétiens, ces détails changent selon leur dénomination.  Quatre grands courants de pensée dominent : prémillénarisme historique et dispensationnaliste, et prétérisme amillénariste et post-millénariste.[2]

Le prémillénarisme[3] comprend deux branches d’interprétation.  Les deux postulent que Jésus reviendra et qu’après avoir triomphé de l’antéchrist, il régnera sur le monde durant 1000 ans avant que les mauvaises âmes soient ressuscitées et que Satan soit libéré et se manifeste dans l’antéchrist ressuscité[4].  Les deux branches ont toutefois des opinions très différentes sur les événements qui entoureront ce retour de Jésus.

Bien que les deux branches s’accordent pour dire que son retour se fera au cours d’une période de sept ans de tribulations durant laquelle régnera l’antéchrist, l’une croit que le retour des juifs en Israël et la reconstruction du temple se fera durant cette période, tandis que l’autre croit que Jésus rétablira Jérusalem comme capitale et reconstruira le temple durant son règne.  La première croit que les anciens élus de l’Église seront ressuscités avant le début des tribulations, puis choisis pour gouverner avec Jésus, tandis que les juifs vertueux seront ressuscités aux côtés de héros qui auront tenu tête à l’antéchrist et qui seront morts à la fin de la période de tribulations, annonçant ainsi le règne de paix et d’abondance de Jésus.  La deuxième, quant à elle, soutient que « l’enlèvement » de tous les élus (c’est-à-dire les saints chrétiens décédés et les vertueux du judaïsme ayant vécu avant la mission de Jésus) se fera lors du retour de Jésus et ils seront, avec leurs descendants, les citoyens méritants du règne du millénaire.

Lorsque Satan sera finalement libéré et prendra possession de l’antéchrist ressuscité, une grande bataille sera menée contre les subordonnés de Satan et Satan, le faux prophète, sera défait et précipité au fond de l’Enfer, annonçant ainsi la fin du monde.  Ici, encore, les deux branches diffèrent.  Les historicistes croient que Gog et Magog sont les nations que Satan mènera à la rébellion lorsqu’il sera libéré, tandis que les dispensionalistes, tout en reconnaissant que Satan mènera une armée de nations qu’il aura trompées, n’incluent pas Gog et Magog parmi elles.[5]

Après la défaite des forces du mal, les montagnes s’effondreront, la terre deviendra une gigantesque plaine, et c’est alors que débutera le Jugement pour les habitants de la terre.  Ceux qui auront cru en Jésus seront rétribués par le Paradis et l’éternelle communion avec Dieu, tandis que les mécréants et les pécheurs non repentants seront envoyés en Enfer et seront à jamais séparés de Dieu.

Le prétérisme est un point de vue général que l’on retrouve chez les deux branches qui s’opposent au prémillénarisme.  Selon ce point de vue, le retour de Jésus a déjà eu lieu au moment de la destruction du temple de Jérusalem, du moins en termes de jugement.  Autrement dit, ils croient que les gens sont jugés au moment de leur mort.  C’est pourquoi ils considèrent que la terre est éternelle et que le fait de perfectionner notre foi et notre savoir est une tâche éternelle établie pour nous par Dieu.[6]  Chez les prétéristes partiels, on croit que le moment de perfection ne viendra que lors du retour physique de Jésus, qui régnera alors éternellement sur ceux qui auront atteint le salut.

Le post-millénarisme voit de façon plus figurée que littérale les mille ans de règne de Jésus et croit qu’ils sont déjà commencés.  Selon ses adeptes, Jésus est le roi du monde, en ce moment même, jugeant les gens au fur et à mesure qu’ils meurent, tandis que l’Église chrétienne parfait continuellement sa foi en lui, tout en menant Satan à la défaite.  Puis, Jésus reviendrait pour vaincre l’antéchrist, ce qui inaugurerait la fin du monde.

L’amillénarisme[7] voit aussi de façon figurée les mille ans de règne de Jésus, qu’il croit déjà établis, mais, comme le prémillénarisme, il conçoit le Jour du Jugement comme un jour où seront distingués les bons des mauvais, et où tous seront envoyés à leur destination éternelle respective.

Ces points de vue se rejoignent souvent, ce qui nous amène à nous demander où une doctrine commence et où une autre se termine exactement.  Toutefois, aucune d’entre elles ne rejoint le point de vue islamique sur le règne de Jésus et sur le rôle qu’il jouera lors de son retour.

L’islam voit le retour de Jésus comme l’achèvement de sa vie et de sa mission, qu’il a quittée sans l’avoir complétée.[8]  En tant que véritable Messie, il est le seul à détenir le pouvoir (accordé par Dieu) de défaire le faux messie à la fin des temps.  Son règne verra l’invasion de Gog et Magog, que même lui n’arrivera pas à défaire; c’est pourquoi il priera Dieu de l’aider, et Dieu les détruira Lui-même.  La chute de Gog et Magog annoncera le début d’une hégémonie mondiale où chaque individu croira, ou du moins se soumettra à son règne en tant que représentant de Dieu.  Il appliquera la Loi de Dieu telle qu’enseignée par Mohammed (i.e. l’islam) et ce, jusqu’à sa mort, vers l’âge de 70 ou 75 ans.  Durant son règne, chacun profitera d’une abondance jamais vue et le monde connaîtra une paix universelle.  Puis, quelque temps après sa mort, tous les musulmans de la terre seront saisis par une brise et « soufflés » dans l’au-delà.  Ceux qui demeureront sur terre seront les mécréants, et ils seront les seuls à être témoins de la fin de ce monde.

Plusieurs de ces événements, décrits dans l’islam, reprennent le concept du Messie de la fin des temps qui tire sa source du judaïsme, bien que les juifs croient que ce Messie régnera en conformité avec la Loi de Moïse plutôt qu’avec celle de Mohammed (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur eux tous).  L’islam, comme le judaïsme, voit dans le retour du Messie un événement susceptible de rassembler tous les croyants, où qu’ils soient.  Ces deux religions voient également son règne comme l’occasion d’exercer un retour aux fondements de la foi et de la Loi.  Toutes deux lui attribuent un rôle de leader qui mènera, au nom de Dieu, une guerre contre les forces du mal, guerre qui sera suivie d’une période d’hégémonie et de paix mondiales, durant laquelle la Loi de Dieu prévaudra à travers le monde.

Ce sur quoi les deux religions diffèrent, c’est sur l’identité de ce Messie de la fin des temps.  Pour les juifs, ce Messie sera nécessairement un leader juif qui rétablira Israël, le temple et tous les rites à Jérusalem.  Pour les musulmans, il sera le représentant du pur islam, et sa présence contribuera à distinguer les hypocrites des véritables croyants.

Certains détails se rejoignent dans les conceptions des trois religions sur ce Messie de la fin des temps.  Dans les quatre articles qui suivent, toutefois, nous expliquerons le point de vue de l’islam sur ces événements futurs qui approchent à grands pas.  Ce point de vue est très clair et sujet à très peu de divergences d’opinion parmi les érudits, contrairement aux points de vue juifs et chrétiens.  Ce sera à vous d’établir des comparaisons et de rejeter ce qui ne reflète en rien la vérité.



Footnotes:

[1] Meurtres mutuels et destruction.

[2] Les quatre opinions principales que l’on retrouve dans les différentes dénominations chrétiennes.  Le prémillénarisme se divise entre le dispensationnalisme catholique et l’historicisme protestant, tandis que le prétérisme se divise entre le post-millénarisme catholique et l’amillénarisme protestant.

[3] Les quatre diagrammes ont été tirés de (http://www.blueletterbible.org/faq) .

[4] Le faux prophète est souvent perçu comme l’antéchrist ressuscité, possédé ou influencé par Satan, mais pas toujours.  D’autres interprétations le voient comme essentiellement indépendant, c’est-à-dire ni possédé ni ressuscité, ni antéchrist.

[5] Les deux branches n’expliquent pas comment les “nations faibles” survivront au Millénaire, que Gog et Magog fassent partie d’elles ou non.

[6] THE PAROUSIA: A Careful Look At The New Testament Doctrine Of The Lord’s Second Coming , par James Stuart Russell, (1878)

[7]  Voir : AMILLENNIALISM, or The truth of the Return of the Lord Jesus, par Rev. D. H. Kuiper

[8] Comme Jésus n’est pas mort et qu’il devra mourir comme chaque être humain, sa vie n’est pas terminée, pas plus que sa mission, qu’il doit poursuivre également.  Jésus y faisait peut-être allusion lorsqu’il dit, dans Jean 16 :12 : « J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais elles sont encore trop lourdes à porter pour vous. »

2-Le retour de Jésus

Les chrétiens croient que Jésus est vivant en ce moment même et de nombreuses dénominations croient qu’il est non seulement vivant, mais qu’il demeure très actif.  Ils croient également qu’il a déjà été ressuscité et qu’il ne mourra plus jamais.  Les musulmans croient également que Jésus est toujours vivant, mais contrairement aux chrétiens, ils croient qu’il n’a jamais goûté à la mort et qu’il ne mourra qu’après son retour sur terre. Selon le Coran, les juifs affirment que :

« Nous avons vraiment tué le Messie, Jésus fils de Marie, le messager de Dieu. »

Mais Dieu Lui-même rejette cette affirmation :

« Or, ils ne l’ont ni tué ni crucifié, mais cela leur est apparu ainsi. (...)Ils ne l’ont certainement pas tué ; mais Dieu l’a élevé vers Lui. » (Coran 4:157-8)

Quand le Coran dit que Dieu l’a élevé vers Lui, cela doit être pris au sens littéral; Jésus a été physiquement élevé de la terre jusqu’au ciel, et c’est tout aussi physiquement qu’il redescendra des cieux vers la terre sur les ailes de deux anges.  Les chrétiens croient qu’il avait entre 31 et 33 ans lors de son ascension, car ils considèrent que les évangiles synoptiques couvrent environ un an de sa vie.  L’évangile de Jean décrit apparemment 3 ans de sa vie, à partir du moment où il a commencé à prêcher.  Luc, de son côté, affirme :

« Jésus avait environ trente ans quand il commença à exercer son ministère. Il était, comme on le pensait, le fils de Joseph... » (Luc 3:23)

Les érudits musulmans s’entendent aussi sur l’âge de Jésus lors de son ascension.  Hassan al-Basri dit : « Jésus avait 34 ans », tandis que Sa’id bin Moussayyib dit : « Il avait 33 ans », lorsqu’il fut élevé vers les cieux.[1]

« Parmi les gens du Livre, il n’y aura personne qui, avant sa mort, n’aura pas foi en Jésus.  Et au Jour de la Résurrection, il sera témoin contre eux. » (Coran 4:159)

Ici, Dieu parle des « Gens du Livre » croyant en Jésus avant la mort de celui-ci, bien après qu’il ait été élevé au ciel, ce qui implique qu’en ce moment, il n’est pas mort.  En fait, il demeure auprès de Dieu jusqu’à ce que Celui-ci décide de le renvoyer sur terre.  Dieu dit, dans le Coran :

« Au moment de leur mort, Dieu retire l’âme des hommes.  Et Il retire de même celles [des gens] qui ne meurent pas, au cours de leur sommeil.  Puis Il retient celles des gens dont Il a décrété la mort, tandis qu’Il renvoie les autres jusqu’à un terme fixé. » (Coran 39:42)

Et :

 « C’est Lui qui prend vos âmes, la nuit; et Il sait ce que vous avez acquis pendant le jour.  Puis, Il vous ressuscite le jour venu afin que s’accomplisse le terme qui vous a été fixé.  Ensuite, c’est vers Lui que vous retournerez.  Il vous rappellera alors ce que vous faisiez. » (Coran 6:60)

Le « terme fixé » fait référence au nombre de jours de nos vies, déjà connu et décidé par Dieu.  Dieu a promis à Jésus de le retirer du monde lorsqu’il serait menacé par les mécréants.  Dans le Coran, Il mentionne avoir dit à Jésus :

« Ô Jésus!  Certes, Je vais mettre fin à ta vie terrestre; Je vais t’élever vers Moi et te débarrasser de ceux qui ne croient pas. » (Coran 3:55)

Dieu a donc rempli sa promesse lorsqu’Il a sauvé Jésus de la crucifixion et Il remplira une autre promesse qu’Il a faite lorsque Jésus reviendra sur terre et terminera sa vie ici – une promesse confirmée dans la révélation faite à Marie :

« Ô Marie!  Dieu t’annonce la bonne nouvelle d’une Parole de Sa part.  Son nom sera le Messie, Jésus, fils de Marie, illustre en ce monde comme dans l’au-delà et l’un des rapprochés (de Dieu).  Il parlera aux gens dès le berceau  et en son âge mûr,[2] et il sera du nombre des vertueux. » (Coran 3:45-46)

Comme l’expression « âge mûr » fait référence à un âge plus avancé que le début de la trentaine, cette prophétie renvoie donc au moment où il parlera aux gens, à son retour.  Ainsi, cette deuxième promesse (que tous les Gens du Livre croiront en lui avant sa mort) fait référence à sa seconde mission, à son retour sur terre.  Lorsqu’il reviendra, il aura le même âge que lorsqu’il a quitté, puis il vivra encore quarante ans.[3]  Le Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) a dit :

« Il n’y a aucun autre prophète entre lui (Jésus) et moi, et il redescendra (sur terre).  Il demeurera sur terre durant quarante ans; puis, il mourra et les musulmans feront pour lui la prière funéraire. »  (Abou Daoud, Ahmed)

Le retour de Jésus se fera à l’approche du Jour Dernier.  En fait, son retour sera l’un des signes majeurs de l’approche du Jour Dernier.  Dieu révèle, dans le Coran :

« [Jésus] sera un signe de [l’arrivée imminente de] l’Heure.  N’ayez donc aucun doute au sujet [de l’Heure] et suivez-Moi. » (Coran 43:61)

Son retour ne sera suivi que de deux ou trois grands signes facilement reconnaissables, dont l’apparition de la Bête[4], le départ des croyants de la terre,[5] n’y laissant que les mécréants, et le lever du soleil à l’Ouest.[6]

Les dix signes majeurs de la fin des temps, qui surviendront avant et après le retour de Jésus, sont énumérés dans un hadith :[7]

« L’Heure ne surviendra qu’après l’apparition de ces dix signes : la fumée, le faux messie, la Bête, le soleil se levant à l’Ouest, le retour de Jésus, fils de Marie, Gog et Magog, et trois secousses sismiques – une à l’Est, une à l’Ouest et une en Arabie, suite auxquelles un grand feu jaillira de la ville d’Aden et poussera les gens jusqu’à l’endroit du rassemblement final. » (Ahmed)

Que Dieu nous préserve de l’incroyance et fasse en sorte que nous ne soyons pas de ceux qui seront témoins de ces derniers moments.



Footnotes:

[1] Ibn Kathîr: Stories of the Prophets; L’histoire de Jésus, de son élévation et de sa crucifixion, p 541

[2] Le terme utilisé dans le Coran est Kahl, qui signifie « âge mûr », « plutôt âgé ».  Selon le lexique de Mokhtar al-Sihhah, le terme signifie au-delà de 35 ans, aux cheveux gris (sha’ib).

[3] Faslu’l-Maqaal fi Raf’i Isa Hayyan wa Nuzoolihi wa ’Qatlihi’d-Dajjal, p. 20

[4] Tel que prophétisé dans le Coran, 27:82 : « Et lorsque Notre arrêt s’accomplira contre eux, Nous ferons surgir de la terre une bête [monstrueuse] qui leur dira qu’ils n’ont jamais cru en Nos révélations. »

[5] Le Prophète a dit : « À ce moment-là, Dieu enverra une brise agréable qui emportera les musulmans en les soulevant par leurs aisselles.  Il prendra la vie de chaque musulman et seuls les mécréants survivront, ceux qui commettent l’adultère comme des ânes, puis l’Heure dernière descendra sur eux. » (Sahih Mouslim)

[6] Le Prophète a dit : « Le premier des signes immédiats (de l’Heure) sera le lever du soleil à l’Ouest et l’apparition de la Bête devant les gens, au cours d’une matinée.  Quel que soit le premier de ces deux signes à apparaître, l’autre suivra immédiatement. » (Sahih Mouslim)

[7] Dans cette narration, les signes sont énumérés dans un ordre différent de celui dans lequel ils apparaîtront.

3-Le retour de Jésus:L’apparition du Mahdi et du faux messie

Le retour de Jésus sera marqué par l’apparition de deux autres personnes, auxquelles seront liées diverses tribulations.  La première tâche de Jésus, lors de son retour, consistera à sauver le monde du faux messie et de l’unir sous la Loi de Dieu.

L’apparition du faux messie sera précédée par celle d’un homme qui réunira tous les musulmans sous son leadership.  Le Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) a parlé de cet homme en disant qu’avant la fin des temps, un homme de sa descendance et portant son nom (Mohammed bin Abdoullah) deviendra le leader des Arabes, apportant durant 7 ans, sur la terre, équité et justice là où il n’y avait auparavant qu’oppression et injustice.[1]  Il sera soutenu par la communauté musulmane mondiale.  Le Prophète a dit :

« Un groupe de ma nation ne cessera de se battre pour la Vérité et dominera jusqu’au Jour de la Résurrection.  Et Jésus, le fils de Marie, reviendra et leur leader (aux musulmans) lui dira : « Viens nous mener dans la prière. » (Sahih Mouslim)

Ainsi, avant le retour de Jésus, la nation musulmane se battra pour sa religion sous les ordres d’un homme descendant directement du Prophète, et cet homme, au moment où Jésus reviendra, invitera ce dernier à mener la prière interrompue par son apparition.  Nous savons qu’il aura alors mené la nation musulmane durant au moins de 7 ans, mais nous ne savons pas durant combien de temps exactement.  Ce que nous savons, c’est qu’il sera, malgré lui, un commandant vers lequel afflueront les gens après qu’une armée venue attaquer la Mecque ait été engloutie par la terre.

Le Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) a dit:

« Un différend surviendra à la mort d’un calife et un homme de Médine s’enfuira vers la Mecque.  Certains habitants de la Mecque viendront vers lui, l’amèneront de force et lui prêteront serment d’allégeance entre le coin de la Ka’aba[2]et le maqam[3]. Alors, de Syrie, une armée sera envoyée contre lui, mais elle sera engloutie dans le désert entre la Mecque et Médine.  Lorsque les gens verront cela, les hommes les plus pieux de Syrie et les meilleurs hommes d’Irak iront voir cet homme et lui prêteront serment d’allégeance entre le coin de la Ka’aba et le maqam. » (Abou Daoud)

« Plusieurs campagnes seront également menées, la première contre des éléments internes[4] et les autres, contre des éléments externes.  Une armée composée des meilleurs soldats musulmans sortira de Médine pour neutraliser l’invasion occidentale d’Ash-Sham. »[5]

« Lorsqu’ils formeront leurs rangs, les Romains diront : « Ne vous interposez pas entre nous et ceux qui ont fait des prisonniers de nos hommes.  Laissez-nous nous battre contre eux. »  Mais les musulmans répondront : « Non, par Dieu; nous ne vous laisserons jamais la voie libre pour que vous vous battiez. » (Sahih Mouslim)

La bataille, entre eux, durera trois jours et provoquera de lourdes pertes de part et d’autre jusqu’à ce qu’au quatrième jour, les survivants de l’armée musulmane vainquent les forces occidentales et poursuivent leur route pour aller conquérir Istanboul.  Tandis que les soldats seront en train de piller la ville, une fausse rumeur leur parviendra à l’effet que le faux messie est arrivé.  Ils repartiront alors pour la Syrie.  Mais le temps qu’ils arrivent à Damas, où le Mahdi les aidera à se préparer pour une guerre contre le faux messie, ce dernier apparaîtra pour de bon.

Le faux messie ne restera que 40 jours parmi les gens, mais ces 40 jours seront très particuliers.  Le premier jour durera toute une année; le deuxième, tout un mois et le troisième, toute une semaine, tandis que les 37 autres jours seront des jours normaux.[6]  C’est probablement au cours de ces 37 derniers jours que Jésus reviendra sur terre, car c’est lui qui tuera le faux messie, peu après son arrivée.

Le faux messie apparaîtra à l’Est, entre la Syrie et l’Irak,[7]  et sa venue provoquera des tribulations de toutes sortes, de même que de nombreuses injustices.  Il parcourra rapidement de grandes distances, comme un nuage poussé par le vent, visitant peuple après peuple.  Il invitera les gens à le suivre, rétribuant ceux qui répondront à son appel et s’assurant de leur fidélité en ordonnant à la pluie de tomber, ce qui rendra fertiles leurs terres.  Ceux qui refuseront de croire en lui souffriront, de leur côté, de sécheresses, de famines et de perte de biens.  Partout où il ira, il appellera à lui les trésors du pays, qui viendront en sa direction tels des essaims d’abeilles.  Puis, il tuera un homme s’opposant à lui en le coupant en deux de la tête aux pieds, puis le ressuscitera.

Le retour de Jésus et la mort du faux messie

Ainsi, le faux messie recevra des pouvoirs qui lui permettront d’égarer les gens, et nombreux sont ceux qui le suivront.  Certains hadiths affirment que de nombreux juifs le prendront pour le véritable messie[8], car il se présentera au monde comme un envoyé de Dieu.  Mais peu après, il prétendra posséder lui-même des pouvoirs divins, et finira même par prétendre être nul autre que Dieu.[9]  Il conquerra une grande partie du monde et s’opposera au Mahdi, à Damas; c’est à ce moment que Jésus, le véritable messie, reviendra sur terre.

« Dieu enverra le Messie, fils de Marie, qui descendra sur le minaret blanc, du côté est de Damas.  Il portera deux vêtements, légèrement safranés, et se tiendra sur les ailes de deux anges.  Lorsqu’il penchera la tête, des perles de transpiration en tomberont; et lorsqu’il la relèvera, des perles de transpiration voleront autour.  Tout mécréant qui sentira son odeur mourra; et son souffle portera aussi loin que portera sa vue. » (Sahih Mouslim)

Dans un autre hadith, le Prophète dit, au sujet du moment où Jésus reviendra :

« Le moment de la prière arrivera et à cet instant, Jésus, fils de Marie, effectuera son retour et mènera les croyants en prière.  Lorsqu’ils l’apercevront, les ennemis de Dieu commenceront à se dissoudre comme le sel se dissout dans l’eau. » (Sahih Mouslim)

Le premier hadith continue en affirmant que les deux se rencontreront à Lydda:

« Il (Jésus) poursuivra le faux messie jusqu’à ce qu’il le rattrape aux portes de Lydda.  Et alors, il le tuera. » (Sahih Mouslim)

Jésus utilisera une épée guidée par Dieu pour tuer le faux messie,[10] triomphant ainsi des forces du mal.

« Puis, un peuple que Dieu aura protégé viendra vers Jésus, fils de Marie; celui-ci passera sa main sur leurs visages et informera chacun de son rang au Paradis. » (Sahih Mouslim)

Cela ne signifie pas que Jésus prononcera leur jugement du Jour Dernier; il ne fera que partager avec eux les informations qui lui auront été transmises par Dieu.  Ces gens ne feront pas partie des élus de « l’enlèvement » chrétien, mais seront les survivants de l’agitation et des tribulations causées par le faux messie et par le retour du véritable messie.  Et ce n’est là que le premier épisode de la vie de Jésus, lorsqu’il reviendra parmi nous.  Vous trouverez d’autres détails dans l’article suivant.



Footnotes:

[1] Sounan Abou Daoud.

[2] Le coin de la Ka’aba le plus près de la porte.  La pierre noire est incrustée dans ce coin.

[3] C’est-à-dire le rocher où s’est tenu Abraham en construisant les murs de la Ka’aba.

[4] L’expédition de Kalb, mentionnée par Oumm Salamah dans Sounan Abou Daoud.

[5] Ash-Sham est la région géographique qui inclut la Syrie, le Liban, la Jordanie, la Palestine et l’Irak.

[6] Sahih Mouslim.

[7] L’emplacement exact, selon Mousnad Ahmad, serait le « Khorastan » ou « Yahwadiah, à Asbahan [Ispahan] », ce dernier lieu étant associé à la région de Shahrestan, en Iran.

[8] Anas bin Malik rapporte que le Messager de Dieu a dit : « Le faux messie sera suivi par 70 000 juifs d’Asbahan [Ispahan]. »  (Sahih Mouslim)

[9] Sahih al-Boukhari.  La preuve de cette affirmation est indirecte.  Dans le hadith, c’est l’un des fidèles du faux messie qui demande à un homme ne croyant pas en lui : « Ne crois-tu pas en notre Seigneur? »  Plus tard, après avoir tué un homme et l’avoir ressuscité, le faux messie demande : « Crois-tu, maintenant, en mes paroles? ».  Dans deux autres hadiths tirés de la même source, le Prophète dit : « En vérité, Dieu n’est pas borgne.  Mais le faux messie sera borgne de l’œil droit, ce dernier ressemblant à un raisin desséché. »

Et : « Il n’y a aucun prophète qui n’ait mis son peuple en garde contre le menteur borgne (le faux messie); car il est réellement borgne, tandis que votre Seigneur, le Tout-Puissant et le Sublime, n’est pas borgne. »  Le faux messie ne doit donc pas être pris pour Dieu, peu importe ce qu’il prétend et ce qu’il accomplit.

[10] Sahih Mouslim.

4-L’établissement de la nation de Dieu sous le règne de Jésus

L’élimination du faux messie par Jésus secouera les chrétiens et les juifs qui l’auront suivi, car ils comprendront alors qu’il n’était pas ce qu’il prétendait être.  En fait, le rôle joué par Jésus dans la mort du faux messie fera comprendre à la plupart des survivants chrétiens que ce dernier était réellement l’antéchrist dont ils avaient lu les prophéties dans leurs propres Écritures.  Le prophète Mohammed (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) a dit :

« Le fils de Marie descendra bientôt parmi vous et jugera entre vous de façon équitable [selon la Loi de Dieu[1]] : il brisera toutes les croix et tuera tous les porcs qu’il trouvera sur son chemin. » (Sahih al-Boukhari)

La phrase « il brisera toutes les croix » peut être prise au sens figuré ou littéral : la destruction des idoles et des croix, dans les églises, mais aussi l’interdiction de porter ou d’utiliser, à un niveau personnel, des croix comme symboles religieux.  Ou encore, la destruction du mythe selon lequel Jésus fut crucifié par les Romains, à l’instigation des juifs.  De même, la phrase « il tuera tous les porcs » peut aussi être prise au sens figuré ou littéral : peut-être ordonnera-t-il que soient tués tous les porcs afin d’en réduire ou d’en éliminer la consommation, ou peut-être imposera-t-il à nouveau l’interdiction faite par Dieu, depuis des temps immémoriaux[2], d’en consommer la chair, forçant ainsi les producteurs à se défaire de leurs bêtes.  Deux des pratiques les plus répandues au sein du christianisme seront donc abolies, démontrant ainsi qu’à partir de ce moment, cette religion, telle qu’enseignée par les chrétiens modernes, ne sera plus applicable; cela marquera le retour de la religion telle qu’elle fut révélée au départ.

« ... et il n’y aura pas de jizya» (Sahih al-Boukhari)

Par ailleurs, suite aux nombreuses pertes de vie chez les juifs, ceux-ci comprendront, par la mort de celui qu’ils avaient pris pour leader et messie, qu’ils s’étaient lourdement trompés.  Alors quand Jésus annoncera que la jizya[3]  ne sera plus un moyen par lequel les non-musulmans arrivent à se soustraire à la volonté de Dieu, ils seront prêts à laisser tomber leurs rabbins et à revenir sur la voie de Dieu avec sincérité.[4]  Le fait qu’aucune jizya ne sera plus acceptée prouvera en soi l’abolition de toutes les religions à l’exception d’une seule.  Les Gens du Livre devront se soumettre à la Loi de l’islam, que Jésus lui-même imposera.  Les rebelles qui refuseront seront persécutés et tués plutôt qu’autorisés à poursuivre leur voie au sein d’une religion abolie.

« L’Heure ne viendra pas avant que les musulmans combattent les juifs et les tuent.  Les juifs tenteront de se réfugier derrière des pierres et des arbres, mais les pierres et les arbres les dénonceront en disant : « Ô serviteur de Dieu!  Il y a un juif derrière moi; viens le tuer! »  Seul l’arbre appelé gharqad ne les dénoncera pas, car partisan des juifs. » (Sahih Mouslim)

Aucune mention n’est faite de ceux qui ne seront ni musulmans ni Gens du Livre lors de ces événements.  Peut-être seront-ils anéantis par ceux auxquels il est fait référence en tant que Gog et Magog.

5-L’invasion de Gog et Magog

Qui sont Gog et Magog?  Nul ne le sait avec certitude.  Mais nous savons, de par un hadith que l’on retrouve dans Sahih al-Boukhari et Sahih Mouslim, qu’il s’agit de deux nations.[6] 

Voici ce que dit d’elles le Coran :

« Puis il suivit un autre chemin, jusqu’à ce qu’il atteigne un endroit situé entre deux montagnes derrière lesquelles il trouva un peuple qui ne comprenait presque aucun langage.  Ils dirent : « Ô Dhoul-Qarnayn!  Les peuples de Gog et Magog sèment le désordre dans le pays.  Pouvons-nous te verser un tribut en échange de quoi tu érigeras une barrière entre eux et nous? »  (Coran 18:93-94)

Puis, après que Dhoul Qarnayn eut acquiescé à leur demande (sans accepter le tribut), il leur dit :

« C’est une miséricorde de la part de mon Seigneur.  Mais lorsque Sa promesse se réalisera, Il le réduira en poussière.  Et la promesse de mon Seigneur est vérité. » (Coran 18:98-99)

Cela fait donc référence à un peuple qui ne sera pas sous la gouvernance de Jésus lorsque celui-ci acceptera le serment des juifs et des chrétiens venus se soumettre à la Loi de Dieu.  Et ce sont Gog et Magog qui représenteront la dernière menace, pour les croyants, avant que ne débutent le règne de Jésus et les années de paix qui s’ensuivront.  Le Coran dit :

« Et pour toute communauté que Nous avons détruite, il y a une interdiction de revenir jusqu’à ce que soient relâchés les (peuples de) Gog et Magog et que, de toutes les collines, ils dévalent à toute vitesse.  C’est alors que la vraie promesse se rapprochera et que les yeux des mécréants se figeront (de terreur)!  Ils diront : « Malheur à nous!  Nous (vivions) de façon insouciante.  Mais plus encore, nous étions vraiment injustes! » (Coran 21:96-97)

Même Jésus ne pourra résister à la venue de Gog et Magog, car ils envahiront la terre de manière destructrice, comme les sauterelles.

Abou Sa’id al-Khoudri a rapporté que le Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) a dit que seuls les musulmans qui se réfugieront dans leurs villes et leurs forteresses avec leur bétail et leurs moutons survivront à l’attaque.[7]  Dans un autre hadith, on apprend que :

Dieu révélera à Jésus, fils de Marie : « De parmi Mes créatures, J’ai fait sortir des gens contre qui nul n’arrivera à se battre.  Conduis Mes adorateurs en toute sécurité au Mont Tour. » (Sahih Mouslim)

 Gog et Magog seront si nombreux que lorsque la dernière de leurs hordes traversera le lac auquel les premières hordes se seront abreuvées, elle se plaindra en disant : « Mais il y avait de l’eau, ici, autrefois! ».  Tous ceux qui ne feront pas partie d’eux seront tués, à l’exception des musulmans réfugiés dans leurs villes et leurs forteresses.  Et les hordes diront : « Nous avons vaincu les gens de la terre.  Il ne nous reste plus que les gens de l’au-delà [à vaincre]. »  Sur ce, l’un d’eux tirera une flèche en direction du ciel et elle retombera tachée de sang.[8]

Gog et Magog croiront avoir obtenu la victoire, mais leur fierté sera leur propre déroute, car le sang sur leurs armes ne sera qu’un test de Dieu.  Le prochain article expliquera de quelle façon Gog et Magog seront défaits et ce qui arrivera par la suite.



Footnotes:

Les rêves dans la culture musulmane

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Le rêve en tant que tel constitue une expérience fondatrice dans la conscience humaine. Il semble avoir bouleversé nos ancêtres dès les temps les plus anciens : alors que le corps repose en état d’immobilité, que toute vigilance a cessé, voici qu’un autre mode de conscience surgit. Le sujet voit, entend, ressent la joie ou la peur, sans que tout ceci ne laisse de traces dans le monde extérieur. N’y avait-t-il pas là pour eux le signe qu’existe en l’homme une âme, un principe immatériel autonome par rapport au corps physique
? Et ces expériences oniriques ne résultent-elles pas, de quelque manière d’une rencontre avec un monde sur-naturel
?

Dans les sociétés archaïques, le rêve est en tout cas le moyen privilégié d’entretenir des rapports avec la surnature : de connaître les événements cachés, présents ou à venir, de maintenir l’équilibre avec le monde des défunts etc. C’est ainsi que les rêves induits chez les chamanes et hommes de pouvoir constituent un des pivots de la vie sociale dans mainte société tribale. Certains anthropologues ont été jusqu’à suggérer que l’expérience du rêve aurait présidé à la naissance de l’art, et que les peintures rupestres préhistoriques que nous pouvons contempler aujourd’hui reproduiraient des visions de type chamanique (cf J.Clottes et D.Lewis-Williams, Les chamanes dans la préhistoire, Seuil, 1996).

Dans la culture musulmane classique, la question du rêve a été abordée avec gravité et prudence à la fois. Gravité, car le hadîth affirme sans ambiguïté que le rêve est une partie de la prophétie (juz’ min ajzâ’ al-nubuwwa) qui perdurera dans la Communauté après la mort de son Prophète, et jusqu’à la fin des temps historiques. Réserve, car il s’agissait de faire le départ entre rêves véridiques porteurs d’un message céleste et songes équivoques issus simplement des passions humaines voire de susurrements sataniques. Examinons ces deux termes de plus près.

Les données de la Tradition

Les rêves ont tenu une place de premier plan dans la vie publique et privée de Muhammad telle qu’elle nous a été rapportée dans la littérature du hadîth et de la biographie prophétique. Nous nous fondons ici surtout sur les principaux recueils de hadîths sunnites (cf la Bibliographie in fine) et sur les ouvrages de Sîra (Ibn Ishâq, Sîra ; Ibn Sa'd,

Mais les recueils de traditions mentionnent surtout ceux dont le poids historique voire politique est manifeste : la vertu d’Abû Bakr et surtout celle de 'Umar sont exprimées par des songes à peine codés. Plusieurs hadîths sahîh-s rapportent ainsi des rêves de Muhammad concernant la précellence de 'Umar. Ce dernier boit du lait (symbole de la science, explique Muhammad) des doigts mêmes du Prophète. Dans un autre songe où apparaissent plusieurs Compagnons, il est celui dont la chemise (interprétée ici comme désignant la religion) est de loin la plus longue. Parfois, le rêve de Muhammad prédit de façon à peine voilée les évènements politiques des trente années suivant sa mort, voire au-delà : la grande fitna, la mort de Husayn à Kerbéla, la révolte de 'Abdallâh ibn Zubayr...(notamment dans plusieurs traditions d’origine parfois incertaine répertoriées dans le Musnad d’Ibn
Hanbal).

Un rêve prémonitoire et d’un poids historique certain a même été mentionné dans le Texte sacré : le songe reçu par Muhammad à Médine de l’entrée des Musulmans à La Mecque en état de sacralisation, confirmé par le pélerinage de 629 (Coran XLVIII, 27). La victoire de Badr, la défaite du mont Uhud auraient elles aussi été prévues lors de plusieurs songes rapportés par le hadîth ; le Coran évoque même le rôle du message onirique qui serait intervenu peu avant la bataille de Badr (VIII, 43-44). Dans tous les cas, le rêve venait confirmer le dessein divin reposant sur un événement politique ou militaire, et donc lui donner sens.

Les récits du Voyage Nocturne et de l’Ascension Céleste peuvent également être mentionnés, pour autant que les savants se sont posé la question de sa nature : voyage de Muhammad dans son esprit ou dans son corps
? Si le consensus de la Communauté s’est fixé sur la première interprétation, celle d’un voyage corporel, plusieurs exégèses rapportent néanmoins aux événements du Isrâ’ le verset XVII, 60 mentionnant un songe du Prophète : ’Nous n’avons fait de la vision (ru’yâ) que nous t’avons montrée ainsi que de l’arbre maudit mentionné dans le Coran, qu’une tentation pour les hommes’. Enfin, la Tradition rapporte un certain nombre de rêves à portée eschatologique où Muhammad ou certains Compagnons (Ibn 'Umar) auraient reçu la vision des récompenses et des châtiments de l’au-delà.

Mais l’importance accordée par le hadîth aux rêves de Muhammad ne doit pas masquer une conviction plus centrale encore pour notre propos : celle que tous les croyants participent de quelque manière à cette suffusion du message divin dans la Communauté. La pratique même du Prophète l’illustrait : il réunissait le matin ses principaux Compagnons, et demandait si l’un d’entre eux avait rêvé. Parfois, ces récits de rêves ont pu exercer un effet sur la Loi ou la coutume religieuse. C’est suite aux songes convergents du Médinois 'Abd Allâh ibn Zayd et de 'Umar ibn al-Khattâb que fut institué le rite de l’âdhân. De même, la détermination de la position de la Nuit du Destin durant les sept derniers jours du mois de Ramadan a-t-elle été le résultat d’une série de rêves de Compagnons en ce sens, avalisée ensuite par le Prophète. Il arrivait que le songe du Prophète et celui d’un autre croyant fussent en concordance...

Bref, il existait comme une suffusion onirique collective dont Muhammad était en quelque sorte le pivot et le garant, mais non le seul acteur. D’ailleurs, cette manière d’inspiration collective par le rêve se confirma dès le décès du Prophète. Selon la Sîra, les Compagnons, perplexes et divisés quant au mode de lavage du corps de Muhammad après son décès inattendu, furent endormis ensemble et entendirent alors tous une voix leur donnant l’instruction précise. Passée la période fondatrice de la religion musulmane, les messages oniriques continuèrent de jouer un rôle dans la vie spirituelle des croyants, voir de toucher de façon discrète et incidente les élaborations juridiques ou théologiques (cf les récents travaux de Leah Kinberg cités en Bibliographie).

Le sommeil, nocturne en particulier, représente par conséquent un moment grave dans le quotidien des hommes. Il peut en effet devenir le moment de la visitation d’un ange, voire de Dieu Lui-même. C’est cette éventualité - jointe à la crainte a contrario d’une présence démoniaque à ce moment là - qui explique entre autres raisons la complexité des débats autour des gestes rituels précédant l’endormissement ou suivant le réveil : ablutions, récitations de versets coraniques et de prières propitiatoires, actes prophylactiques. Des gestes précis accomplis par le Prophète avant de s’endormir ont été rapportés par le hadîth en assez grand nombre. Il semble que Muhammad ait pu en adopter de différents suivant les jours et les circonstances ; enfin il est difficile d’évaluer dans quelle mesure il souhaitait que les autres croyants s’y conformassent. Ces pratiques sont bien sûr liées aux questions de pureté rituelle. Mais la nécessité d’une telle pureté renvoie à son tour au rapport du croyant avec les êtres du monde surnaturel, notamment avec les anges ; l’impureté attirant quant à elle la présence et le contact du démon. On peut même relever que, d’une certaine manière, le sommeil, la rencontre avec l’ange du rêve représente comme une préfiguration de la mort (cf Coran XXXIX 42), d’où la solennité des rituels intimes encadrant cette période nocturne décrits dans les recueils de hadîths. A tout le moins ces rituels ont-ils eu le bénéfice de prémunir certains croyants contre la terreur des cauchemars, selon des hadîths cités dans les mêmes chapitres.

Ceci dit, tous les rêves vécus durant le sommeil ne comportent pas la même charge symbolique ou religieuse. Le hadîth et à sa suite les docteurs de la Loi ont établi une classification entre les différentes formes de rêves, afin d’entourer de conditions précises celles dont le contenu pourrait se prévaloir d’une source surnaturelle. Cela commence par une spécification de certains termes. Le hulm désignera désormais le rêve d’origine passionnelle ou démoniaque, notamment mais non exclusivement d’ordre sexuel. Le rêve véridique, lui, correspondra à la ruy’â : ’La ru’yâ vient de Dieu, le hulm de Satan’, dit le hadîth à propos de cette distinction entre deux termes utilisés pourtant souvent comme synonymes en arabe ancien. Al-ru’yâ sera d’autre part distinguée de al-ru’yatu, vision à l’état de veille ; sauf quand l’exégèse l’exigera. Ainsi le terme ru’yâ advenant en Coran XVII 60 pour désigner sans doute le Voyage Nocturne est-il interprété comme une ru’yâ 'ayn, à l’état de veille, opposée à une ru’yâ manâm, songe à l’état de sommeil.

Trois catégories de rêves

Ensuite, les rêves seront classés globalement en trois catégories, suivant en cela un hadîth sahîh :

- 1) le discours inconscient que l’âme individuelle, renvoie à partir du vécu du jour précédent. Il n’est pas foncièrement nuisible, mais ne fournit pas de message utile non plus ;

- 2) les susurrements de Satan qui cherche à épouvanter ou attrister le dormeur, ou simplement à le perturber par des messages incohérents ;

- 3) Le rêve sain, envoyé par Dieu. Seul ce troisième type de songe - la ru’yâ au sens strict - intéresse la tradition religieuse.

Comment distinguer le rêve sain des images démoniaques ? C’est le rêveur qui, finalement, fait le départ ; s’il se réveille angoissé et mal à l’aise, le message vient de Satan. La vision d’origine céleste est quant à elle accompagnée de soulagement et de joie.

L’affirmation clé de l’onirologie musulmane se fonde sur une parole prophétique : ’Le rêve est la quarante-sixième partie de la prophétie’. Ce hadîth est rapporté avec de très nombreuses variantes. Certaines spécifient qu’il s’agit du rêve ’de l’homme pieux (sâlih)’ ou bien ’du croyant’, ou ’du Musulman’ pieux. Des fractions différentes sont mentionnées : il est la quarantième, la soixante-dixième partie de la prophétie (17 variantes !). D’autres hadîths également sahîh-s confortent la même idée. Muhammad aurait déclaré à son entourage qu’après sa mort, il ne resterait de la prophétie que les bonnes nouvelles apportées par les rêves vus par le croyant, ou vus pour lui par une autre personne.

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Une autre parole transmise sous de nombreuses variantes fait dire par ailleurs à Muhammad que celui qui le verra en rêve le verra vraiment, car Satan ne peut pas revêtir sa forme. Les cas de visions du Prophète durant le sommeil se sont multipliés après la mort de Muhammad, et perdurent jusqu’à nos jours. Enfin, un hadîth sahîh affirme qu’à la fin des temps, les rêves des Musulmans pieux deviendront à la fois beaucoup plus abondants et plus véridiques : comme si la Communauté se trouvait collectivement investie d’une inspiration divine, compensation de l’éloignement historique de la présence d’un prophète.

Alors, n’y aurait-il pas danger à voir se dessiner des phénomènes de ’prophéties’ incontrôlables, se réclamant de l’autorité même du hadîth ? Déjà les rêves véridiques avant l’Islam étaient reconnus comme valides - ne serait-ce que parce que certains d’entre eux auraient prévu l’avènement de l’Islam ; a fortiori devraient l’être ceux de Musulmans croyants. Dès les premiers siècles hégiriens, des hommes politiques et militaires ont usé et abusé de la publication de rêves annonçant leur victoire ou la justifiant après coup, et donnant souvent à l’événement le cachet prophétique ou providentiel qui manquait à l’évidence ; des illuminés ont proclamé leur divin
missionnement.

De ce fait, les traditionnistes et exégètes ont multiplié les interprétations limitant les risques de glissement. On trouvera des exemples éloquents et parfois sophistiqués de cet effort dans les commentaires des hadîths cités plus haut. Prenons par exemple la matière traditionnelle très ample réunie par Ibn Hajar al-'Asqalânî dans son Fath al-Bârî et par Qastallânî dans le Irshâd al-sârî. Selon certains avis, ’quarantième partie de la prophétie’ doit s’entendre au sens purement métaphorique, et : la partie d’une chose ne peut être identifiée à son tout, et : le hadîth ne concernait que les contemporains ou les proches de Muhammad, ou bien ne s’appliquerait en fait qu’aux prophètes...

Dans les interprétations les plus larges, les commentateurs admettent que ces messages oniriques puissent confirmer l’apport de la révélation (nubuwwa, non risâla) sans rien y ajouter de neuf toutefois. On conviendra qu’il est logique que des juristes généralement très réservés à l’égard de l’opinion indépendant (ra’y) à l’état de veille, se méfient de l’inspiration individuelle onirique. La vision du Prophète en rêve par des croyants est pareillement minimisée par les docteurs de la Loi, en sorte que celui qui aurait reçu une visite de Muhammad ne se sente pas investi d’une mission de type prophétique. Cette crainte de voir des illuminés ou des imposteurs abuser de l’argument du songe a conduit à valoriser un hadîth affirmant que ’celui qui mentira à propos de son rêve sera condamné au Jour de la Résurrection à nouer deux poils’, ce type de mensonge étant associé à celui de l’artisan fabriquant d’idoles. L’idole mentale créée par ce mensonge est en effet aussi pernicieuse qu’une divinité des polythéistes.

L’étude des textes coraniques relatifs aux manifestations oniriques sont bien sûr également riches d’enseignements, mais d’une façon plus indirecte car ne se rapportant pas aux rêves des simples croyants. Passons sur les mentions d’ordre polémique, les polythéistes mecquois qualifiant la révélation coranique de adghâth ahlâm (rêves chaotiques ; cf Coran XXI 5) ; elles ne concernent pas le rêve véridique, propos du présent article. Le Coran contient plusieurs passages évoquant la ru’yâ, mais il s’agit surtout des rêves de prophètes. Rien n’autorise a priori à y discerner des applications possibles aux expériences oniriques des croyants ordinaires. Mais, nous le verrons bientôt, les exégètes réagiront de façon assez diverses dans leur effort d’herméneutique. Par exemple à propos des passages suivants :

- les versets XXXVII 102-105 : Abraham se voit en rêve sacrifiant son fils. Il interprète cela comme un ordre, se prépare à l’exécuter avec l’assentiment dudit fils. La plupart des exégètes ne s’attardent pas sur la nature onirique de l’ordre divin - simple canal de révélation auquel d’autres modes de wahy auraient pu être substitués. Seul Fakhr al-dîn Râzî pose la question dans ses Mafâtîh al-ghayb : pourquoi certains messages ont-ils lieu par voie de rêve et non à l’état de veille ? N’y a-t-il pas là une modulation dans l’intensité ou l’intentionnalité du contenu révélé à ce moment ? Il note que certains rêves prophétiques sont envoyés ’en clair’ (p.ex. : Muhammad rêve qu’il rentre faire le pèlerinage à La Mecque, cf Coran XLVIII 27), d’autres représentent un événement qui ne se produira pas (le songe d’Abraham cité ici), d’autres enfin sont symboliques et demandent une interprétation (comme le rêve de Joseph voyant onze étoiles, le soleil et la lune se prosterner devant lui, cf Coran XII 4). Conclusion indirecte : les rêves de ces prophètes peuvent constituer mutatis mutandis un modèle pour ceux des croyants ordinaires, chez qui l’on retrouve également ces trois modalités de ru’yâ. La portée des considérations contenues dans le Mafâtîh al-ghayb est, on le constate, considérable pour la fondation de la science onirocritique en Islam.

- le récit de Joseph relaté dans la sourate XII 36 sq. Joseph interprète les rêves de ses deux compagnons de geôle, puis ceux de Pharaon - autant de personnages qui ne sont nullement des prophètes. Ces versets constituent un locus classicus des théoriciens de l’oniromancie. Là encore, c’est Râzî qui fournit les développements les plus circonstanciés sur la question de l’interprétation oniromantique de Joseph : est-elle d’origine divine, assimilable à une révélation ? Quelle est la valeur d’une oniromancie païenne, ou musulmane mais simplement inductive ? En quoi consiste précisément l’opération d’interprétation, de ta'bîr ? Pour lui, ces textes coraniques avalisent à l’évidence la science onirocritique, laquelle est également confirmée par l’effort d’élucidation intellectuelle. Ce qui n’entraîne pas l’idée que les onirocrites non prophètes disent le vrai dans chaque cas - loin de là.

- le rôle du verset XXXIX 42 est aussi à souligner : ’Dieu accueille les âmes au moment de leur mort ; il reçoit aussi celles qui dorment, sans être mortes. Il retient celles dont il a décrété la mort. Il renvoie les autres jusqu’à un terme fixé’. L’âme du dormeur, tout comme celle du défunt, est appelée à Dieu, mais elle est ensuite renvoyée dans le corps. Cette assertion justifie elle aussi que le sommeil permette le contact avec le monde surnaturel, car c’est au moment de cette assomption auprès de Dieu que, selon certaines traditions, des messages d’une vraie teneur spirituelle peuvent être confiés aux âmes. Et le réveil, note al-Baydâwî dans son commentaire coranique Anwâr al-tanzîl, ressemble par conséquent à une petite résurrection.

Synthèses doctrinales

On ne peut donc pas dire qu’une conception homogène du rôle des rêves se soit dégagée au cours des premiers siècles de l’Islam, mais plutôt que des visions plurielles aient été amenées à coexister sur une base dogmatique commune, alliant deux conceptions majoritairement acquises, car fondées sur plusieurs traditions prophétiques :

- l’âme (al-rûh) peut être attirée durant le sommeil vers le monde céleste, et là-bas recevoir communication de messages divins.

- l’âme, restant sur terre dans le corps du dormeur, peut recevoir un message par l’intermédiaire de l’ange du rêve qui descend des cieux.

Mais dans les deux cas, il est affirmé que c’est Dieu qui prend et garde l’initiative en instillant la foi dans le cœur du croyant ; en ce sens, remarque Ibn Hajar, l’état de sommeil ne se distingue pas de l’état de veille où c’est Dieu aussi qui accorde la foi et le jugement juste. Dans tous les cas, le degré d’obscurité du message onirique est dû à l’état de pureté du coeur du dormeur. Un pécheur, un mécréant ne pourront que rarement bénéficier d’un message vrai (cas de Pharaon), ils ne connaissent le plus souvent que des rêves incohérents et ténébreux. Parfois, c’est en effet à l’intervention de Satan qu’est imputé le brouillage de la vision et/ou de la parole reçue durant le sommeil. Généralement, le message véridique arrive au dormeur sous forme de parabole ou de symbole (mathal).

Comment l’ensemble de ces traditions ont-elles été intégrées dans les synthèses doctrinales les plus marquantes de l’Islam classique ? Parmi les auteurs principaux ayant traité de cette question spécifiquement, mentionnons :

- Abû Hâmid al-Ghazâlî, qui aborde la question du rêve dans le cadre de sa noétique et surtout de sa tentative de définir les rapports entre le corps et l’esprit (Ihyâ’ 'ulûm al-dîn IV ; Tahâfut al-falâsifa ; Madnûn) ainsi qu’à propos de sa doctrine mystique (Mishkât al-anwâr). Le miroir du cœur, poli par l’observance de la Loi et éventuellement par des pratiques soufies, peut entrer en contact avec les données inscrites dans la Table Gardée, durant le sommeil en particulier. A la différence de ce qu’affirment les falâsifa (ici, Avicenne) ce contact n’est pas induit nécessairement par l’état du coeur lui-même ; il dépend de l’intervention d’un ange missionné par Dieu, selon ce qu’enseigne la Tradition. Ce message surnaturel est ensuite traduit par l’imagination (khayâl) du dormeur. Mais cette imagination n’agit pas arbitrairement ; il existe une analogie générale entre le monde supérieur du Malakût et le monde terrestre, en sorte que les éléments sensibles (soleil, lune, arbres etc) peuvent exprimer sur un mode symbolique un contenu célestiel. Ghazâlî fonde ainsi indirectement les inductions des onirocrites. Le rêve est effectivement pour lui une partie de la prophétie, mais il ne peut se produire que dans le contexte d’une pratique rigoureuse et fervente de la foi dans la Tradition.

- Ibn Khaldoun a également exposé avec beaucoup de clarté la question du rêve, dans des termes qui se rapprochent finalement de la doctrine ghazâlienne (dans la Muqaddima, et dans le Shifâ al-sâ’il également). L’âme humaine, substance spirituelle, a potentiellement accès aux réalités universelles contenues dans les mondes célestes, mais bien sûr en fonction seulement de ce que le décret divin lui alloue. C’est ce qui se passe lors du sommeil, lorsque l’âme peut quitter l’enveloppe corporelle. Ces connaissances issues des universaux, al-kulliyyât (qui peuvent concerner le futur, d’où la possibilité de la divination) sont ensuite rendues à l’esprit du dormeur par l’imagination, en fonction des ’moules imaginatifs habituels’ (qawâlib ma'hûda) qui sont les siens. Ces ’moules’ varient en fonction de la réalité vécue du dormeur : un aveugle ne connaîtra pas les mêmes rêves qu’un voyant. Ibn Khaldoun s’attarde sur la question des connaissances supra-naturelles des devins, des saints et des prophètes, qui ont accès à ces universaux même à l’état de veille ; il trace plus généralement les fondements de l’oniromancie à qui il assigne des règles universelles, et qu’il classe parmi les sciences religieuses ('ulûm shar'iyya). Se fondant sur le hadîth et le témoignage de plusieurs Compagnons, il justifie l’apparentement du rêve véridique à la prophétie dans leur nature et leur processus mental, même si le degré perceptif du rêve reste très imparfait par comparaison.

- la tradition hanbalisante a elle aussi fourni plusieurs apports à la question des rêves. Elle a notamment abordé la question de l’apparition des défunts durant le sommeil. La manifestation de ce type de rêves est attestée pour des périodes fort anciennes (dès les premières générations de Musulmans, selon Ibn Sa'd ou Tabarî). Le hadîth en fait d’ailleurs déjà état : Muhammad n’aurait-il pas vu en rêve Waraqa ibn Nawfal, l’oncle chrétien de Khadîja, ou certains de ses contemporains, après leur décès
? Ce qui affirmait une manière de survie des défunts avant même la Résurrection générale. Ghazâlî a traité cette question dans un chapitre de son Ihyâ’ 'ulûm al-dîn, et a consacré à l’apparition onirique du prophète Muhammad en particulier un passage de son Madnûn.

Mais il existait bien avant lui une tradition moralisante et homélitique qui avait recueilli des récits de rêves en ce sens. Plusieurs auteurs de tendance hanbalite ont en particulier pris acte de ces témoignages. Il est très instructif d’analyser notamment le contenu du Kitâb al-Manâm d’Ibn Abî al-Dunyâ (m. en 894), accessible à présent grâce à l’excellente édition de L.Kinberg (E.J.Brill, 1994), qui regroupe 350 récits de rêves où apparaissent des personnes défuntes exposant au dormeur les conditions de leur survie dans l’au-delà et ce qui assure leur salut ou entraîne leur tourment. Ces récits, présentés tels des hadîths avec des chaînes de transmetteurs, présentent une portée morale, mais également théologique et politiques réelle. La piété et la vertu sont récompensées, comme la neutralité dans les combats entre Musulmans (les morts dans ces guerres n’ont pas statut de shuhadâ’ auprès de Dieu) et l’abstention dans les débats spéculatifs (condamnation des
Mu'tazilites notamment).

Dans une optique déjà plus doctrinale, la section du Kitâb al-rûh d’Ibn Qayyim al-Jawziyya (m. en 1350) consacré au rêve sain fournit une utile et claire synthèse des options de l’Islam traditionnel sur la question. Son optique est principalement eschatologique : il s’agit de montrer, en se fondant sur la Tradition et les témoignages oniriques, les rapports entre corps et esprit ; comment ils se séparent au moment du décès ; les modalités de survie des défunts pendant la période suivant immédiatement la mort physique ; les liens qu’ils gardent avec le monde qu’ils ont quitté, et notamment avec leurs proches.

Au total, on constate donc que, malgré de nombreuses divergences d’interprétation, un consensus s’est établi dans l’Islam sunnite s’agissant de l’importance de la vision onirique.

La plupart des docteurs admettent qu’il puisse exister des rêves suscités par des causes physiologiques, par des affleurements de données de la mémoire, par des excitations démoniaques des passions : mais tout cela n’entre pas dans la catégorie du rêve véridique, al-ru’yâ al-sâdiqa.

Il est professé que le rêve véridique est le vecteur d’une authentique inspiration surnaturelle, qu’il est ’une parole que ton Seigneur t’adresse durant le sommeil’ (hadîth) ; qu’il est possible de voir les défunts ordinaires, a fortiori les saints et les prophètes. Le prophète Muhammad peut apparaître en personne et réellement à des croyants lors de leur sommeil, mais l’explication de la nature de l’apparition varie selon les exégètes. Il est même confirmé que le croyant puisse voir Dieu, p.ex. dans l’éclat d’une lumière ou encore sous forme humaine (cf le hadîth al-ru’yâ ; le chapitre de la Risâla d’al-Qushayrî consacré au rêve ; et exemples dans la littérature soufie, comme le Kashf al-asrâr de Rûzbehân Baqlî, trad. et prés. par P.Ballanfat sous le titre Le dévoilement des secrets, Seuil, 1996).

L’onirocritique

A partir de tout ce qui précède se pose la question de l’interprétation des rêves. Car s’il arrive que Dieu envoie à un rêveur un message parfaitement clair, le fait reste rare voire exceptionnel. Dans la majorité des cas, le songe affleure à la conscience sous forme de symboles. Les interpréter, c’est effectuer l’opération de ta'bîr, de faire traverser le récit d’une rive à une autre : de la rive de l’image sensible, à celle du sens réel, de sa haqîqa.

Ici encore, c’est la littérature du hadîth qui fournit l’armature à cette discipline singulière qu’est l’onirocritique. Le Prophète a en effet joué souvent le rôle d’interprète de rêves, car les Musulmans venaient l’interroger sur leurs songes. La littérature du hadîth nous a laissé de nombreux exemples de ce genre de consultations. Parfois, Muhammad interprétait ses propres rêves : s’étant vu boire du lait en telle quantité qu’il en ruisselait de ses doigts et qu’il en offrit à boire à 'Umar, il expliqua à ses Compagnons qu’en l’occurrence, le lait désignait la science (al-'ilm). Il est hors de doute que le symbolisme coranique joua un rôle éminent à la fois dans le contenu des rêves et dans leurs interprétations.

A 'Abd Allâh ibn Salâm qui avait rêvé qu’il s’était accroché à une anse située au sommet d’une colonne dressée au milieu d’un jardin verdoyant, Muhammad répondit : ’'Abd Allâh mourra en tenant l’anse solide’. La référence coranique (verset II 256 ou XXXI 22) est ici tellement transparente que le hadîth ne l’explicite même pas. Une autre fois, 'Amr ibn al-'As, le futur conquérant de l’Égypte, lui aurait raconté qu’il s’était vu une nuit en train de sucer deux de ses doigts dont l’un était de graisse, et l’autre de miel. ’Tu lis les deux Livres, la Torah et le Coran’, lui aurait répondu Muhammad.

Les interprétations de rêves par Muhammad que nous a laissées la Tradition portent essentiellement sur des sujets religieux (l’au-delà), moraux, juridiques (état de pureté). Muhammad récusa comme étant des pièges ou des farces sataniques des rêves qui ne relevaient pas de ces registres : ainsi celui d’un Bédouin qui avait vu sa tête rouler devant lui, et qui l’avait reprise et remise à sa place. Muhammad refusa en l’occurrence d’en fournir une explication. Est-ce à dire que l’oniromancie musulmane devait se cantonner aux thèmes religieux essentiellement
? La réalité historique qui s’est dessinée par la suite au cours des siècles formateurs de la pensée musulmane a répondu à cette question de façon nuancée. Schématiquement, on peut distinguer :

- une onirocritique à portée essentiellement religieuse et morale, qui s’est diffusée dans les milieux piétistes. Elle est représentée de façon exemplaire dans le rôle joué par les rêves dans l’éducation spirituelle du novice soufi. Le murîd raconte à son maître les rêves importants qu’il a reçus, et le maître peut en fonction de ces messages donner des avis et directives précis. Les grands maîtres soufis ont eux-mêmes raconté des récits de visions parfois somptueuses et d’une vaste portée spirituelle : que l’on pense à ceux de Hakîm Tirmidhî (cf son autobiographie spirituelle Bad’ sha’n ... al-Hakîm al-Tirmidhî), de Rûzbehân Baqlî (cf son Kashf al-asrâr cité plus haut), d’Ibn 'Arabî (cf C.Addas, Ibn 'Arabî ou la quête du Soufre Rouge, Gallimard, nrf, 1989) ou de Najm al-dîn Kubrâ (cf ses Fawâ’ih al-jamâl, éd. et comm. par F.Meier, Akad. Wiss. Lit., Wiesbaden, 1957). Ces rêves s’apparentent souvent à des sortes de révélations de portée individuelle ; ils peuvent parfois annoncer en toute clarté le message dont ils sont porteurs, ou bien celui-ci peut être dévoilé plus tard par une vision ou un événement ultérieurs.

- une onirocritique plus populaire, et centrée autour de questions beaucoup plus profanes. Dès les premiers siècles après l’Hégire, l’activité des onirocrites aboutit à la constitution d’amples recueils constitués par regroupements thématiques. Nous ne pouvons ici que renvoyer aux travaux de Toufic Fahd à leur endroit (cf Bibliographie, infra). Particulièrement diffusés et consultés jusqu’à nos jours dans les pays de langue arabe sont par exemple Al-Qâdirî fî al-ta'bîr d’al-Dînawarî (m. vers 1009), Al-ishârât fî 'ilm al-'ibârât d’Ibn Shâhîn (m. en 1468), le Ta'tîr al-anâm, dictionnaire oniromantique dû à 'Abd al-Ghanî al-Nâbulsî (m. en 1731), et surtout le Tafsîr al-ahlâm al-kabîr (trad. fr. de Youssef Seddik Le Grand Livre de l’interprétation des rêves, Paris, Al-Bouraq, 1993). Attribué au Suivant Muhammad ibn Sîrîn (m. en 728) lui-même, ce dernier correspond en fait à une compilation assez tardive due sans doute à Abû 'Alî al-Dârî (15e siècle ?).

L’ensemble de ces textes tranchent nettement face aux interprétations mystiques des soufis par exemple. Les interprétations se rapportent le plus souvent à la vie quotidienne, au mariage et aux enfants, aux rapports avec les puissants... Est-ce à dire qu’ils n’auraient à occuper qu’une place marginale ou suspecte dans la cité musulmane
? La réponse est ici négative. Les onirocrites ont toujours su se prévaloir de sources scripturaires et occuper leur place dans l’espace social de l’Islam sunnite. Les rêves de ses compagnons de geôle interprétés par Joseph (Coran XII 36 sq) n’avaient-ils pas un contenu simplement profane
? Le prophète Muhammad n’a-t-il pas accepté d’interpréter des rêves de portée pratique, concernant une épidémie par exemple
?

Plus profondément : est-il possible d’isoler dans la vie personnelle du croyant ce qui relève de la piété pure, d’une sphère de vie uniquement profane
? Tous ces recueils contiennent du reste de nombreuses exégèses de portée morale ou religieuse, dès lors que le rêveur a vu des personnes (prophètes, Compagnons, saints) ou des symboles (rituels, lieux sacrés...) chargés en ce sens durant son sommeil.

La démarche interprétative des onirocrites

Quelques mots sur la démarche interprétative des onirocrites musulmans. Les symboles oniriques étant selon eux issus de la Table Gardée, donc homogènes entre eux et non arbitraires, il devait être possible de les répertorier, de fonder un savoir et une démarche herméneutique. Une première attitude aura été de chercher tout ce qui, dans la Tradition scripturaire ou dans l’usage des premiers Compagnons et Suivants, permettait de fournir des bases à la translation de sens : ainsi le lait renvoyant à la science, comme nous l’avons vu à propos du hadîth cité plus haut. Les données scripturaires constitueraient des bases (usûl) pour les développements (furû') de l’onirocritique, qui se construirait ainsi un peu à la manière du droit.

Mais la pratique a bien vite montré qu’un symbole onirique ne porte pas un sens unique et univoque ; il ne prend son sens que dans la relation aux autres éléments du rêve. Ainsi le lait, dans un autre contexte onirique, prendra-t-il des significations bien différentes, notamment celles de l’argent sous diverses formes ; il s’agira de savoir si c’est du lait de brebis, de chamelle, de bête sauvage etc qui a été vu. Les répertoires des grands onirocrites se sont gonflés de nouveaux matériaux au fur et à mesure que la pratique s’étoffait. Cela a-t-il entraîné rigidité et sclérose dans l’interprétation au fil des siècles ? La chose n’est pas sûre. D’abord, parce qu’il est peu probable que les véritables onirocrites se soient mis à appliquer ces livres comme des recueils de recettes : ces textes fournissaient des repères à l’interprétation, non des cadres immuables.

Le principe de base mis en valeur par les théologiens est bien, nous l’avons vu, que le message issu du monde céleste est reçu par le rêveur par l’intermédiaire de sa faculté imaginative (khayâl) ; celle-ci dépend de sa constitution, de son éducation, de la pureté morale de chaque sujet. Dès lors, chaque rêve revêtira forcément une forme originale, propre à la personne qui l’a vécu.

Sommes-nous pour autant autorisés à discerner dans cet effort d’interprétation des rêves comme une lointaine préfiguration de la démarche psychanalytique
? Dans son L’oniromancie d’après Ibn Sîrîn (Damas, 1958), A.Abdel Daïm avait proposé des développements suggestifs sur les parallèles entre l’approche freudienne et celle du grand Tafsîr al-ahlâm. Il notait ainsi chez Ibn Sîrîn la prise en compte de l’association de plusieurs images apparemment sans lien entre elles ; l’explication des images par assonance, jeu de mots, étymologie ; plus généralement l’importance donnée au désir - notamment sexuel - et aux craintes profondes du rêveur ; enfin l’usage d’un réseau de symboles parfois proches des images oniriques rencontrées par les psychanalystes (Jung est également cité) au cours de leur pratique clinique.

Il me semble hors de doute que les traités onirocritiques de langue arabe peuvent fournir un matériau d’une richesse immense à une réflexion analytique qui, dans le champ des civilisations orientales, en est encore à ses balbutiements.

Mais il n’en reste pas moins que le rêve, en psychanalyse freudienne en tout cas, traduit une expérience rigoureusement individuelle fondée sur le refoulement du désir, et son imagerie dépendra pour beaucoup de chaque parcours particulier. La tradition musulmane, elle, insistera beaucoup plus sur la transcendance de l’image onirique. A l’exemple du prophète Muhammad, elle aura tendance à éloigner ce qui semble trop personnel pour donner du sens socialement parlant (cf le rêve évoqué plus haut du Bédouin qui avait vu sa tête rouler devant lui, et qui fut attribué à l’influence de Satan). L’image onirique, dans les textes musulmans, est transpersonnelle tout en se modulant en fonction des différents cas individuels. On pourrait la comparer à la lettre d’un alphabet qui possède une forme stable (transcendante, non arbitraire) mais dontl’associationà d’autres lettres engendre des significations sans cesse renouvelées. Un arbre, un oiseau, une montagne entrent ainsi dans une morphologie et une syntaxe ’célestiels’ puisque rapportés aux rythmes du Malakût.

Et l’on comprend dès lors combien est ténue chez les prophètes, saints et visionnaires la frontière entre la conscience à l’état de veille et celle du rêveur. Najm al-dîn Kubrâ raconte que, lors d’une vision fulgurante, il perçut soudainement les constellations dans le ciel nocturne comme un vaste alphabet déroulant un message cosmique devant les yeux des hommes. Où se situent ici le rêve et son symbole, et où l’éveil et ses réalités ?

Pierre LORY (EPHE)

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