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Étymologiquement, "Imamat" en arabe désigne le fait que quelqu'un se met en avant pour que les gens le suivent et font ce qu'il fait ou l'imitent. L'imam est donc "l'imité" (moqtadâ) et ceux qui l'imitent s’appellent "moqtadî" ou "ma'moum".
l'Imamat, est comme la Prophétie, une Grâce (lutf) d'Allah. Par conséquent, il y a nécessairement, à toute époque, un Imam guidant qui succède au Prophète dans les fonctions de guider et d'orienter les gens vers la bonne Voie et la prospérité dans les deux mondes.
C'est pourquoi l'Imamat est la continuation de la Prophétie, et la preuve de la nécessité de l'envoi de Messagers et de Prophètes est la même pour succéder au Prophète.
Pour cette raison nous disons que l'Imam ne peut être désigné que par une Décret d'Allah communiqué par le Prophète . L'Imamat ne peut pas être le résultat d'une élection ou d'un choix fait par les gens.Alors que le Califat lui oui il peut etre choisis par éléction( l'Imamat et le Califat étant complémentaire)
Par conséquent, il n'est pas possible qu'une époque de l'histoire soit sans un Imam à qui les gens ont l'obligationt d'obéir et ce, peu importe qu'ils l'acceptent ou le refusent, qu'ils le soutiennent ou non, qu'ils lui obéissent ou non, qu'il soit physiquement présent ou en occulation, car de même qu'il est admis que le Saint Prophète Mohammad était demeuré hors de la vue des gens dans la grotte de Thawr ou dans le Chi`b (le passage montagneux) d'Abî Tâlib, de même il est admissible que l'Imam disparaisse de la vue des gens peu importe, rationnellement, que son occulation soit longue ou brève.
Nous croyons que l'Imamat est l'un des Principes fondamentaux de l'Islam et que le Musulman ne saurait compléter sa Foi sans croire en ce Principe. A ce sujet, il n'est pas permis qu'un Musulman se contente de suivre ses ancêtres, ses proches parents ou ses éducateurs, même s'ils jouissent d'une haute position de notoriété et d'honorabilité, car il est obligatoire pour le Musulman d'établir sa croyance en l'Imamat par des arguments et le raisonnement, exactement comme il le fait pour le Monothéisme et la Prophétie.
La philosophie de l’Imâmat selon les croyances chiites
"Si vous comptiez les bienfaits de Dieu, vous ne sauriez les dénombrer" (Coran ; 16:18)
Si le chiisme a fait l’objet d’attaques en tout genre au cours de son histoire, l’assaut le plus virulent qui lui fut adressé se situe sans doute au niveau du dogme : le rang qu’il accorde aux Imâms porterait atteinte à l’unicité et la seigneurie divines, tandis que le concept de wilâyat remettrait en cause le principe même de la fin de la prophétie scellée par Mohammad. Au sein des différentes écoles de l’islam, la critique est souvent formulée en ces termes : si Dieu a envoyé un prophète et révélé un livre qui se présente comme étant un "éclaircissement de toute chose" (16:89), pourquoi aurait-on besoin d’un Imâm ?
Au cours de cet article, nous allons évoquer plusieurs raisons qui, selon les chiites, justifient la nécessité de l’existence d’un légataire (wasî) et d’un successeur à la suite d’une révélation prophétique. Nous devons à ce titre rappeler qu’en tant que l’un des cinq principes fondamentaux du chiisme, l’Imâmat [1] n’est en premier lieu pas une affaire de foi mais d’intellect : le croyant doit d’abord accepter rationnellement la nécessité de l’existence d’un Imâm succédant à la prophétie avant de suivre une personne particulière revendiquant le titre d’Imâm. Cette dimension rationnelle à la source de l’existence de l’Imâmat a été évoquée dans l’article intitulé "Qu’est-ce que le chiisme ?" publié dans ce même numéro. Suivant une logique de complémentarité, le présent article vise à expliciter davantage les raisons justifiant l’existence des Imâms en nous basant notamment sur différents aspects de leur vie à la lumière du contexte historique de chaque époque.
Cette présentation permettra également de souligner l’ampleur du rôle dévolu à l’Imâm, couvrant des domaines aussi variés que l’exégèse, la cosmologie, la métaphysique mais aussi le droit, la politique, etc. ; cette diversité ne faisant que refléter les différentes dimensions de l’existence de l’Imâm, à la fois terrestre et extérieure (zâheri), mais aussi spirituelle et suprasensible (bâteni). Il faut enfin rappeler que selon un point de vue chiite, les Imâms sont des hommes parfaits et préservés de toute erreur, la plus haute manifestation des noms de Dieu sur terre. Toute pensée ou écrit à leur propos est donc condamné à ne saisir qu’un aspect limité de leur personnalité.
Après la mort d’un Prophète, l’une des premières missions de l’Imâm est de ne pas laisser dépérir l’élan spirituel de la jeune communauté musulmane, et de rappeler aux croyants l’esprit et les fondamentaux de la religion. Le but d’une religion est d’inviter l’homme à croire en l’invisible et à orienter l’ensemble de ses actes en vue d’un Au-delà imperceptible par les sens, élan qui demande à être accompagné, entretenu, pour ne pas retomber, et qui ne peut s’enraciner à l’échelle d’une société en seulement quelques décennies. D’un point de vue historique, avec l’arrivée de nouvelles générations n’ayant pas connu le Prophète, le message divin a connu de sérieuses déformations face aux nouveaux enjeux de pouvoir et à l’attrait des biens de ce monde, pour parfois n’être réduit qu’à une écorce vide. L’un des rôles fondamentaux de l’Imâm est donc de garder cet appel originel vivant, de l’enraciner dans l’esprit des gens, et de le préserver d’éventuelles déviations. Comme nous allons le voir, la mission des premiers Imâms ne fut pas seulement d’expliciter les principes fondamentaux de la religion tels que l’unicité de Dieu, l’existence d’un Au-delà… mais d’abord de les rappeler. [2] De nombreuses paroles de l’Imâm Sajjâd consacrées au simple rappel des principes de base de la religion tels que la résurrection et l’existence d’un Au-delà, laissent entendre à quel point les croyances étaient affaiblies moins de soixante ans après la mort du prophète Mohammad. A l’époque de l’Imâm Bâqer, les affaires religieuses demeuraient fortement négligées. Ibn ’Abbâs rapporte à ce propos qu’à la tribune de Basra, lors du sermon de la fin du mois de Ramadan, on rappela aux gens de donner l’aumône de leur jeûne (zakât al-fitra) [3], ces derniers ignorant ce principe essentiel scellant la fin de ce mois sacré. A la même époque, on rapporte que la majorité des croyants avait oublié les rites du pèlerinage à La Mecque , tandis que certains habitants de Shâm ignoraient le nombre de prières obligatoires.
Nous pouvons ici mieux cerner le rôle des Imâms comme "gens du rappel" et comprendre que sans eux, il ne serait sans doute pas resté grand-chose non seulement de l’esprit de l’islam, mais aussi des pratiques rituelles les plus élémentaires. Cette réalité a été confirmée par l’Imâm Bâqer, qui, à propos du verset suivant, "Nous n’avons envoyé avant toi que des hommes à qui Nous faisions des révélations. Interrogez les gens du Rappel, si vous ne savez pas." (21:7), souligne : "Nous sommes les gens du Rappel" , ou dit à propos de ce verset : "La permanence de Dieu est meilleure pour vous si vous êtres croyants" (11:86) : "Je suis la permanence de Dieu."
Outre le rappel du Coran, les Imâms ont également permis de revivifier différentes traditions du Prophète ayant été oubliées ou sciemment effacées par certains califes. Les Imâms Bâqer et Sâdeq ont aussi formé de très nombreux savants dans le domaine des sciences islamiques, permettant un enracinement et une diffusion sans précédent de la lettre et de l’esprit de la révélation. Ils eurent également un rôle essentiel dans l’explicitation des fondements du droit (usûl al-fiqh), lançant ainsi un vaste mouvement de recherche sur le plan juridique (ijtihâd) en donnant une assise solide au droit et en invitant ensuite les savants religieux à déduire par eux-mêmes des règlements de ces principes généraux.
La nécessité de l’existence d’un Imâm repose également sur une conception particulière de la révélation comme véhicule d’un message qui, loin de se limiter à sa seule signification apparente, comporte de multiples niveaux d’interprétation eux-mêmes fondés sur l’existence de sens ésotériques (butûn) allant jusqu’à soixante-dix ou plus, selon certains hadiths. D’un point de vue strictement rationnel, comment pourrait-on prétendre comprendre la parole de Dieu en quelques lectures et avec un intellect limité ? Comme le souligne Christian Bonaud en reprenant les propos de Mollâ Sadrâ, "la plupart des intellectuels sont déjà incapables de lire les livres d’Aristote et de Platon et de comprendre les propos de philosophes tels qu’Avicenne ou Farabi : comment pourraient-ils alors avoir la science du Coran, alors que c’est un Livre rempli de symboles, de significations ésotériques et de versets ambigus apparemment contradictoires et qui exigent d’être interprétés ?" Le contenu du Coran demande donc à être interprété et son esprit profond dégagé par des êtres qui non seulement le connaissent parfaitement, mais dont l’existence est la manifestation même de ces significations.
Selon le chiisme, les Imâms sont les acteurs de cette interprétation, d’où leur qualificatif de "Coran parlant" (qor’ân nâteq). Après la période de la Révélation (tanzil), les Imâms sont désormais ceux qui assurent le ta’wîl , c’est-à-dire la reconduction du sens apparent du Coran aux sens originels et ésotériques. La présence de l’Imâm permet donc de faire une lecture à la fois juste et profonde du Coran, et de ne pas tomber dans le piège de certaines interprétations littérales pouvant aboutir à de l’anthropomorphisme (tashbih). Il préserve la vérité spirituelle de la religion sans laquelle cette dernière ne devient qu’une écorce vide se limitant à des rites extérieurs. La présence de l’Imâm comme "herméneute du Livre" permet ainsi de concilier l’aspect littéral et apparent (zâher) avec l’aspect profond et ésotérique (bâten) de la religion sans sacrifier aucune de ces dimensions et en gardant un équilibre permanent entre les deux.
L’un des aspects important de cette mission est d’expliquer le sens profond de certaines obligations religieuses et légales. Concernant l’aumône légale (zakât), l’Imâm ’Ali souligne que loin de se limiter à un don matériel, la zakât embrasse en réalité l’ensemble des aspects de la vie humaine : la zakât de la puissance est l’équité , la zakât de la beauté est la chasteté, celle de la santé est l’effort dans l’obéissance à Dieu tandis que la zakât du corps est le jeûne . L’Imâm Sâdeq rappelle également que la zakât savoir est de l’enseigner à ceux qui s’y consacrent. Les Imâms expliquent aussi les effets invisibles de certains piliers de la foi, tels que la prière : "Si à proximité de l’un de vous se trouvait un fleuve qui lui permettrait de s’y laver cinq fois par jour, resterait-il des souillures sur son corps ? En vérité, la prière est comme le fleuve qui purifie. Ainsi, à chaque fois que quelqu’un s’acquitte d’une prière, elle purifie des péchés, sauf le péché qui l’a éloigné de la foi et qu’il continue de perpétrer." ; "Si celui qui prie savait ce qui l’enveloppe de la majesté de Dieu, il ne souhaiterait pas relever sa tête de la prosternation", ou le jeûne : "Le sommeil de celui qui jeûne est une adoration, son silence est une louange, son acte est agréé et son invocation est exaucée." L’Imâm Sâdeq vient rappeler, selon le même principe que l’aumône, qu’il ne faut pas limiter le jeûne au simple fait de s’abstenir de nourriture : "Si tu jeûnes, fais en sorte que ton ouïe, tes cheveux et ta peau jeûnent." Il énuméra d’autres parties du corps puis dit : "Le jour de ton jeûne ne doit pas ressembler au jour où tu ne jeûnes pas." Les Imâms viennent également éclaircir certaines raisons de son obligation : "C’est pour que le riche ressente la douleur de la faim et soit ainsi généreux envers le pauvre."

Sous le règne des califes omeyyades puis abbassides, les Imâms eurent un rôle de premier plan pour préserver l’islam de multiples interprétations déviationnistes, alors que de vastes politiques de corruption étaient mises en place afin de favoriser l’apparition de diverses sectes destinées à semer la confusion dans les esprits ou à servir d’arme idéologique du régime. La majorité des califes s’efforçait de gagner la sympathie des personnalités religieuses importantes en leur offrant argent, biens… pour ensuite leur demander de forger des hadiths ou de décréter des fatwas en vue de justifier leur politique du moment. Dans ce contexte, les Imâms se virent conférer un rôle central dans la réfutation de ces différentes écoles au moyen de débats et controverses avec leurs savants , tout en mettant en garde des dangers issus de tout raisonnement personnel basé sur l’analogie.
Ces déviations concernaient les domaines juridique, exégétique, théologique… A titre d’exemple, le courant jabbarite, largement appuyé par les Omeyyades, prônait l’existence d’un déterminisme divin absolu – idée fondamentalement en désaccord avec la liberté de l’homme défendue par les chiites -, idéologie qui justifiait une soumission aveugle à tout pouvoir quel qu’il soit et décourageait toute idée de rébellion car sur cette base, le fait qu’un dirigeant injuste tienne les rênes du pouvoir n’est que le reflet d’une volonté divine implacable à laquelle il est inutile de s’opposer. Nous pouvons également citer la secte des Murji’ites apparue à l’époque de l’Imâm Sâdeq qui soutenait qu’il était impossible d’émettre le moindre jugement en ce monde et de savoir si telle personne irait au Paradis ou en Enfer. Cette logique, entraînant une absence totale de jugement à propos des pires agissements, permettait de justifier la débauche du pouvoir.
Les Imâms ont aussi mené une vaste entreprise de réfutation des faux hadiths, tout en donnant des critères généraux permettant à chaque croyant de distinguer lui-même le vrai du faux. S’ils sont un rappel, les Imâms ont également été comparés à l’arche de Noé ou à une ancre permettant de ne pas perdre totalement le cap dans la tempête. Dans ce sens, en commentant ce verset "Ainsi que des points de repères. Et au moyen des étoiles, [les gens] se guident." (16:16), l’Imâm Rezâ a dit : "Nous sommes ces points de repères, et l’étoile, c’est le Messager de Dieu."

Une autre raison justifiant la présence des Imâms est de permettre au croyant d’apprendre à vivre sa religion dans différents contextes historiques, et de distinguer ce qui est inchangeable quel que soit le contexte de ce qui peut être sujet à adaptation. Ce rôle permet à la fois de ne pas sacraliser certaines pratiques qui ne le sont pas, et de ne pas réduire à un contexte historique, et donc mettre de côté, ce qui a une portée permanente. De par leur façon de vivre l’islam dans des conditions différentes – la liberté et l’oppression, l’opulence et la pauvreté, etc. -, les Imâms invitent à séparer l’essence de l’écorce, et à saisir l’esprit profond de certaines règles susceptibles d’être appliquées de différentes manières selon l’époque.
A titre d’exemple, on reprocha un jour à l’Imâm Sâdeq de porter de beaux vêtements, alors que l’Imâm ’Ali portait en son temps des vêtements rudes et élimés. Il répondit : "’Alî, fils d’Abî Tâleb s’habillait ainsi à une époque où on ne protestait pas et s’il s’habillait ainsi aujourd’hui, il se ferait dénigrer. Le meilleur des vêtements de chaque époque est le vêtement des gens de l’époque." L’Imâm Sâdeq réfute ici l’idée d’une sacralité des vêtements humbles en soulignant que les croyants se doivent de vivre dans les mêmes conditions matérielles que la majorité des gens : son habillement peut donc évoluer lorsqu’une époque est plus prospère.

Cette même logique peut s’appliquer à propos de certains principes évoqués par le Coran, tels que le nécessité de se prémunir contre toute attaque éventuelle d’un ennemi : "Et préparez contre eux tout ce que vous pouvez comme force et comme cavalerie équipée, afin d’effrayer l’ennemi de Dieu et le vôtre" (8:60) Ce verset pose le principe général de la dissuasion préventive destiné à éviter tout combat, et précise concrètement que cela passe par l’acquisition de chevaux. Selon la logique évoquée précédemment, nous comprenons que ce principe général, c’est-à-dire apparaître fort face à un ennemi pour le dissuader de toute attaque, est inaltérable. Néanmoins, sa mise en œuvre est susceptible d’évoluer selon les époques : les chevaux sont remplacés par des armes plus sophistiquées, etc.
En tant que Coran parlant, l’Imâm a ici un rôle essentiel pour dégager l’esprit d’un principe et permettre l’évolution harmonieuse de la religion au cours de l’histoire, en la préservant à la fois d’une fossilisation et d’ "adaptations" susceptibles de remettre en cause sa vérité profonde.
Le Coran évoque clairement que l’un des buts de la prophétie est d’instaurer une société juste et équitable : "Nous avons envoyé Nos messagers avec des preuves évidentes, et nous avons fait descendre avec eux le Livre et la Balance afin que les hommes observent l’équité" (57:25). L’Imâmat n’étant que le prolongement de la prophétie, la mission des Imâms consiste aussi à réformer les gens ainsi qu’à préparer le terrain à l’instauration de la meilleure organisation possible de la société ; organisation devant offrir le meilleur cadre possible à l’épanouissement des potentialités spirituelles de chacun.
Le refus de l’Imâm Hossein de se soumettre à un pouvoir injuste a également enraciné un esprit révolutionnaire tout en insistant, contre les écoles déterministes qui fleuriront par la suite, que l’homme est maître de son destin : il lui appartient donc de se dresser contre l’oppression et d’édifier la société dans laquelle il souhaite vivre.
A chaque époque, les Imâms se sont efforcés chacun à leur manière d’opérer un redressement moral de la société face au développement de la débauche des dynasties omeyyade et abbasside en insistant sur l’importance du bon comportement, de la générosité, en rappelant les interdits… tout en menant eux-mêmes une vie basée sur la piété, le respect de l’autre, l’aide aux pauvres, et la bonté en toutes circonstances. Leur mode de vie est donc lui-même un rappel de l’ensemble de ces principes et de ce que doit être la vie d’un croyant. Par conséquent, outre le fait de donner une vision juste de l’islam sur le plan théorique, la mission des Imâms a également une dimension éminemment pratique, en rappelant le sens profond de chaque acte qui doit être orienté vers Dieu. Un grand nombre de hadiths nous sont rapportés à ce sujet. A titre d’exemple, lorsqu’un mendiant arrivait, l’Imâm Sajjâd s’exclamait : "Bienvenue à celui qui porte mes provisions pour l’Au-delà." , tout en invitant les gens à ne pas commettre d’injustice sur terre et à être satisfaits de ce qu’ils détiennent : "Celui à qui suffit ce que Dieu lui a imparti est le plus riche des hommes." ; "Ne craignez pas l’injustice de votre Seigneur, craignez surtout votre propre injustice envers vous-même." Dans cette optique, les Imâms invitaient également à se détacher de ce monde : "Considère le monde d’ici-bas comme une maison où tu as habité et de laquelle tu as déménagé, où comme de l’argent que tu as possédé dans un rêve et que tu as perdu à ton réveil. En vérité, je te donne ces exemples car chez les gens de savoir et de connaissance en Dieu, le monde d’ici-bas est comme l’ombre."
Si les Imâms sont une "lumière unique" ayant une même mission, les particularités existentielles de chacun d’entre eux alliées au changement des circonstances historiques ont permis la manifestation d’un aspect plus particulier de l’Imâmat et, partant, de la religion. Le califat de l’Imâm ’Ali a permis de mettre en relief la dimension politique de l’Imâmat fondé sur l’instauration de la justice, l’Imâmat de l’Imâm Hassan la patience face aux vicissitudes du temps, tandis que le martyre de l’Imâm Hossein a révélé la dimension révolutionnaire de l’Imâmat et son refus de toute compromission avec un pouvoir corrompu. La vie et les invocations de l’Imâm Sajjâd mettent quant à elles davantage en relief la dimension spirituelle de l’Imâmat, tandis qu’avec les Imâms Bâqer et Sâdeq, sa dimension intellectuelle, juridique et organisationnelle est affirmée. Ces différents aspects révèlent que certaines choses, comme par exemple l’opposition ouverte contre un pouvoir tyrannique, peut, selon les circonstances, être obligatoire, permise ou interdite. Le comportement de l’Imâm de chaque époque donne au croyant des clés lui permettant de saisir ces subtilités dans des contextes différents et d’agir au mieux selon les circonstances de sa propre époque.
Selon le chiisme, le but visé par l’islam est actualisé dans ce monde même au travers d’une personne : celle de l’Imâm, qui est l’Argument de Dieu auprès de Ses créatures en ce qu’il leur montre ce à quoi doit mener l’ensemble des prescriptions de la religion. En outre, le principe de la justice divine exige que la terre ne soit jamais dépourvue d’un intermédiaire entre Dieu et les hommes qui les guide et par lequel l’erreur puisse être distinguée du vrai. La prière de la lamentation (do’a-ye nodbeh) de l’Imâm Sâdeq résume parfaitement cette dimension de l’Imâmat : "A chacun [des prophètes] Tu [Dieu] donnas une Loi et traças une voie, et Tu choisis pour lui des Successeurs nommés, dépositaires vigilants succédant l’un à l’autre, époque après époque, pour maintenir Ta religion et servir d’Arguments envers Tes serviteurs, afin que la vérité ne cesse d’être établie, que sur ceux qui la suivent l’erreur n’ait point d’emprise et que nul n’aille dire : "Que n’as-Tu envoyé vers nous un messager venant [nous] avertir et établi pour nous un signe qui [nous] guide, de sorte que nous aurions suivi Tes [versets et Tes] signes avant que de connaître l’opprobre et l’infamie !"(Coran, 20:134)"
L’Imâm est un véritable lien entre le spirituel et le terrestre, "Lieu-tenant" (khalifa) de Dieu en ce monde et manifestation des perfections divines à l’homme : "Le regard qui est simultanément Dieu regardant l’homme et l’homme regardant Dieu, c’est cela l’Imâm, comme pôle mystique, comme Face de Dieu vers l’homme et Face de l’homme vers Dieu. C’est la raison pour laquelle nos ésotéristes répètent que sans ce pôle mystique, l’humanité ne pourrait persévérer dans l’être. L’idée shî’ite révèle ici à la fois sa profondeur métaphysique et sa fructification immédiate en expérience spirituelle." [
Ainsi, outre son tutorat juridique et sur le plan des croyances (wilâyat tashri’i), la présence des Imâms sur terre a également une dimension ontologique appelée wilâyat takwini. Cette dimension permet la permanence même du monde et de ses habitants, car sans un Argument divin manifestant le but de la création et par lequel l’homme établit un lien avec son Créateur, ce monde n’aurait plus lieu d’être : "Si la terre se vidait de l’Argument, elle disparaîtrait avec tous ses habitants." Pour reprendre les mots de Henry Corbin, "la Terre ne peut jamais être privée d’un Imâm, fût-il caché et invisible, parce qu’elle serait alors sans communication avec le Ciel ; l’Imâm est le pôle mystique ; s’il cessait d’exister, l’humanité se saurait persévérer dans l’être."
Cette dimension s’enracine dans la double réalité de l’Imâm à la fois comme personnage historique et réalité métaphysique : selon cette seconde dimension, les Imâms sont considérés comme étant les manifestations (mazhar) d’une théophanie primordiale divine créée de toute éternité – celle des Quatorze immaculés incluant le Prophète Mohammad, sa fille Fâtima, et les Douze Imâms – qui fut et constitue le support des Noms et Attributs divins. Leur réalité profonde a donc une dimension cosmique et révèle la correspondance étroite entre univers spirituels et visibles – les Imâms étant la manifestation de ces Noms en ce monde et ce qui lui donne sa raison d’être.
L’Imâm est donc, comme nous l’avons évoqué, un "pont entre ciel et terre" permettant à la miséricorde divine d’embrasser le monde. Cet aspect nous permet de saisir le sens de la réponse de l’Imâm Bâqer lorsqu’on lui demanda à quoi servait l’Imâm : "Pour que le monde reste en bon ordre ! Et cela parce que Dieu Tout-Puissant suspend le châtiment pour les habitants de la terre s’il s’y trouve sur terre un Prophète ou un Imâm. Dieu Tout Puissant a dit : "Mais Dieu ne veut pas les châtier alors que tu es au milieu d’eux" (8:3). […] Par eux Dieu pourvoit aux besoins de Ses serviteurs ; par eux Ses pays sont construits ; par eux descend la pluie du ciel ; par eux sortent les bénédictions de la terre ; par eux est accordé un délai aux pêcheurs et [par eux] n’est pas précipité contre eux le châtiment, ainsi que la torture."
De nombreux textes de ziyârat adressés aux Imâms attestent de cette réalité : "Par vous, Dieu a commencé et par vous, Il va clore. Par vous, Il fait descendre la pluie et par vous, Il retient le ciel et l’empêche de tomber sur la terre, sauf avec Son autorisation. Par vous, Il dissipe les soucis et soulage de la misère, auprès de vous se trouve ce qu’ont révélé Ses Messagers et ce qu’ont descendu Ses Anges."
Selon la même logique, et comme le rappelle un hadith de l’Imâm Rezâ, les Imâms sont la clé de l’exaucement des prières : "Lorsque vous faites face à une difficulté, demandez de l’aide à Dieu par notre intermédiaire. C’est la parole même de Dieu qui a dit : "C’est à Dieu qu’appartiennent les noms les plus beaux. Invoquez-Le par ces noms" (7:180) ; J’en jure par Dieu, ce sont nous qui sommes les noms les plus beaux de Dieu, l’invocation d’une personne ne sera exaucée que par notre connaissance."
Les enseignements légués par les Imâms regorgent d’explications subtiles sur des questions aussi complexes que celles de l’Unicité divine : "Celui qui L’a décrit L’a limité, et celui qui L’a limité l’a compté , celui qui L’a compté a infirmé Son éternité. Celui qui demande : "Comment est-Il ?" L’aura décrit, et celui qui demande : "Où est-Il ?" L’aura situé dans un lieu particulier." , mais aussi sur la prophétie, le lien unissant l’homme à Dieu… : "Celui qui veut avoir une idée de sa considération auprès de Dieu, qu’il observe la considération qu’il donne à Dieu en lui, car Dieu donne à son serviteur la même considération que le serviteur donne à Dieu dans son âme." ; "Celui qui se connaît, connaît son Dieu." ; "Vous êtes redevables de mille remerciements obligatoires à chacun de vos souffles, et même de davantage."
Ces enseignements permettent de faire prendre conscience à l’homme de l’infinie bonté divine, tout en lui donnant une vision du monde basée sur l’unicité (tawhid) ainsi qu’un cadre de pensée sur la base de laquelle fonder sa réflexion et agir. Dans ce sens, l’invocation de l’Imâm Hossein le jour de ’Arafat contient des trésors d’unicité mis à la disposition de tous les croyants, et exprime avec une subtilité extrême la relation de Dieu au monde : "Quand as-Tu disparu pour que Tu aies besoin d’un indice qui te signale ? Quand T’es-tu éloigné pour que ce soient les traces, elles, qui me conduisent à Toi ? Aveugle l’œil qui ne Te voit pas."
En tant que manifestation la plus parfaite des différents Noms de Dieu, l’existence même de l’Imâm permet aux hommes de mieux connaître leur Créateur : "Connaît Dieu Tout-Puissant et L’adore, celui qui connaît son Imam [venant] de nous, Ahl al-Bayt. Celui qui ne connaît pas Dieu Tout-Puissant ni ne connaît son Imâm de nous, Ahl al-Bayt, alors il connaît et adore un autre que Dieu". Cette réalité ne remet pas en cause la transcendance divine, les Imâms insistant eux-mêmes dans de nombreux hadiths qu’ils sont avant tout des serviteurs (’ibâd) tenant l’ensemble de leurs perfections de Dieu et se situant dans une relation de dépendance absolue par rapport à Lui.
Outre les milliers de hadiths qui constituent de véritables trésors spirituels, les Imâms, et plus particulièrement l’Imâm Sajjâd, ont légué un grand nombre d’invocations d’une beauté et d’une profondeur uniques. Ces invocations enseignent au croyant comment s’adresser à Dieu, ce qu’Il faut Lui demander, lui apprennent à construire une relation avec Dieu, tout en dévoilant certains mystères de la Création et du lien unissant le croyant à son Créateur. Certaines de ces invocations peuvent ainsi être considérées comme de véritables traités gnostiques.
De par leur comportement, les Imâms apprennent aux croyants l’état d’esprit qu’il faut s’efforcer d’atteindre lorsque l’on veut s’adresser à Dieu. On rapporte que lorsqu’il allait faire ses ablutions en vue de la prière, l’Imâm Sajjâd devenait jaune et se mettait à trembler. Quand on lui en demandait la raison, il disait : "Savez-vous devant Qui je m’apprête à me tenir debout ?"
De nombreux hadiths renouvellent le message de pardon et de miséricorde de l’islam, et invitent le croyant à sans cesse s’adresser à Dieu et revenir vers Lui : "[…] Si vous ne faisiez pas de péchés pour que vous demandiez pardon à Dieu, Dieu aurait créé des créatures pour qu’elles fassent des péchés, puis demandent pardon à Dieu. Dieu leur pardonnerait alors. Le croyant est celui qui est mis à l’épreuve, qui revient sans cesse [à Dieu]. Vous n’avez pas entendu la parole de Dieu "Dieu aime ceux qui reviennent sans cesse à Lui et Il aime ceux qui se purifient" (2:222) et "Demandez pardon à Dieu, puis revenez à Lui" (9:3)." Dans ce sillage, l’Imâm Hossein évoque que "Si le serviteur savait à Qui il fait ses confidences, il ne cesserait pas."
On pourrait nous objecter que certains aspects abordés concernant le rôle des Imâms se raportent à une époque révolue, celle précédant l’occultation du Douzième Imâm et lorsque le croyant pouvait avoir un contact direct avec les Imâms. Or, il n’en est rien : tout d’abord parce que selon les croyances chiites, le Douzième Imâm demeure présent sur cette terre. Sur la base de sa wilâyat-e takwini , il guide intérieurement les croyants désireux de se rapprocher de Dieu et peut parfois se manifester à eux en rêve ou, plus rarement, dans la réalité. En outre, bien qu’ils n’aient plus de présence physique en ce monde, les onze autres Imâms n’en sont pas moins considérés comme vivants, et la visite de leur sanctuaire demeure une source de vivification de l’âme et un "chemin" vers Dieu. Ainsi, même après leur mort apparente, la présence et l’amour envers les Imâms demeurent à la source d’effets spirituels intarissables, suscitant des élans uniques de générosité, de courage, d’abnégation… du don de sa personne pour défendre une noble cause à celui de ses biens sous forme de waqf au bénéfice d’un sanctuaire, ou plus simplement au travers de la préparation d’un repas d’offrande en souvenir d’une naissance ou d’un martyre d’Imâm… Enfin, la portée des enseignements des Imâms, compilés dans de nombreux ouvrages, n’est pas limitée à une époque particulière : elle demeure une source de sagesse qui nourrit la pensée et la foi de tout croyant d’hier et d’aujourd’hui. L’ensemble de ces dimensions permet dès lors de mieux comprendre la portée du verset coranique révélé au sujet de la désignation de l’Imâm ’Ali comme successeur du prophète Mohammad qui ouvrit un nouveau cycle spirituel, celui de la wilâyat et de l’accomplissement du sens profond de la révélation : "Aujourd’hui, J’ai parachevé pour vous votre religion, et accompli sur vous Mon bienfait." (5:3)
http://www.islamopedia.fr/pages/qu-est-ce-que-l-islam/presentation-de-l-imamat.html
http://www.teheran.ir/spip.php?article1486

(Al-Ahzab V. 72 )
Toutes les composantes de l'Univers, à l'exception de l'Homme et des Jinns, ont décliné cette proposition divine, sachant que le choix d'être créés libres de choisir est une bien lourde responsabilité et une bien grave mission. Elles ont dit à ALLAH qui leur a permis de le dire, qu'elles sont bien incapables d'assumer la responsabilité de leur propre existence, et qu'elles ne pouvaient pas par conséquent, honorer parfaitement cette grave et lourde mission. Elles ont donc sollicité d'être asservies à la totale volonté d'ALLAH.
Et si le Seigneur ne nous avait pas informés de cela dans Son Livre Saint, le Coran, nous ne l'aurions pas su! Nous n'aurions pas su que la mission de toutes choses dans l'Univers, leur a été proposée dès l'instant initial!
Ainsi, les cieux, la Terre, les montagnes, et d'autres encore, dès lors qu'ils ont choisi en définitive d'être asservis, ils n'ont plus désormais de choix propre et sont créés astreints à l'obéissance dans l'absolu, à la volonté d'ALLAH.
Ils avaient décliné de supporter « Al Amana », ce dépôt en confiance que l'Homme, de son côté, a accepté de porter sur lui sans en mesurer les conséquences, enclin qu'il est à nuire à lui-même par ignorance.
Essayons de savoir ce que c'est « Al Amana »:
C'est un dépôt en confiance, qui consiste à confier une chose à quelqu'un, à terme, sans témoins ni preuve écrite, et de venir la reprendre, à terme échu, sans que la chose objet du dépôt ne soit sciemment altérée, diminuée, dénaturée ou perdue.
Or, Al Amana, elle, est un dépôt en confiance qui doit reposer sur la parole donnée, la loyauté, l’intégrité, la résistance à toute épreuve à toutes les tentations, et sur bien d’autres qualités.
Cela nous rapproche un peu mieux du sens donné par ALLAH (gàL) à ce dépôt en confiance qu’Il nous a fait, et qui, bien que lourd de conséquences, n’est pas pour nous subjuguer si nous savons nous en servir, car taillé à la juste mesure des possibilités de l’Homme et de ses capacités. Mais il s’adresse directement à sa conscience et il fait appel à toute sa vigilance.
C’est que la Mission qui a été proposée aux êtres et aux choses, dans l’Univers, est un véritable dépôt en confiance, que les uns ont décliné, et que les autres ont choisi d’assumer.
L’Homme est, de façon innée, le dépositaire d’Al Amana. C’est une véritable épreuve qu’il est invité à honorer en l’assumant correctement. Car, à la fin des Mondes - qui est inéluctable comme nous l’a annoncé notre Créateur - Allah nous demandera à tous, à ceux-ci et à ceux - là, des comptes sur la manière dont nous aurons pris soin (ou non) de Al Amana.
ALLAH demandera donc des comptes à toute Sa création, à terme échu, à la fin du Monde, afin de mettre en évidence par-devant chaque créature, la tâche et la mission accomplies, à quel degré, de quelle manière... selon les préceptes et la Loi divins.
Ainsi, pour l’Homme, l’heure de rendre des comptes viendra: celui qui n’aura pas accompli la Mission comme il se doit, n’aura rien à présenter devant le Seigneur et n’aura pas d’excuse: sa pesée sera allégée car il aura trahi la Mission divine qui est sa raison d’être ici-bas. Il aura failli à Al Amana.
Lorsque Al Amana a été proposée à l’Homme, donc le choix d’avoir une certaine liberté d’obéir ou de ne pas obéir aux décrets divins en ce monde, il crut, comme le lui ont fait croire ses propres penchants et son ignorance, qu’il pouvait assumer cette mission aisément et fidèlement. Et que par conséquent, il pouvait exécuter les ordres de son Seigneur et suivre, sans se départir, le chemin tracé par ALLAH (gàL), et qui devait pourtant le ramener à la demeure première de son père Adam, le Paradis.
Il se devait d’être fidèle à la mission, en exécutant les ordres divins, en vouant son adoration à ALLAH, en accomplissant la Salât (les cinq prières quotidiennes), et les autres obligations prescrites, en glorifiant son Seigneur et en le craignant, en s’assignant la piété et toutes autres œuvres dont ALLAH (gàL) l’a chargé.
http://www.islamjeunesse.com/eclairages/eclair5amana.php

Lorsque Allah ordonna pour la première fois au Saint Prophète (s) et aux Musulmans de prier quotidiennement, Il demanda à ce qu’ils le fassent en se tournant face au Baytoul Moukaddass (Jerusalem). Cette pratique fut conduite à la Mecque et perdura à Médine jusqu’au 17ème mois après l’Hégire.
A Médine, les Juifs aussi priaient face au Baytoul Moukaddass. Ils n’appréciaient pas le fait que les Musulmans aient le même Kiblah qu’eux, et utilisaient cet aspect pour discréditer l’Islam et le Saint Prophète (s). Ils disaient aux Musulmans: “Mouhammad dit avoir une religion dont les lois surpassent toutes les lois précédentes, mais il n’a pas un Kiblah à part, et prie face au Kiblah des Juifs.”
Après avoir eu écho de la chose, le Saint Prophète (s) avait l’habitude de sortir dans la nuit et d’observer le ciel attendant une révélation d’Allah sur la question. Le verset suivant naquit à cet instant:
Certes nous te voyons tourner le visage en tous sens dans le ciel. Nous te faisons donc orienter vers une direction qui te plaît...
Sourate al-Baqarah, 2:144
Le fait que le Kiblah fut le même que celui des Juifs était aussi un moyen de tester la foi des gens. La véritable foi des croyants apparaîtrait selon qu’ils acceptent ou refusent de se tourner vers le nouveau Kiblah choisi par Allah. Cela est confirmé dans le Saint Coran au verset suivant :
Et Nous n'avions établi le Kiblah vers lequel tu te tournais que pour savoir qui suit le Prophète et qui s'en retourne sur ses talons. C'était un changement difficile, mais pas pour ceux qu'Allah guide…
Sourate al-Baqarah, 2:143
Un jour, alors que le Saint Prophète (s) et les autres Musulmans priaient ensemble, Allah ordonna à ce qu’on change d’orientation, du Baytoul Moukaddass vers la Sainte Ka’ba à la Mecque. Alors que le Saint Prophète (s) avait fini ses deux rakà’at de la prière de midi, l’Ange Djibraïl (a) lui fit part de l’ordre d’Allah.
Il prit la main du Saint Prophète (s) et le tourna vers la Sainte Ka’ba, le Masdjidoul Haraam de la Mecque. Le Saint Prophète (s) changea aussitôt de direction au milieu de son Namaz. Imam Ali (a) fit aussitôt de même. Les autres Musulmans furent perdus et seuls certains suivirent l’exemple d’Imam Ali (a).
La mosquée où ceci eut lieu est appelée “Masdjidé Zoul Kiblatayn”, c’est-à-dire “La Mosquée aux deux Kiblas”. Cette mosquée existe encore à Médine de nos jours.
Grâce aux instruments modernes et à la science, nous pouvons localiser précisément Médine à une latitude de 24° et une longitude de 39° ; le Kiblah se trouve donc à 45° au sud de Médine.
Le Saint Prophète (s) se tourna vers le nouveau Kiblah sans hésitation. L’ancien et le nouveau Kiblah sont encore visibles de notre temps au Masdjidé Zoul Kiblatayn. C’est un miracle de la part du Saint Prophète (s) qu’il se soit tourné exactement vers la Sainte Ka’ba sans faire usage d’aucun instrument scientifique ni faire de calcul.
La Sainte Ka’ba qui sert de Kiblah à tous les Musulmans aujourd’hui a toujours été respectée par les Arabes, et ce, même avant le Saint Prophète (s). Ce Kiblah allait donc servir à attirer plus d’Arabes vers l’Islam.
http://www.albouraq.org/histoire/chgmnt_kibla.htm
La question des frontières entre Islam et Christianisme paraît a priori relativement simple. De nombreux travaux importants, ont été réalisés, certains sont exposés sur le site du GRIC, qui délimitent le territoire de chacune des deux religions. Les points qui jalonnent cette frontière sont même clairement recensés et répertoriés. Ils tournent essentiellement autour du statut de Jésus, fils de Dieu, mort sur la croix et ressuscité pour racheter les péchés de l’humanité pour les chrétiens, et simple prophète de Dieu, qui n’a pas été crucifié mais plutôt transfiguré par Dieu, et annonciateur de l’arrivée du prophète Muhammad, pour les musulmans. Le statut de celui-ci, semble être lui aussi une balise dans cette frontière. Sceau des prophètes, transmetteur de la parole divine consignée dans le coran pour les musulmans. Tandis les chrétiens ne lui reconnaissent aucun statut particulier dans la révélation divine. La frontière paraît simple et infranchissable. Pourtant dès que l’on quitte le terrain institutionnel et dogmatique, on s’aperçoit que les choses sont beaucoup plus complexes. C’est le constat établi par Bernard Heyberger qui a réalisé une enquête assez approfondie sur la cohabitation des minorités chrétiennes et musulmanes au moyen -orient et sur les rapports que chaque communauté entretient avec la religion de l’autre. Celui-ci affirme : « Le Proche Orient arabe appartient à cette bordure maritime qui s’étend à la Grèce et au sud de l’Espagne, où une familiarité entre gens des deux rives religieuses atténue l’impression de frontière infranchissable. La Méditerranée est jalonnée de lieux syncrétiques, « neutres », où les adeptes des grands systèmes monothéistes peuvent se côtoyer dans une même perception du sacré ».
Cela signifierait que, à l’instar de toutes les frontières qui délimitent les territoires, les frontières confessionnelles entre Islam et Christianisme sont assez ambivalentes et qu’elles représentent à la fois les lignes de démarcation qui éloignent et qui imposent la distance mais aussi les espaces communs qui rapprochent et qui permettent la proximité. Cette affirmation me paraît assez intéressante et elle mérite d’être explorée et appliquée, dans une démarche comparative, au Christianisme et à l’Islam. La question pour moi est de savoir ce qui, au delà des différences et des frontières, rapproche les deux religions dans une même perception du sacré. Pour répondre à cette question, je me propose d’explorer trois questions qui se sont posées quasiment dans les mêmes termes, au christianisme au moment de l’élaboration du dogme catholique lors du concile de Trente et à L’Islam au moment de l’élaboration du dogme sunnite sous les umeyyades et les Abbassides. La première est celle de la Foi et des Œuvres ; la seconde est celle du libre arbitre et la troisième est celle de la matérialisation du sacré.
Est-on sauvé par la Foi ou par les œuvres ? La réponse à cette question posée au XVI ème siècle va diviser le christianisme occidental et creuser une frontière interne entre la Réforme qui va donner naissance au Protestantisme et la Contre- Réforme qui verra la naissance du catholicisme post tridentin. Il faut d’abord rappeler que cette question a été posée par Luther, qui était un moine augustinien, en 1517, dans un contexte marqué par la vente des indulgences. Le pape qui avait besoin d’argent, a mis en vente des indulgences qui permettent d’acquérir le salut. La doctrine officielle était que, certes, nous sommes tous coupables et pécheurs et sur nos épaules pèse le poids du péché originel mais nous pouvons être sauvés par la réalisation de certains actes comme les prières, le jeûne ou les aumônes ou aussi l’achat des indulgences. « un moine Tetzel, dirigeait cette vente avec beaucoup de sens commercial, et bien peu de sens religieux. » Luther relate qu’il passait des jours et des nuits à jeûner et à prier et pourtant il ressentait toujours la même angoisse d’être perdu et de na pas mériter le salut, jusqu’au jour où il a découvert dans la bible le verset qui va être pour lui une véritable révélation. Dans l’épître aux Ephésiens Paul dit ( ch. 2, verset 8) : « Vous êtes sauvés par la grâce, par le moyen de la foi, cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu ».
Pour les Réformateurs, la grâce est un don gratuit et ne saurait être mérité par nos actions. En effet celles –ci ne pèsent pas lourd dans la balance face au poids du péché originel. La confession d’Augsbourg, qui est l’un des textes fondateurs de la Réforme, affirme : « Nous ne pouvons obtenir la rémission des péchés et la justice devant Dieu par notre mérite, nos œuvres et nos satisfactions, mais nous…recevons la rémission des péchés et devenons justes devant Dieu par grâce, à cause de Christ, par la foi. » Cela signifie que pour les réformés, nous sommes sauvés par nos œuvres et non par la foi. La conséquence de cette affirmation c’est la fin des indulgences et la fin de toutes les actions réalisées par les fidèles au bénéfice de l’Eglise. Dès 1530 les catholiques réagissent en publiant une confutatio qui réfute cette thèse et qui affirme : « Dieu nous donne une grâce initiale qui rend capable d’acquérir des mérites en vue de notre salut ». Donc, la grâce est un début de salut, qui doit être complétée par les actions, sans quoi elle reste sans effet. Le concile de Trente tente de concilier Foi et œuvres en déclarant que Dieu donne au départ sa grâce aux pécheurs « sans aucun mérite préalable en eux », mais qu’ensuite, ils doivent acquiescer et coopérer librement à cette grâce… l’homme n’est nullement inactif …il pourrait…la rejeter, et pourtant sans la grâce divine, il demeure incapable de se porter…vers cet état de justice devant Dieu ». On pourrait représenter cette synthèse, réalisée par le concile de Trente, par l’image suivante : Dieu fait la moitié du chemin vers l’homme en lui accordant gratuitement la grâce ; l’homme doit faire l’autre moitié du chemin pour gagner son salut.
Au sein de l’Islam la question s’est posée avec la même acuité et dans un contexte marqué aussi par les guerres de religion. Elle va, là encore, creuser une frontière interne à l’Islam. Permettez -moi de rappeler dans quel contexte historique la question s’est posée. Après l’assassinat de Othman, le troisième khalife, la communauté des musulmans s’est divisée entre les partisans de Ali, cousin et gendre du prophète, et Muawiya, gouverneur de syrie, descendant de la branche aristocratique des umayya. Une guerre civile5 éclate et les musulmans se divisent entre les partisans de Ali, chia`t Ali et les partisans de Muawiyya , chia`t Muawiyya. Sur fond de rivalité politique, les deux clans vont se diviser très vite sur des questions religieuses. Pour départager les deux rivaux, A`mr ibn el a`s, l’habile négociateur de Muawiyya, propose à Ali l’arbitrage du coran. Sûr de son bon droit, Ali accepte mais il perd à cause d’une manœuvre de A`mr. Une partie des partisans de Ali va alors se retourner contre lui, l’accusant d’avoir trahi sa mission en acceptant l’arbitrage. Ainsi, une nouvelle faction émerge, que Ali va devoir combattre et dont il finira par être assassiné, c’est celle des Kharijites. Cette troisième tendance de l’Islam regroupe une douzaine de sectes, qui ont en commun deux principes : 1. L’élection démocratique du khalife et 2. La subordination de la foi aux œuvres : tout péché grave est infidélité et apostasie.
C’est ce principe qui leur permet d’affirmer que Ali est infidèle pour n’avoir pas accompli son devoir. Il existe des nuances entre les kharijites sur cette question. Ainsi les Azraqîtes, partisans de Nafi `ben al Azraq (684-700) qui se sont développés en Iran, organisèrent des exécutions féroces (isti`rad), où le pécheur était mis à mort ainsi que toute sa famille. En revanche les Ibadhites, autre aile kharijite, partisans de Abdallâh Ibn Ibâdh, qui se sont installés en tripolitaine, en Tunisie et dans l’Est algérien , au VIIe., Condamnent la pratique de l’Isti’radh. Ils considèrent qu’en l’absence de guide pour la communauté, il ne saurait y avoir de jugement sur le pécheur croyant ou pas. Pour la majorité sunnite, les kharijites sont, contrairement aux chiites, des hérétiques qui ne font pas partie de la communauté islamique. Il est intéressant de noter que dans ce clivage émerge une troisième position qui était au départ une manifestation de tolérance, et sur laquelle va s’appuyer la sunna, c’est celle du murjiisme . Celle-ci s’inspire du verset 106 de la sourate 9( At-tawbah) qui dit : « Et d’autres sont laissés dans l’attente de la décision d’Allah, soit qu’il les punisse, soit qu’il leur pardonne. Et Allah est Omniscient et sage ».
A partir de ce verset les murji’a affirment que la foi est suffisante pour le salut, mais qu’elle doit aussi être accompagnée des œuvres. Il existe des péchés graves et des péchés véniels, mais que même les premiers ne peuvent pas exclure le croyant du paradis définitivement.
On peut d’ores et déjà observer que dans deux contextes historiques, politiques et géographiques différents, Islam et Christianisme sont traversés, de manière transversale, par une même ligne de fracture autour de la même question du lien entre la foi et les œuvres, que dans les deux cas cela entraîne des conséquences dramatiques, et que dans les deux cas nous avons une partie des chrétiens comme des musulmans, qui soumet la foi aux actions et une autre partie qui les dissocie.
La deuxième grande question qui va donner naissance à la Réforme constituant une balise dans la frontière interne au christianisme, c’est celle du libre arbitre. La querelle éclate lorsque le grand humaniste Erasme publie, en 1524, son ouvrage De libero arbitrio Essai sur le libre arbitre, qui développe l’un des thèmes majeurs de l’humanisme européen à savoir : l’homme est responsable de ses actes et par conséquent il est totalement libre de choisir entre le salut et la damnation. Sans liberté, il ne saurait y avoir, en effet, de responsabilité. Luther, pourtant proche des thèses évangélistes d’Erasme, réplique l’année suivante, par le Traité du serf arbitre. Comme le titre l’indique, Luther soutient l’idée que l’homme est serf c’est à dire esclave de la volonté divine. Il n’est donc qu’un jouet entre les mains du destin. Mais alors, s’il n’est pas libre de ses choix comment l’homme peut-il être responsable de ses actes. Calvin, l’autre grand réformateur de Genève, affirme dans l’Institution de la religion chrétienne :
« Dieu sait bien ce qu’il a délibéré de faire une fois de nous. S’il a déterminé de nous sauver, il nous conduira à salut en son temps ; s’il a déterminé de nous damner, nous nous tourmenterions en vain pour nous sauver ».
Calvin radicalise la pensée de Luther en inventant le concept de la , double prédestination. L’homme est totalement dépourvu de libre arbitre et ses bonnes actions ne sont pas un moyen pour atteindre le salut, mais plutôt le signe d’une élection que Dieu a décidée seul, gratuitement, et depuis toujours. L’homme n’a plus qu’à s’en remettre à Dieu.
La querelle du libre arbitre et son opposé la prédestination, divise aussi l’Islam en deux grandes familles appelées les qadriyya, (partisans de qadr : capacité à, pouvoir de) et les Jabriyya ( de jabr : obligation, contrainte)10. La qadriyya a engendré les Mu’utazila, grande école théologique qui représente, encore aujourd’hui, l’une des sources les plus fécondes et les plus riches au moyen âge. Les Mu’utazila ont voulu éclairer la religion par les lumières de la Raison. Ils ont rendu possible une lecture allégorique du coran qui permet de contredire les lectures littéralistes et les représentations anthropomorphiques de Dieu. Ils ont doté l’homme d’un pouvoir et d’une libre volonté qui le rendent maître de ses actes. En revanche la Jabriyya, est encore aujourd’hui fortement présente dans un islam populaire qui tend à tout expliquer par un décret absolu d’Allâh et qui trouve aussi ses arguments dans certains versets coraniques comme le verset 129 de la sourate 3 Al ‘Imran :
« A Allah appartient tout ce qui est dans les cieux et sur la terre. Il pardonne à qui il veut et il châtie qui il veut. Et Allah est pardonneur et Miséricordieux ». Ce verset fait étrangement écho à l’affirmation de Calvin que Dieu sauve qui il veut et perd qui il veut, ce qui démontre clairement la forte proximité entre la conception calviniste chrétienne et jabriste islamique de la prédestination, indépendamment des frontières religieuses.
La troisième question qui traverse de la même façon Islam et Christianisme est celle de la matérialisation du sacré. Le catholicisme a mis l’accent à travers son histoire et peut être avec plus de fermeté à partir du concile de Trente sur la présence réelle de Dieu dans certains endroits comme les lieux de pèlerinage, dans certains objets comme les espèces eucharistiques, dans certaines institutions comme l’Eglise, dans certaines images comme les icônes ou les œuvres d’art. Le sacrement célébré par le seul homme d’Eglise, assure le lien entre Dieu et L’homme. Cette conception de la religion fut contestée et rejetée par la Réforme ou les Réformes en Europe au XVIème siècle. Celles-ci ont proposé une religion iconoclaste, qui brise les statues, qui rejette toute figuration et toute localisation de Dieu. Calvin rejette le ritualisme considéré comme une déviation vers le judaïsme, et veut épurer le christianisme de toute superstition par un retour aux sources du christianisme qu’il croit retrouver dans l’Eglise primitive chez Paul et Augustin. Il interdit à Genève les processions, les messes et toutes les célébrations autour des objets. Zwingli propose de supprimer tout ce qui s’oppose à l’enseignement biblique. Grebel, grande figure de la réforme radicale anabaptiste à Zurich, veut aller plus loin qu’une réformation et appelle à une véritable restitution. Il demande à ce que l’on célèbre la cène uniquement à la tombée de la nuit parce que Jésus l’a instituée le soir du jeudi saint.
L’islam lui aussi connaît l’émergence d’un puritanisme qui prend aujourd’hui la figure du wahabisme. Ses racines remontent à l’une des quatre grandes écoles théologiques sunnites : le hanbalisme. Cette doctrine est apparue en Arabie au XVIIIème siècle, et s’est répandue grâce à l’alliance entre son fondateur Muhammad Ibn Abdelwahab et un chef tribal Muhammad Ibn saoud qui se lance à la conquête du Najd puis du Hedjaz. La doctrine wahabite prône elle aussi un retour à la cité musulmane primitive idéalisée, indépendamment du cours de l’histoire. La vie du musulman d’aujourd’hui doit être en tout point calquée sur la vie du prophète. Sur le plan théologique cette doctrine prône un monothéisme pur et dur. Toute prière adressée à un saint est considérée comme associationnisme (chirk). Dès leur première conquête, toutes les coupoles édifiées sur les tombes des compagnons du prophète, dans le grand cimetière de Médine, le Baqî’, derrière la mosquée du prophète ont été rasées. Puritanisme calviniste et réformisme fondamentaliste wahabite ont en commun la même volonté d’une religion épurée par un mythique retour aux sources.
Alors peut parler de frontières étanches entre Islam et Christianisme. La réponse ne peut être que oui et non. Oui parce qu’il est évident que ce sont deux religions différentes avec des dogmes différents, des doctrines différentes et des principes différents. Mais, non, parce qu’il n’y a pas un Islam mais des islams comme il n’y a pas un christianisme mais des christianismes. Il existe sans doute plus de proximité entre le soufisme d’Ibn Arabi et le mysticisme chrétien, qu’entre certaines écoles sunnites et certaines sectes extrémistes chiites ou kharijites. Plutôt que de voir les frontières qui séparent les deux religions et qu’il ne s’agit pas de nier, peut être vaut-il mieux voir les frontières qui rapprochent ceux et celles qui , des deux rives, partagent la conviction que toutes les voies mènent à Dieu et que la Foi n’est pas incompatible avec la Raison, qu’elle peut se nourrir même de ses propres doutes, et qu’elle peut aussi s’enrichir de son ouverture sur la foi de l’autre. Enfin permettez-moi de conclure sur cette citation de Voltaire, qui , à mon avis, peut avoir sa place dans le cadre d’un dialogue islamo chrétien : « Après notre sainte religion, qui, sans doute est la seule bonne, quelle serait la moins mauvaise ? Ne serait-ce pas la plus simple ? Ne serait-ce pas celle qui enseignerait beaucoup de morale et très peu de dogmes ? Celle qui tendrait à rendre les hommes justes sans les rendre absurdes ? celle qui n’ordonnerait point de croire des choses impossibles, contradictoires, injurieuses à la Divinité et pernicieuses au genre humain, et qui n’oserait point menacer des peines éternelles quiconque aurait le sens commun ? Ne serait-ce point celle qui ne soutiendrait pas sa créance par des bourreaux, et qui n’inonderait pas la terre de sang pour des sophismes inintelligibles ? Celle dans laquelle une équivoque, un jeu de mots, et deux ou trois chartes supposées ne feraient pas un souverain et un dieu d’un prêtre souvent incestueux, homicide et empoisonneur ? Celle qui ne soumettrait pas les rois à ce prêtre ? Celle qui n’enseignerait que l’adoration d’un Dieu, la justice, la tolérance et l’humanité ? ».
Phttp://www.gric.asso.fr/gric-de-tunis/articles-21/entre-chretiens-et-musulmans/article/frontieres-entre-islam-
Aar Abderrazak SAYADI -
Ar-riddah signifie littéralement le retour en arrière. Elle a la même signification que al-irtidâd, sauf qu’elle concerne en général la dénégation de Dieu.
Dans le cas présent, elle signifie le détournement délibéré, sans contrainte aucune, du Musulman, mature et conscient, de l’Islam vers la dénégation. Cette définition est aussi bien valable pour l’homme que pour la femme.
En corollaire de cette définition, on peut indiquer que le détournement du malade mental et de l’enfant n’est pas considéré comme une apostasie, car ils ne sont pas responsables de leurs actes. Le Prophète — paix et bénédiction sur lui — dit : « Trois catégories de personnes ne sont pas responsables de leurs actes : le dormeur jusqu’à ce qu’il se réveille, l’enfant jusqu’à ce qu’il atteigne la puberté et le malade mental jusqu’à ce qu’il reprenne conscience. » [1]
Par ailleurs, un Musulman qui renie l’Islam sous la contrainte n’est pas un apostat, tant que son cœur demeure plein de la sérénité de la foi. Ainsi, `Ammâr Ibn Yâsir fut contraint malgré lui de renier l’Islam. Dieu révéla alors à son sujet : « Quiconque a renié Dieu après avoir cru... — sauf celui qui y a été contraint alors que son cœur demeure plein de la sérénité de la foi — mais ceux qui ouvrent délibérément leur cœur à l’infidélité, ceux-là ont sur eux une colère de Dieu et ils ont un châtiment terrible. » [2] Ibn `Abbâs dit au sujet de `Ammâr : « Les idolâtres l’enlevèrent, avec son père, sa mère Sumayyah, Suhayb, Bilâl et Khabbâb puis les torturèrent. Sumayyah fut attachée entre deux chameaux. On lui amena une lance et on lui dit : « Tu t’es convertie à l’Islam pour les hommes. » Elle fut alors tuée ainsi que son époux. Ce sont les deux premiers martyrs de l’Islam. Quant à `Ammâr, il prononça malgré lui ce qu’ils voulurent entendre. Il se plaignit alors auprès du Prophète — paix et bénédiction sur lui — qui lui demanda : « Comment sens-tu ton cœur ? » `Ammâr répondit : « Plein de la sérénité de la foi. » Le Messager lui dit : « S’ils reviennent vers toi, reviens-y [3]. » »
A partir de quand le Musulman devient-il un apostat ?
Le Musulman n’est considéré comme étant sorti de l’Islam et n’est accusé d’apostasie que si son cœur s’ouvre à la dénégation, y devient confiant et y entre effectivement. Dieu dit en effet : « mais ceux qui ouvrent délibérément leur cœur à l’infidélité » [1]. Le Messager — paix et bénédiction sur lui — dit : « Les actions sont jugées d’après les intentions, et il en sera tenu compte à chaque homme dans la mesure de son intention. » Ainsi, étant donné que ce qui est dans le cœur est un Inconnu (ghayb) que Seul Dieu connaît, il est nécessaire, avant de lancer une accusation d’apostasie, que ce qui prouve explicitement et de manière indubitable la dénégation d’un individu émane directement de celui-ci. On a rapporté d’après l’Imâm Mâlik l’avis suivant : « Quiconque émane de sa part ce qui implique la dénégation sous quatre-vingt-dix-neuf formes, et que la foi n’est impliquée que par une forme, sera considéré comme ayant la foi. »
Parmi les éléments susceptibles de prouver la dénégation :
Tout cela ne s’applique pas aux Musulmans récemment convertis qui ne connaissent pas encore les directives de l’Islam ni les limites qu’ils doivent observer. Si l’un d’eux nie par ignorance un élément de la religion, il n’est pas considéré comme un apostat. Par ailleurs, il existe des questions faisant le consensus des Musulmans mais que seuls quelques-uns connaissent. Celui qui nie une telle question n’est pas considéré comme un apostat : il est excusé à cause de son ignorance de ladite question qui n’est pas toujours portée à la connaissance du grand nombre. Parmi les exemples de ce type de questions, on peut citer l’interdiction pour l’homme d’épouser la tante paternelle ou maternelle de son épouse, le fait que le coupable d’homicide volontaire soit privé d’héritage, le fait que la grand-mère reçoive le sixième de l’héritage, etc.
N’entrent pas non plus en ligne de compte les doutes qui peuvent travailler l’âme. En effet, Dieu ne fait pas cas de ces doutes. Muslim a ainsi rapporté d’après Abû Hurayrah que le Messager de Dieu — paix et bénédiction sur lui — dit : « Dieu — Exalté soit-Il — a pardonné à ma Communauté les pensées qui travaillent son âme, tant qu’elle ne les concrétise pas ou qu’elle n’en parle pas. » Muslim a également rapporté que Abû Hurayrah dit : « Un groupe de Compagnons du Prophète — paix et bénédiction sur lui — vinrent le voir et lui dirent : « Nous avons dans nos fors intérieurs des pensées que nous trouvons sacrilège de prononcer. » Le Prophète demanda : « Et vous l’avez trouvé [ce doute qui entretient l’âme] ? » « Oui », répondirent-ils. « C’est cela la vraie foi », conclut le Prophète. » Muslim a également rapporté sur l’autorité de Abû Hurayrah que : « Le Messager de Dieu — paix et bénédiction sur lui — dit : « Les gens peuvent se demander : « Est-ce Dieu qui est à l’origine de la Création ? Dans ce cas, qui a créé Dieu ? » Quiconque est travaillé par ce genre de pensées doit dire : « Je crois en Dieu. » » »
Le jugement de l'apostasie
les différentes écoles sunnites, et par la suite les juristes contemporains, ont eu de multiple positions et opinions diverses en ce qui concerne les détails de la question de l’apostasie. Cependant, sur la sanction originale, on note un consensus : tous les juristes s’accordent sur la peine de mort. D’ailleurs, si on cherche le sujet de l’apostasie dans les références de la jurisprudence musulmane, on remarque que tous les juristes l’incluent dans les kitab hudûd [Chapitre des peines légales]. Les malikites, les hanbalites et les chaféites considèrent l’apostasie comme jinâyâ [crime d’homicide ou blessures corporelles]. Les hanafites eux, la classent dans le chapitre du jihâd [guerre], avec la rébellion.
On comprend donc par ce classement que l’apostasie est considérée comme un délit ou une infraction chez tous les juristes. Ainsi, tout musulman adulte quittant volontairement et publiquement sa religion est jugé apostat. Ce jugement conduit à une sentence et à une condamnation, selon les différentes écoles juridiques. La sentence est définie par la peine de mort pour l’apostat. Les juristes, que ce soient les juristes classiques ou les juristes contemporains, ont construit leurs jugements concernant la question de l’apostat sur les mêmes textes. Nous allons rapidement les passer en revue.
Regardons tout d’abord les textes coraniques :
« Et ceux parmi vous qui adjureront leur religion et mourront infidèles, vaines seront pour eux leurs actions dans la vie immédiate et la vie future. » Coran (2, 217).
« Ô les croyants ! Si vous obéissez à ceux qui ne croient pas, ils vous feront retourner en arrière. Et vous redeviendrez perdants. » Coran (3, 149).
« Ô les croyants ! Quiconque parmi vous apostasie de sa religion… Dieu fera alors venir un peuple qu’Il aime et qui L’aime. » Coran (5, 54).
« Ceux qui sont revenus sur leurs pas après que le droit chemin leur a été clairement exposé, le Diable les a séduits et trompés. » Coran (47, 25).
On trouve, également, d’autres versets n’ayant pas employé le verbe « apostasier » mais qui en contiennent le sens, comme par exemple :
« Quiconque a renié Dieu après avoir cru (…) - sauf celui qui y a été contraint alors que son cœur demeure plein de la sérénité de la foi - mais ceux qui ouvrent délibérément leur cœur à la mécréance, ceux-là ont sur eux une colère de Dieu et ils ont un châtiment terrible. » (16,106)
« Dieu a promis à ceux d’entre vous qui ont cru et fait les bonnes œuvres qu’Il leur donnera la succession sur terre comme Il l’a donnée à ceux qui les ont précédés. Il donnera force et suprématie à leur religion qu’Il a agréée pour eux. Il leur changera leur ancienne peur en sécurité. Ils M’adorent et ne M’associent rien et celui qui mécroit par la suite, ce sont ceux-là les pervers. » (24,55).
Enfin, dans la sourate 9 verset 74, on lit :
« Ils ont professé l’incrédulité. Puis ils ont juré par Dieu, qu’ils n’avaient pas prononcé de telles paroles. Ils furent incrédules après avoir été soumis. Ils aspiraient à ce qu’ils n’ont pas obtenu et ils n’ont trouvé à la place que la faveur que Dieu et son Prophète ont bien voulu leur accorder. S’ils se repentaient, ce serait meilleur pour eux ; mais s’ils se détournent, Dieu les châtiera d’un châtiment douloureux en ce monde et dans l’autre, et ils ne trouveront, sur la terre, ni ami ni défenseur ».
Dans ce verset nous trouvons le mot châtiment contre l’apostat mais sans que la nature du châtiment soit précisée. En revanche, dans les autres versets où le sujet de l’apostat est abordé, le châtiment contre l’apostat y est prévu dans la vie au-delà sauf dans les hadiths du Prophète.
Les hadiths constituent, en effet, notre seconde source qui est aussi celle du droit musulman : si les hadiths sont plus explicites, ils ne sont pas aussi précis que nous pourrions le supposer. C’est pour cette raison que le texte suivant a donné diverses interprétations : « Celui qui change de religion, tuez-le. Il n’est permis d’attenter à la vie du musulman que dans les trois cas suivants : la mécréance après la foi, l’adultère après le mariage et l’homicide sans motif ». On lit ici, bien clairement, que la sanction de l’apostat est la mort : « tuez-le ». Mais le texte, qui a servi de base pour le jugement de la condamnation, n’explique pas si la sanction est identique pour l’homme comme pour la femme et si elle ne concerne que celui qui renie sa foi, qu’il soit de confession musulmane ou d’autres religions monothéistes. Ce texte ne précise pas non plus si la sanction englobe celui qui est né musulman ou seulement la personne qui a embrassé la foi musulmane par choix.
Toutes les réponses à ces questions ne se trouvent pas dans ces hadiths. Par conséquent, on relève des débats multiples et divers entre les juristes musulmans. Ce hadith est notamment montré du doigt tardivement par quelques penseurs musulmans, comme Djamel el-Banna par exemple, qui soulèvent le problème de son degré d’authenticité. Il semble ici que le problème du jugement de l’apostat est qu’il est basé sur un hadith ahad [47] alors que, dans le système juridique musulman, les sanctions pénales (hudud [48]) ne sont pas justifiables par les hadiths n’ayant pas bénéficié d’une large transmission (hadîth âhâd) [49].
Ces contradictions textuelles que nous venons de mettre en lumière montrent bien l’ambiguïté de leur utilisation comme références à des jugements rendus contre l’apostat.
En conclusion, rappelons que l’islam dans sa dimension littéraire, artistique, linguistique, son système de pensée et la mentalité des sociétés musulmanes est imprégné par la pensée juridique. Or, la problématique exposée ici n’est qu’un exemple de questionnement qui se pose à l’heure actuelle dans bien d’autres domaines de la société musulmane : on peut citer les recherches récentes concernant la relecture du Coran, par exemple, qui consiste à analyser la rhétorique du texte sacré.
Dans le monde musulman, il apparaît donc nécessaire à un certain nombre juristes, tels que M. Mokhtari par exemple, de repenser le système juridique musulman de façon à ce que les vides autant que les incohérences juridiques puissent être aplanis. Toutefois, les recherches dans ce domaine précis restent timides.
[1] Hadith rapporté par Ahmad et autres compilateurs de traditions ; le hadith est considéré comme fiable par At-Tirmidhî ; Al-Hâkim le considère comme authentique car répondant aux critères d’authenticité établis par Al-Bukhârî et Muslim.
[2] Sourate 16 intitulée les Abeilles, An-Nahl, verset 106.
[3] Le Prophète dit ici à `Ammâr que si les idolâtres remettent encore une fois la main sur toi et veulent que tu renies l’Islam, renie-le, sachant que ta foi est profondément ancrée dans ton cœur.
[4] Cette notion est explicitée dans l’article suivant : "Renier de la religion ce qui en est nécessairement connu".
http://www.islamophile.org/spip/Qu-est-ce-que-l-apostasie.html
http://www.gric.asso.fr/gric-de-paris/articles-18/article/la-conversion-ou-l-apostasie-entre
1. Par islamiates le 02/07/2024
Salam Les sourates sont données à titre d'exemple. Merci pour votre réactivité