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Histoire de L'Islam

L'Islam et les musulmans
La première chose qu'il convient de définir est le terme Islam. Nous pouvons affirmer que ce mot Islam n'est pas apparu après l'arrivée d'un homme ou l'accomplissement d'un phénomène. L'Islam est la véritable religion d'Allah (traduction en arabe du mot Dieu). En effet, c'est Dieu qui a choisit l'Islam, comme le montre le verset suivant :

Sourate 5, Verset 3
... Aujourd'hui, J'ai parachevé pour vous votre religion, et accompli sur vous Mon bienfait. J'ai agréé l'Islam comme religion pour vous... Sourate 5, Verset 3

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Des femmes érudites en sciences du hadith

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L'Histoire mentionne peu d'initiatives savantes, ne serait-ce avant les temps modernes, de la part de femmes qui auraient joué un rôle actif et important en coopération avec des hommes. Les sciences du hadith constituent cependant à cet égard une excellente exception. L'islam, religion qui, à la différence du christianisme, refuse d'attribuer un genre à Dieu 1, et n'a jamais nommé une élite mâle sacerdotale comme intermédiaire entre la créature et le Créateur, démarre la vie avec l'assurance que, malgré le fait que la femme et l'homme soient dotés par la nature de rôles complémentaires plutôt qu'identiques, aucune spiritualité supérieure n'est inhérente à la masculinité 2. Ainsi, la communauté musulmane confiait volontiers des affaires de même valeur selon la perspective divine (aux hommes comme aux femmes). C'est uniquement cette considération qui explique pourquoi, l'islam produisit un grand nombre d'éminentes femmes savantes, sur le témoignage et le jugement éclairé desquelles une bonne partie de son édifice repose, ce qui la particularise des religions courantes en occident.

Depuis les premiers temps de l'islam, les femmes ont pris une part importante, dans la préservation et la culture du hadith, et cette charge perdura à travers les siècles. A chaque période de l'histoire islamique, vécurent nombre d'honorables femmes expertes en tradition prophétique (hadith), considérées avec révérence et respect par leurs frères. De nombreuses notices leur sont consacrées dans les dictionnaires biographiques.

Durant la vie du Prophète (sallallâhou alayhi wa sallam), beaucoup de femmes ont été non seulement l'exemple de l'évolution de nombreuses traditions (ancestrales), mais ont également été très actives dans la transmission (de l'enseignement prophétique) pour leurs sœurs et leurs frères de religion 3. Après la mort du Prophète (sallallâhou alayhi wa sallam), beaucoup de femmes musulmanes l'ayant côtoyé (Sahâbiyât), en particulier ses épouses, furent considérées comme des gardiens vitales de la connaissance, et furent sollicitées pour l'enseignement par les autres compagnons, avec qui elles partageaient volontiers le riche bagage qu'elles avaient amassé aux côtés du Prophète (sallallâhou alayhi wa sallam).

Les noms de Hafsa, Umm Habiba, Maymuna, Umm Salama, et A'isha (radhia Allâhou anhounna) sont familiers à tout étudiant des sciences du hadith comme étant parmi les premiers et les plus distingués des transmetteurs 4. A'isha (radhia Allâhou anhâ), en particulier, est l'une des figures les plus importantes de toute l'histoire de la littérature des ahâdîth -non seulement en tant que l'une des premières à rapporter le plus grand nombre de ahâdîth, mais également comme l'une des interprètes les plus attentives.

A la période des Successeurs (tâbéïnes), les femmes occupèrent d'importants postes comme traditionalistes. Hafsa r.a., la fille d'Ibn Sirin 5, Umm al-Darda r.a. (décédée en 81 H/700) et 'Amra bint 'Abd al-Rahman furent quelques unes des femmes clés traditionalistes de cette période. Iyas ibn Mu'awiya r.a., un important traditionaliste de son temps et un juge aux compétences et au mérite incontestés, estimait Umm al-Darda r.a. supérieure à tous les autres traditionalistes de cette période, y compris les célèbres maîtres des ahâdîth tels al-Hasan al-Basri r.a. et Ibn Sirin r.a. 6. 'Amra r.a. était considérée comme étant une grande autorité en matière de traditions rapportées par A'isha (radhia Allâhou anhâ). D'ailleurs, le calife Umar ibn Abd al-Aziz r.a. donna l'ordre à l'un de ses étudiants, Abu Bakr ibn Hazm r.a., le célèbre juge de Médine, de mettre par écrit toutes les traditions connues sous son autorité 7.

Après elles, 'Abida al-Madaniyya r.a., 'Abda bint Bishr r.a., Umm Umar al-Thaqafiyya r.a., Zaynab r.a. (la petite fille de Ali ibn Abd Allah ibn Abbas), Nafisa bint al-Hasan ibn Ziyad r.a., Khadija Umm Muhammad r.a., 'Abda bint Abd al-Rahman r.a., ainsi que de nombreuses autres excellèrent dans des cours publics sur les ahâdîth. Ces pieuses femmes venaient de différents horizons, montrant par là que ni le rang social, ni le sexe n'étaient des obstacles à l'acquisition de la science islamique. Par exemple, Abida r.a. était une esclave de Muhammad ibn Yazid r.a.. Elle apprit un grand nombre de ahâdîth auprès de professeurs à Médine, puis fut donnée par son maître à Habib Dahhun r.a., le fameux traditionaliste d'Espagne, quand il visita la cité sainte lors de son pèlerinage. Il fut si impressionné par son apprentissage qu'il l'affranchit, l'épousa et l'emmena en Andalousie. Il est dit qu'elle rapportait dix mille ahâdîth sous l'autorité de ses professeurs médinois 8.

Zaynab bint Sulayman r.a. (décédée en 142 H/759), au contraire, était née princesse. Son père était le cousin de al-Saffah, le fondateur de la dynastie des Abbassides et a été le gouverneur de Basra, de Oman et du Bahreïn sous le califat d'al-Mansur 9. Zaynab r.a., qui reçut une éducation raffinée, acquit une maîtrise du hadith, se distinguant ainsi comme l'une des femmes traditionalistes les plus réputées de son temps, et compta nombre d'hommes d'importance parmi ses élèves 10.

Cette association de femmes et d'hommes dans la culture de la tradition prophétique continua quand les fameuses anthologies de hadith furent compilées. Un examen de ces textes révèle que tous les premiers compilateurs importants des traditions reçurent nombre de ces textes de femmes shuyukh (enseignantes expertes) : chaque collection majeure donne les noms de femmes comme autorités immédiates de l'auteur. Quand ces travaux avaient été compilés, les femmes traditionalistes elles-mêmes en avaient une parfaite connaissance et elles donnaient des cours à de grandes classes d'élèves, à qui elles présentaient leurs propres ijazas (autorité de transmission).

Au quatrième siècle, les cours de Fatima bint Abd al-Rahman r.a. (décédé en 312/924) -connue comme al-Sufiyya pour sa formidable piété- , de Fatima r.a. (petite-fille de Abou Dâoûd, auteur des Sounan bien connus), de Amat al-Wahid r.a. (décédée en 377/987) -la fille du juriste distingué al-Muhamili r.a.-, de Umm al-Fath Amat as-Salam r.a. (décédée en 390/999) -la fille du juge Abu Bakr Ahmad (décédé en 350/961)- et Jumua bint Ahmad r.a. attiraient une assistance révérencieuse 11.

Des femmes continuèrent à se démarquer en tant que savantes du hadith au cinquième et sixième siècle de l'Hégire. Fatima bint al-Hasan ibn Ali ibn al-Daqqaq al-Qushayri r.a. était louée non seulement pour sa piété et sa maîtrise de la calligraphie, mais encore pour sa connaissance des ahâdîth et la qualité des isnads (chaîne de transmission des ahâdîth) qu'elle connaissait 12. Encore plus distinguée fut Karima al-Marwaziyya r.a. (décédée en 463/1070), qui était considérée comme l'autorité de référence du Sahih de al-Boukhâri en son temps. Abu Dharr r.a. de Herat, l'un des chefs de file des érudits de cette époque, estimait tellement son érudition qu'il recommanda à ses étudiants d'étudier le Sahih auprès d'elle seule. Elle figure ainsi au centre de la transmission de cet ouvrage essentiel de l'islam (le Sahih) 13. En réalité, écrit Goldziher, "son nom apparaît avec une extraordinaire fréquence dans les ijazas pour la narration de ce livre." 14 Al-Khatib al-Baghdadi r.a. 15 et al-Humaydi r.a. (428/1036-488/1095) comptaient parmi ses élèves 16.

Mis à part Karima r.a., quelqes autres femmes traditionalistes "occupent une place éminente dans l'histoire de la transmission du texte du Sahih" 17. Parmi elles, on doit mentionner en particulier Fatima bint Muhammad r.a. (décédée en 539/1144), Shuhda "l'Ecrivain" r.a. (décédée en 574/1178), et Sitt al-Wuzara bint Umar r.a. (décédée en 716/1316) 18. Fatima relatait le livre sous l'autorité du grand traditionaliste Said al-Ayyar r.a. ; elle reçut de la part de spécialistes du hadith le prestigieux titre de Musnida Isfahan (l'éminente autorité de hadith d'Ispahan). Shuhda était une fameuse calligraphe et une traditionaliste de grande réputation ; les biographes la décrivent comme "la calligraphe, la grande autorité en hadith, et la fierté des femmes". Son arrière-grand-père avait été marchand d'aiguilles, et cela lui valut le sobriquet d' "al-Ibri ". Mais son père, Abu Nasr r.a. (décédé en 506/1112) fut pris de passion pour le hadith, et s'arrangea pour l'étudier avec plusieurs maîtres en la matière 19. Se soumettant à la sunna, il donna à sa fille une solide éducation, s'assurant qu'elle étudiait sous de nombreux traditionalistes reconnus.

Elle épousa Ali ibn Muhammad r.a., une figure importante ayant des intérêt littéraires, qui plus tard devint un bon compagnon du calife al-Muqtadi et fonda une école et une maison soufies, auxquelles il contribuait généreusement. Sa femme fut pourtant plus connue, de par ses connaissances des ahâdîth et la qualité de ses isnads 20. Ses cours sur Sahih al-Boukhâri et d'autres collections de ahâdîth attiraient de larges foules d'étudiants ; certains se sont même faussement affirmés comme étant de ses élèves 21.

Sitt al-Wuzara r.a. était également reconnue comme une autorité sur Boukhâri. En plus de sa maîtrise acclamée du droit islamique, elle était considérée comme la "musnida de son époque", donnait des cours sur le Sahih et d'autres travaux à Damas et en Égypte 22. Umm al-Khayr Amat al-Khaliq r.a. (811/1408-911/1505), considérée comme le dernier grand savant en matière de hadith du Hijaz 23, assurait également des cours sur le Sahih. A'isha bint Abd al-Hadi r.a. était une autre spécialiste de Boukhâri 24.

Outre ces femmes qui semblaient s'être spécialisées dans le grand Sahih de l'Imam al-Boukhâri, d'autres axèrent leur expertise sur d'autres textes.

Umm al-Khayr bint Ali r.a. (décédée en 532/1137) et Fatima al-Shahrazuriyya r.a. donnaient des cours sur le Sahih de Muslim 25. Fatima al-Jawzdaniyya r.a. (d. 524/1129) transmettait à ses étudiants les trois Mu'jams de al-Tabarani 26. Zaynab de Harran r.a. (décédée en 68/1289) enseignait aux étudiants, que ses cours attiraient en foule, le Musnad d'Ahmad ibn Hanbal r.a., la plus grande compilation de ahâdîth 27. Juwayriya bint Umar r.a. (décédée en 783/1381) et Zaynab bint Ahmad ibn Umar r.a. (décédée en 722/1322), qui avaient beaucoup voyagé pour développer leur science des ahâdîth, donnèrent des conférences en Egypte ainsi qu'à Médine, et narrèrent à leurs étudiants les recueil de al-Darimi r.a. et de Abd ibn Humayd r.a.. On dit même que les étudiants venaient de très loin pour assister à leurs débats 28. Zaynab bint Ahmad r.a. (décédée en 740/1339), habituellement connue sous le nom de Bint al-Kamal, acquit quantité de diplômes. Elle enseignait le Musnad de Abu Hanifa r.a., le Shamail de al-Tirmidhi r.a., et le Sharh Ma'ani al-Athar de al-Tahawi r.a., qu'elle lut avec une autre traditionaliste, Ajiba bin Abu Bakr r.a. (décédée en 740/1339) 29. "Sur son autorité est basé, dit Goldziher, l'authenticité du manuscrit GOTHA … dans le même isnad, nombre de femmes érudites s'étant intéressées à ce sujet sont citées." 30 En sa compagnie notamment, le grand voyageur Ibn Battuta r.a. étudia les traditions durant son séjour à Damas 31. Ibn Asakir r.a., le célèbre historien de Damas, qui dit avoir étudié auprès de 1200 hommes et 80 femmes, obtint l'ijaza de Zaynab bint Abd al-Rahman r.a. pour le Muwatta de l'Imam Malik 32. Jalal al-Din al-Suyuti r.a. étudia la Risala de l'Imam Shafii r.a. auprès de Hajar bint Muhammad r.a. 33. Afif al-Din Junayd r.a., traditionaliste du neuvième siècle après l'hégire, lut le Sunan de al-Darimi r.a. avec Fatima bin Ahmad ibn Qasim r.a. 34.

Zaynab bint al-Sha'ri r.a. (524/615-1129/1218) faisait également partie des traditionalistes de renommée. Elle étudia le hadith auprès d'autres illutres traditionalistes avant d'enseigner à nombre d'étudiants -dont certains furent réputés comme Ibn Khallikan r.a., l'auteur du célèbre dictionnaire biographique Wafayat al-Ayan 35. Karima la Syrienne r.a. (décédée en 641/1218) était décrite comme la plus grande autorité en matière de hadith en Syrie de son temps. Elle exposa de nombreux travaux sur les ahâdîth sous l'autorité de nombreux professeurs 36.

Dans son étude al-Durar al-Karima 37, Ibn Hajar r.a. donne de courtes indications bibliographiques au sujet d'environ 170 femmes de renom du huitième siècle, dont la plupart sont traditionalistes, et sous la direction desquelles l'auteur lui-même étudia 38. Certaines de ces femmes étaient reconnues comme étant les meilleures traditionalistes de leur époque. Juwayriya bint Ahmad r.a., par exemple, à laquelle nous nous sommes déjà référé, étudia une série de travaux sur la tradition auprès de savants hommes et femmes enseignant dans les grandes écoles de l'époque. Ensuite, elle continua à donner des cours célèbres sur les disciplines islamiques. "Certains de mes propres professeurs ainsi que nombre de mes contemporains assistaient à ses cours, raconte Ibn Hajar." 39 A'isha bin Abd al-Hadi r.a. (723-816), également mentionnée plus haut, qui fut longtemps le professeur de Ibn Hajar r.a., était considérée comme la plus raffinée traditionaliste de son temps. Des étudiants venaient parfois de très loin afin de s'asseoir à ses pieds et étudier les vérités de la religion 40. Sitt al-Arab r.a. (décédée en 760/1358) avait enseigné au traditionaliste bien connu al-Iraqi (décédé en 742/1341) et de nombreux autres qui avaient complété une large part de leurs connaissances auprès d'elle 41. Daqiqa bint Murshid r.a. (décédée en 746/1345), une autre traditionaliste louée, reçut son instruction de plusieurs autres femmes.

L'information se rapportant aux femmes traditionalistes du neuvième siècle est compilée dans un texte de Muhammad ibn Abd al-Rahman al-Sakhawi (830-897/1427-1489), al-Daw al-Lami', qui est un dictionnaire biographique des éminentes personnalités du neuvième siècle 42. Le Mu'jam al-Shuyukh de Abd Al-Aziz ibn Umar ibn Fahd (812-871/1409-1466), compilé en 861 après l'Hégire était consacré aux notices biographiques de plus de 1100 des enseignants de l'auteur, y compris 130 femmes savantes auprès desquelles il avait étudié 43. Certaines d'entre elles furent reconnues pour la précision et l'érudition de leurs travaux et formèrent les grands savants des générations suivantes. Umm Hani Maryam r.a. (778-871/1376-1466) par exemple apprit le Coran par cœur dès son plus jeune âge, puis toutes les sciences islamiques alors enseignées, à savoir la théologie, le droit, l'histoire et la grammaire ; ensuite, elle voyagea afin de compléter ses connaissances en matière de ahâdîth auprès des meilleurs traditionalistes de son époque au Caire et à La Mecque. Elle était également louée pour son don de calligraphe, sa maîtrise de la langue arabe et son sens naturel de la poésie ainsi que pour son strict respect des devoirs religieux (elle accomplit le hajj pas moins de treize fois). Son fils, qui devint un savant notoire du dixième siècle, lui vouait une grande vénération et l'accompagnait constamment dans les derniers jours de sa vie. Elle poursuivit un programme intensif à la grande école du Caire, donnant des ijazas à de nombreux savants. Ibn Fahd lui-même étudia plusieurs travaux techniques sur les ahâdîth auprès d'elle 44.

Bai Khatun r.a., sa contemporaine syrienne (décédée en 864/1459), ayant étudié les traditions avec Abu Bakr al-Mizzi r.a. ainsi que d'autres traditionalistes, et ayant obtenu les ijazas d'un grand nombre de maîtres de ahâdîth, hommes et femmes, donnait des cours sur le sujet en Syrie et au Caire. On raconte qu'elle trouvait un grand plaisir dans l'enseignement 45. A'isha bint Ibrahim r.a. (760/1358-842/1438), connue dans les cercles académiques comme Ibnat al-Sharaihi, étudia également les traditions, entre autres, à Damas et au Caire, et donnait des cours auxquels d'éminents savants assistaient volontiers 46. Umm al-Khayr Saida r.a. de la Mecque (décédée en 850/1446) bénéficia de l'enseignement des ahâdîth de nombreux traditionalistes dans différentes villes, gagnant une réputation toute aussi enviable de savante 47.

D'après ce qui peut être relevé après maints recherches dans les références, il ressort que l'implication des femmes dans l'étude des ahâdîth et des disciplines islamiques en général semble avoir décliné considérablement à partir du dixième siècle de l'Hégire. Des livres tels que al-Nur al-Safir de al-Aydarus r.a., le Khulasat al-Akhbar de al-Muhibbi r.A. et le al-Suluh al-Wabila de Muhammad ibn Abd Allah r.a. (qui sont les dictionnaires biographiques des éminentes personnalités respectivement des dixième, onzième et douzième siècles) ne font mention que d'une petite dizaine de traditionalistes femmes. Il serait pourtant faux de déduire de là que l'intérêt des femmes pour le hadith s'amenuisa à partir du dixième siècle. Quelques traditionalistes qui s'étaient faits un nom pendant le neuvième siècle continuèrent pendant le dixième siècle à servir la sunna. Asma bint Kamal al-Din r.a. (décédée en 904/1498) jouissait d'une grande influence auprès des sultans et de leurs représentants, à qui elle faisait souvent des recommandations... qui étaient toujours appliquées, dit-on. Elle donna des cours sur les ahâdîth et forma des femmes aux diverses sciences islamiques 48. A'isha bint Muhammad r.a. (décédée en 906/1500), épouse du célèbre juge Muslih al-Din, enseigna les traditions à nombre d'étudiants et fut nommée professeur à l'école Salihiyya de Damas 49. Fatima bint Yusuf d'Alep r.a. (870/1465-925/1519) était considérée comme l'un des excellents savants de son temps 50. Umm al-Khayr r.a. donna une ijaza à un pèlerin de la Mecque en l'an 938/1531 51.

La dernière femme traditionaliste de premier rang qui nous est connue fut Fatima al-Fudayliya r.a., aussi connue que al-Shaykha al-Fudayliya. Elle est née avant la fin du douzième siècle musulman ; très tôt, elle excella dans l'art de la calligraphie et les diverses sciences islamiques. Elle eut un intérêt spécial pour le hadith, lut beaucoup sur le sujet, reçut les diplômes de bon nombre de savants, et acquit la juste et méritée réputation d'être une importante traditionaliste. Vers la fin de sa vie, elle s'installa à la Mecque, où elle fonda une riche libraire publique. Dans la ville sainte, d'éminents traditionalistes assistèrent à ses cours et reçurent leurs certificats par elle-même. Il peut être mentionné, parmi eux, en particulier Shaykh Umar al-Hanafi r.a. et Shaykh Muhammad Sali r.a.. Elle mourut en 1247/1831 52.

A travers l'histoire, l'érudition des femmes savantes en islam ne se limitait pas à un simple intérêt pour les traditions ou à des cours particuliers dispensés à quelques individus. Elles passèrent en effet sur les bancs des étudiants avant de devenir enseignantes dans les institutions d'éducation publique, aux côtés de leurs frères en foi. Les colophons de nombreux manuscrits les représentent à la fois en tant qu'étudiantes assistant à des cours magistraux qu'en tant que professeurs titulaires. Par exemple, l'acte des volumes 238-40 de al-Mashikhat ma al-Tarikh de Ibn al-Boukhâri r.a. montre plusieurs femmes suivant un cours de onze volets auquel assistait plus de cinq cent étudiants à la mosquée de Umar à Damas en l'an 687/1288. Un autre acte du volume 40 du même manuscrit montre des étudiantes, dont les noms sont spécifiés, à un cours de six séances sur le livre, dispensé par Ibn Al-Sayrafi r.a. à une classe de plus de deux cents étudiants à Alep en l'an 736/1336. Dans le volume 250, nous découvrons qu'une célèbre traditionaliste, Umm Abd Allah, donnait un cours de cinq séances sur le livre à une classe mixte de plus de cinquante étudiants, à Damas en l'an 837/1433 53 .

Plusieurs notes sur le manuscrit du Kitab al-Kifaya de al-Khatib al-Baghdadi ainsi qu'une série de traités sur les ahâdîth montrent Ni'ma bin Ali, Umma Ahmad Zaynab bint al-Makki et d'autres traditionalistes femmes dispensant des cours sur ces deux livres, soit seules, soit conjointement avec des traditionalistes hommes dans les principales écoles telles que Aziziyya Madrasa et la Diyaiyya Madrasa. Ahmad, le fils du célèbre général Salah al-Din suivit quelques uns de ces cours 54.

Dr. Muhammad Zubayr Siddiqi

Adaptation française : Oumayma

Maura O'Neill, "Women Speaking, Women Listening" (Maryknoll, 1990CE) , 31 : "Les Musulmans n'ont pas recours à un Dieu mâle comme moyen conscient ou inconscient dans la construction du rôle des deux sexes".

Pour une synthèse globale sur la question du statut des femmes en islam, voir M. Boisers, L'Humanisme de l'islam (3ème édition, Paris, 1985CE), 104-10.

al-Khatib, Sunna, 53-4, 69-70.

Voir ci-dessus, 18, 21.

Ibn Sa'd, VIII, 355.

Suyuti, Tadrib, 215.

Ibn Sa'd, VIII, 353.

Maqqari, Nafh, II, 96.

Wustenfeld, Genealogische Tabellen, 403.

al-Khatib al-Baghdadi, Tarikh Baghdad, XIV, 434f.

Ibid., XIV, 441-44.

Ibn al-Imad, Shsadharat al-Dhahah fi Akhbar man Dhahah (Cairo, 1351), V, 48 ; Ibn Khallikan, no. 413.

Maqqari, Nafh, I, 876 ; cité dans Muslim Studies de Goldziher, II, 366.

Goldziher, Muslim Studies, II, 366. "Il est très commun en fait de retrouver dans l'ijaza de la transmission de Bukhari le nom de Karima al-Marwaziyya parmi les autres noms de la longue chaîne de transmission"(ibid.)

Yaqut, Mu'jam al-Udaba', I, 247.

COPL, V/i, 98f.

Goldziher, Muslim Studies, II, 366.

Ibn al-Imad, IV, 123. Sitt al-Wuzara' était également une éminente juriste. Des juristes l'invitèrent au Caire afin qu'elle donne sa fatwa sur une épineuse question.

Ibn al-Athir, al-Kamil (Cairo, 1301), X, 346.

Ibn Khallikan, no. 295.

Goldziher, Muslim Studies, II, 367.Ibn al-Imad, VI. 40.

Ibid., VIII, 14.

Ibn Salim, al-Imdad (Hyderabad, 1327), 36.

Ibn al-Imad, IV, 100.

Ibn Salim, 16.

Ibid., 28f.

Ibn al-Imad, VI 56.

Ibid., 126 ; Ibn Salim, 14, 18 ; al-Umari, Qitf al-Thamar (Hyderabad, 1328), 73.

Goldziher, Muslim Studies, II, 407.

Ibn Battuta, Rihla, 253.

Yaqut, Mu'jam al-Buldan, V, 140f.

Yaqut, Mu'jam al-Udaba, 17f.

COPL, V/i, 175f.

Ibn Khallikan, no.250.

Ibn al-Imad, V, 212, 404.

Plusieurs manuscrits de cet ouvrage ont été préservés dans les bibliothèques. Il fut publié à Hyderabad en 1348-50. Le volume VI du Shadharat al-Dhahab de Ibn al-Imad, un vaste dictionnaire biographique des éminents savants musulmans du premier au dixième siècles de l'Hégire est largement basé sur ce texte.

Goldziher, habitué à un environnement exclusivement masculin dans les universités européennes du dix-neuvième siècle est déconcerté par la scène décrite par Ibn Hajar. Cf.Goldziher, Muslim Studies, II, 367 : "A la lecture du fantastique travail biographique de Ibn Hajar al-Asqalani sur les savants du huitième siècle, il y a de quoi s'émerveiller devant le nombre de femmes savantes auxquelles l'auteur a consacré ses articles."

Ibn Hajar, al-Durar al-Karima fi Ayan al-Mi'a al-Thamina (Hyderabad, 1348-50), I, no. 1472.

Ibn al-Imad, VIII, 120f.

Ibid., VI, 208. Al-Iraqi (la plus célèbre autorité en matière de ahadith de Ihya Ulum al-Din de Ghazali) assura que son fils étudia auprès d'elle.

Il existe un résumé réalisé par Abd al-Salam and Umar ibn al-Shamma' (C. Brockelmann, Geschichte der arabischen Litteratur, second ed. (Leiden, 1943-49CE), II, 34). Un manuscrit en mauvais état de ce dernier est préservé à la bibliothèque O.P. à Patna (COPL, XII, no.727).

Ibid.

Sakhawi, al-Saw al-Lami li-Ahl al-Qarn al-Tasi (Cairo, 1353-55), XII, no. 980.

Ibid., no. 58.

Ibid., no. 450.

Ibid., no.901

al-Aydarus, al-Nur al-Safir (Baghdad, 1353), 49.

Ibn Abi Tahir, see COPL, XII, no. 665ff.

Ibid.

Goldziher, Muslim Studies, II, 407.

al-Suhuh al-Wabila, see COPL, XII, no. 785.

COPL, V/ii, 54.

Ibid., V/ii, 155-9, 180-208. Pour certains manuscrits annotés particulièrement riches conservés à la bibliothèque Zahiriya de Damas, voir l'article de Abd al-Aziz al-Maymani dans al-Mabahith al-Ilmiyya (Hyderabad : Da'irat al-Ma'arif, 1358), 1-14.

http://www.musulmane.com/modules.php?name=News&file=article&sid=31

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Le caractère du bédouin dans le Coran

A l'époque de notre Prophète (pbsl), il existait deux structures sociales fondamentales en Arabie: les citadins et les bédouins (les Arabes du désert). Une culture évoluée régnait dans les villes arabes. Les relations commerciales reliaient les villes au monde extérieur, ce qui a contribué à la formation de "bonnes manières" parmi les Arabes habitant les villes. Ces gens-là avaient des valeurs esthétiques raffinées, appréciaient la littérature et particulièrement la poésie. Les bédouins, d'autre part, se constituaient de tribus nomades vivant dans le désert et avaient une culture très brutale. Ignorant les arts et la littérature, ils avaient développé un caractère fruste.

L'Islam s'est épanoui parmi les habitants de la Mecque, la ville la plus importante de la Péninsule. Ensuite, avec l'expansion de l'Islam, toutes les autres tribus en Arabie ont embrassé cette religion. Parmi ces tribus les Arabes du désert posaient problème: leur pauvre formation intellectuelle et culturelle les empêchait de saisir la profondeur et l'esprit noble de l'Islam. Allah énonce les mots suivants dans un verset à ce propos:

Les Bédouins sont les plus forts en incroyance et en hypocrisie, les plus propres aussi à méconnaître les prescriptions qu’Allah a révélées à Son messager. Et Allah est Savant et Sage. (Sourate at-Tawbah, 97)

Les Arabes du désert, à savoir les groupes sociaux endurcis dans leur impiété et dans leur hypocrisie, et enclins à ignorer les commandements d’Allah, ont choisi l'Islam à l'époque du Prophète (pbsl). Cependant, ils furent par la suite une source d'ennui pour le monde islamique. La secte appelée "Kharidjites" (les rebelles), qui s'est développée parmi les bédouins, en est un exemple. La caractéristique la plus distinctive de cette secte perverse car elle s'était considérablement égarée des pratiques sunnites, était leur nature sauvage et fanatique. Les Kharidjites, qui connaissaient peu l'essence de l'Islam ou les vertus et valeurs du Coran, ont déclaré la guerre à tous les autres musulmans, basant cette lutte sur quelques versets coraniques au sujet desquels ils ont fait des interprétations erronées. En outre, ils ont commis des actes de terrorisme. Ali, l'un des compagnons les plus proches du Prophète (pbsl) et décrit comme "la porte de la ville de connaissance", fut assassiné par un Kharijite.

Plus tard, un autre groupe brutal se forma, les Hashashis, composé de militants ignorants et fanatiques dépourvus d'une compréhension profonde de l'essence de l'Islam et qui pouvaient donc être facilement influencés par des slogans et de simples promesses.

En d'autres termes, tout comme les Croisés ont altéré et mal interprété le Christianisme en le présentant comme un enseignement de brutalité, certains groupes pervertis au sein du monde islamique ont mal interprété l'Islam et ont recouru à la brutalité. Le point commun de cette secte et des Croisés était leur nature bédouine: il s'agissait de personnes ignorantes, peu raffinées et incultes, privées d'une compréhension véridique de leur religion. La violence à laquelle ils ont recouru a résulté de cette structure sociale, plutôt que de la religion à laquelle ils ont prétendu adhérer.

http://harunyahya.fr/fr/works/106719/Le_caractere_du_bedouin_dans_le_Coran_

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Le secret de l'éternité de la civilisation et de la culture islamiques

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L'on rencontre toujours de multiples difficultés et complications lorsque l'on décide d'identifier et de déterminer les facteurs composant les civilisationscivilisations. En effet, il y a une diversité vaste et très importante en ce qui concerne la détermination et la définition des causes et des effets dans ce domaine.

Cependant, un examen plus approfondi de l'ensemble des théories et des opinions des penseurs et des intellectuels musulmans concernant les civilisations et la culture islamiques, nous montre que le point commun de toutes ces théories consiste à considérer que les fondements de la glorieuse civilisation islamique se basent sur la prédominance de la révélation et la croyance en Dieu, et non pas sur l'humanisme. En d'autres termes, la religion englobe toutes les manifestations de la civilisation et de la culture. En réalité, les religions ont été, tout au long de l'histoire de l'humanité, la source de toutes les sciences et de toutes les techniques, notamment la philosophie et les sciences rationnelles qui constituent, à leur tour, la source de toutes les autres sciences. Les documents historiques confirment tous cette réalité irréfutable.

Certains penseurs qui travaillent sur l'histoire de la civilisation islamique, n'ont pas observé une distinction nette entre les deux notions de civilisation et de culture. En réalité, ils les utilisent souvent comme synonymes, ce qui les conduit à identifier et à déterminer les piliers de la culture et de la civilisation islamiques de la façon suivante :

La connaissance de Dieu : La connaissance de Dieu est le premier pilier important de la culture islamique. C'est la raison pour laquelle, la culture islamique considère qu'il existe des liens très forts entre l'individu et la société humaine d'une part et le Créateur de l'univers de l'autre. Autrement dit, la culture islamique se fonde sur la croyance en Dieu unique et elle considère que le monde et toutes ses composantes se soumettent à l'ordre de la loi de causalité et à la providence de Dieu. En réalité, par sa providence, Dieu accorde Sa clémence à toutes Ses créatures et n'empêche jamais l'établissement des liens entre la cause et l'effet.

A ce propos, Le verset 13 de la sainte sourate "Le Tonnerre" en dit : "Dieu ne change la vie d'un peuple, que lorsque ce peuple agit lui-même pour changer sa vie".

L'éternité de la culture islamique : Il n'y a nul doute que la culture islamique se développe dans l'ensemble de la création et dans sa relation avec le Créateur, ce qui assure, en réalité, l'éternité de cette culture. Ceci étant dit, la culture islamique est une culture stable et éternelle. Cette stabilité et cette éternité s'étendent dans tous les aspects de la religion, la doctrine, les principes et l'éthique afin de préparer le terrain à la réalisation des objectifs universels du vénéré Messager de Dieu (que la paix divine soit sur lui et ses descendants). Cette particularité exceptionnelle de la religion donne une grande confiance aux humains, renforce leur volonté et satisfait leurs besoins spirituels, afin de les encourager à poursuivre leur chemin vers la victoire, le progrès et la réussite.

La globalité : La culture islamique est immense et infinie, et elle dispose d'une cohérence toute particulière. Elle est tout à fait régulière dans tous ses moindres détails et elle provient d'une source unique et d'un mode de pensée particulier. Par conséquent, la culture islamique est naturellement harmonieuse et un ordre parfait règne dans toutes ses composantes. Autrement dit, elle ne peut qu'être englobante et puissante.

La productivité et le dynamisme : Selon la providence du Seigneur, l'homme est le représentant et le successeur de Dieu sur la terre. Pour mériter un tel statut, il est évident que l'être humain doit bénéficier d'une liberté totale. Une fois arrivé à un tel rang élevé, l'homme sera capable de dominer et maîtriser la nature, de connaître les lois et les forces de la nature. Cela lui permet de franchir des pas vers l'acquisition des connaissances qui l'amèneront vers un objectif sacré déjà destiné à l'être humain. Il s'agit de l'élévation de l'homme et de la réalisation de la perfection pour laquelle l'homme a été créé par Dieu. En fin de compte, l'homme doit accomplir le devoir que Dieu lui a fixé. Sur ce chemin, Dieu a équipé l'homme de trois instruments à savoir sa nature innée, le message apporté par les prophètes, et les épreuves difficiles qui préparent l'être humain pour avancer vers la perfection totale.

Par ailleurs, la culture islamique est une culture vivante, constructive et dynamique qui encourage sans cesse l'homme à poursuivre le chemin du progrès dans tous les domaines, en s'appuyant toujours sur la raison. Chaque découverte nouvelle donne à l'homme la clé d'un secret de la nature et lui permet de connaître mieux le but de sa création et la voie de sa perfection. Cela est une voie qui amène l'être humain à mieux connaître son Créateur. C'est un acte d'adoration de Dieu et un élément qui assure le rapprochement de l'homme à Dieu et à la perfection humaine.

L'unité et la cohésion : L'unité et la cohésion sont des avantages très importants de la culture islamique. Cela signifie que chaque effort culturel visant à réaliser l'un des aspects de cette culture doit être en harmonie avec les autres aspects de cette culture unique. Cette vision particulière assure, en quelque sorte, l'unité et la cohésion de l'homme avec l'univers tout entier, permettant à l'être humain de se mettre en harmonie avec toutes les créatures de ce monde. L'étude de l'évolution progressive des civilisations dans l'histoire de l'humanité nous prouve que les prophètes se trouvent toujours au centre et au noyau de la plupart des grandes civilisations humaines. En d'autres termes, les religions ont toujours réussi à jouer un rôle central pour assurer le dynamisme de trois facteurs essentiels de toute civilisation : le système des valeurs, les connaissances et le pouvoir politique. En réalité, ces trois facteurs empruntent leurs forces et leur vivacité à la religion qui est le garant du dynamisme d'une civilisation.

Par conséquent, nous devons chercher la vraie signification de la "civilisation des lumières" dans le changement de tous les éléments du système intellectuel de la société et les relations constructives qu'ils établissent. Autrement dit, nous sommes à la recherche d'une civilisation qui est concrètement une civilisation coranique. Il est à noter que le Saint Coran a une forme matérielle en tant que livre révélé par Dieu, mais il est également doté d'une forme objective qui se réalise lorsque le mot "Allah" se réalise au niveau social. En dépit de tous les progrès matériels, l'homme n'est pas en mesure d'unifier toutes les tendances sociales différentes. L'unification de la société humaine ne serait possible que grâce à la réalisation du califat divin, fondé sur l'apparition d'un axe réel fondé sur l'adoration de Dieu.

http://quran.al-shia.org/fr/ejtema/53.html

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Culture de la réforme et réforme de la culture

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La réforme est une question communautaire générale, car elle concerne la communauté tout entière et non un individu ou groupe d'individus. Elle se distingue, en outre, par son caractère global et complémentaire car elle ne se confine pas à un aspect ou champ particuliers mais couvre tous les domaines vitaux de ladite communauté. Cela n'implique pas, pour autant, d'exclure l'immense responsabilité qu'assume l'élite éclairée, notamment les intellectuels, dans la promotion de cette
réforme et, auparavant, dans sa conception, sa planification et sa mise en oeuvre, en veillant à ce qu'elle réponde au besoin qui la dicte. Il ne fait aucun doute que le besoin de réforme est conditionné par la nature
de notre pensée arabo-islamique qui a traversé de nombreuses étapes de développement et de rayonnement, preuve que nous pouvons dépasser l'actuelle étape de repli sur soi. Ce besoin est également inspiré par la nature de notre
religion qui incite au renouveau et est dicté par la réalité et ses mutations. En définitive, ce besoin de réforme va de concert avec l'évolution de l'univers et de la vie, qui ne connaissent ni interruption ni stagnation.
Nous devons cependant garder présent à l'esprit que bon nombre de difficultés entravent cette réforme, notamment :
1. L'accumulation et l'aggravation des problèmes, rendant leur résolution ardue, d'autant qu'ils sont traités tantôt avec légèreté et insouciance, tantôt avec exagération, entrainant ainsi leur négligence, leur multiplication ou l'échec d'aboutir à des solutions ;
2. L'absence d'une vision claire et exhaustive, dans le cadre d'un système de réforme globale fondé sur un modèle à adopter et appliquer. Celui-ci doit-il s'inspirer du patrimoine ou être copié sur l'expérience de l'Occident avancé ?
3. A ces facteurs de crise s'ajoute la position de l'Occident vis-à-vis des mouvements de réforme. En effet, l'Occident suit la situation politique et intellectuelle des Arabes et des Musulmans. La lecture des récits de certains occidentaux qui ont été chargés, depuis plus de deux siècles, d'analyser cette situation permet, cependant, d'appréhender la politique
réelle adoptée par les pays occidentaux pour imposer leur hégémonie aux sociétés arabes et islamiques. Cette lecture met également en évidence Les méthodes appliquées pour consacrer la dépendance politique, économique, culturelle, voire militaire, de ces sociétés envers l'Occident.Tous ces facteurs réunis contribuent à renforcer cette hégémonie, mais
aussi à affaiblir ces sociétés. L'incitation des compétences arabes et islamiques à émigrer s'inscrit également dans le cadre de ces tentatives d'affaiblissement car, à travers cette émigration, les pays occidentaux vident ces pays de leurs élites les plus actives ;
4. Aces difficultés, qui s'aggravent encore davantage avec l'intensification de l'ignorance, de l'analphabétisme et de la pauvreté répandus dans la société, s'ajoute l'absence d'une volonté sincère et vigoureuse de réforme ;
5. S'agissant du rôle des intellectuels, nous estimons que la réforme ne peut s'effectuer efficacement et à tous les niveaux à travers des mouvementsindividuels, quand bien même ce sont ces individus qui assument la responsabilité de sa conception et sa planification ;
6. La réforme ne peut, non plus, se concrétiser sans l'acquisition de la culture contemporaine, y compris la technologie renouvelable et la connaissance numérique. Il faut donc encourager la recherche scientifique, les innovations scientifiques et les différentes formes de créativité, tout en favorisant la mise en place d'une structure d'excellence
en matière d'inventivité et de qualité. Cependant, outre le fait qu'elle soit un bagage cognitif, la culture contemporaine c'est aussi une conscience, une vision et des valeurs comportementales adaptées à l'époque. A cet égard, il convient de rappeler, tout spécialement concernant les valeurs, que cette culture suscite elle-même d'innombrables points d'interrogation qui poussent les analystes à s'interroger non seulement sur la réalité de la culture autant des pays arabes et islamiques que
des pays occidentaux dans un monde en constante mutation, ainsi que sur les motifs qui suscitent le réforme de cette réalité.

A vrai dire, ces motifs sont aussi nombreux qu'évidents, et leurs signes précurseurs sont apparus d'ores et déjà depuis le début de l'ère moderne, soit avant deux siècles environ. Pour les peuples arabes et islamiques, c'est
l'aspiration à changer leur situation afin de surmonter les problèmes de la pauvreté, de l'ignorance, de l'analphabétisme et du sous-développement etrattraper le train du progrès. Il s'agit, pour ces peuples, d'assimiler les acquis
cumulés par le monde avancé dans les domaines politique, économique, social et
culturel, lesquels acquis ont permis aux citoyens de ce monde de jouir
pleinement de leurs libertés et de tous leurs droits et leurs ont fourni les
conditions idéales pour remplir leurs droits et obligations.
Il serait utile ici de rappeler que le monde arabe et islamique regorge de
richesses et de potentialités que sont le poids démographique, les ressources
naturelles, la position stratégique et les hautes compétences tant nationales
qu'expatriées ainsi que leurs capacités d'investissement à l'intérieur comme à l'extérieur.
D'où la question : quel est l'origine de cette défaillance ?
Il est vrai que les Arabes et les musulmans ont connu bon nombre de
secousses, à commencer par les conflits sur la question du Califat dès la première
époque islamique, avec toutes les conséquences négatives qu'ils ont eu sur l'Etat et
la société, suivis par la conquête de Hulagu, les Croisades, l'expulsion des Arabes
de l'Andalousie, le colonialisme et toutes ses répercussions d'après l'indépendance.
A cela s'ajoutent les séquelles de l'occupation de la Palestine, de la crise en Irak et
de toutes les crises qu'ils traversent aujourd'hui et dont il serait difficile de prévoir
l'impact, en particulier à l'époque contemporaine où la plupart des pays arabes sont
confrontés à des soubresauts inopinés que j'aborderai plus tard.
Pour répondre correctement à la question ci-haut posée, il convient de
procéder à une autocritique, en admettant, tout d'abord, la réalité de notre sousdéveloppement
puis en en cherchant les causes. Nous en déduiront ainsi que
parmi celles-ci figurent le repli sur soi, l'attachement aveugle à des traditions et
coutumes ancestrales qui ont façonné des mentalités sclérosées, et la fermeture
de toutes les issues permettant l'ouverture sur l'Autre.
Les dangers de ce repli, jadis limité aux aspects militaire, politique et
économique, se précisèrent lorsqu'il toucha l'aspect culturel qui a fini par céder
en dépit de la résistance et de toutes les actions positives entreprises par les
mouvements de réforme, dirigés d'une part par les promoteurs de la pensée
scientifique salafite tant en Orient qu'en Occident et, d'autre part, par des
pionniers de la modernité de ces mêmes pays qui ont pris connaissance, dès le

XIX° siècle, des progrès réalisés par l'Occident et dont les tentatives d'en
transférer certains aspects se sont heurtées à une résistance interne qui ont mis en échec ces tentatives.
Par la suite, ce repli s'est amplifié, ainsi que les dangers qui y sont
inhérents, après la colonisation des pays arabes et islamiques, lesquels ont trouvé
dans la recherche de soi et la réhabilitation du patrimoine un moyen naturel et légitime pour combattre cette colonisation.
Après l'indépendance, la pensée tenta de réunir les conditions du développement en prônant d'emprunter la même voie que l'Occident. Mais là encore, la tendance au repli persista, influant ainsi sur le processus d'ouverture.
Ainsi, la question ancienne-nouvelle sur les causes réelles du sousdéveloppement
reste posée et soulevée par différentes opinions.Mais alors, où réside le problème ? Est-il intrinsèque à l'Islam ou est-il dû
à la manière dont l'islam est appliqué ? En d'autres termes, est-ce que le
problème réside dans les musulmans et leur renoncement aux valeurs de l'islam
et leur incapacité à se mettre au diapason des peuples avancés ? Est-il dû à leur
incapacité à concilier la religion avec les nouvelles exigences matérielles ? Estil
dû à leur attachement aux petits détails et leurs divergences sur le parcellaire,
en laissant de côté l'essentiel, tout en s'appuyant sur des référentiels dépassés et
des textes incompatibles ?
C'est justement ce que l'on constate dans le domaine de la science et de son
exploitation, dans la domination de la pensée tirée du mythe et de la superstition,
auxquels s'ajoute la nature de la gouvernance fondée, dans la plupart des pays
arabes et islamiques, sur le despotisme, l'absence de consultation (Choura) et de
démocratie, l'usurpation par des individus des richesses publiques au détriment
des intérêts de la nation et de ses aspirations au progrès et au développement.
Ceci sans compter les provocations contre l'Islam et les musulmans pour les
maintenir dans le sous-développement aux fins de concrétiser des visées colonialistes.
A ce stade, une autre question s'impose : pourquoi les Arabes et les musulmans ont réussi jadis et pas maintenant?
En lisant l'histoire, on déduit que les musulmans ont, par le passé, saisi l'importance de la science, domaine où ils excellaient tant dans la recherche que dans l'élaboration d'ouvrages, créant ainsi dans leur parcours une culture
clairvoyante et une civilisation prospère dont les effets ont touché tous les
aspects de la vie. Ils ont, en outre, compris l'importance de la traduction des
oeuvres d'autrui et ont, de ce fait, traduit d'importants ouvrages en arabe, loin de
tout complexe susceptible d'entraver ce processus. Les savants ont ainsi
accompli leur devoir et rempli les responsabilités qui leur incombent.
Cependant, cette mission est passée aujourd'hui aux oubliettes, les savants,
car les penseurs et les intellectuels ont abandonné cette responsabilité et sont
devenus désormais, dans leur grande majorité, des spectateurs indifférents ou des
personnes soucieuses de leurs intérêts propres et ont perdu ainsi leur position où
la neutralité n'a aucune raison d'être. Ils ne s'intéressent plus aux problèmes de
leur communauté pour leur trouver des solutions. C'est ainsi qu'ils ont ouvert la
voie aux pédants, ignorants et épris de slogans éclatants issus soit d'un discours
idéologique n'ayant aucun fondement, soit d'un discours religieux extrémiste ou
démodé visant à leurrer l'opinion publique et que les évènements du 11
septembre ont exacerbé, faisant ainsi des musulmans la cible d'agressions et
d'accusations sous prétexte que leur religion incite au terrorisme. Or, les uns et
les autres sont, pour la plupart, des gens qui ont mal compris l'esprit de la
religion, sous l'effet d'une réalité sociale implacable, ou des purs produits du
colonialisme qui oeuvrent à exécuter les plans de celui-ci. J'entends par là les
plans concoctés par le colonialisme afin de consacrer sa présence et renforcer
son influence, à commencer par l'attisement des conflits ethniques et
linguistiques en passant par les divergences politiques et doctrinales et autres
conflits et collisions d'intérêts personnels.
La pensée réformatrice contemporaine se préoccupe de certaines questions
qu'elle juge essentielles pour réaliser le progrès, notamment en abordant la
relation entre la religion et la politique ainsi que la relation entre la religion et
l'extrémisme et le terrorisme. En continuant à réfléchir à l'équation patrimoine/
modernité, la pensée réformatrice s'est retrouvée partagée entre droite, gauche et
centre, avec tous les groupes et catégories qui les composent et soulèvent des
questions ponctuelles telles que le dialogue et le conflit ou l'alliance des
civilisations. Or tous ceux-ci n'ont de cesse d'insister sur la tolérance de la
religion et ses potentialités en matière de dialogue et d'alliance, ainsi que sa
capacité à assimiler la démocratie.
Cette préoccupation s'active malheureusement loin du climat de liberté
nécessaire à l'instauration d'un environnement académique susceptible de
stimuler les capacités créatives. Elle est tout aussi dépourvue de l'aspect
scientifique et technologique et autres outils de développement qui assurent la
suprématie de l'Occident. Elle ne dispose pas, non plus, des exigences de la
mondialisation et des possibilités de concilier cette dernière avec la réalité arabo-
islamique, toutes composantes patrimoniales/courantes et aspirations futures
confondues. Elle ne peut, en outre, se prévaloir des capacités permettant de
relever les défis de la mondialisation et d'assimiler ses aspects positifs, qu'ils
soient économiques ou culturels, ces derniers étant liés à l'identité et sont
l'expression des spécificités culturelles, considérées souvent comme statiques.
Il est vrai que dans notre monde arabe et islamique nous parlons de la
démocratie et de la nécessité de l'adopter pour sortir du sous-développement. Il
est tout aussi vrai que nous nous efforçons d'instituer des systèmes, des appareils
et des institutions démocratiques. Mais nous ne pourrons y parvenir en l'absence
de la substance de la démocratie, c'est-à-dire tout ce qui a trait aux valeurs
démocratiques et au degré de la conscience de la société à leur égard afin qu'elle
s'en imprègne et les exprime dans son comportement, et ce, en acceptant et
respectant l'opinion de l'Autre et en dialoguant avec lui de façon positive, loin de
toute velléité égoïste ou désir d'imposer son avis et réfuter celui d'autrui. Or tout
ceci exige un changement au niveau de l'intellectuel et du mental.
Si l'Occident est avancé sur les plans politique, économique et militaire, il
l'est aussi dans les domaines culturel, cognitif et technologique. Mais, au
préalable, il s'était développé intellectuellement et mentalement, et c'est ce qui l'a
habilité à accéder à l'excellence et la supériorité, libérant ainsi les énergies et les
potentialités de l'ensemble de la société, toutes strates et catégories confondues.
Aujourd'hui, le citoyen occidental est conscient de l'importance de l'entreconnaissance,
de la solidarité, de l'alliance et de la coopération, à travers les
valeurs humaines communes, d'autant que ces dernières ne sont pas, dans leur
essence, incompatibles avec les valeurs religieuses.
Mais peut-être devrons-nous considérer la mondialisation, sous cet angle de
vue, en tant que nouveau cadre régissant les relations internationales, mais aussi
-ce à quoi elle est destinée- en tant que synonyme de l'occidentalisation. Souvent,
cependant, elle est vue tout simplement comme un mélange hétérogène alors que
d'aucuns y voient une perspective unidimensionnelle portant sur des concepts
exclusifs et constants.
La mondialisation a débouché effectivement sur une modification des
concepts et des plans, avec toutes les visions et théories que cela implique. L'on
s'interroge à juste raison sur le degré d'emprise de ce phénomène et sa capacité
à réduire le rôle des individus et de la société civile, voire même des Etats. La
même question se pose aussi sur ses conséquences et sa capacité à atteindre les
tréfonds culturels des peuples, rendant ainsi utopique la notion de diversité et de
pluralité dans les domaines culturels. Dans ce cas de figure, on est amené à nous

interroger, avec encore plus d'insistance, sur les lignes communes à ces
domaines ou de séparation entre eux, ainsi que sur la possibilité d'existence d'une
limite minimale pour une culture humaine à valeurs communes, et ce, à un
moment où tous les peuples soucieux de préserver leurs spécificités culturelles,
qu'ils soient avancés ou sous-développés, s'inquiètent unanimement des dangers
intrinsèques de la mondialisation.
D'autre part, les Arabes et les musulmans ne sont pas seuls dans ce monde, et
font partie intégrante d'un ensemble dont ils partagent et les aspects positifs et
négatifs. Ils partagent tout autant que les autres ses préoccupations, troubles,
confrontations et luttes, ainsi ses constantes et ses mutations, mais aussi son
exposition à la tyrannie des grandes puissances qui le manipulent ou s'efforcent de
le faire.
Aussi, les Arabes et les musulmans doivent-ils, dans ce maelström qui les
entraine, à se connaître de leur propre perspective et non pas à travers le regard de
l'Autre, bien que celui-ci ne soit pas dépourvu d'intérêt. Ils doivent entreprendre
cette autoanalyse avec objectivité, sincérité, impartialité et de façon critique afin
d'identifier, d'une part, les points forts pour les mettre en évidence et les enrichir et,
d'autre part, les points faibles afin de les éviter et les corriger, mais tout en se
conformant cependant aux normes mondiales régissant la vie des individus et des
communautés, telles qu'elles ont été convenues par les pays avancés.
Dans le contexte de cet engagement et des réformes et efforts de
développement qu'il implique, la pensée arabo-islamique requiert -après son
autocritique- l'ouverture sur l'Autre par tous les moyens, à commencer par la mise
en application des résultats et méthodes de la recherche scientifique et l'impulsion
des facultés créatives, en passant par la traduction qui, malheureusement, demeure
insuffisante, qu'il s'agisse de la traduction à partir des langues étrangères vers l'arabe
ou inversement. D'où la nécessité de mettre en place des institutions sérieuses et
responsables pouvant opérer en toute liberté.
Mais rattraper le train du progrès requiert également que l'on s'efforce de
nous adapter à l'évolution mondiale, notamment aux facteurs de développement,
de prospérité et d'hégémonie qu'elle comporte, et ce, à un moment où des pays,
et à leur tête les Etats Unis d'Amérique, s'appliquent à changer selon leur
perspective la situation politique, économique, sociale et culturelle du monde
islamique. Mais cette perspective, qui se dissimule derrière des slogans tels que
la démocratie, la liberté et la mondialisation, cache des intentions d'exploitation,
d'oppression et de réalisation d'intérêts. Les USA, par exemple, qu'ils soient
conscients ou inconscients de leurs contradictions, ont suscité des problèmes et

crises en Iran, Irak, Soudan, Palestine, Afghanistan et ailleurs, qu'ils peinent à
résoudre ou s'en débarrasser.
Et c'est dans le contexte de ces défis, avec leurs flux et reflux, que le monde
est pris de court par des événements sans précédent suscités par la révolte d'une
jeunesse en ébullition dans certains pays arabes qui s'est poursuivi tout au long
du premier semestre de l'année en cours, commençant en Tunisie et en Egypte,
et se poursuivant au Yémen, en Libye et en Syrie. Comme indiqué
précédemment dans cet article, il s'agit d'une nouvelle prise de conscience qui,
jusque là, faisait encore défaut. Certaines de ses conséquences positives se sont
manifestées au Maroc où son leadership éclairé a pris les devants en amorçant
une série de réformes fondamentales.
Cette prise de conscience est indicatrice du niveau de mécontentement des
peuples qui se révoltent contre une situation où sévit la corruption, où ils sont
dépouillés, sous le joug qu'ils subissent, de leurs droits les plus élémentaires, à
commencer par la liberté et la justice sociale, avec tout ce qu'elles comportent de
légitime et d'essentiel, tels le droit au travail, à la vie digne et à la sécurité. Ce
soubresaut impétueux traduit un besoin immense et pressant pour des
changements à même d'extirper et la corruption et les lois et règlements qui la
supportent, et ce, en dépit de tous les dangers et difficultés que ce soulèvement
stupéfiant et imprévu comporte, suscité par la perte de toute confiance dans les
différentes institutions politiques et sécuritaires, considérées par les masses
comme des façades créées par les régimes en place pour conforter la corruption
politique, avec tout ce qu'elle entraîne de despotisme, d'arbitraire, de pillage des
biens publics et de violation des droits des citoyens.
Ces dangers et difficultés, qui se renouvellent à travers les protestations
journalières et que les technologies de l'information et de la communication
modernes concourent à leur effervescence, nous interpellent pour leur accorder
un temps de contemplation culturelle, loin de toute influence idéologique, et
pour entreprendre une analyse objective et impartiale afin de parvenir à des
solutions pertinentes. Il s'agit surtout d'essuyer le moins de pertes possibles que
les difficultés et défis engendreront, sur le plan socioéconomique, pendant la
période de transition et dont le plus grave est justement celui qui remet en
question la cause même du soulèvement et des objectifs qu'il visait.
Il est évident que ce ne sont pas les épris de slogans politiques dépourvus de
sens ou les technocrates, financiers et hommes d'affaires qui se cachent derrière les
affiches du développement économique et technologique, et auxquels incombent les
fonctions d'exécution et d'application, qui pourront se charger de ce type de
contemplation. Pas plus d'ailleurs qu'elle ne peut être confiée aux prétendus
intellectuels et opportunistes qui restent accrochés aux lignes officielles, prédisposés
à changer de position en fonction de leurs intérêts personnels. Il en est de même des
intellectuels déçus qui se sont effacés pour vivre repliés sur eux-mêmes.
A ceux-là s'ajoutent les anarchistes, adeptes de «l'anarchie créative», ainsi
que tous les séditieux qui cherchent à entraver par tous les moyens le processus
de réforme, en cultivant les graines de l'inconsistance, de la dégénérescence, de
la décadence des goûts et des moeurs, se précipitant à accaparer les bénéfices du
moment tout en se préparant à cueillir les profits que le futur leur apportera, ce
futur qui, justement, porte les espoirs d'une réforme censée mener vers des
horizons meilleurs.
Ceux qui sont habilités à entreprendre cette contemplation difficile sont - à
notre avis - les intellectuels, grâce à leur génie, leurs idées, leur vision, leurs
positions et leur comportement vertueux. Ils sont en mesure de forger les bases
constitutionnelles d'un nouveau projet communautaire, fondé sur la légitimité
des institutions, mais aussi, au préalable, de résoudre les problèmes sociaux
urgents qui ne peuvent attendre la réforme théorique du système en question. Ce
projet doit également se construire sur des valeurs combinant l'authentique et le
moderne tout en répondant aux exigences du développement global, c'est-à-dire
aux préoccupations et aspirations des citoyens soucieux d'améliorer leur niveau
de vie. Ceci débouchera nécessairement et par le dialogue sur une concorde
nationale sereine et transparente, rejetant toute forme de conflit, y compris celui
des générations, et ce, sans être incompatible avec la mondialisation dans son
aspect positif véridique, précédemment évoqué.
S'agissant du référentiel islamique mentionné dans le cadre de ce
mouvement de réforme, aucun homme honnête et sincère ne pourra réfuter la
relation existant entre ce référentiel et l'Etat, qu'il soit religieux ou laïc. Or ce
référentiel n'est pas incompatible avec l'Etat laïc, d'autant qu'il rejette l'Etat
religieux dans son acception théocratique qui rattache la gestion de l'Etat au droit
divin. Il en est de même de l'acception qui tente, par ignorance, de la rattacher à
ce référentiel en imaginant qu'il s'agit du synonyme d'un Islam politique arriéré
et extrémiste. L'Islam apporte des textes généraux qui constituent une base que
les Musulmans doivent étudier, sonder, comprendre et appliquer d'une façon qui
correspond à leur situation réelle, qui varie en fonction du moment et du lieu, en
particulier en matière de politique et de gestion des affaires publiques.
Malheureusement, les partisans de l'attachement à ce référentiel semblent
incapables de formuler un discours politique islamique nouveau et porteur d'une
vision moderniste claire qui tient compte des changements imprévus, tout en
s'efforçant de résoudre les problèmes socioéconomiques qui s'aggravent de jour
en jour.
Nous gardons l'espoir qu'une telle démarche culturelle nous permettra de
reprendre confiance et d'entamer la réforme nécessaire, c'est-à-dire faire face à
la corruption dans sa double facette, à savoir la culture de la corruption et la
corruption de la culture, et ce, dans les formes religieuse et matérielle de cette
culture. En d'autres termes, il faut que cette réforme s'accomplisse dans le
cadre de la légitimité des lois, des droits et des obligations. Ceci aura pour
effet de résorber les tensions et de stopper l'hémorragie, tout en trouvant les
alternatives susceptibles de restaurer la sécurité et la quiétude des gens, et
entreprendre, sans plus tarder, les mesures permettant de préserver non
seulement la sécurité des individus, de la société et de l'Etat, mais aussi le
prestige sans lequel l'Etat n'a plus de raison d'être.
Ce grand projet civilisationnel ne peut cependant aboutir que par la mise en
place de politiques solides et efficaces, à même de trouver des solutions
appropriés aux problèmes sociaux, tant dans le domaine de l'enseignement, de la
justice et de l'emploi que dans celui de la gestion des affaires communales ou
publiques. Ces politiques devront être en mesure de faire face à toutes les crises,
qu'elles soient réelles ou artificielles. C'est ainsi que la culture retrouvera sa
vitalité et son esprit créatif, et les intellectuels leur rôle responsable vis-à-vis de
la société.
C'est de là qu'il apparaît nécessaire de s'interroger sur ce rôle vital,
tant dans l'étape actuelle que celle à venir. A-t-il la capacité de gérer les
problématiques de l'étape actuelle et développer une nouvelle pensée
capable d'en relever les défis et, par voie de conséquence, de trouver les
solutions appropriées aux crises qui en découlent ?

 

 

(*) Conseiller de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, et professeur de chaire à l'Université
Mohammed V à Rabat, membre de l'Académie du Royaume du Maroc, de l'Académie de la
langue arabe du Caire et de l'Académie royale Âl al-Beyt pour la pensée islamique de Jordanie.


186 Culture de la réforme et réforme de la culture

http://www.isesco.org.ma/francais/publications/Islamtoday/index.php?page=/Home/ISESCO%20Prizes

 

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Grande Discorde (al-fitna al-kubrâ) 655-661

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Par Tatiana Pignon

Les affrontements qui ont lieu dans les tous premiers temps de l’islam se concentrent pour la plupart autour de la question du califat, c’est-à-dire de la succession du Prophète, problématique en raison de l’absence d’indications laissées par Mahomet lui-même. Les rivalités pour le pouvoir, qui divisent l’élite médinoise, finissent par engendrer une véritable guerre civile en 655, lorsque le gendre du Prophète, ‘Alî, est désigné comme calife : cette guerre, appelée la Grande Discorde (al-fitna al-kubrâ en arabe) met en jeu non seulement l’avenir politique de l’islam, mais aussi la définition même du califat et donc de l’autorité religieuse en islam. Le transfert qui s’opère alors, du politique au religieux, provoque la sécession de plusieurs groupes qui développeront désormais leur propre conception de l’islam : c’est la naissance du chiisme, notamment, mais aussi du mouvement kharidjite par exemple.

La succession du Prophète

La mort de Mohamed, en 632 (an 10 de l’hégire), laisse vide la place de chef suprême de la communauté musulmane (Umma). En l’absence d’indications données par le Prophète sur la manière d’organiser sa succession, les élites médinoises – formées en majorité de la famille, au sens large, de Mahomet, c’est-à-dire des membres de la tribu des Quraysh – se rassemblent pour désigner un nouveau chef sur le principe du consensus. Abû Bakr, beau-père de Mahomet et converti de la première heure (on dit même qu’il serait le premier à devenir officiellement musulman), est choisi comme calife (khalîfa), c’est-à-dire « successeur [1] » du Prophète. Les critères auxquels doit répondre le calife sont dès lors établis, de fait : il s’agit de l’appartenance à la Maison du Prophète, de l’ancienneté de la conversion et de la respectabilité et de l’obéissance à la loi islamique. Sur ce même modèle sont désignés les deux califes suivants, ‘Umar et ‘Uthmân, toujours en se fondant sur le consensus médinois, c’est-à-dire sur l’accord entre tous les chefs de l’Umma. Mais nombreux sont ceux qui répondent à ces critères et qui peuvent revendiquer l’accession au califat. La politique uthmanienne est très critiquée : ce membre du clan des Umayyades – rival de celui de Mahomet au sein de la tribu des Quraysh – favorise largement sa famille, lui réservant par exemple la plupart des postes de gouverneur, et est accusé d’établir un pouvoir aristocratique dévoyant le message de Mahomet. Une révolte finit par éclater en Égypte en 655, et ‘Uthmân est assassiné en juin 656 – évènement qui déclenche une véritable panique. C’est dans ce contexte troublé que le gendre du Prophète, ‘Alî ibn Abî Tâlib, est nommé calife [2]. Converti très tôt lui aussi, il appartient comme son cousin Mahomet au clan hashîmite de la tribu des Quraysh, et avait épousé sa fille Fâtima, morte en 632.

Affrontements politiques et dissensions religieuses

Le combat est d’abord politique. ‘Alî est immédiatement confronté à une opposition forte, qui vient d’abord d’Aïcha, la femme préférée de Mahomet, et de deux autres proches parents du Prophète, Talha et al-Zubayr. Ceux-ci, considérant qu’ils ont autant de droits que lui au califat, lui retirent leur allégeance et quittent Médine pour aller constituer une armée à Basra. Ils affrontent ‘Alî à l’été 656 dans la plaine qui s’étend à l’embouchure du Tigre et de l’Euphrate, lors d’une bataille restée dans l’histoire sous le nom de « bataille du Chameau », du nom de l’animal sur lequel était juchée Aïcha pour exhorter les troupes ; on dit que c’est au moment où les jarrets du chameau furent coupés que ‘Alî remporta la victoire. Talha et al-Zubayr y sont tués, mais une nouvelle opposition apparaît contre ‘Alî : celle des Umayyades, menés par Mu‘âwiya qui craint de perdre le gouvernorat de Syrie que lui avait donné ‘Uthmân. Mu‘âwiya prend prétexte de la nécessité de venger le meurtre de ‘Uthmân, son cousin, pour refuser de prêter allégeance à ‘Alî, qui s’installe entre-temps à Kûfa, en Irak. Les deux troupes s’affrontent à Siffîn à l’été 657, pendant plusieurs mois, sans victoire décisive de l’un ou l’autre côté. Mais le risque de l’enlisement du combat fait planer la menace d’une disparition mutuelle, qui priverait l’Umma de ses chefs et mettrait en péril l’empire de l’Islam. On décide donc de s’en remettre à l’arbitrage, moyen de règlement des différends préconisé par le Coran. Lorsque l’arbitre représentant ‘Alî propose une solution de compromis consistant à trouver un autre calife, par exemple le descendant du calife ‘Umar, celui qui représente Mu‘âwiya refuse, mais prend cette proposition comme un accord sur le fait de démettre ‘Alî de ses fonctions. À cette nouvelle, une partie des combattants du camp alide, refusant l’arbitrage, fait sécession et se retourne contre ‘Alî : il s’agit des khârijites, écrasés l’année suivante à Nahrawân, ce qui achève de discréditer le calife en titre. Mu‘âwiya apparaît alors, aux yeux des élites médinoises, comme le seul à même de ramener l’ordre et de sauver l’empire : il est nommé calife en 660, et l’assassinat de son rival en 661 achève de consacrer sa victoire.

Mais le conflit entre ‘Alî et Mu‘âwiya va au-delà de l’ordre politique. Le gendre du Prophète est considéré par ses partisans comme son successeur légitime, qui aurait été désigné par le prophète lui-même. Ce « parti de ‘Alî », shî‘at ‘Alî en arabe, est l’origine directe du courant chiite (ou shi‘ite), pour qui le califat ne peut être détenu que par les alides, c’est-à-dire par les descendants directs de Mahomet par Fâtima et ‘Alî. Au contraire, le sunnisme permet à tout musulman d’ascendance qurayshite [3] choisi par son prédécesseur d’accéder au califat ; il tire son nom de la sunna, la norme de conduite fondée sur le comportement du Prophète et éventuellement des premiers califes. Cette distinction, à l’origine politique et partisane, fonde donc la plus grande dissension religieuse qui existe au sein de l’islam ; elle s’accompagne, dans l’idéologie qui s’est constituée au fil du temps, de différences dans la conception de l’islam lui-même, dans la célébration des fêtes et dans les références.

Mu‘âwiya et la mise en place du pouvoir umayyade

La Grande Discorde a des conséquences très importantes en matière purement politique, puisqu’elle amène au pouvoir Mu‘âwiya et avec lui, le clan umayyade. Jusque-là, la structure politique était celle de l’État médinois, centré sur la ville du Prophète et gouverné de manière plus ou moins collégiale par les chefs de l’Umma sous l’autorité du calife. C’est Mu‘âwiya qui donne à la position califale sa fonction de chef politique suprême et une autorité réelle. Il déplace tout d’abord le centre du pouvoir en Syrie, à Damas, où il restera pendant tout le règne des Umayyades – c’est-à-dire jusqu’en 750. L’image du calife-souverain est diffusée, notamment par le moyen d’inscriptions à travers tout l’Empire ; de plus, en nommant son fils Yazîd pour lui succéder, Mu‘âwiya impose le principe de succession dynastique. Les auteurs musulmans traditionnels considèrent que son arrivée au pouvoir coïncide avec le retour du mulk, cette forme de pouvoir monarchique qui avait été bannie par le prophète. On assiste de fait à une personnalisation du pouvoir autour de la figure califale, mais Mu‘âwiya agit davantage en chef de confédération tribale qu’en souverain absolu : il ne cherche pas à centraliser l’administration ni l’impôt, ménage les tribus et ne remet pas en cause l’autonomie des provinces. De plus, sa succession sera remise en cause par un Médinois descendant d’al-Zubayr, qui aspirera lui aussi au califat, mettant en évidence que le pouvoir établi par Mu‘âwiya, bien que stable pendant son règne, n’est pas encore solidement installé dans la durée. C’est Marwân, l’un de ses cousins éloignés, qui rétablit pour de bon la dynastie umayyade au poste de calife à l’issue de la guerre civile qui dure jusqu’en 684.

La Grande Discorde est donc bien un moment de transition essentiel dans le développement de l’Islam, sur les plans politique et religieux : en effet, c’est autour de questions politiques que se cristallisent des questionnements religieux touchant à la question de la légitimité califale, questionnements qui fondent les deux grands mouvements de l’islam, le chiisme et le sunnisme. C’est aussi à l’issue de cette guerre civile que la dynastie umayyade prend possession du califat, et qu’une certaine conception du pouvoir commence à se développer, autour de la figure du calife qui prend une place de plus en plus importante.

Bibliographie
- Hichem Djaït, La grande discorde. Religion et politique dans l’Islam des origines, Paris, Gallimard, 1989, 420 pages.
- Albert Hourani, Histoire des peuples arabes, Paris, collection Points Seuil, 1993, 732 pages.
- Eric Vallet, « Cours d’initiation à l’histoire de l’Islam médiéval », ENS Ulm, 2011-2012.

[1] Abû Bakr succède à Mahomet dans l’exercice de ses charges administratives, militaires et politiques ; mais la mort du « Sceau des Prophètes » met fin à l’ambition prophétique, et le calife n’est pas, en théorie, un représentant de Dieu ni du Prophète lui-même.

[2] Ces quatre califes, Abû Bakr as-Siddîq (632-634), ‘Umar ibn al-Khattâb (634-644), ‘Uthmân ibn Affân (644-656) et ‘Alî ibn Abî Tâlib (656-661), les premiers califes de l’islam, sont désignés dans la tradition musulmane sous le nom de « califes rashidûn », c’est-à-dire « bien-guidés ».

[3] C’est-à-dire appartenant à la tribu du Prophète ; mais l’extension des tribus était telle que cela laisse beaucoup plus de possibilités que la conception chiite du califat.

http://www.lesclesdumoyenorient.fr/Grande-Discorde-al-fitna-al-kubra.html

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