referencer site web - referenceur gratuit - $(document).ready(function(){ chargementmenu(); });

Histoire de L'Islam

L'Islam et les musulmans
La première chose qu'il convient de définir est le terme Islam. Nous pouvons affirmer que ce mot Islam n'est pas apparu après l'arrivée d'un homme ou l'accomplissement d'un phénomène. L'Islam est la véritable religion d'Allah (traduction en arabe du mot Dieu). En effet, c'est Dieu qui a choisit l'Islam, comme le montre le verset suivant :

Sourate 5, Verset 3
... Aujourd'hui, J'ai parachevé pour vous votre religion, et accompli sur vous Mon bienfait. J'ai agréé l'Islam comme religion pour vous... Sourate 5, Verset 3

Derniers billets publiés

Les rêves dans la culture musulmane

qrn0016.gif

Le rêve en tant que tel constitue une expérience fondatrice dans la conscience humaine. Il semble avoir bouleversé nos ancêtres dès les temps les plus anciens : alors que le corps repose en état d’immobilité, que toute vigilance a cessé, voici qu’un autre mode de conscience surgit. Le sujet voit, entend, ressent la joie ou la peur, sans que tout ceci ne laisse de traces dans le monde extérieur. N’y avait-t-il pas là pour eux le signe qu’existe en l’homme une âme, un principe immatériel autonome par rapport au corps physique
? Et ces expériences oniriques ne résultent-elles pas, de quelque manière d’une rencontre avec un monde sur-naturel
?

Dans les sociétés archaïques, le rêve est en tout cas le moyen privilégié d’entretenir des rapports avec la surnature : de connaître les événements cachés, présents ou à venir, de maintenir l’équilibre avec le monde des défunts etc. C’est ainsi que les rêves induits chez les chamanes et hommes de pouvoir constituent un des pivots de la vie sociale dans mainte société tribale. Certains anthropologues ont été jusqu’à suggérer que l’expérience du rêve aurait présidé à la naissance de l’art, et que les peintures rupestres préhistoriques que nous pouvons contempler aujourd’hui reproduiraient des visions de type chamanique (cf J.Clottes et D.Lewis-Williams, Les chamanes dans la préhistoire, Seuil, 1996).

Dans la culture musulmane classique, la question du rêve a été abordée avec gravité et prudence à la fois. Gravité, car le hadîth affirme sans ambiguïté que le rêve est une partie de la prophétie (juz’ min ajzâ’ al-nubuwwa) qui perdurera dans la Communauté après la mort de son Prophète, et jusqu’à la fin des temps historiques. Réserve, car il s’agissait de faire le départ entre rêves véridiques porteurs d’un message céleste et songes équivoques issus simplement des passions humaines voire de susurrements sataniques. Examinons ces deux termes de plus près.

Les données de la Tradition

Les rêves ont tenu une place de premier plan dans la vie publique et privée de Muhammad telle qu’elle nous a été rapportée dans la littérature du hadîth et de la biographie prophétique. Nous nous fondons ici surtout sur les principaux recueils de hadîths sunnites (cf la Bibliographie in fine) et sur les ouvrages de Sîra (Ibn Ishâq, Sîra ; Ibn Sa'd,

Mais les recueils de traditions mentionnent surtout ceux dont le poids historique voire politique est manifeste : la vertu d’Abû Bakr et surtout celle de 'Umar sont exprimées par des songes à peine codés. Plusieurs hadîths sahîh-s rapportent ainsi des rêves de Muhammad concernant la précellence de 'Umar. Ce dernier boit du lait (symbole de la science, explique Muhammad) des doigts mêmes du Prophète. Dans un autre songe où apparaissent plusieurs Compagnons, il est celui dont la chemise (interprétée ici comme désignant la religion) est de loin la plus longue. Parfois, le rêve de Muhammad prédit de façon à peine voilée les évènements politiques des trente années suivant sa mort, voire au-delà : la grande fitna, la mort de Husayn à Kerbéla, la révolte de 'Abdallâh ibn Zubayr...(notamment dans plusieurs traditions d’origine parfois incertaine répertoriées dans le Musnad d’Ibn
Hanbal).

Un rêve prémonitoire et d’un poids historique certain a même été mentionné dans le Texte sacré : le songe reçu par Muhammad à Médine de l’entrée des Musulmans à La Mecque en état de sacralisation, confirmé par le pélerinage de 629 (Coran XLVIII, 27). La victoire de Badr, la défaite du mont Uhud auraient elles aussi été prévues lors de plusieurs songes rapportés par le hadîth ; le Coran évoque même le rôle du message onirique qui serait intervenu peu avant la bataille de Badr (VIII, 43-44). Dans tous les cas, le rêve venait confirmer le dessein divin reposant sur un événement politique ou militaire, et donc lui donner sens.

Les récits du Voyage Nocturne et de l’Ascension Céleste peuvent également être mentionnés, pour autant que les savants se sont posé la question de sa nature : voyage de Muhammad dans son esprit ou dans son corps
? Si le consensus de la Communauté s’est fixé sur la première interprétation, celle d’un voyage corporel, plusieurs exégèses rapportent néanmoins aux événements du Isrâ’ le verset XVII, 60 mentionnant un songe du Prophète : ’Nous n’avons fait de la vision (ru’yâ) que nous t’avons montrée ainsi que de l’arbre maudit mentionné dans le Coran, qu’une tentation pour les hommes’. Enfin, la Tradition rapporte un certain nombre de rêves à portée eschatologique où Muhammad ou certains Compagnons (Ibn 'Umar) auraient reçu la vision des récompenses et des châtiments de l’au-delà.

Mais l’importance accordée par le hadîth aux rêves de Muhammad ne doit pas masquer une conviction plus centrale encore pour notre propos : celle que tous les croyants participent de quelque manière à cette suffusion du message divin dans la Communauté. La pratique même du Prophète l’illustrait : il réunissait le matin ses principaux Compagnons, et demandait si l’un d’entre eux avait rêvé. Parfois, ces récits de rêves ont pu exercer un effet sur la Loi ou la coutume religieuse. C’est suite aux songes convergents du Médinois 'Abd Allâh ibn Zayd et de 'Umar ibn al-Khattâb que fut institué le rite de l’âdhân. De même, la détermination de la position de la Nuit du Destin durant les sept derniers jours du mois de Ramadan a-t-elle été le résultat d’une série de rêves de Compagnons en ce sens, avalisée ensuite par le Prophète. Il arrivait que le songe du Prophète et celui d’un autre croyant fussent en concordance...

Bref, il existait comme une suffusion onirique collective dont Muhammad était en quelque sorte le pivot et le garant, mais non le seul acteur. D’ailleurs, cette manière d’inspiration collective par le rêve se confirma dès le décès du Prophète. Selon la Sîra, les Compagnons, perplexes et divisés quant au mode de lavage du corps de Muhammad après son décès inattendu, furent endormis ensemble et entendirent alors tous une voix leur donnant l’instruction précise. Passée la période fondatrice de la religion musulmane, les messages oniriques continuèrent de jouer un rôle dans la vie spirituelle des croyants, voir de toucher de façon discrète et incidente les élaborations juridiques ou théologiques (cf les récents travaux de Leah Kinberg cités en Bibliographie).

Le sommeil, nocturne en particulier, représente par conséquent un moment grave dans le quotidien des hommes. Il peut en effet devenir le moment de la visitation d’un ange, voire de Dieu Lui-même. C’est cette éventualité - jointe à la crainte a contrario d’une présence démoniaque à ce moment là - qui explique entre autres raisons la complexité des débats autour des gestes rituels précédant l’endormissement ou suivant le réveil : ablutions, récitations de versets coraniques et de prières propitiatoires, actes prophylactiques. Des gestes précis accomplis par le Prophète avant de s’endormir ont été rapportés par le hadîth en assez grand nombre. Il semble que Muhammad ait pu en adopter de différents suivant les jours et les circonstances ; enfin il est difficile d’évaluer dans quelle mesure il souhaitait que les autres croyants s’y conformassent. Ces pratiques sont bien sûr liées aux questions de pureté rituelle. Mais la nécessité d’une telle pureté renvoie à son tour au rapport du croyant avec les êtres du monde surnaturel, notamment avec les anges ; l’impureté attirant quant à elle la présence et le contact du démon. On peut même relever que, d’une certaine manière, le sommeil, la rencontre avec l’ange du rêve représente comme une préfiguration de la mort (cf Coran XXXIX 42), d’où la solennité des rituels intimes encadrant cette période nocturne décrits dans les recueils de hadîths. A tout le moins ces rituels ont-ils eu le bénéfice de prémunir certains croyants contre la terreur des cauchemars, selon des hadîths cités dans les mêmes chapitres.

Ceci dit, tous les rêves vécus durant le sommeil ne comportent pas la même charge symbolique ou religieuse. Le hadîth et à sa suite les docteurs de la Loi ont établi une classification entre les différentes formes de rêves, afin d’entourer de conditions précises celles dont le contenu pourrait se prévaloir d’une source surnaturelle. Cela commence par une spécification de certains termes. Le hulm désignera désormais le rêve d’origine passionnelle ou démoniaque, notamment mais non exclusivement d’ordre sexuel. Le rêve véridique, lui, correspondra à la ruy’â : ’La ru’yâ vient de Dieu, le hulm de Satan’, dit le hadîth à propos de cette distinction entre deux termes utilisés pourtant souvent comme synonymes en arabe ancien. Al-ru’yâ sera d’autre part distinguée de al-ru’yatu, vision à l’état de veille ; sauf quand l’exégèse l’exigera. Ainsi le terme ru’yâ advenant en Coran XVII 60 pour désigner sans doute le Voyage Nocturne est-il interprété comme une ru’yâ 'ayn, à l’état de veille, opposée à une ru’yâ manâm, songe à l’état de sommeil.

Trois catégories de rêves

Ensuite, les rêves seront classés globalement en trois catégories, suivant en cela un hadîth sahîh :

- 1) le discours inconscient que l’âme individuelle, renvoie à partir du vécu du jour précédent. Il n’est pas foncièrement nuisible, mais ne fournit pas de message utile non plus ;

- 2) les susurrements de Satan qui cherche à épouvanter ou attrister le dormeur, ou simplement à le perturber par des messages incohérents ;

- 3) Le rêve sain, envoyé par Dieu. Seul ce troisième type de songe - la ru’yâ au sens strict - intéresse la tradition religieuse.

Comment distinguer le rêve sain des images démoniaques ? C’est le rêveur qui, finalement, fait le départ ; s’il se réveille angoissé et mal à l’aise, le message vient de Satan. La vision d’origine céleste est quant à elle accompagnée de soulagement et de joie.

L’affirmation clé de l’onirologie musulmane se fonde sur une parole prophétique : ’Le rêve est la quarante-sixième partie de la prophétie’. Ce hadîth est rapporté avec de très nombreuses variantes. Certaines spécifient qu’il s’agit du rêve ’de l’homme pieux (sâlih)’ ou bien ’du croyant’, ou ’du Musulman’ pieux. Des fractions différentes sont mentionnées : il est la quarantième, la soixante-dixième partie de la prophétie (17 variantes !). D’autres hadîths également sahîh-s confortent la même idée. Muhammad aurait déclaré à son entourage qu’après sa mort, il ne resterait de la prophétie que les bonnes nouvelles apportées par les rêves vus par le croyant, ou vus pour lui par une autre personne.

&

Une autre parole transmise sous de nombreuses variantes fait dire par ailleurs à Muhammad que celui qui le verra en rêve le verra vraiment, car Satan ne peut pas revêtir sa forme. Les cas de visions du Prophète durant le sommeil se sont multipliés après la mort de Muhammad, et perdurent jusqu’à nos jours. Enfin, un hadîth sahîh affirme qu’à la fin des temps, les rêves des Musulmans pieux deviendront à la fois beaucoup plus abondants et plus véridiques : comme si la Communauté se trouvait collectivement investie d’une inspiration divine, compensation de l’éloignement historique de la présence d’un prophète.

Alors, n’y aurait-il pas danger à voir se dessiner des phénomènes de ’prophéties’ incontrôlables, se réclamant de l’autorité même du hadîth ? Déjà les rêves véridiques avant l’Islam étaient reconnus comme valides - ne serait-ce que parce que certains d’entre eux auraient prévu l’avènement de l’Islam ; a fortiori devraient l’être ceux de Musulmans croyants. Dès les premiers siècles hégiriens, des hommes politiques et militaires ont usé et abusé de la publication de rêves annonçant leur victoire ou la justifiant après coup, et donnant souvent à l’événement le cachet prophétique ou providentiel qui manquait à l’évidence ; des illuminés ont proclamé leur divin
missionnement.

De ce fait, les traditionnistes et exégètes ont multiplié les interprétations limitant les risques de glissement. On trouvera des exemples éloquents et parfois sophistiqués de cet effort dans les commentaires des hadîths cités plus haut. Prenons par exemple la matière traditionnelle très ample réunie par Ibn Hajar al-'Asqalânî dans son Fath al-Bârî et par Qastallânî dans le Irshâd al-sârî. Selon certains avis, ’quarantième partie de la prophétie’ doit s’entendre au sens purement métaphorique, et : la partie d’une chose ne peut être identifiée à son tout, et : le hadîth ne concernait que les contemporains ou les proches de Muhammad, ou bien ne s’appliquerait en fait qu’aux prophètes...

Dans les interprétations les plus larges, les commentateurs admettent que ces messages oniriques puissent confirmer l’apport de la révélation (nubuwwa, non risâla) sans rien y ajouter de neuf toutefois. On conviendra qu’il est logique que des juristes généralement très réservés à l’égard de l’opinion indépendant (ra’y) à l’état de veille, se méfient de l’inspiration individuelle onirique. La vision du Prophète en rêve par des croyants est pareillement minimisée par les docteurs de la Loi, en sorte que celui qui aurait reçu une visite de Muhammad ne se sente pas investi d’une mission de type prophétique. Cette crainte de voir des illuminés ou des imposteurs abuser de l’argument du songe a conduit à valoriser un hadîth affirmant que ’celui qui mentira à propos de son rêve sera condamné au Jour de la Résurrection à nouer deux poils’, ce type de mensonge étant associé à celui de l’artisan fabriquant d’idoles. L’idole mentale créée par ce mensonge est en effet aussi pernicieuse qu’une divinité des polythéistes.

L’étude des textes coraniques relatifs aux manifestations oniriques sont bien sûr également riches d’enseignements, mais d’une façon plus indirecte car ne se rapportant pas aux rêves des simples croyants. Passons sur les mentions d’ordre polémique, les polythéistes mecquois qualifiant la révélation coranique de adghâth ahlâm (rêves chaotiques ; cf Coran XXI 5) ; elles ne concernent pas le rêve véridique, propos du présent article. Le Coran contient plusieurs passages évoquant la ru’yâ, mais il s’agit surtout des rêves de prophètes. Rien n’autorise a priori à y discerner des applications possibles aux expériences oniriques des croyants ordinaires. Mais, nous le verrons bientôt, les exégètes réagiront de façon assez diverses dans leur effort d’herméneutique. Par exemple à propos des passages suivants :

- les versets XXXVII 102-105 : Abraham se voit en rêve sacrifiant son fils. Il interprète cela comme un ordre, se prépare à l’exécuter avec l’assentiment dudit fils. La plupart des exégètes ne s’attardent pas sur la nature onirique de l’ordre divin - simple canal de révélation auquel d’autres modes de wahy auraient pu être substitués. Seul Fakhr al-dîn Râzî pose la question dans ses Mafâtîh al-ghayb : pourquoi certains messages ont-ils lieu par voie de rêve et non à l’état de veille ? N’y a-t-il pas là une modulation dans l’intensité ou l’intentionnalité du contenu révélé à ce moment ? Il note que certains rêves prophétiques sont envoyés ’en clair’ (p.ex. : Muhammad rêve qu’il rentre faire le pèlerinage à La Mecque, cf Coran XLVIII 27), d’autres représentent un événement qui ne se produira pas (le songe d’Abraham cité ici), d’autres enfin sont symboliques et demandent une interprétation (comme le rêve de Joseph voyant onze étoiles, le soleil et la lune se prosterner devant lui, cf Coran XII 4). Conclusion indirecte : les rêves de ces prophètes peuvent constituer mutatis mutandis un modèle pour ceux des croyants ordinaires, chez qui l’on retrouve également ces trois modalités de ru’yâ. La portée des considérations contenues dans le Mafâtîh al-ghayb est, on le constate, considérable pour la fondation de la science onirocritique en Islam.

- le récit de Joseph relaté dans la sourate XII 36 sq. Joseph interprète les rêves de ses deux compagnons de geôle, puis ceux de Pharaon - autant de personnages qui ne sont nullement des prophètes. Ces versets constituent un locus classicus des théoriciens de l’oniromancie. Là encore, c’est Râzî qui fournit les développements les plus circonstanciés sur la question de l’interprétation oniromantique de Joseph : est-elle d’origine divine, assimilable à une révélation ? Quelle est la valeur d’une oniromancie païenne, ou musulmane mais simplement inductive ? En quoi consiste précisément l’opération d’interprétation, de ta'bîr ? Pour lui, ces textes coraniques avalisent à l’évidence la science onirocritique, laquelle est également confirmée par l’effort d’élucidation intellectuelle. Ce qui n’entraîne pas l’idée que les onirocrites non prophètes disent le vrai dans chaque cas - loin de là.

- le rôle du verset XXXIX 42 est aussi à souligner : ’Dieu accueille les âmes au moment de leur mort ; il reçoit aussi celles qui dorment, sans être mortes. Il retient celles dont il a décrété la mort. Il renvoie les autres jusqu’à un terme fixé’. L’âme du dormeur, tout comme celle du défunt, est appelée à Dieu, mais elle est ensuite renvoyée dans le corps. Cette assertion justifie elle aussi que le sommeil permette le contact avec le monde surnaturel, car c’est au moment de cette assomption auprès de Dieu que, selon certaines traditions, des messages d’une vraie teneur spirituelle peuvent être confiés aux âmes. Et le réveil, note al-Baydâwî dans son commentaire coranique Anwâr al-tanzîl, ressemble par conséquent à une petite résurrection.

Synthèses doctrinales

On ne peut donc pas dire qu’une conception homogène du rôle des rêves se soit dégagée au cours des premiers siècles de l’Islam, mais plutôt que des visions plurielles aient été amenées à coexister sur une base dogmatique commune, alliant deux conceptions majoritairement acquises, car fondées sur plusieurs traditions prophétiques :

- l’âme (al-rûh) peut être attirée durant le sommeil vers le monde céleste, et là-bas recevoir communication de messages divins.

- l’âme, restant sur terre dans le corps du dormeur, peut recevoir un message par l’intermédiaire de l’ange du rêve qui descend des cieux.

Mais dans les deux cas, il est affirmé que c’est Dieu qui prend et garde l’initiative en instillant la foi dans le cœur du croyant ; en ce sens, remarque Ibn Hajar, l’état de sommeil ne se distingue pas de l’état de veille où c’est Dieu aussi qui accorde la foi et le jugement juste. Dans tous les cas, le degré d’obscurité du message onirique est dû à l’état de pureté du coeur du dormeur. Un pécheur, un mécréant ne pourront que rarement bénéficier d’un message vrai (cas de Pharaon), ils ne connaissent le plus souvent que des rêves incohérents et ténébreux. Parfois, c’est en effet à l’intervention de Satan qu’est imputé le brouillage de la vision et/ou de la parole reçue durant le sommeil. Généralement, le message véridique arrive au dormeur sous forme de parabole ou de symbole (mathal).

Comment l’ensemble de ces traditions ont-elles été intégrées dans les synthèses doctrinales les plus marquantes de l’Islam classique ? Parmi les auteurs principaux ayant traité de cette question spécifiquement, mentionnons :

- Abû Hâmid al-Ghazâlî, qui aborde la question du rêve dans le cadre de sa noétique et surtout de sa tentative de définir les rapports entre le corps et l’esprit (Ihyâ’ 'ulûm al-dîn IV ; Tahâfut al-falâsifa ; Madnûn) ainsi qu’à propos de sa doctrine mystique (Mishkât al-anwâr). Le miroir du cœur, poli par l’observance de la Loi et éventuellement par des pratiques soufies, peut entrer en contact avec les données inscrites dans la Table Gardée, durant le sommeil en particulier. A la différence de ce qu’affirment les falâsifa (ici, Avicenne) ce contact n’est pas induit nécessairement par l’état du coeur lui-même ; il dépend de l’intervention d’un ange missionné par Dieu, selon ce qu’enseigne la Tradition. Ce message surnaturel est ensuite traduit par l’imagination (khayâl) du dormeur. Mais cette imagination n’agit pas arbitrairement ; il existe une analogie générale entre le monde supérieur du Malakût et le monde terrestre, en sorte que les éléments sensibles (soleil, lune, arbres etc) peuvent exprimer sur un mode symbolique un contenu célestiel. Ghazâlî fonde ainsi indirectement les inductions des onirocrites. Le rêve est effectivement pour lui une partie de la prophétie, mais il ne peut se produire que dans le contexte d’une pratique rigoureuse et fervente de la foi dans la Tradition.

- Ibn Khaldoun a également exposé avec beaucoup de clarté la question du rêve, dans des termes qui se rapprochent finalement de la doctrine ghazâlienne (dans la Muqaddima, et dans le Shifâ al-sâ’il également). L’âme humaine, substance spirituelle, a potentiellement accès aux réalités universelles contenues dans les mondes célestes, mais bien sûr en fonction seulement de ce que le décret divin lui alloue. C’est ce qui se passe lors du sommeil, lorsque l’âme peut quitter l’enveloppe corporelle. Ces connaissances issues des universaux, al-kulliyyât (qui peuvent concerner le futur, d’où la possibilité de la divination) sont ensuite rendues à l’esprit du dormeur par l’imagination, en fonction des ’moules imaginatifs habituels’ (qawâlib ma'hûda) qui sont les siens. Ces ’moules’ varient en fonction de la réalité vécue du dormeur : un aveugle ne connaîtra pas les mêmes rêves qu’un voyant. Ibn Khaldoun s’attarde sur la question des connaissances supra-naturelles des devins, des saints et des prophètes, qui ont accès à ces universaux même à l’état de veille ; il trace plus généralement les fondements de l’oniromancie à qui il assigne des règles universelles, et qu’il classe parmi les sciences religieuses ('ulûm shar'iyya). Se fondant sur le hadîth et le témoignage de plusieurs Compagnons, il justifie l’apparentement du rêve véridique à la prophétie dans leur nature et leur processus mental, même si le degré perceptif du rêve reste très imparfait par comparaison.

- la tradition hanbalisante a elle aussi fourni plusieurs apports à la question des rêves. Elle a notamment abordé la question de l’apparition des défunts durant le sommeil. La manifestation de ce type de rêves est attestée pour des périodes fort anciennes (dès les premières générations de Musulmans, selon Ibn Sa'd ou Tabarî). Le hadîth en fait d’ailleurs déjà état : Muhammad n’aurait-il pas vu en rêve Waraqa ibn Nawfal, l’oncle chrétien de Khadîja, ou certains de ses contemporains, après leur décès
? Ce qui affirmait une manière de survie des défunts avant même la Résurrection générale. Ghazâlî a traité cette question dans un chapitre de son Ihyâ’ 'ulûm al-dîn, et a consacré à l’apparition onirique du prophète Muhammad en particulier un passage de son Madnûn.

Mais il existait bien avant lui une tradition moralisante et homélitique qui avait recueilli des récits de rêves en ce sens. Plusieurs auteurs de tendance hanbalite ont en particulier pris acte de ces témoignages. Il est très instructif d’analyser notamment le contenu du Kitâb al-Manâm d’Ibn Abî al-Dunyâ (m. en 894), accessible à présent grâce à l’excellente édition de L.Kinberg (E.J.Brill, 1994), qui regroupe 350 récits de rêves où apparaissent des personnes défuntes exposant au dormeur les conditions de leur survie dans l’au-delà et ce qui assure leur salut ou entraîne leur tourment. Ces récits, présentés tels des hadîths avec des chaînes de transmetteurs, présentent une portée morale, mais également théologique et politiques réelle. La piété et la vertu sont récompensées, comme la neutralité dans les combats entre Musulmans (les morts dans ces guerres n’ont pas statut de shuhadâ’ auprès de Dieu) et l’abstention dans les débats spéculatifs (condamnation des
Mu'tazilites notamment).

Dans une optique déjà plus doctrinale, la section du Kitâb al-rûh d’Ibn Qayyim al-Jawziyya (m. en 1350) consacré au rêve sain fournit une utile et claire synthèse des options de l’Islam traditionnel sur la question. Son optique est principalement eschatologique : il s’agit de montrer, en se fondant sur la Tradition et les témoignages oniriques, les rapports entre corps et esprit ; comment ils se séparent au moment du décès ; les modalités de survie des défunts pendant la période suivant immédiatement la mort physique ; les liens qu’ils gardent avec le monde qu’ils ont quitté, et notamment avec leurs proches.

Au total, on constate donc que, malgré de nombreuses divergences d’interprétation, un consensus s’est établi dans l’Islam sunnite s’agissant de l’importance de la vision onirique.

La plupart des docteurs admettent qu’il puisse exister des rêves suscités par des causes physiologiques, par des affleurements de données de la mémoire, par des excitations démoniaques des passions : mais tout cela n’entre pas dans la catégorie du rêve véridique, al-ru’yâ al-sâdiqa.

Il est professé que le rêve véridique est le vecteur d’une authentique inspiration surnaturelle, qu’il est ’une parole que ton Seigneur t’adresse durant le sommeil’ (hadîth) ; qu’il est possible de voir les défunts ordinaires, a fortiori les saints et les prophètes. Le prophète Muhammad peut apparaître en personne et réellement à des croyants lors de leur sommeil, mais l’explication de la nature de l’apparition varie selon les exégètes. Il est même confirmé que le croyant puisse voir Dieu, p.ex. dans l’éclat d’une lumière ou encore sous forme humaine (cf le hadîth al-ru’yâ ; le chapitre de la Risâla d’al-Qushayrî consacré au rêve ; et exemples dans la littérature soufie, comme le Kashf al-asrâr de Rûzbehân Baqlî, trad. et prés. par P.Ballanfat sous le titre Le dévoilement des secrets, Seuil, 1996).

L’onirocritique

A partir de tout ce qui précède se pose la question de l’interprétation des rêves. Car s’il arrive que Dieu envoie à un rêveur un message parfaitement clair, le fait reste rare voire exceptionnel. Dans la majorité des cas, le songe affleure à la conscience sous forme de symboles. Les interpréter, c’est effectuer l’opération de ta'bîr, de faire traverser le récit d’une rive à une autre : de la rive de l’image sensible, à celle du sens réel, de sa haqîqa.

Ici encore, c’est la littérature du hadîth qui fournit l’armature à cette discipline singulière qu’est l’onirocritique. Le Prophète a en effet joué souvent le rôle d’interprète de rêves, car les Musulmans venaient l’interroger sur leurs songes. La littérature du hadîth nous a laissé de nombreux exemples de ce genre de consultations. Parfois, Muhammad interprétait ses propres rêves : s’étant vu boire du lait en telle quantité qu’il en ruisselait de ses doigts et qu’il en offrit à boire à 'Umar, il expliqua à ses Compagnons qu’en l’occurrence, le lait désignait la science (al-'ilm). Il est hors de doute que le symbolisme coranique joua un rôle éminent à la fois dans le contenu des rêves et dans leurs interprétations.

A 'Abd Allâh ibn Salâm qui avait rêvé qu’il s’était accroché à une anse située au sommet d’une colonne dressée au milieu d’un jardin verdoyant, Muhammad répondit : ’'Abd Allâh mourra en tenant l’anse solide’. La référence coranique (verset II 256 ou XXXI 22) est ici tellement transparente que le hadîth ne l’explicite même pas. Une autre fois, 'Amr ibn al-'As, le futur conquérant de l’Égypte, lui aurait raconté qu’il s’était vu une nuit en train de sucer deux de ses doigts dont l’un était de graisse, et l’autre de miel. ’Tu lis les deux Livres, la Torah et le Coran’, lui aurait répondu Muhammad.

Les interprétations de rêves par Muhammad que nous a laissées la Tradition portent essentiellement sur des sujets religieux (l’au-delà), moraux, juridiques (état de pureté). Muhammad récusa comme étant des pièges ou des farces sataniques des rêves qui ne relevaient pas de ces registres : ainsi celui d’un Bédouin qui avait vu sa tête rouler devant lui, et qui l’avait reprise et remise à sa place. Muhammad refusa en l’occurrence d’en fournir une explication. Est-ce à dire que l’oniromancie musulmane devait se cantonner aux thèmes religieux essentiellement
? La réalité historique qui s’est dessinée par la suite au cours des siècles formateurs de la pensée musulmane a répondu à cette question de façon nuancée. Schématiquement, on peut distinguer :

- une onirocritique à portée essentiellement religieuse et morale, qui s’est diffusée dans les milieux piétistes. Elle est représentée de façon exemplaire dans le rôle joué par les rêves dans l’éducation spirituelle du novice soufi. Le murîd raconte à son maître les rêves importants qu’il a reçus, et le maître peut en fonction de ces messages donner des avis et directives précis. Les grands maîtres soufis ont eux-mêmes raconté des récits de visions parfois somptueuses et d’une vaste portée spirituelle : que l’on pense à ceux de Hakîm Tirmidhî (cf son autobiographie spirituelle Bad’ sha’n ... al-Hakîm al-Tirmidhî), de Rûzbehân Baqlî (cf son Kashf al-asrâr cité plus haut), d’Ibn 'Arabî (cf C.Addas, Ibn 'Arabî ou la quête du Soufre Rouge, Gallimard, nrf, 1989) ou de Najm al-dîn Kubrâ (cf ses Fawâ’ih al-jamâl, éd. et comm. par F.Meier, Akad. Wiss. Lit., Wiesbaden, 1957). Ces rêves s’apparentent souvent à des sortes de révélations de portée individuelle ; ils peuvent parfois annoncer en toute clarté le message dont ils sont porteurs, ou bien celui-ci peut être dévoilé plus tard par une vision ou un événement ultérieurs.

- une onirocritique plus populaire, et centrée autour de questions beaucoup plus profanes. Dès les premiers siècles après l’Hégire, l’activité des onirocrites aboutit à la constitution d’amples recueils constitués par regroupements thématiques. Nous ne pouvons ici que renvoyer aux travaux de Toufic Fahd à leur endroit (cf Bibliographie, infra). Particulièrement diffusés et consultés jusqu’à nos jours dans les pays de langue arabe sont par exemple Al-Qâdirî fî al-ta'bîr d’al-Dînawarî (m. vers 1009), Al-ishârât fî 'ilm al-'ibârât d’Ibn Shâhîn (m. en 1468), le Ta'tîr al-anâm, dictionnaire oniromantique dû à 'Abd al-Ghanî al-Nâbulsî (m. en 1731), et surtout le Tafsîr al-ahlâm al-kabîr (trad. fr. de Youssef Seddik Le Grand Livre de l’interprétation des rêves, Paris, Al-Bouraq, 1993). Attribué au Suivant Muhammad ibn Sîrîn (m. en 728) lui-même, ce dernier correspond en fait à une compilation assez tardive due sans doute à Abû 'Alî al-Dârî (15e siècle ?).

L’ensemble de ces textes tranchent nettement face aux interprétations mystiques des soufis par exemple. Les interprétations se rapportent le plus souvent à la vie quotidienne, au mariage et aux enfants, aux rapports avec les puissants... Est-ce à dire qu’ils n’auraient à occuper qu’une place marginale ou suspecte dans la cité musulmane
? La réponse est ici négative. Les onirocrites ont toujours su se prévaloir de sources scripturaires et occuper leur place dans l’espace social de l’Islam sunnite. Les rêves de ses compagnons de geôle interprétés par Joseph (Coran XII 36 sq) n’avaient-ils pas un contenu simplement profane
? Le prophète Muhammad n’a-t-il pas accepté d’interpréter des rêves de portée pratique, concernant une épidémie par exemple
?

Plus profondément : est-il possible d’isoler dans la vie personnelle du croyant ce qui relève de la piété pure, d’une sphère de vie uniquement profane
? Tous ces recueils contiennent du reste de nombreuses exégèses de portée morale ou religieuse, dès lors que le rêveur a vu des personnes (prophètes, Compagnons, saints) ou des symboles (rituels, lieux sacrés...) chargés en ce sens durant son sommeil.

La démarche interprétative des onirocrites

Quelques mots sur la démarche interprétative des onirocrites musulmans. Les symboles oniriques étant selon eux issus de la Table Gardée, donc homogènes entre eux et non arbitraires, il devait être possible de les répertorier, de fonder un savoir et une démarche herméneutique. Une première attitude aura été de chercher tout ce qui, dans la Tradition scripturaire ou dans l’usage des premiers Compagnons et Suivants, permettait de fournir des bases à la translation de sens : ainsi le lait renvoyant à la science, comme nous l’avons vu à propos du hadîth cité plus haut. Les données scripturaires constitueraient des bases (usûl) pour les développements (furû') de l’onirocritique, qui se construirait ainsi un peu à la manière du droit.

Mais la pratique a bien vite montré qu’un symbole onirique ne porte pas un sens unique et univoque ; il ne prend son sens que dans la relation aux autres éléments du rêve. Ainsi le lait, dans un autre contexte onirique, prendra-t-il des significations bien différentes, notamment celles de l’argent sous diverses formes ; il s’agira de savoir si c’est du lait de brebis, de chamelle, de bête sauvage etc qui a été vu. Les répertoires des grands onirocrites se sont gonflés de nouveaux matériaux au fur et à mesure que la pratique s’étoffait. Cela a-t-il entraîné rigidité et sclérose dans l’interprétation au fil des siècles ? La chose n’est pas sûre. D’abord, parce qu’il est peu probable que les véritables onirocrites se soient mis à appliquer ces livres comme des recueils de recettes : ces textes fournissaient des repères à l’interprétation, non des cadres immuables.

Le principe de base mis en valeur par les théologiens est bien, nous l’avons vu, que le message issu du monde céleste est reçu par le rêveur par l’intermédiaire de sa faculté imaginative (khayâl) ; celle-ci dépend de sa constitution, de son éducation, de la pureté morale de chaque sujet. Dès lors, chaque rêve revêtira forcément une forme originale, propre à la personne qui l’a vécu.

Sommes-nous pour autant autorisés à discerner dans cet effort d’interprétation des rêves comme une lointaine préfiguration de la démarche psychanalytique
? Dans son L’oniromancie d’après Ibn Sîrîn (Damas, 1958), A.Abdel Daïm avait proposé des développements suggestifs sur les parallèles entre l’approche freudienne et celle du grand Tafsîr al-ahlâm. Il notait ainsi chez Ibn Sîrîn la prise en compte de l’association de plusieurs images apparemment sans lien entre elles ; l’explication des images par assonance, jeu de mots, étymologie ; plus généralement l’importance donnée au désir - notamment sexuel - et aux craintes profondes du rêveur ; enfin l’usage d’un réseau de symboles parfois proches des images oniriques rencontrées par les psychanalystes (Jung est également cité) au cours de leur pratique clinique.

Il me semble hors de doute que les traités onirocritiques de langue arabe peuvent fournir un matériau d’une richesse immense à une réflexion analytique qui, dans le champ des civilisations orientales, en est encore à ses balbutiements.

Mais il n’en reste pas moins que le rêve, en psychanalyse freudienne en tout cas, traduit une expérience rigoureusement individuelle fondée sur le refoulement du désir, et son imagerie dépendra pour beaucoup de chaque parcours particulier. La tradition musulmane, elle, insistera beaucoup plus sur la transcendance de l’image onirique. A l’exemple du prophète Muhammad, elle aura tendance à éloigner ce qui semble trop personnel pour donner du sens socialement parlant (cf le rêve évoqué plus haut du Bédouin qui avait vu sa tête rouler devant lui, et qui fut attribué à l’influence de Satan). L’image onirique, dans les textes musulmans, est transpersonnelle tout en se modulant en fonction des différents cas individuels. On pourrait la comparer à la lettre d’un alphabet qui possède une forme stable (transcendante, non arbitraire) mais dontl’associationà d’autres lettres engendre des significations sans cesse renouvelées. Un arbre, un oiseau, une montagne entrent ainsi dans une morphologie et une syntaxe ’célestiels’ puisque rapportés aux rythmes du Malakût.

Et l’on comprend dès lors combien est ténue chez les prophètes, saints et visionnaires la frontière entre la conscience à l’état de veille et celle du rêveur. Najm al-dîn Kubrâ raconte que, lors d’une vision fulgurante, il perçut soudainement les constellations dans le ciel nocturne comme un vaste alphabet déroulant un message cosmique devant les yeux des hommes. Où se situent ici le rêve et son symbole, et où l’éveil et ses réalités ?

Pierre LORY (EPHE)

http://oumma.com/Les-reves-dans-la-culture

Bilal:le premier muezzin de l’islam était un noir


Personnalités et moralités Bilâl ibn Rabâh par Purcoeur2-

Bilal Ibn Rabah, le premier muezzin de l’islam, était l’un des plus loyaux compagnons du Prophète Mohammed (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) et l’un de ceux à qui ce dernier accordait le plus sa confiance. Il était un exemple vivant de la moralité et du mode de vie de l’islam. Il nourrissait un amour profond pour le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) et il était extrêmement dévoué à l’islam. Il était un grand ennemi des infidèles et des idolâtres, bien que cela n’impliquât aucun sentiment personnel ; c’était uniquement parce qu’ils étaient des ennemis déclarés de l’islam et du Prophète Mohammed (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) qu’il éprouvait du mépris pour eux. 

Il est généralement connu sous le qualificatif de « Bilal le Habashi » mais en réalité, sa physionomie ressemblait peu à celle des Habashi ou des Zangi (Noirs d’Abyssinie). Il était de race noire et il avait les cheveux crus. Il était grand et mince, et il avait une large poitrine. Ses joues n’étaient guère proéminentes, pas plus que son nez n’était camus, ce qui fait dire aux historiens qu’il n’était pas un pur Abyssinien ; en effet, son père, qui se nommait Rabah, était arabe, tandis que sa mère, qui se nommait Hamama, était abyssinienne. Il est probable que sa mère ait été une esclave venant de la Mecque ou de Sarat (Sarat est une ville située à mi-chemin entre le Yémen et l’Abyssinie). Certains historiens croient que Bilal est né à la Mecque, mais la majorité d’entre eux sont plutôt d’avis qu’il est né à Sarat, ce qui semble plus juste puisqu’il y aurait eu des races métissées à Sarat. 

 

Sa date de sa naissance fait également l’objet d’une différence d’opinions : selon certains historiens, il serait né en l’an 53 avant l’Hégire, mais selon d’autres historiens, il serait plutôt né en l’an 43 avant l’Hégire ; cette dernière date semble être la plus correcte. 

Bilal (radhia Allahou anhou) fut élevé à la Mecque au sein d’une tribu de Qouraish bien connue appelée Abou Jamah. Aux Jours de l’Ignorance (i.e. durant la période pré-islamique), les membres de cette tribu passaient pour être experts en lecture des lignes de la main. Ils avaient également pour habitude de faire des tirages au sort à l’aide de flèches. Cette tribu était en perpétuel conflit avec Banou Abd Manaf car lorsqu’il y avait eu des hostilités entre Banou Abd Manaf et Banou Abd Dar, elle avait pris parti pour cette dernière. Les autres muezzins du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) – Abou Mahdhoura et Amr bin Umm Kulsum – avaient aussi été élevés au sein de la tribu Abou Jamah. On ne saura jamais avec certitude s’il s’agissait d’une pure coïncidence ou si tous les membres de cette tribu avaient une voix harmonieuse. 

Il n’est pas établi de façon sûre qui, dans la tribu de Banou Jamah, était le maître de Bilal et de son père. Certains ont écrit que Bilal était l’esclave d’une noble femme de la tribu, alors que d’autres croient que c’était une veuve de la famille d’Abou Jahl qui était sa maîtresse. Enfin, d’autres ont écrit qu’il était l’esclave de Oumaiya bin Khalaf. 

Bilal (radhia Allahou anhou) éprouvait une aversion instinctive envers les coutumes et les pratiques culturelles de l’époque pré-islamique. Les gens, durant ces Jours de l’Ignorance, étaient dépourvus de toute moralité, de toute gentillesse et n’avaient point de valeurs ; la tromperie était devenue leur seconde nature. 

Allah avait doué Bilal d’une nature vertueuse qu’il a conservée tout au long de sa vie et l’on croit que, grâce à cette nature, lorsque le Messager d’Allah (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) a commencé à prêcher le message de l’Unicité d’Allah, c’est tout naturellement qu’il a répondu à cet appel. Il n’y a aucun doute quant au fait que Bilal (radhia Allahou anhou) n’a pas embrassé l’islam pour des motifs relatifs à ce bas-monde ou pour s’assurer d’être délivré des tourments de l’esclavage. Bien au contraire, en acceptant l’islam, il s’est attiré, de la part des hommes, des tourments d’une intensité insoutenable. Pourtant, il n’avait qu’un seul et unique objectif : s’attirer les bonnes grâces d’Allah. Allah avait illuminé son cœur avec la lumière de la foi ; c’est pourquoi il endura toutes sortes d’atrocités avec une patience et une fermeté d’âme remarquables. Accepter la Vérité sans réserve aucune était en harmonie avec sa nature. Dès qu’il entendit l’invitation à ne croire qu’en un seul dieu, Allah, et à respecter l’égalité de tous les êtres humains, il s’empressa d’y répondre de façon positive, surtout que cette invitation venait de la personne la plus noble de la plus respectable famille, Banou Hashim. Son cœur était aussi limpide que le cristal et il était remplit de sentiments nobles, c’est-à-dire d’affection, de sincérité, d’obéissance et de dévotion. Il lui vint à l’esprit que la personne qui souhaitait abolir les différentes classes sociales de façon à ce que les maîtres et les esclaves se retrouvent tous sur un même pied d’égalité était un homme qui appartenait à la classe la plus noble de la Mecque. Par conséquent, Bilal comprit que cet homme ne pouvait être que le véritable Messager et Prophète du Créateur. Il dut se dire qu’il était impossible qu’une personne jouissant d’une si grande popularité dans toute la Mecque et qui imposait un si profond respect au peuple mecquois risquât de perdre sa bonne réputation, à moins qu’il ne fût le Messager du Seigneur, qui ne fait aucune distinction entre les nobles et le peuple, entre les riches et les pauvres, entre les Arabes et les non-Arabes. 

Ceux qui acceptèrent l’islam, au début, étaient pour la plupart faibles et impuissants. Personne ne les soutenait ou ne se montrait sympathique à leur cause. Alors, sans relâche, les mécréants leur infligèrent les pires tortures. Ligotant les jambes des musulmans, ils les laissèrent littéralement se « dessécher » sur le sol rocailleux du désert. Ils dépouillèrent de leurs biens les plus pauvres d’entre les musulmans et, les jetant sur le sable brûlant ou même sur les charbons ardents, placèrent sur eux de très lourdes pierres. Ils forcèrent d’autres à rester debouts, immobiles, sous le soleil brûlant. Bilal fut torturé de la même façon. Les infidèles cherchaient ainsi à lui faire renier sa foi nouvelle et à lui faire prononcer une profession de foi envers leurs idoles. Mais Bilal ne broncha pas et démontra un sang-froid et une patience remarquables. Les mécréants employèrent toutes les cruautés imaginables pour obtenir de lui qu’il renie sa nouvelle foi, mais ils n’y parvinrent pas. Ils ne lui épargnèrent aucune menace et aucune torture ; mais Bilal (radhia Allahou anhou), en dépit de tout cela, s’accrocha fermement à sa foi. En réponse à leurs menaces et à leurs tortures, il répondait inlassablement : « Nul ne mérite d’être adoré en dehors d’Allah ». Le maître de Bilal, Oumaiya bin Khalaf, fut son persécuteur le plus acharné. Mais encore une fois, en dépit des tortures qui lui étaient infligées, Bilal répétait : « Ahad ! Ahad ! » (Allah est unique ! Allah est unique !). Lorsque ses tortionnaires lui demandaient de répéter la profession de foi aux idoles, Bilal répondait : « Non. Ma langue n’est pas censée répéter ce que vous dites. » 

Selon les documents historiques, le maître de Bilal ligotait souvent ce dernier puis le jetait par terre et le recouvrait d’une peau de vache qu’il surmontait d’une pierre et lui disait : « Tes divinités sont Lat et Ouzza, alors témoigne de ta foi envers eux. » Mais Bilal répondait toujours : « Ahad ! Ahad ! ». Un jour, les mécréants attachèrent une corde autour de son cou et laissèrent des voyous le traîner sur le sol, à l’extérieur, et faire ainsi des va-et-vient entre les deux collines de la Mecque. Or, même sous cette cruelle torture, la langue de Bilal ne faisait que répéter « Ahad ! Ahad ! ». C’est alors que les infidèles, exaspérés, le battirent sévèrement et l’étendirent sur le sable brûlant. Ils placèrent une très lourde pierre sur son corps, mais Bilal persista à ne répéter qu’un seul mot : « Ahad ! Ahad ! ». 

Un jour, Abou Bakr Siddiq, profondément touché par la situation lamentable dans laquelle se trouvait Bilal (radhia Allahou anhou) vint à son secours. « Combien de temps continueras-tu à opprimer ce malheureux ? » lança-t-il au maître de Bilal. Et il acheta ce dernier pour 10 ouqias (environ 23 grammes d’or). Abou Bakr libéra immédiatement Bilal du joug de l’esclavage et en fit un homme libre. En endurant avec patience toutes sortes d’atrocités et d’humiliations par amour pour Allah et Son Prophète, Bilal (radhia Allahou anhou) est devenu un exemple à suivre et un flambeau servant de guide, jusqu’à la fin des temps, à tous ceux qui recherchent la Vérité et la Vertu. Il comprenait ce qu’il gagnait à renoncer à l’idolâtrie et à n’adorer qu’un seul dieu, Allah, et l’empreinte que laissait sur son cœur la vie vertueuse et la bonne moralité inégalée du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) était si profonde qu’aucun degré de brutale oppression ou de violence ne pouvait l’effacer. 

Certains historiens affirment que lorsque Abou Bakr voulu lui payer le prix de Bilal, le maître de ce dernier augmenta le prix de 7 ouqias à 9 ouqias. Alors Abou Bakr lui dit : « Même si tu augmentes le prix à 1000 ouqias, je l’achèterai de toute façon. » 

On affirme que Abou Bakr acheta Bilal sur le conseil du Messager d’Allah (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) et que ce dernier offrit même de payer la moitié du prix afin d’atténuer le fardeau financier d’Abou Bakr. Mais ce dernier demanda pardon au Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) de ne pas accepter son offre et il affranchit lui-même Bilal auquel il confia la garde de son propre magasin. Plus tard, Bilal travailla au service du Messager d’Allah (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui). Lorsque le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) donna la permission à ses compagnons d’émigrer à Médine, Bilal émigra avec les autres compagnons du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui). Là-bas, il vécut dans la même maison qu’Abou Bakr Siddiq et Amir bin Fahria. À Médine, lorsque le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) instaura le lien de fraternité entre les Mouhajirins (les émigrants) et les Ansars (ceux qui les accueillaient), Bilal et Abou Rouwaiha devinrent frères par ce lien. Cela prouve que Abou Rouwaiha (radhia Allahou anhou) n’était pas le frère de sang de Bilal (radhia Allahou anhou). 

Tout comme à la Mecque, à Médine Bilal ne pouvait supporter d’être séparé du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui). Il l’accompagna dans toutes les guerres et il l’accompagna également dans tous les voyages qu’il entreprit. C’est pour cette raison qu’il fut nommé premier muezzin du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui).

Bilal (radhia Allahou anhou) est d’abord connu pour avoir été le muezzin de la mosquée du Prophète, poste qu’il a occupé jusqu’à ce que le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) quitte ce monde. Il se distinguait de tous les autres muezzins par sa voix riche et mélodieuse, par sa parfaite prononciation et par le fait qu’il ait embrassé l’islam dès ses débuts, toutes qualités qui faisaient en sorte que les gens le préféraient aux autres. Chaque fois qu’il avait fait l’appel à la prière et qu’il voulait informer le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) que le temps était venu pour lui de mener la prière, il se tenait debout près de la porte de chambre du Prophète et criait : « Hâte-toi vers la prière, hâte-toi vers le succès ! Ô Messager d’Allah, prière ! » Et, entendant ces paroles, le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) se hâtait de venir mener la prière. Bilal (radhia Allahou anhou) faisait le iqamah avant le début de chaque prière. Lorsqu’il allait à la prière de l’Eid ou à la prière de la pluie (istisqa), Bilal marchait devant le Prophète en tenant une lance et lançait cette dernière sur le sol, à un ou deux pieds de distance de l’endroit où le Prophète souhaitait se tenir pour mener la prière. Cette lance était l’une des trois lances envoyées par le roi d’Abyssinie en hommage au Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui). Le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) avait fait cadeau d’une des lances à Omar (radhia Allahou anhou) et avait gardé la troisième pour lui-même. C’est ainsi que Bilal eut l’honneur d’avoir la garde de la lance du Prophète durant la vie de ce dernier. 

Il a été relaté que le mariage de Bilal fut organisé par le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) lui-même. Un jour, les fils d’Aboul Boukair vinrent voir le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) et dirent : « Ô Messager d’Allah, nous aimerions que tu trouves un mari pour notre sœur. » Le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) répondit : « Pourquoi ne la mariez-vous pas à Bilal ? » En entendant cela, ils s’en allèrent, mais revinrent quelques jours plus tard et firent la même demande, à laquelle le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) répondit la même chose. Ils s’en allèrent à nouveau et revinrent, encore une fois, quelques jours plus tard, et firent la même demande. Cette fois le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), après leur avoir répondu la même chose, ajouta : « Bilal est un des habitants du Paradis ; vous devriez marier votre sœur à lui. » Alors, en entendant cela, ils marièrent leur sœur à Bilal. Bilal (radhia Allahou anhou) eut d’autres femmes après ce mariage. Selon Qatadah, il a également épousé une femme de la tribu de Banou Zouhra. Il a aussi été rapporté qu’une de ses femmes était Hin-oul-Khoulania, qui venait du Yémen. Bilal n’eut aucune progéniture de ces mariages. 

Une fois, Bilal rapporta à sa femme un hadith du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), mais sa femme émit des doutes quant à son authenticité. Fâché, Bilal se rendit chez le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) et lui raconta sa dispute avec sa femme. Le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) l’accompagna chez lui et dit à sa femme : « Tu devrais t’en remettre à Bilal pour tout ce qui me concerne et ne pas lui donner matière à se fâcher. »

Bilal (radhia Allahou anhou) abandonna l’appel à la prière après la mort du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui). Il nourrissait un amour si profond pour le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) que l’idée même de faire l’appel à la prière alors que ce dernier était mort lui était insupportable. Il avait eu pour habitude de faire l’appel à la prière d’abord et avant tout pour le Prophète qui, en réponse à cet appel, se présentait pour la prière. Durant ses séjours à Médine et en Syrie, après la mort du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), les gens le supplièrent à plusieurs reprises de faire le adhan, mais il refusa à chaque fois sauf à une occasion, lorsque Omar (radhia Allahou anhou) visita Damas et lui demanda de faire le adhan. Il accéda à la demande du calife et ce fut le dernier appel à la prière qu’il fit de son vivant. Dès que la nouvelle se répandit que Bilal allait prononcer le adhan à la prière de Fajr, les gens devinrent très excités et, en liesse, ils se précipitèrent vers la mosquée. Au moment où la voix de Bilal s’éleva dans l’air, une vive émotion étreignit les prieurs. Ils se rappelèrent l’époque où le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) était toujours vivant et où Bilal récitait le adhan. Les historiens rapportent que tous les fidèles assemblés dans la mosquée fondirent en larmes ; Omar (radhia Allahou anhou) et les plus vaillants guerriers de l’islam qui étaient sur place étant incapables de contenir leurs larmes, tous les imitèrent. 

Certains savants croient que la façon de réciter le adhan que l’on entend aujourd’hui un peu partout dans le monde musulman est la même que celle de Bilal, à l’origine. Il y a cependant une chose qui doit être clarifiée à ce sujet : le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) n’avait pas nommé Bilal au poste de muezzin pour le rythme ou la mélodie de sa voix ; c’est plutôt pour sa grande piété, pour sa profonde dévotion dans ses actes d’adoration et pour son assiduité aux prières à la mosquée qu’il avait été choisi pour cette tâche importante. 

Il a été rapporté que le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) attachait une importance toute particulière à l’éducation de Bilal (radhia Allahou anhou). Une fois, le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) lui dit : « Ô Bilal ! La meilleure action que puisse accomplir un croyant est de lutter dans le sentier d’Allah. » Le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) lui enseigna également l’humilité : « Ô Bilal ! Soit toujours humble et satisfait de ce que tu as et meurs comme ceux qui sont satisfaits. » 

De temps à autres, le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) lui donnait aussi des instructions concernant la distribution du surplus de richesses qui était entre ses mains. Il lui disait : « Bilal, une certaine quantité de richesses s’est accumulée chez moi et je ne veux point les garder ; alors prends-les et distribue-les aux nécessiteux afin que mon cœur soit soulagé de ce fardeau. » En fait, ce que souhaitait le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) c’était enseigner à Bilal, par l’exemple, comment un homme peut cultiver le contentement dans sa vie quotidienne et délaisser les richesses. Bilal suivit à la lettre les instructions du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) et s’avéra totalement fidèle et dévoué à ce dernier jusqu’à son dernier jour. Il était au service du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) en permanence, jour et nuit, en toutes circonstances, que le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) fût en déplacement ou qu’il demeurât en ville, en temps de guerre comme en temps de paix, mais jamais le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) ne le traitait comme un serviteur. Bilal (radhia Allahou anhou) faisait montre d’une profonde dévotion envers le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) ; il ne pouvait supporter que ce dernier éprouve quelque inconfort que ce soit et consacrait sa vie à répondre à son appel. Durant les batailles qui les opposaient à leurs ennemis, Bilal courait sans cesse entre le campement du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) et le champ de bataille, transmettant aux troupes des communiqués, des ordres ou des instructions de la part du Prophète. Lorsque le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) fit son entrée victorieuse dans la ville de la Mecque et qu’il entra dans la Kaaba, trois hommes l’accompagnaient : le premier était Bilal (radhia Allahou anhou) et les deux autres, Othman bin Talha (qui portait la clé de la Kaaba) et Othman bin Zaïd. Puis, après qu’ils y furent entrés, Bilal entreprit de réciter l’appel à la prière. 

Après la mort du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), il continua de réciter le adhan pendant quelques jours seulement, puis demanda à Abou Bakr (radhia Allahou anhou), le calife, de le dégager de cette tâche et de le laisser partir pour la Syrie en compagnie des moujahidin (soldats). Il a été rapporté qu’après la mort du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), chaque fois qu’il prononçait le nom de ce dernier lors de la récitation du adhan, il éclatait en sanglots, incapable de se contrôler tellement l’absence du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) lui était pénible. Et ceux qui l’écoutaient, pris de la même émotion, l’imitaient à leur tour. Sans le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), il se sentait si abattu qu’en dépit de ses soixante ans, il prit la décision de renoncer à la vie paisible qu’il menait à Médine et de consacrer le reste de sa vie à la guerre sainte dans les contrées éloignées. Il participa à quelques batailles et s’installa ensuite sur une petite terre lui appartenant en banlieue de Damas, terre qu’il cultiva et dont il tira sa subsistance. 

Après le règne du premier calife, on assigna à Bilal certaines tâches au sein du gouvernement. Il a été rapporté que lorsque le deuxième calife, Omar bin Khattab (radhia Allahou anhou) somma Khalid ibn el-Walid – l’Épée d’Allah – de venir expliquer certaines irrégularités, c’est Bilal qui, devant toute une assemblée, retira son turban à Khalid pour lui attacher les mains avec, et il ne le défit de ses liens qu’après que Khalid eût offert des explications satisfaisantes sur les charges qui pesaient sur lui, après quoi Bilal lui offrit ses excuses les plus sincères. 

Un autre épisode nous démontre à quel point Omar tenait Bilal en haute estime. Un jour, Abou Soufyan bin Harb et Souhail bin Amr, accompagnés d’autres chefs arabes bien en vue, vinrent solliciter une audience au calife (Omar). Par pure coïncidence, Bilal et Sohaib (qui était aussi un ex-esclave) arrivèrent peu après et avec la même intention. Lorsque Omar apprit leur arrivée, il fit aussitôt entrer Bilal et Sohaib tandis que les chefs arabes, qui étaient arrivés les premiers, restèrent attendre à l’extérieur. Incapable de se contenir plus longtemps, Abou Soufyan se tourna vers ses compagnons et observa : « C’était notre destin de subir cette humiliation. Les esclaves sont reçus en audience tandis que les nobles d’Arabie attendent à la porte. » Ce à quoi Souhail bin Amr rétorqua : « Mais qui devons-nous blâmer pour cela ? Le Messager d’Allah nous a tous invités à l’islam, mais nous avons non seulement refusé de répondre à son appel, nous lui avons également opposé une forte résistance. Par contre, ces esclaves ont immédiatement répondu à son appel. Il est donc de leur droit, aujourd’hui, d’être favorisés par rapport à nous, en ce monde comme dans l’au-delà, et nous n’avons aucune raison de nous plaindre. » 

Durant le califat d’Omar (radhia Allahou anhou), alors que l’on préparait les registres d’allocations et de salaires, le calife envoya une lettre à Bilal – qui était avec l’armée, en Syrie – lui demandant de lui faire savoir avec qui son nom devait être inscrit. « Inscrits mon nom avec celui d’Abou Rouwaïha, que je n’abandonnerai jamais, à cause du lien fraternel établi entre lui et moi par le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) » répondit Bilal (radhia Allahou anhou). 

Hormis les épisodes sus-mentionnés, l’histoire ne nous fournit aucun autre rapport sur sa vie après la mort du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui). Il a été rapporté qu’il avait rejoint l’armée des musulmans en Syrie. Mais vers la fin de sa vie, il s’était complètement retiré de la vie publique. Comme nous l’avons mentionné plus haut, il avait fait l’acquisition d’une terre en banlieue de Damas et c’est là qu’il termina ses jours, isolé du monde mais en paix. Après cela, on n’entendit plus parler de lui sauf la fois où Omar, en tant que calife, lui avait demandé de faire le adhan à la demande des compagnons du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) qui l’accompagnaient. 

C’est en l’an 20 de l’Hégire que Bilal (radhia Allahou anhou) quitta ce monde, à Damas. Il avait 70 ans, c’est-à-dire le même âge qu’Abou Bakr. On rapporte qu’il est mort d’une épidémie semblable à la peste et que sur son lit de mort, il était très heureux à la perspective de retrouver le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) et ses compagnons qui avaient déjà quitté ce monde. Lorsque sa femme se mit à pleurer amèrement, à son chevet, il la consola en lui disant : « Ne pleure pas. Pourquoi pleures-tu ? J’ai hâte de retrouver le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), ainsi que les autres compagnons, après une si longue séparation. Si Allah le veut, je les reverrai tous demain. » Et en effet, il expira le lendemain.

Il fut enterré à Damas, près de Bab as-Saghir. Encore aujourd’hui, sa tombe est visitée par de nombreux musulmans qui viennent faire des dou’as pour lui. 

La crédibilité dont jouissait Bilal parmi les gens était si grande qu’ils auraient refusé de croire leurs propres yeux plutôt que de douter un instant d’un hadith rapporté par lui, car il était connu pour tenir la vérité en grande estime en toute matière qui concernait les actions ou préceptes du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui), mais aussi pour les affaires qui concernaient le commun des mortels. Lorsque Abou Rouwaïha (radhia Allahou anhou), son frère en islam, voulut demander la main d’une femme appartenant à une tribu des plus respectables, il demanda à Bilal d’intercéder en sa faveur. Bilal l’accompagna et dit, dans les termes les plus clairs, aux tuteurs de la femme : « Je suis Bilal bin Rabah et voici mon frère Abou Rouwaïra, qui souhaite établir une relation matrimoniale avec vous. J’aimerais attirer votre attention sur le fait que c’est un homme très colérique. Il revient donc à vous d’accepter ou de refuser de lui donner votre fille en mariage. » En entendant cette déclaration des plus claires de la part de Bilal, les parents de la femme acceptèrent la demande en mariage d’Abou Rouwaïra, car ils savaient qu’ils ne pouvaient passer outre à la recommandation de Bilal. 

En considérant les différents aspects de la vie de Bilal, ses qualités qui ressortent le plus sont sa parfaite honnêteté et son intégrité. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) avait confié à Bilal l’administration de la Trésorerie (baitoul mal). Il avait également la charge du ménage du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) ; il demeurait disponible en tout temps, même au moment de la mort du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) où il fut inclus parmi le groupe très restreint de gens qui procédèrent aux rites funéraires islamiques sur le Prophète. Ce fut Bilal qui aspergea d’eau le tombeau du Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) ; il eut ainsi l’honneur et le privilège d’accomplir pour le Prophète le dernier rite funéraire. 

Bilal, de par sa grande sincérité, était un extrémiste de nature. Il aimait profondément et haïssait intensément. Il aimait profondément Allah et Son Prophète (paix et bénédictions d’Allah soient sur lui) et il était totalement dévoué à l’islam. Mais il était, en même temps, un implacable ennemi des infidèles et des polythéistes ; jamais il n’essaya de dissimuler le sentiment de mépris qu’il éprouvait envers eux. 

Bilal (radhia Allahou anhou) ne laissa aucun héritage sous forme matérielle ni ne laissa de descendance après lui, mais il laissa une chose unique en ce monde : le adhan. L’appel à la prière est récité depuis quatorze siècles à travers le monde, et jusqu’à aujourd’hui il fait renaître à la mémoire des musulmans le souvenir du premier muezzin de l’islam, Bilal bin Rabah (radhia

Allahou anhou).

http://www.whymuhammad.com/fr/contents.aspx?aid=626

e6un7

Le Martyr en Islam


La Vérité sur le Martyr dans l'islam par alert-production

Étymologiquement, le mot chahid provient des lettres radicales sh. h. d. lesquelles signifient la présence, le savoir et l’acte d’informer. Sa forme admet, selon les grammairiens, deux possibilités : d’être le nom actif (fâ’il) ou le nom passif (maf’ùl). Dans le premier cas, Shahid est l’intensif de shahid dont le sens général est d’être témoin. L’individu se veut témoin et agit dans ce sens. Pour le second, sa passivité est rendue positive par la sacralisation formulée dans les textes. La racine sh. h. d. se décline en plusieurs formes, lesquelles soulignent un champ lexical important. Celles-ci désignent des réalités différentes mais s’attachent au sens étymologique.

2 La notion de témoignage « Shahada » exprimée aussi par la racine sémitique sh. h. d. prend en langue arabe un sens capital. L’importance du témoignage en terre d’Islam, constitue la singularité de la religion coranique. Témoigner est un acte de foi, plusieurs fois répété dans le Coran. Dans la mort le doigt levé de la main droite[1] [1] L’importance du côté droit (ou de la main droite) sur...
 symbolise les paroles de la « Shahada ». Ainsi, dans l’Islam, la racine sh. h. d. est dans la profession de foi : shahada, qui est l’acte par lequel le musulman atteste (ashhadu) qu’il n’y a de Dieu que Dieu et que Mohamed est son prophète. Le martyr (chahid) est celui qui est mort d’avoir porté le témoignage. Le terme de martyr en grec comme témoin de Dieu mérite une attention particulière en Islam.

3 Cette définition a provoqué une confusion entre Islam et Chrétienté dans la conception du martyr. Structuré par le paradigme intensif « fa’il », donnée au martyr de la foi, la dénomination chahid (littéralement : « témoin ») ne recouvre pas la conception de celui qui témoigne par le sang dans la théologie chrétienne. Le corps du martyr en Islam passe au second plan dans la mesure où, comme le disent les versets, le martyr ne meurt jamais. « Ne dites pas que ceux qui sont tués dans la voie de Dieu sont morts. Non, ils sont vivants ; mais vous ne le comprenez pas » (Coran II. 149)[2] [2] Toutes les citations coraniques dans ce texte proviennent...
 Plus loin encore, ce verset de la sourate de la Génisse se répète dans la sourate Al-Ahram : « Ne crois surtout pas que ceux qui sont tués dans le chemin de Dieu sont morts. Ils sont vivants. Ils sont pourvus de biens auprès de leur seigneur. Ils sont heureux de la grâce que Dieu leur a accordée. Ils se réjouissent parce qu’ils savent que ceux qui viendront après eux et qui ne les ont pas encore rejoints n’éprouveront plus aucune crainte et qu’ils ne seront pas affligés ».

4 Cependant, il est certain que le Coran parle de récompense en faveur de ceux qui meurent pour la cause de Dieu (fi sabil Allâh). Le « shah’id » à pour signification dans la vulgate musulmane : celui qui combat au service de Dieu afin que la parole divine soit plus haute, jusqu’à ce qu’il soit tué.

5 Une confusion persiste chez les savants musulmans en ce qui concerne les hadith évoquant en « faveur martyr ». Pour les uns, l’évocation du martyr dépasse les 400 hadith (al-fayrûzabâdî). Pour les autres (al-Hindi), les hadith relatifs au djihad dépassent les 600.

6 Les hadith liés à ce qui provoque le « statut » de martyrs mérite une analyse approfondie surtout sur le plan sémantique. L’exemple du hadith « al-iq » est suffisant pour illustrer l’importance de cette étude.

shahada_2.jpg

7 Selon Ibn Abbas, le prophète a dit : « celui qui tombe amoureux – tout en restant chaste et en se contentant – puis meurt sera considéré martyr »[3] [3] Tarikh Baghdâd, Vol. 5, p. 262. ...
 Ce hadith est écrit par al-Khatîb dans « at-târikh ». Al-Khatîb rapporte que selon Aisha : « Celui qui tombe amoureux tout en restant chaste puis meurt mourra martyr ». Une autre version de ce même hadith est noté par al-Daylamî : « Un amour sans défiance est une expiation des péchés ».

8 Ce hadith est abondamment populaire auprès des savants musulmans. Chacun à sa manière construit une figure du « martyr ». Il est difficile d’analyser les différentes questions liées à des différentes figures du martyr.

Les juristes musulmans et le martyr

9 L’imam al-shafi’î désigne le martyr comme : « celui qui est tué en combattant des mécréants et n’ayant comme motif que celui-là ». Il ajoute que le martyr est celui qui meurt pendant une bataille contre les mécréants. L’expression « pendant la bataille » s’exclut donc celui qui a survécu à cette bataille. Quant à l’expression « contre les mécréants », il exclut celui qui est mort lors d’une bataille opposant des musulmans entre eux, tels que les insurgés.

10 Quant à celui qui est mort en plein champ de bataille en voulant défendre sa vie et ses biens, Abû-Hanifa le considère martyr mais Al-Shafî’î dit ceci : « Bien qu’il puisse être nommé martyr, il ne demeure pas pour autant un martyr auquel il n’est pas fait de toilette ». Les Hanfîtes et al-Shafî’î, sont d’accord sur le fait que celui qui est tué lors d’une bataille l’opposant à des insurgés musulmans est considéré comme martyr, se referant à Ali. Ce dernier n’a pas procédé au lavage de ses compagnons.

11 Les juristes musulmans interprètent la tradition du prophète jusqu’à inventer un classement des martyrs. Ainsi, ils les partagent en deux camps. Les martyrs d’ici-bas et les martyrs de l’au-delà. Mais une question se pose alors : sur quel critère, ces juristes attribuent le statut de martyr ?

12 La tradition musulmane a apporté plusieurs critères dont les principaux sont les suivants :

  • Le martyr sera parmi ceux qui seront portés témoins avec le prophète pour ou contre les communautés précédentes.
  • L’âme du martyr sera aussi présente dans la maison de la paix et auprès de leur seigneur. Quant aux autres âmes, elles ne peuvent être au paradis qu’au jour du jugement dernier.
  • Le martyr est témoin de la vérité devant Dieu jusqu’à qu’il soit tué en l’attestant.
  • Le martyr voit les anges qui l’assistent au moment de sa mort ;
  • Ainsi Dieu et ses anges témoignent le mérite d’être au paradis…

Nous observons que toutes ces raisons apportées par les uns et les autres se résument sur un cas précis : le musulman mort en combattant. Mais, il existe d’autres catégories de martyrs. Pour illustrer ceci, nous citons deux exemples : Selon Hurayra, le prophète a dit : « les martyrs sont au nombre de cinq : l’homme mort suite à une maladie du ventre ; l’homme mort par la peste ; le noyé, le mort sous des décombres et enfin celui qui est mort au service de Dieu »[4] [4] Hadith rapporté par al-Boukhari (vol. 1, p. 167). ...
 13-Néanmoins, les juristes musulmans attribuent un statut particulier aux martyrs tombés aux champs de bataille. Ainsi, une abondante littérature traite des vertus du martyr : le Coran ; la sunnah et les récits historiques en discutent. Les jeunes musulmans font l’éloge. Exemples : Les péchés d’un martyr seront effacés. Les martyrs seront toujours vivants. Le jour de la résurrection, l’âme d’un martyr réintègre son corps.

14 Une majorité de jeunes islamistes voit dans la mort au combat le sommet des aspirations du croyant et la meilleure façon de quitter la vie. On dit souvent que le meilleur martyr est celui qui combat et meurt au premier rang. De ce fait, le martyr devient le moyen le plus efficace pour accéder au rang de modèle, de singularité[5] [5] Depuis le début des années 1990, nous observons la présence...
 Aujourd’hui, on emploie souvent la notion de martyr, kamikaze, bombe humaine, suicide bombers, le volontaire de la mort ou en arabe shahid, (shahida au féminin) ou tout simplement terroriste. L’emploi de ces mots n’est pas neutre et correspond autant à des univers de représentations culturelles et linguistiques qu’à des choix politiques.

15 Cette glorification coranique de l’image du martyr n’est pas l’apanage des combattants islamiques. Aussi bizarre que cela puisse paraître, le pouvoir l’invoque pour ses victimes dans le but de rappeler sa légitimité historique, fondée sur les martyrs de la guerre de libération. L’État invite à leur respect et à la glorification de leur héroïsme[6] [6] Il est fréquent d’entendre de nombreux dirigeants du...
 Ainsi, on décerne la médaille de martyr de la guerre de libération nationale à la mémoire des shouhada à leurs veuves et fils. C’est le cas des martyrs de la libération nationale en Algérie. Sans l’indépendance, ces shouhada auraient rejoint au mieux, la liste des historiques Imseblen[7] [7] Les imseblen sont des combattants qui, avant la bataille,...
 morts en 1857, 1871 ou lors d’autres guerres intestines, sans compter les morts des deux guerres mondiales dont il n’est pas de bon ton de parler et ceux de toutes les vendettas inter villageoises. Le terme Imseblen, antécédent à celui de chahid, montre que la notion de morts pour la patrie et pour Dieu, préexistait à l’indépendance nationale et explique la spécificité de la sacralité locale par rapport à ce que clame le national. Très peu de villages possèdent réellement des moudjahidin, lors même qu’ils ont connu un nombre conséquent de shouhada. Localement, (surtout au niveau villageois) la notion de chahid, comme celle d’imseblen, n’a comme consécration que la mort. La notion de moudjahid ou d’ancien combattant est une invention relativement récente, un compromis entre une notion religieuse et un concept national. Elle semble même empruntée aux anciens combattants des guerres mondiales européennes. Les termes de chahid et de moudjahid sont d’ailleurs trop scripturaires pour être employés et compris par le groupe social avant l’indépendance. A l’indépendance, l’intervention de l’État algérien à travers ses représentants, ALN (armée) et FLN (parti), marque la fin d’un système local de référence.

16 Le chahid, héros de la lutte pour l’indépendance, est le fondement de l’idéologie nationaliste algérienne, glorifié et instrumentalisé par le gouvernement. L’indépendance a imposé le constat suivant : L’Algérie, grâce à ses shouhada et ses moudjahidin, dans l’ALN et le FLN, a vaincu le colonialisme.

17 La question : sont-ils morts pour la patrie ou pour Dieu ? n’a pas de réponse. Ils sont morts pour Dieu au nom de la patrie et pour la patrie au nom de Dieu.

18 Le martyr tire sa substance de la religion (Islam), mais il est au-delà de la religion. La reprise de cette notion dans le vocabulaire politique et institutionnel de l’Algérie indépendante montre qu’elle n’échappe pas aux mutations que connaît le monde musulman depuis des siècles.

19 Les premières mutations du djihad et du chahid ne datent pas de l’irruption dans l’aire arabo-musulmane de l’État nation. Les premières questions sont internes à l’Islam. Elles datent de la rupture de l’unité islamique et de l’avènement à partir du II siècle/ VIII siècles d’États indépendants. La question est alors posée de la nomination des guerres survenues entre eux. Djihad ou non ? Par ailleurs, l’Islam a servi à légitimer la lutte des nouveaux croyants devenus dominants, le djihad s’accélère pour devenir « plus rapide et plus évident avec les dynasties omeyyade et abbaside »[8] [8] Arkoun Mohammed In : l’Islam : religion et société,...
suite
.

20 Le second type de mutations que connaît le chahid est extérieur à la religion musulmane. Il est lié au rapport colonial. J.- P. Charnay écrit : « après les défaites de la période coloniale, le concept canonique de Djihad fut mis en sommeil en raison du malheur du temps dans la littérature nationaliste »[9] [9] Charnay Jean-Pierre, l’Islam et la guerre. De la guerre...
 La division du monde arabo-musulman en territoires divers et sous divers impérialismes définit le nouveau cadre de la résistance, du combat et n’efface pas les cadres préexistants.

En guise de conclusion

21 Les références coraniques et prophétiques sont nombreuses au sujet du martyr. Toutefois le débat se concentre sur la question de savoir quelle est la noble cause pour laquelle il est digne de se sacrifier ?

22 Il est important de faire la distinction entre l’Islam sunnite et l’Islam chi’îte quant à la place du martyr. Le chi’îsme a établi un corpus théorique mettant en avant le martyr[10] [10] Mohammad Ali Amir-Moezzi et Christian Jambet, Qu’est-ce...
 La tradition chi’îte a toujours cultivé le culte du martyr, en faisant de lui le militant de la justice sociale et politique. En revanche, le sunnisme, tend à faire du martyr un simple degré de singularité parmi d’autres. Certains sunnites comme Abd al-jabbar ira jusqu’à dévaloriser le martyr ; en s’appuyant sur des textes interdisant de souhaiter la mort de soi (ou à des autres) et le suicide[11] [11] Cet interdit du suicide est commun à toutes les religions...

Notes

[ 1] L’importance du côté droit (ou de la main droite) sur le côté gauche (ou de la main gauche) est liée à la symbolique liée à ces deux côtés et à ces deux mains. Le côté droit est considéré comme le côté pur, celui de la bienfaisance et de la grâce surnaturelle, tandis que le côté gauche, est celui des forces maléfiques et de la disgrâce, et est réputé « impur ». Dans la culture islamique, c’est la main droite qu’on pose sur le Coran pour prêter serment. C’est la main droite que l’on serre pour saluer ou qu’on utilise pour manger. La main gauche est celle utilisée pour nettoyer les impuretés. Sur cet aspect voir Atmane Aggoun, Les musulmans face à la mort en France, Éditions Vuibert, 2006, pp. 34-35.Retour

[ 2] Toutes les citations coraniques dans ce texte proviennent de la traduction de Jacques Berque, Le Coran, Essai de traduction, Paris, Albin Michel, 1995.Retour

[ 3] Tarikh Baghdâd, Vol. 5, p. 262.Retour

[ 4] Hadith rapporté par al-Boukhari (vol. 1, p. 167).Retour

[ 5] Depuis le début des années 1990, nous observons la présence de femmes dans des attentats suicides. A cet égard, voir les deux enquêtes sur la participation des femmes dans le cas de la Palestine et de la Tchétchénie. - Victor Barbara, Shahidas, les femmes Kamikazes de Palestine, Paris Flammarion, 2003. - Julia Yusik, Les fiancées d’Allah. Le drame des femmes Kamikazes tchétchènes, Ed de La cité, Paris 2003.Retour

[ 6] Il est fréquent d’entendre de nombreux dirigeants du Maghreb et du monde arabe, désignant l’Algérie comme le pays « du million et demi de martyrs ».Retour

[ 7] Les imseblen sont des combattants qui, avant la bataille, s’engageaient par serment collectif sur le Coran à lutter jusqu’à la mort. Sur cette figure « Imsebel-martyr », voir l’article de N. Robin, Revue Africaine, n° 8, année 1874, OPU Alger, p. 401.Retour

[ 8] Arkoun Mohammed In : l’Islam : religion et société, Paris : CERF, 1982, p. 60.Retour

[ 9] Charnay Jean-Pierre, l’Islam et la guerre. De la guerre juste à la révolution sainte, Paris : Fayard 1986, p. 13.Retour

[ 10] Mohammad Ali Amir-Moezzi et Christian Jambet, Qu’est-ce que le chi’îsme ?, Paris : Fayard, 2004, 387 p.Retour

[ 11] Cet interdit du suicide est commun à toutes les religions monothéistes et considéré comme un des plus grands péchés que puisse commettre un croyant.Retour

Atmane Aggoun « Le Martyr en Islam. Considérations générales », Etudes sur la mort 2/2006 (n° 130), p. 55-60.

 

e6un7

LA BATAILLE DE BADR

         Au milieu du mois de Jamadil Awwal  2 A.H., il fut rapporté à Médine qu’une caravane de commerce se rendait de la Mecque vers la Syrie sous la direction de Abou Soufiane.

         Le Saint Prophète (s) décida d’envoyer deux hommes pour en savoir plus sur cette caravane. Il leur dit de se renseigner sur sa trajectoire, le nombre de gardiens ainsi que la nature des marchandises qu’elle transportait. Les deux hommes rassemblèrent les informations suivantes :

1. Il s’agissait d’une grosse caravane et tous les Mecquois y avaient une part de marchandises

2. Le chef de la caravane se nommait Abou Soufiyane et il était escorté par 40 hommes.

3. 1000 dromadaires transportaient les marchandises estimées à 50 000 dinars.

         Les Koraïchites avaient confisqué la propriété de tous les Musulmans ayant émigré vers Médine, et le Saint Prophète (s) décida alors de saisir la propriété des Mecquois en échange. Bien que les Musulmans se mirent à la poursuite de Abou Soufiyane, ils ne parvinrent pas à le rattraper. Mais, la date de retour de la caravane était pratiquement précise car les Koraïchites retournaient toujours de la Syrie vers la Mecque en début d’automne.

         Le Saint Prophète (s) quitta Médine pour se rendre vers la vallée de Badr, à 80 milles de Médine, où il  attendit le retour de la caravane.

         Abou Soufiyane réalisa que les Musulmans l’attendraient à Badr qui était un lieu d’arrêt sur la route vers la Mecque; il envoya ainsi un appel à l’aide de toute urgence à la Mecque. Les Mecquois envoyèrent aussitôt une  armée  colossale sous le commandement de Abou Djahal afin de se battre contre les Musulmans. Le Saint Prophète (s) fut informé de l’avancée de l’armée mecquoise et il demanda aux Musulmans ce qu’ils pensaient de mener une bataille. Bien que Abou Bakr et Oumar voulaient retourner à Médine, Mikhdaad qui était un fervent Musulman se leva et dit:  "Oh Prophète d’Allah! nous sommes avec vous et nous allons nous battre." 

 

         De son côté, Abou Soufiyane décida de faire un long détour pour rentrer en évitant Badr. Une fois de retour sain et sauf à la Mecque, il envoya un message à Abou Djahal pour qu’il revienne, mais Abou Djahal était trop fier pour rebrousser chemin et voulait écraser les Musulmans avec son armée.

         Les deux armées s’affrontèrent le 17 Ramzane 2 A.H. L’armée musulmane se composait de 313 soldats avec pour tout et en tout 2 chevaux et 70 dromadaires. L’armée mecquoise possédait 900 soldats, 100 chevaux et 700 dromadaires. Ils étaient bien plus équipés que les Musulmans.

         Selon la coutume arabe, la bataille était précédée d’un combat singulier (d’homme à homme). Trois valeureux guerriers, Outbah bin Rabiyah,  Chaybah bin Rabiyah et Walid bin Outbah défièrent les Musulmans. Trois Musulmans, Awf, Ma'ouz et Abdoullah Rawahah s’avancèrent. Ces hommes étant des Ansars de Médine, Outbah dit : "Nous ne nous battrons pas avec vous. Envoyez-nous nos égaux. "

         Le Saint Prophète (s) envoya alors Oubaydah, Hamza et Imam Ali (a). Oubaydah affronta Outbah, Hamza affronta Shaybah et Imam Ali (a) affronta Walid. Hamza et Imam Ali (a) eurent vite fait de tuer leurs adversaires, mais Oubaydah fut gravement blessé et mourut. Les Koraïchites furent perturbés de voir l’adresse des guerriers musulmans et se mirent à attaquer ensemble.

         Le Saint Prophète (s) retint son armée en arrière et les ordonna d’envoyer des flèches aux ennemis. Cette attaque organisée déstabilisa les troupes mecquoises et constatant leur confusion, le Saint Prophète (s)  ordonna une attaque générale. Les Musulmans se mirent à se battre avec conviction et la guerre retentit sur la vallée de Badr.  Imam Ali (a) déchira l’armée mecquoise, tuant les soldats ennemis avec une facilité terrifiante. Sa puissance et son habileté à manier l’épée terrifièrent les Mecquois qui commencèrent à prendre la fuite.  

 

         Peu de temps après, la bataille fut achevée et les Musulmans remportèrent la victoire bien qu’étant moins nombreux que les ennemis.

         Lors de cette bataille, les Musulmans perdirent 14 hommes tandis que 70 Mecquois incluant leurs chefs Abou Jahal, Nawfal, Oumayyah et d’autres encore furent tués. Parmi ceux-là, Imam Ali (a) en tua 36 à lui tout seul et vînt en aide à tuer les autres.

         70 hommes furent prisonniers par les Musulmans. Les prisonniers étaient traités avec beaucoup de bonté par les citoyens de Médine et certains devinrent Musulmans. "Bénis soient les gens de Médine ", dit un des prisonniers plus tard, "ils nous faisaient monter sur des chevaux alors qu’ils marchaient eux-mêmes, ils nous donnaient du blé et du pain à manger quant il en restait un tout petit peu, se contentant de manger des dattes."

         Les prisonniers riches achetèrent leur liberté en s’acquittant d’une rançon. On demanda aux autres d’apprendre à 10 enfants à lire et à écrire tandis que d’autres encore furent lâchés par le Saint Prophète (s) et eurent le droit de rentrer à la Mecque. 

         La victoire de Badr endurcit la foi des Musulmans et mirent en garde les mécréants mecquois contre la force de l’Islam à présent reconnue. La même année, Allah ordonna le jeûne aux Musulmans. C’est ainsi que ce verset du Coran fut révélé :

          le mois de Ramadan est le mois au cours duquel le Coran a été descendu comme guide pour les gens, et preuves claires de la bonne direction et du discernement. Donc quiconque d'entre vous est présent en ce mois, qu'il jeûne! Et quiconque est malade ou en voyage, alors qu'il jeûne un nombre égal d'autres jours.

                                                                              Sourate- al-Baquarah, 2:185


http://www.albouraq.org/histoire/bat_badr.htm
  • e6un7

Comment et pourquoi les ummahs passées ont-t-elles été anéanties?

Photobucket

La société humaine est progressive de nature. Il en est de même de la religion de Dieu et de sa révélation. La révélation progressive de Dieu a été de tout temps et restera à jamais la source de direction la plus efficace pour la société.

Dieu le Tout-Puissant déclare dans le Coran, le livre de sa Loi irrévocable, que lorsqu'une ummah (nation) renie et rejette un messager de Dieu et se complait dans le péché, la cruauté et l'injustice, une nouvelle ummah est élevée pour la remplacer. D'aucun peuvent s'interroger sur la façon dont ce remplacement a eu lieu dans le passé. Comment une ummah a-t-elle pu être anéantie ? Il semblerait qu'il n'y ait jamais eu d'anéantissement total d'un peuple de la surface de la planète. Ces peuples ont plutôt été livrés aux affres de la désunion, de la passivité et de la complaisance, qui se sont infiltrées pernicieusement et progressivement dans leurs rangs.

Le Coran relate plusieurs cas de peuples rebelles ayant subi un châtiment divin. Certains de ces peuples ont connu la désunion, la multiplication des sectes en leur sein, les guerres et les batailles, l'ignorance, la méfiance, l'incompréhension entre leurs membres, la peur les uns des autres, le rejet des messagers de Dieu, l'orgueil et la cruauté, la luxure et l'avidité, le meurtre, le pillage, le matérialisme, les préjugés, la vindicte, la superstition, l'hypocrisie et l'imitation aveugle(...)

Le Coran répond très clairement à des questions telles que : pourquoi les nations du passé ont-elles été maudites par Dieu ? Comment le châtiment de Dieu leur a-t-il été infligé ? Quel a alors été leur destin ?

Le Coran déclare que le châtiment divin est infligé à une ummah lorsque :

1 - Au lieu d'établir un ordre économique juste, elle se complait dans le luxe, le laxisme et l'immoralité ;
"... Et Nous fîmes périr les outranciers."
(Coran, 21:9)

2 - Elle rejette une manifestation de Dieu et se détourne de cette bonté divine ;
"Quant à ceux qui n'ont pas cru, Je les châtierai d'un dur châtiment..."
(Coran, 3:56)

3 - Elle se complait dans l'hypocrisie ;
"... afin qu'Allah récompense les véridiques pour leur sincérité, et châtie, s'Il veut, les hypocrites..."
(Coran, 33:24)

4 - Elle se détourne de l'Appel divin ;
"... Quiconque cependant se détourne, Il [Allah] le châtiera d'un douloureux châtiment."
(Coran, 48:17)

5 - Elle exprime de l'orgueil et de l'arrogance ;
"Et quant à ceux qui ont eu la morgue et se sont enflés d'orgueil, Il les châtiera d'un châtiment douloureux."
(Coran, 4:173)

6 - Elle transgresse les limites ;
"... quiconque après cela transgresse, aura un châtiment douloureux."
(Coran, 2:178)

7 - Son peuple devient malfaisant ;
"Que de cités, donc, avons-Nous fait périr, parce qu'elles commettaient des tyrannies. Elles sont réduites à des toits écroulés..."
(Coran, 22:45)

"Et voilà les villes que Nous avons fait périr quand leurs peuples commirent des injustices..."
(Coran, 18:59)

8 - Elle se complait dans le vice et les pêchés ;
"N'ont-ils pas vu combien de générations, avant eux, Nous avons détruites ...? ... Nous les avons détruites, pour leurs péchés, ..."
(Coran, 6:6)

9 - Elle rejette la nouvelle Manifestation de Dieu ;
"Ils le [Hùd] traitèrent donc de menteur. Et Nous les fîmes périr. Voilà bien là un signe! Cependant, la plupart d'entre eux ne croient pas."
(Coran, 26:139)

10 - Elle commet des crimes de façon régulière ;
"... et ceux qui les ont précédés? Nous les avons fait périr parce que vraiment ils étaient criminels."
(Coran, 44:37)

11 - Elle génère des sectes et des différents ;
"Et ne soyez pas comme ceux qui se sont divisés et se sont mis à disputer, après que les preuves leur furent venues, et ceux-là auront un énorme châtiment."
(Coran, 3:105)

12 - Elle perd espoir en la miséricorde de Dieu ;
"Et ceux qui ne croient pas aux versets d'Allah et à sa rencontre, désespèrent de ma miséricorde. Et ceux-là auront un châtiment douloureux."
(Coran, 29:23)

13 - Elle commet des actes de terrorisme et de violence ;
"... il n'y a de voie [de recours] que contre (le châtiment ne s'adresse qu'à ) ceux qui lèsent les gens et commettent des abus, contrairement au droit, sur la terre: ceux-là auront un châtiment douloureux."
(Coran, 42:42)

A la lumière des versets cités ci-dessus, il est facile de décider si oui ou non les signes mentionnés sont présents dans la société musulmane d'aujourd'hui. Ils le sont sans aucun doute. Comment se pourrait-il donc que cette société ne soit pas soumise à la même honte et aux mêmes châtiments que ceux infligés avant eux aux nations qui leur ressemblaient ? En toute objectivité, ils sont embourbés de la tête aux pieds dans les châtiments mentionnés ci-dessus. Mais ils ont perdu le sens critique et pensent que tout va pour le mieux, qu'ils sont protégés de toute atrocité, bien-aimés de Dieu, et qu'il en sera toujours ainsi :

"Les Juifs et les Chrétiens ont dit: "Nous sommes les fils d'Allah et ses préférés." Dis: "Pourquoi donc vous châtie-t-Il pour vos péchés?""
(Coran, 5:18)

Dans les temps passés, Dieu a perdu et annihilé beaucoup de nations. Les gens imaginent qu'un éclair soudain les a touchés et que tous les habitants de cette nation ont alors disparu. Ceci n'est pas exact. Le terme 'annihilation' signifie que la nation connaît une mort spirituelle et une faillite morale certaines. A ce moment-là, une nation meilleure que la première - en terme de connaissances et d'actes- est édifiée. Le Coran appelle cela le 'Istikhláf, (la Loi de succession des prophètes). Selon le Coran, cette succession a commencé à l'avènement de Adam et s'est toujours poursuivie depuis. Aucune nation ne fait exception à ce processus. Si un musulman se croit exempt de cette loi, il rejette en fait le saint Coran :

"Ou bien est-ce que vous avez obtenu de Nous des serments valables jusqu'au Jour de la Résurrection, Nous engageant à vous donner ce que vous décidez?"
(Coran, 68:39)

Un synonyme de 'Istikhláf, est 'Al-Qíyámah' (résurrection). Lorsqu'une nation atteint sa mort spirituelle et devient la cible du châtiment divin, Dieu répand sa miséricorde sur certains individus de cette nation et d'autres nations. Ils sont amenés à croire en sa nouvelle manifestation ; à l'accepter et deviennent en conséquence meilleurs et pieux. C'est ainsi qu'une nouvelle création voit le jour et qu'une nouvelle nation est édifiée. Donc, en même temps qu'une nation arrive à sa fin, une nouvelle nation commence à prendre forme. Les versets suivants du saint Coran expliquent ce processus très clairement :

"...Puis Nous les avons détruites, pour leurs péchés; et Nous avons créé, après eux, une nouvelle génération (pour leur succéder)."
(Coran, 6:6)

"Nous avons en effet, donné le Livre à Moïse, - après avoir fait périr les anciennes générations ..."
(Coran, 28:43)

Et quel avertissement clair est donné aux musulmans concernant le fait que Dieu édifiera une nouvelle nation à leur place dès que tel en sera son bon plaisir :

"Ton Seigneur est le Suffisant à soi-même, le Détenteur de la miséricorde. S'Il voulait, Il vous ferait périr et mettrait à votre place qui Il veut, de même qu'Il vous a créés [élevés, fait naître, anshaakum] d'une descendance d'un autre peuple."
(Coran, 6:133)

Les Musulmans interprètent normalement cette 'création/naissance' comme étant le réveil du corps des morts de leurs tombes au jour de la résurrection. Toutefois cette interprétation contredit le verset suivant du Coran :

"Salih qui dit: "ô mon peuple, adorez Allah. Vous n'avez point de divinité en dehors de lui. De la terre Il vous a créés [élevés, fait naître, anshaakum], et Il vous l'a fait peupler (et exploiter)."
(Coran, 11:61)

Il est clair que la création du peuple de 'Thamúd' n'est pas d'ordre matériel. Dans un autre verset du Coran, nous trouvons la mention suivante :

"C'est Lui qui vous connaît le mieux quand Il vous produit [élève, fait naître, anshaakum] de terre, et aussi quand vous étiez des embryons dans les ventres de vos mères."
(Coran, 53:32)

Ici encore, 'élevés de la terre', ou 'produits' signifient une nouvelle naissance au sein d'une dispensation et après la venue d'une nouvelle manifestation de Dieu. La terre devient fertile et verte à l'arrivée du printemps, de même en est-il du coeur et de l'esprit des hommes au jour de l'avènement d'une manifestation de Dieu. La terre du coeur et de l'esprit des hommes devient fertile et joyeuse. Ainsi, le Coran fait-il cette comparaison lorsqu'il déclare que Dieu a créé les hommes et les a fait croître à partir de la terre :

"Et c'est Allah qui, de la terre, vous a fait croître [anbatakum] comme des plantes ..."
(Coran, 71:17)

Au sens strict, Dieu n'a jamais élevé ni produit quiconque de la terre au sens matériel. Ainsi le sens de 'créer/élever/naître' (Khurúj) est le sens spirituel mentionné ci-dessus. Chaque ummah a connu sa résurrection spirituelle qui a eu lieu par l'avènement d'une nouvelle manifestation de Dieu. Les musulmans ont également vécu une telle résurrection et en sont conscients:

"Vous avez connu la première création [ennash'atu'l-oulá]. Ne vous rappelez-vous donc pas?"
(Coran, 56:62)

Si cela voulait dire, telle que le prétendent les interprètes du Coran, 'création/naissance' à partir de la terre comme des plantes, Dieu n'aurait pas dit 'ne vous rappelez-vous donc pas ?'.

Il y a deux types de situations dans lesquelles le châtiment divin a frappé une nation dans le passé. La première lorsque la nation commet des erreurs et des péchés mineurs, et s'en repent auprès de Dieu dès qu'elle en prend conscience. Dieu le Miséricordieux pardonne de telles errances :

"Et certes, Nous sauvâmes les enfants d'Israël du châtiment avilissant."
(Coran, 44:30)

"Et Allah n'est point tel qu'il les châtie alors qu'ils demandent pardon."
(Coran, 8:33)

La deuxième situation lorsque la nation toute entière, collectivement, se complait dans des atrocités et des crimes qui appellent la colère de Dieu. Ainsi, un grave péché est, pour un peuple de se moquer de la nouvelle manifestation de Dieu, de rejeter sa proclamation, de la tourmenter et de la déclarer faux messager. Ceci est un péché impardonnable. Lorsqu'une nation commet un tel péché, Dieu lui enlève sa suprématie sur les autres peuples et offre ce privilège à une autre nation. Le plus grand châtiment que Dieu puisse infliger à une nation est de la priver de sa suprématie et de lui faire perdre sa foi en Dieu.

Lorsque l'humanité oublie son créateur et la raison d'être de son existence en ce monde et lorsqu'elle se complait dans le matérialisme, Dieu lui envoie, du fait de sa grande miséricorde, une manifestation afin de la réveiller et de lui offrir la possibilité de revenir à Dieu. Les gens qui acceptent la Manifestation de Dieu et rectifient leur comportement reçoivent le salut, ceux qui la rejettent et persistent dans leurs croyances personnelles sombrent dans les difficultés et sont punis sévèrement. Ceci n'est que justice divine éclatante. S'ils étaient punis sans préavis donné par une manifestation de Dieu, ils diraient que si Dieu les avait prévenus, ils auraient rectifié leur comportement :

"Et si Nous les avions fait périr par un châtiment avant lui (l'avertissement, le Messager), ils auraient certainement dit: "O notre Seigneur, pourquoi ne nous as-Tu pas envoyé de Messager? Nous aurions alors suivi Tes enseignements avant d'avoir été humiliés et jetés dans l'ignominie"."
(Coran, 20:134)

Ainsi, Dieu, le Seigneur de tous les mondes, a choisi de ne pas envoyer de châtiments sans envoyer au préalable une manifestation de Dieu :

"Et Nous n'avons jamais puni [un peuple] avant de [lui] avoir envoyé un messager."
(Coran, 17:15)

Le châtiment divin est donc conditionné par l'avènement d'une manifestation de Dieu. Ainsi, lorsque les gens ont demandé au prophète Muhammad, quand le châtiment divin allait-t-il tomber, c'est-à-dire, quand une nouvelle manifestation de Dieu allait-t-elle apparaître, Dieu a répondu que cela aurait lieu dans un jour qui, selon le calendrier islamique, est égal à mille ans :

"Et ils te demandent de hâter [l'arrivée] du châtiment. Jamais Allah ne manquera à sa promesse. Cependant, un jour auprès de ton Seigneur, équivaut à mille ans de ce que vous comptez."
(Coran, 22:47)

L'Histoire est témoin du fai, au cours de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle et durant le vingtième siècle, les nations de la terre ont été affligées par le châtiment divin, les unes après les autres. Elles ont également vécu la dévastation engendrée par deux guerres mondiales. Pourtant, les nations de la terre restent embourbées dans la haine, la désunion, la guerre, le terrorisme, l'anarchie, la conspiration, la famine, la pauvreté, les privations, l'ignorance, l'analphabétisme, le désordre, la prostitution en tous genres, la luxure, le laxisme, le matérialisme, la recherche du pouvoir et encore bien d'autres signes du châtiment et de la colère divins.

http://www.bahai-biblio.org/centre-doc/ouvrage/preuves-coran/preuves-coran03.htm

  • e6un7

Créer un site internet avec e-monsite - Signaler un contenu illicite sur ce site